Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc... je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris... Bonne lecture.


Chapitre 35

Une mauvaise journée

Le lendemain, Pattenrond n'avait toujours pas reparu. Hermione était pâle au petit déjeuner. Ron n'osait parler de peur de laisser sa bouche dire une autre bêtise. Il en oubliait les menaces gestuelles de Crabbe et Goyle ainsi que l'inquiétude d'Harry quant au match de l'après-midi.
- Tu veux encore des tartines ? demandait-il bien qu'elle n'eût encore touché à aucune de celles qu'il lui avait préparées.
En désespoir de cause, il ajouta :
- Si tu veux, j'irai le chercher avec toi… après le match, se hâta-t-il de préciser devant le regard désemparé de Harry. Mais je suis sûr qu'il va réapparaître cet après midi, pour fêter la victoire avec nous…
- Alors ce sera une amère victoire… murmura Hermione.
Harry dressa l'oreille et Neville cessa de tremper son pain dans son chocolat.
- Mais tu dis n'importe quoi, fit Ron désespéré.
Elle secoua la tête.
- Depuis cet été ce que tu dis n'arrête pas de se produire. Tu m'as dit qu'on se retournerait sur mon passage à la rentrée, et c'est ce qui est arrivé, mais pas dans le sens où tu le pensais. Tu m'as dit qu'on m'emmènerait derrière le terrain de Quidditch, et c'est ce qui est arrivé. Mais pas comme tu l'entendais. Tu as dit que Pattenrond ne rentrerait pas de sa promenade nocturne parce qu'il filerait le parfait amour avec Miss Teigne dans la Forêt Interdite, et il n'est pas rentré… Alors quand tu dis qu'il va réapparaître pour fêter la victoire… je crois moi que ce sera une victoire bien cher payée…

Elle parlait d'une voix basse et lente, comme lors de son retour de Ste Mangouste. Harry fixait Ron sans comprendre et Neville avait toujours la bouche ouverte au-dessus de son bol. Ron essaya de sourire. Il avança la main vers sa joue sans oser la toucher.
- Mais, mon Hermione, tu sais bien que je ne dis que des bêtises… Pattenrond et Miss Teigne, c'était une plaisanterie…
- Qui n'a fait rire que toi, d'ailleurs, rappela Harry.
Il lançait des regards d'incompréhension à Ron. Il avait l'impression d'entendre parler Luna Lovegood. Justement celle-ci s'approcha de leur table, une chanson sur les lèvres et un chapeau à tête de lion à la main.
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle sur un regard de ses grands yeux bleus autour de la table.
- Pattenrond n'est pas encore rentré, dit Neville.
Son morceau de pain trop ramolli tomba dans son bol et éclaboussa sa robe de sorcier de chocolat. Luna fit tourner sa baguette, les taches disparurent et elle la replanta dans ses cheveux. Puis elle se tourna vers Hermione et lui sourit :
- Ces animaux-là retrouvent toujours leur chemin. S'il n'est pas mort, il reviendra…
Ron eut soudain envie de l'étrangler, là, sur place.
- Il va réapparaître, acquiesça Hermione dans un soupir, puisque Ron l'a dit…
- Tu es devin, Ronald ? demanda Luna, sans surprise.
- Bien sûr que non ! s'exclama Ron.
- Tu en es pourtant à trois prédictions avérées, Ron, se moqua Harry. C'est mieux que Trelawney.
Neville pouffa dans sa tartine :
- On devrait enfermer ce que tu dis dans des sphères de verres et les mettre sous clé au Ministère ! éclata-t-il de rire.
Il leva sa main en même temps que Harry et ils les frappèrent l'une contre l'autre, dans un fou rire partagé. Hermione se leva.
- Mais tu n'as rien mangé, Hermione, fit remarquer Ron…
- Je vais chez Hagrid, au cas où… dit la jeune fille. Je prendrai quelque chose chez lui…

Elle se tourna vers Luna et lui demanda si elle voulait l'accompagner. Elle la suivit en chantonnant. Ron suivