Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc... je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris... Bonne lecture.


Chapitre 34

Légilimancie

Le Professeur Rogue trouvait qu'en matière de légilimancie les progrès du jeune Potter restaient largement en deçà de ses possibilités. Il savait qu'Harry ne se soumettait à ces séances avec lui qu'à contrecœur. Le professeur mettait d'ailleurs un malin plaisir à lui offrir des images qu'il répugnait à explorer. Pourtant, en ce jeudi de janvier, la combativité du jeune homme faillit le prendre au dépourvu. Il scrutait son esprit avec méthode. La surprise fut telle qu'il le laissa aller bien plus loin qu'il ne le voulait. Il eut énormément de mal à lui celer ce qu'il n'avait pensé à ôter de son esprit.

Harry força les défenses endormies de Rogue plus facilement qu'il ne l'aurait crû. Il plongea au cœur de sa mémoire sans s'inquiéter de ce qu'il voyait. Il cherchait Bellatrix Lestrange et le reste lui était indifférent. Et il la trouva. La même image navrante d'un Rogue défait devant une Bellatrix triomphante et méprisante. Il sentit l'esprit du Professeur résister davantage tandis qu'il l'obligeait à ramener vers lui d'autres souvenirs pénibles. Il la vit, elle, beauté froide, et son sourire enjôleur. Il sentit la passion que son regard pénétrant faisait naître en lui. Il devina la morsure du désir et de la jalousie. Et l'espoir qu'elle lui donnait aussi… Pour elle, il était prêt à…

- Assez ! Haleta Rogue.
La rupture avait été brutale pour chacun d'entre eux. Harry essayait de rester impassible. Il songeait, quelque peu perplexe, à l'avidité avec laquelle Rogue avait fouillé son esprit le jour de la mort de Bellatrix Lestrange. Rogue avait donc la rancune si tenace, qu'un dépit amoureux pouvait lui faire souhaiter la mort de celle qui l'avait repoussé.
- Vous vous êtes entraîné, Potter, reprit le Professeur. C'est… une bonne chose.
Harry sentit pourtant que ces mots lui arrachaient la bouche. Le Professeur le renvoya brusquement. Harry ne discuta pas. Il fallait qu'il vît Hermione.

Harry entra dans la Salle des Quatre Maisons le cœur plein d'allégresse. Il s'assit à la table d'Hermione, Ron et Neville. Il bouscula un peu Luna qui tourna vers lui un regard un peu absent. Il posa ses coudes sur la table et son menton dans ses poings, dérangeant Pattenrond à demi couché sur les parchemins de sa maîtresse.
- Hermione, il faut qu'on parle !
- De quoi ? demanda Ron.
- De Bellatrix Lestrange ? demanda Hermione calmement.
Ron sursauta. Neville jeta un regard inquiet à Hermione. Luna se désintéressa de son magazine. Harry fit les gros yeux à Ron : il n'avait pu s'empêcher d'ouvrir sa grande bouche, une fois de plus ! Tant mieux, il éviterait ainsi de tourner autour du pot.
- Il a lu dans ton esprit, je le sais. J'ai vu la mort de Bellatrix par tes yeux…
Ron ne le laissa pas finir. Il se pencha en avant, le visage dur et les mâchoires serrées.
- J'en étais sûr ! gronda-t-il. Il t'a obligée…
- Je l'ai laissé faire ! le coupa brutalement Hermione.
Elle reprit pour Harry :
- Il voulait savoir comment elle était morte. Si elle avait souffert, si elle avait su qu'elle allait mourir et si elle avait eu peur…
- Tu… l'as laissé faire ? répéta Ron, abasourdi.
- Il a dit qu'il m'aiderait… Il m'a dit qu'il chasserait ces images de mon esprit si… je le laissais voir ce qu'il voulait…
Elle frissonna. Pattenrond l'interrogea d'un miaulement inquiet. Elle avança la main pour une caresse rassurante.
- Il devait avoir terriblement envie de savoir comment cette femme était morte, estima Luna.
Elle se replongea dans la lecture de son magazine.
- Mais qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire ! geignit Ron, de plus en plus désemparé devant le désarroi d'Hermione. Quand je vous dis que ce type est tordu !
- Je suppose… commença Hermione prudemment. Je suppose qu'il voulait s'assurer qu'elle était bien morte…
- Ou que la manière dont elle était morte était conforme à la vie qu'elle avait menée… dit Neville.
- Il voulait savoir si elle avait souffert autant qu'elle avait fait souffrir, dit la voix de Luna derrière sa revue.
- Oui, acquiesça Hermione presque à regrets. Tout cela à la fois, sans doute. Et peut-être aussi voulait-il savoir s'il pouvait cesser de la haïr…
- Je ne crois pas qu'il cessera jamais de haïr Bellatrix Lestrange, murmura Harry. Pas si sa haine est aussi grande que l'amour qu'il a éprouvé pour elle…
- Quoi ?! fit Ron. Rogue et Bellatrix Lestrange, tu délires !
- Je n'ai pas dit que Rogue et Bellatrix Lestrange s'aimaient, Ron. Précisa Harry. J'ai dit que Rogue avait aimé Bellatrix Lestrange à la folie…

Ron et Neville regardaient Harry avec stupeur. Ils n'arrivaient pas à concevoir que Rogue pouvait éprouver de l'amour pour qui que se soit. A fortiori pour une malade telle que Bellatrix Lestrange.
- Elle était très belle quand elle était jeune, leur annonça Harry avec un sourire. Très belle et très dangereuse. Elle s'est servie de lui, je crois.
- Pourquoi ? souffla Ron.
- Je ne sais pas… avoua Harry. Pour faire du mal à Sirius peut-être ? Peut-être est-elle à l'origine de la haine entre les deux hommes…
- Non ! trancha Hermione. Sirius, ton père et le professeur Rogue se détestaient cordialement dès le début, Harry. Elle s'est sans doute servi de cette haine pour faire du mal à chacun d'entre eux… J'ai l'impression…
- Oui, Hermione… l'encouragea Harry.
Hermione soupira tristement :
- J'ai l'impression qu'elle a détruit sa vie… et que c'est à cause d'elle qu'il est si malheureux… C'est ce que j'ai cru du moins quand il a voulu à tout prix que je le laisse voir sa mort…
Ron se pencha discrètement vers Harry.
- Tu vas voir qu'elle va le plaindre… murmura-t-il.
- Tu crois que Rogue pourrait encore avoir du ressentiment envers elle parce qu'elle l'a repoussé il y a vingt ans ? insista Harry.
- Il y a vingt ans, il ne devait pas être beaucoup plus vieux que nous, calcula Neville. Et Bellatrix Lestrange était déjà une Mangemort… V.. V… Volmeur, réussit-il à prononcer avec quelque difficulté, était au faîte de son pouvoir.
- Si Rogue l'aimait tant que cela, elle aurait pu lui demander n'importe quoi, non ? reprit la voix de Luna.
Ils levèrent tous la tête vers le journal de la jeune fille, d'où dépassaient ses grands yeux bleus écarquillés et sa tignasse blonde.
- Tu… Tu… veux dire qu'il serait devenu Man… Mangemort pour les beaux yeux de cette pourriture ? ânonna Ron. Et qu'ensuite elle l'a laissé tomber en se foutant de sa gueule…
Il y eut un silence. Même le bruit de la salle commune s'était éloigné d'eux. Soudain Ron se rejeta contre le dossier de son siège.
- Waow ! fit-il. Quelle vacherie ! Mais ce n'est pas possible, Rogue est bien trop intelligent pour tomber dans ce genre de piège…
- Tu sais, murmura Harry, quand on est amoureux, on devient parfois très bête…
Ron fronça les sourcils. Il n'osa pas lui demander si c'était lui qu'il visait. Il préféra ajouter :
- Justement, j'ai du mal à imaginer Rogue amoureux…
- Pourtant, je te dis qu'il l'était, assura Harry. Et follement, même.
- Assez pour se retrouver prisonnier du pouvoir de V…Vdmort, recommença Neville.
Harry lui sourit : "C'est bien, Neville, dit-il. Encore quelques efforts et tu y arriveras…" Le jeune Londubat le remercia de ses encouragements par une grimace. Hermione frissonna.
- Il a porté la Marque pour elle, chuchota-t-elle. Il est devenu un assassin pour elle. Quels actes atroces a-t-il été obligé de commettre ?
- Il n'y était pas obligé, la contredit Ron méchamment.
- Il risquait la mort ! reprit Hermione.
- Et alors ? S'il avait eu une once de courage il l'aurait affrontée au lieu de…
- Il n'avait pas vingt ans, Ron ! Il ne s'était pas engagé par conviction profonde ! Par amour, sans doute. Par défi, peut-être, car ceux qu'il détestait s'étaient engagés dans l'autre camp… Mais pas par conviction, j'en suis certaine. Et cette ordure qui lui arrache le cœur par-dessus le marché ! Comment a-t-il pu survivre à tant de rancœur si profondément ancrée en lui ?
Ron la regardait, complètement effaré. Les yeux d'Hermione s'emplissaient de larmes. Elle n'allait tout de même pas pleurer sur le sort de ce sale type !
- Et puis on ne sait même pas ce qui s'est passé ! gronda-t-il encore. Si ça se trouve c'est lui qui a amené l'autre folle chez les Mangemorts ! De toutes façons…! De toutes façons…!
- De toutes façons quoi, Ronald ? demanda Luna, un sourcil levé dans un regard interrogatif.
Ron jeta sa plume sur la table.
- Qu'est-ce que ça peut bien nous faire, hein ? que Rogue soit malheureux à cause de cette foldingue. De toutes façons, c'est à nous qu'il le fait payer !
- Mais moi j'aimerais bien savoir si cette foldingue a un rapport avec la haine qu'éprouvait Sirius pour Rogue… Il avait l'air de savoir beaucoup de choses sur lui…

Hermione jeta un œil inquiet sur Ron. N'allait-il pas prononcer des paroles regrettables ? du genre : dommage qu'on ne puisse pas le lui demander… Il disait des choses si stupides quand il était en colère. Il fronçait justement le front.
- Tu crois qu'elle aurait pu se servir de Sirius contre Rogue ? demanda-t-il.
- Plutôt le contraire ! fit Luna sans lever la tête de son magazine.
Harry hocha la tête.
- Hé bien je crois qu'elle avait l'esprit assez tordu pour que ce soit les deux !
Hermione sursauta en faisant "Oh !"
- Et tu crois que c'est à cause d'elle que Sirius a envoyé Rogue à…
Elle mit ses mains sur sa bouche, les yeux agrandis d'horreur. Qu'avait pu faire Rogue pour mériter pareille réaction ? Et comment, après cette nuit-là, Rogue avait-il accepté de taire sa découverte ? Il tenait pourtant là un moyen de se venger des humiliations des quatre compères.
- Je le saurai ! se promit Harry.
Hermione fit une grimace réprobatrice.
- Je ne crois pas que…
Harry l'interrompit d'un regard implacable. Elle rentra la tête dans les épaules et termina d'une toute petite voix :
- … tu devrais insister dans cette voie, Harry.
- Pourquoi ? demanda-t-il froidement. Crois-tu qu'il se gêne pour fouiller dans mes secrets les plus intimes… il s'en délecte, même…
- Ce n'est pas cela, Harry, reprit Hermione, prudente. C'est juste que les secrets d'un homme aussi amer et solitaire ne peuvent que glacer le cœur…

Pattenrond se leva au milieu de la table. Il posa son regard d'ambre sur Harry et bailla longuement, laissant entrevoir ses crocs pointus. Il fit le dos rond puis s'étira jusqu'au bout des griffes. Enfin, il se tourna vers Hermione et frotta son front contre sa joue. Elle lui rendit sa caresse, d'un geste plein de tendresse. Elle embrassa sa truffe rose et il ferma les yeux sur un ronronnement satisfait. Puis, d'un mouvement souple, il bondit à terre et partit vers la sortie. A mi-chemin, il se retourna et l'appela d'un miaulement bref.
- A demain, Pat ! fit-elle sur un petit signe de la main.
Ron leva les yeux au ciel tandis que le chat orange quittait la salle, les oreilles pointées et la queue en panache pour narguer Miss Teigne qui rôdait dans les parages.
- Tu le laisses sortir la nuit maintenant, se moqua le jeune Weasley, une pointe d'acrimonie dans la voix.
- Oui, répondit Hermione sans prendre garde à la raillerie. C'est une habitude qu'il a prise pendant les vacances…
- Et tu n'as pas peur qu'il t'abandonne pour une quelconque bête à fourrure… continua Ron sur la même voie. Tu imagines, s'il ne rentrait pas parce que lui et Miss Teigne seraient partis filer le parfait amour dans la Forêt Interdite…
Ron se mit à rire à se tenir les côtes. Et le fait qu'il soit le seul à se tordre ne le gênait absolument pas. Luna fit glisser un coin de son journal pour l'observer d'un œil. Neville avait l'air navré et Harry haussa les épaules.
- Il a droit à sa vie privée, répondit Hermione le plus sérieusement du monde. Il ne m'a jamais reproché la mienne.

Luna gloussa derrière sa revue. Neville se pencha vers elle et ce qu'il lui dit la fit éclater de rire. Hermione sourit à demi, sans lever les yeux de son parchemin. Harry cacha un rire derrière une toux intempestive.
- Mais Hermione… fit Ron, dérouté. Ce n'est qu'un chat !
Luna releva la tête :
- Ce n'est pas un chat ! dit-elle le plus naturellement du monde.
- Non ! intervint vivement Hermione. Ce n'est pas UN chat ! C'est MON chat !
Luna hocha la tête et retourna à sa lecture. Neville lui demanda s'il pouvait lire avec elle et elle posa le journal sur la table. Le jeune Londubat rapprocha sa chaise de celle de la jeune fille et sa tête de celle de Luna. Hermione rangea ses parchemins et ses livres. Ron se balançait sur sa chaise et faisait tourner sa plume entre ses doigts. Il aurait bien aimé trouver quelque chose de cinglant à lui dire, mais il était déjà trop tard.
- Tiens-toi bien, Ron ! lui ordonna-t-elle bientôt. Tu es Préfet, tu dois montrer l'exemple.
Il lui fit une grimace. A ce moment, il y eut un "crac" sec et Ron tomba en arrière. Un cri de stupeur monta de la salle, qui se changea en rire quand Ron se releva indemne.
- Seamus Finnigan ! apostropha Hermione sans même se retourner. Tu répares cette chaise tout de suite et tu quittes cette salle aussitôt.
Seamus se leva de sa place et obéit de bonne grâce.
- Excuse-moi, Ron, dit-il en riant encore. Mais c'était vraiment trop tentant ! Je suis désolé, Hermione, je n'ai pas pu m'en empêcher !
- C'est pourquoi, moi, je ne peux faire autrement que de te renvoyer pour le reste de la soirée.
Seamus admit que c'était de bonne guerre. Il fit signe à Dean Thomas de le suivre et ce dernier se hâta de préciser à Ron qu'il n'était pour rien dans cette plaisanterie.

Le jeune Préfet ramassa également ses affaires et quitta la salle peu de temps après eux.
- Tu viens Harry ? demanda-t-il avec froideur.
Harry acquiesça de la tête. Il devait terminer un devoir de Potions et préférait l'intimité relative de la salle de Gryffondor pour le rédiger.
Et tandis qu'ils montaient vers la tour de Gryffondor, Ron lui expliqua en long en large et en travers la nouvelle donne de leur partie d'échec. Harry lui avait raconté son entrevue avec Dumbledore dans le cabinet de l'Hôtel Delacour. Ainsi, Ils-Savaient-Qui croyait jouer contre le directeur de l'école de Poudlard. Qu'à cela ne tienne, il lui ferait un petit échiquier spécialement pour lui. Ron avait ressorti le Cavalier noir, qui lui avait fait part de son mécontentement quant à cet exil inadmissible. En face, il avait renommé les pièces. Le Roi désormais était Dumbledore. Rogue était toujours le fou. Harry approuva. La Tour… La Tour, dit Harry, c'était Poudlard. Le Cavalier c'était l'Ordre. La Dame c'était lui, Harry.
- Alors, si tu étais Voldemort que ferais-tu ? demanda-t-il à Ron, lorsque la Grosse Dame fit pivoter son tableau pour les laisser entrer.
- Je prendrais la Tour, dit Ron laconiquement.

Ils s'installèrent près de la fenêtre. Harry déroula un parchemin à demi couvert de son écriture de pattes de mouche. Il grimaça, il lui faudrait en écrire le double au moins s'il ne voulait encourir les foudres du Maître de Potions.
- Je ne change pas d'avis, Harry, parce que Tu-Sais-Qui s'imagine que Dumbledore est le véritable ennemi. Poudlard enlevée, il aura à sa merci, le directeur, Rogue si celui-ci est vraiment un traître à ses yeux, toi bien sûr et l'Ordre sera décapité. Je suis certain que c'est ce qu'il est en train de faire. Malefoy se fait tout petit en ce moment envers nous. Je l'ai à l'œil, tu sais… Il ne veut pas attirer l'attention sur lui pour le moment, mais je mettrais ma main au feu qu'il manigance quelque chose.
- Tu crois qu'il ferait quelque chose pendant le match de samedi, douta Harry.
- Durant le match, il sera sur son balai ! Et je le vois mal paralyser toute l'école tout en essayant d'attraper le Vif !
Ron, cependant, leva vivement la tête vers Harry :
- Tu as encore vu la Chambre des Secrets ? demanda-t-il avec inquiétude.
Harry secoua la tête. Il n'avait fait aucun rêve de ce genre depuis la rentrée. Sa cicatrice le picotait de temps en temps, mais rien de très probant. Il s'était accoutumé à la douleur. La seule chose qui le troublait c'était cette capacité nouvelle à capter parfois les pensées de gens dont il n'avait que faire. Il lui suffisait de croiser le regard de la personne pour savoir quelles étaient ses réflexions du moment. Il avait oublié d'en parler à Rogue. Il se promit de le faire lors de leur prochaine leçon d'occlumancie. Elle aurait lieu après le match contre Serpentard et il prévoyait une entrevue orageuse, quelle que soit l'issue de la rencontre. Il avait hâte de se retrouver face au Maître des Potions pour lui arracher ses secrets comme il se complaisait à lui voler les siens. Il s'aperçut que Ron le regardait attentivement.
- Et avec Hermione ? Tu en es où ? demanda-t-il le premier pour couper court à ses questions.
Ron entreprit de ranger les pièces du jeu d'échec dans leur boîte. Il haussa une épaule.
- Quelque part entre nulle part et n'importe où, répondit-il amèrement.
- Et ce n'est pas en te conduisant comme tu l'as fait ce soir que cela va changer, estima Harry.
Ron haussa l'autre épaule.
- Mais c'est qu'elle est irritante à parler comme ça de ce type !

Hermione fit son apparition dans la salle commune, les bras chargés de livres et de parchemins. Elle les déposa sur la table à côté de celle de Harry. Puis elle s'approcha de lui, droite et sérieuse.
- Harry, je sais qu'il est tard et que tu n'es pas en avance dans ton travail, mais il faut que nous ayons une conversation sérieuse.
Harry et Ron levèrent des yeux ébahis sur elle.
- A quel propos ?demanda Harry, un peu inquiet sans savoir pourquoi.
- A propos de ce dont nous avons parlé cet été. Nous avons perdu un trimestre déjà et c'est en partie ma faute…
Harry l'arrêta du geste.
- Hermione, je ne sais pas de quoi tu parles !
Elle se pencha vers eux :
- De la manière de vaincre Voldemort !
- Ecoute, Hermione, je ne sais pas si c'est vraiment une bonne idée… estima Harry. Je n'arrive déjà pas à finir ce fichu devoir pour Rogue alors comment veux-tu que je me mette à la magie noire ?
- Je t'aiderai pour tes devoirs… et Ron aussi t'aidera.
Ron haussa un sourcil. Moi ? eut-il l'air de demander.
- Parfaitement ! Ça servirait à quoi que tu aies tes examens si tu dois te faire tuer par Voldemort parce que tu auras négligé de t'entraîner à lutter contre les forces du mal… ?
- Mais, Hermione, essaya encore une fois Harry… Comment veux-tu que j'apprenne la Magie Noire ? Aucun professeur ne voudra me l'apprendre, voyons… et c'est beaucoup trop dangereux pour ne se fier qu'aux livres…

Hermione prit une chaise à la table voisine et s'installa entre les deux garçons.
- C'est pourquoi il faut reprendre l'entraînement à la défense contre les forces du mal !
- Mais nous avons un excellent prof de Défense contre les Forces du Mal ! s'écria Ron.
- Oui, approuva vigoureusement Hermione. Et il faut en profiter ! Ses cours sont vraiment géniaux ! Mais nous n'avons que trois heures par semaine ! Il faut absolument qu'on s'entraîne. Le Professeur Maugrey… je veux dire Barry Croupton Jr nous a enseigné le programme de sixième année, il nous faut en profiter pour l'approfondir. Sais-tu ce que m'a appris Neville il y a un instant ?
Harry songea qu'il n'allait pas tarder à le savoir et il n'était pas certain de le vouloir vraiment.
- Ne vous êtes-vous jamais demandé ce que faisait Algie Londubat avant d'être Professeur à Poudlard ?
- Il a beaucoup voyagé, réfléchit Harry.
- En effet, dit Hermione. Mais avant cela ?
- Il s'amusait à jeter Neville par les fenêtres ? essaya Ron que la perspective d'autres activités imposées rendait nerveux.
- Il faisait partie de la Brigade d'Elite des Tireurs de Baguettes ! Spécialiste des malédictions et envoûtements ! Conjureur de sorts Première Catégorie !
Harry ouvrit la bouche.
- Un expert en magie noire ! réussit-il à dire.
- Crois-tu que c'est un hasard ? chuchota Hermione.
- Dans ce cas pourquoi le Professeur Dumbledore ne m'en a-t-il pas parlé ? s'interrogea Harry.
- Il attend que l'idée vienne de toi, peut-être, proposa Hermione. Tu connais Dumbledore, Harry. Il ne te dira jamais ce que tu dois faire. Il te montre seulement ce que tu pourrais faire…

Harry baissa la tête et ne la releva pas tout de suite. Toutes ces idées se bousculaient dans sa tête. Et le match de samedi qui l'obnubilait.
- Ecoute Hermione, se décida-t-il. Je vais réfléchir. Nous verrons après le match contre Serpentard.
Hermione lui sourit. Il n'avait pas encore complètement accepté l'idée, mais il ne l'avait pas rejetée non plus. Quand la tension du match du samedi serait retombée, il serait plus enclin à parler de magie noire et de défense contre les forces du mal. Elle lui prit son parchemin des mains et lut son devoir avec attention.
- Mais c'est très bien, Harry. Tu devrais juste rajouter quelques lignes sur les autres propriétés de tes ingrédients, et ce serait parfait.
- C'est tout ? s'étonna Harry.
Il était pourtant loin de la longueur de parchemin demandée…
- Tu devrais écrire un peu plus gros, lui conseilla-t-elle. Sauter des lignes et laisser une marge plus large…
- Hermione ! souffla Ron, ébahi par ces conseils qui lui ressemblaient si peu.
Harry promit de recopier son devoir le lendemain en tenant compte de ses avis. Il monta dans la chambre. Il était épuisé. La séance de légilimancie l'avait exténué. Il entendit Ron dire à Hermione que si son nouveau projet se réalisait, ils étaient tous bons pour la potion Pimentine de Mrs Pomfresh.
- Tu n'es pas obligé d'y participer, Ron, répondit simplement Hermione alors qu'elle faisait un signe de la main à Ginny qui rentrait avec Dean.
Les oreilles de Ron se colorèrent vivement.
- N'empêche, reprit Ron. Il ne va plus nous rester beaucoup de temps…
- Du temps pour quoi Ron ? demanda Hermione distraitement.

Elle se leva et entreprit d'entasser ses livres et ses parchemins. Un "Psstt" peu discret lui fit lever la tête vers la jeune Jezebel Dawson. Elle lui faisait des signes de la main pour lui demander de les rejoindre, Ginny, Dean et ses amies de dortoir. Ron lui jeta un regard peu aimable.
- Elle ne va pas remettre ça ! s'inquiéta-t-il. Elle ne va pas recommencer avec ses banderoles lumineuses ! Pas pour le match contre Serpentard !
Hermione lui adressa un demi sourire.
- Il faudra t'y faire, Ronald… C'est ça la popularité !
- A propos de popularité, la retint Ron, un peu maladroitement, comment avance le Tournoi d'échecs ?
- Très bien, fit Hermione. Les tirages au sort des premières éliminatoires auront lieu dimanche après le repas de midi. Tu y participes toujours, n'est-ce pas ?
Ron hocha la tête. Jezebel s'impatientait de l'autre côté de la salle. Elle appuyait ses gestes d'appel et Hermione faisait mine de ne pas la voir.
- Et tu as prévu quoi, pour le trimestre prochain… ? demanda encore Ron.
- Je n'y ai pas vraiment réfléchi encore, répondit Hermione. J'aimerais ne pas être la seule à faire vivre cette Salle Commune, tu sais. Et je n'ai pas l'esprit obtus au point de refuser systématiquement les idées des autres…
Ron se leva pour l'aider à faire tenir ses parchemins sur ses livres.
- Je te l'ai déjà dit, Hermione, tu rêves si tu crois que…
- Merci beaucoup pour ton soutien, Ron… ironisa la jeune fille.
Elle lui prit les rouleaux des mains. S'il disait un mot de plus, quel qu'il soit, elle ne pourrait retenir ses larmes. Ginny s'approcha d'eux, lentement, le regard moqueur posé sur son frère. Il ramassa ses affaires et s'éloigna en traînant les pieds. Il vit sa sœur se pencher vers Hermione et celle-ci secouer la tête, d'un air las. Ginny releva alors la tête et dit assez fort pour que Ron l'entendît, lui sembla-t-il :
- Je me demande comment tu peux lui adresser encore la parole !
- Moi aussi… répondit Hermione avec un pauvre sourire.
Ginny mit son bras sur ses épaules et l'entraîna vers la table où Jezebel l'accueillit d'un "Enfin!" qui tenait plus du reproche que du soulagement.

Toute la journée du vendredi, Harry songea à l'entraînement du soir. Les Serpentard avaient déjà commencé leur campagne de déstabilisation. Ron était leur cible favorite. Ses oreilles virèrent au rouge vif en milieu de matinée, juste à la sortie du cours de Potions, et le restèrent toute la journée. Crabbe et Goyle ne cessaient de le regarder en ricanant, mimant le geste du batteur. Les autres joueurs se moquaient ouvertement des deux batteurs de Gryffondor. Seul Malefoy n'ouvrit pas la bouche. Un demi sourire caustique donnait à son visage l'air d'avoir été figé par quelque sortilège de pétrification partielle. Et ce sourire-là inquiétait bien plus Harry que toutes les menaces de violence physique de Crabbe et Goyle. Il avait énormément de mal à se concentrer sur ses cours. Il ne sentait même plus le picotement désormais familier de sa cicatrice. Il écouta d'une oreille distraite Hermione qui cherchait Pattenrond. Il choqua Luna lorsqu'il ne répondit que par un grognement à une question sans doute existentielle qu'elle lui posa juste au moment où il se demandait comment il pourrait cacher aux espions Serpentard sa tactique de double capitaine.

Les Gryffondor se retrouvèrent dans les vestiaires pour enfiler leur tenue d'entraînement. Harry leur fit un discours, un peu à la manière d'Olivier Dubois avant les matches. Il convint avec ses coéquipiers d'un mot de passe qu'il crierait lors de la passation de pouvoirs entre lui et Ron. Ainsi les Serpentard présents sur les gradins ne sauraient pas ce qu'ils avaient décidé. Il les fit sortir sur le terrain, et Ginny, restée un peu en arrière pour l'attendre, lui demanda s'il se sentait bien. Harry interrompit son geste, alors qu'il s'apprêtait à enfourcher son balai. Il allait parfaitement bien, de mieux en mieux même à présent, qu'il sentait ses équipiers aussi motivés que lui. Ginny hocha la tête, dubitative. Son frère l'interrogea, inquiet de son air perplexe.
- Je me demande ce qu'il va nous faire demain, pour le vrai match… soupira-t-elle. Mais je te jure que s'il me suit encore une fois jusqu'aux toilettes, je lui lance un de ces Chauve-furie dont il se souviendra !
Ron lui tapota l'épaule : "Et encore, toi tu ne dors pas dans le même dortoir que lui !"

L'entraînement fut très satisfaisant. Harry fit travailler l'équipe jusqu'à la tombée du jour. Le froid eut raison des quelques supporters qui s'étaient déplacés pour assister à l'entraînement. Les Serpentard s'éclipsèrent également assez tôt. Harry fut finalement satisfait de chacun. Ils rentrèrent tous se réchauffer dans la salle commune des Gryffondor, devant le feu de cheminée. La vitesse et le vent avaient apaisé l'agitation du jeune Potter. Cette journée l'avait vidé de toutes forces. Il dut faire un effort de volonté pour descendre prendre son repas dans la Grande Salle. Et ce fut là qu'il s'aperçut de l'absence d'Hermione.
- Elle cherche Pattenrond, lui apprit Ron.
Il haussa une épaule dans un geste d'incompréhension. Neville leur fit un signe du menton pour leur désigner Hermione qui se dépêchait de venir prendre sa place.
- Alors ? lui demanda-t-il sur un sourire compatissant.
Elle secoua la tête. Ron lui tendit le plat de service. A nouveau, elle secoua la tête.
- Tu ne vas tout de même pas te rendre malade parce que tu n'as pas vu cette fichue bête de la journée, lui dit-il en remplissant son assiette d'autorité. Si ça se trouve il est tranquillement en train de ronronner sur ton lit, ou dans un coin de la Tour de Gryffondor…
- Mais il n'est pas venu me dire qu'il était rentré ! insista Hermione, un accent inquiet dans la gorge. Il me dit toujours qu'il est revenu avant d'aller faire un somme dans mon dortoir ou dans celui de Ginny.
- Tu as vérifié dans le nôtre ? demanda Ron.
- Oh non ! s'offusqua Hermione. J'y ai envoyé Dean.
Elle porta son pouce à sa bouche et entreprit de se ronger l'ongle avec anxiété.
- Et chez Hagrid ? hasarda Harry.
- J'y ai pas pensé !
Elle se leva d'un bond. Ron la fit rasseoir.
- S'il est chez Hagrid, il connaît le chemin pour rentrer.
- Il a raison, estima Neville tout en se remettant à manger. Moi quand je perds Trevor, je ne le cherche plus. Il revient tout seul ! Ou bien c'est mon Oncle Algie qui me le ramène.

Il fit une grimace pour dire qu'il s'en passerait volontiers. Harry et Ron se mirent à rire. Ron s'interrompit le premier. Hermione paraissait au bord des larmes. Il souffla d'un air agacé.
- Ce n'est quand même pas la première fois qu'il s'en va rôder, tout de même. La maison est grande : vous avez dû vous croiser dans les couloirs. Il a dû se trouver une petite amie quelque part…
Harry faisait signe à Ron de se taire mais celui-ci ne prenait pas garde à lui.
- Et puis quelle idée de se mettre dans des états pareils à cause d'un animal…!
- Mais, fit Hermione qui avait beaucoup de mal à conserver son sang-froid coutumier, toi aussi tu as pleuré quand Croûtard a disparu…

Ron laissa échapper sa fourchette. Il prit une grande inspiration pour dire :
- Oui… ben… justement… tu vois bien que ça n'en vaut pas la peine…
Neville se cacha le visage dans la main et Harry faillit s'étouffer d'effarement. Hermione étouffa un sanglot.
- Oh ! Ron !… hoqueta-t-elle.
Elle mit les mains sur sa bouche, se leva et quitta la table en s'obligeant à ne pas courir. Ginny la regarda passer puis se tourna vers les garçons. Son regard s'étrécit et elle brandit un index menaçant vers son frère. Ron se dépêcha de retourner à son assiette.
- Je crois que j'ai encore dit une bêtise, murmura-t-il.
Il jeta un œil inquiet vers Harry. S'il cherchait une parole rassurante, il fut déçu. Harry le fixait d'un air consterné.
- Continue comme cela, Ron, dit-il, et je pourrais passer pour un spécialiste en psychologie féminine.
- Franchement, Ron, renchérit Neville, il faut vraiment que tu m'expliques. Que tu n'arrives pas à lui dire combien tu l'aimes, je peux le comprendre. Ce n'est pas toujours facile d'ouvrir son cœur, surtout quand on est terriblement maladroit. Mais là ce n'est plus de la maladresse, c'est… du sabotage !
- Moi non plus je ne comprends pas, répéta Harry. Faut-il qu'elle soit à l'article de la mort pour que tu reconnaisses qu'elle compte pour toi plus que tu ne saurais le dire ?
La tête basse, Ron ne répondit pas. Neville repoussa son assiette, un soupir rassasié sur les lèvres.
- Je te le dis, Harry… il a la trouille.
Harry hocha la tête. Il ne comprenait pas vraiment ce que voulait dire Neville. Une inquiétude lui vint soudain :
- Heu… Ron… Tu n'as pas l'intention de jouer comme une patate demain, hein…?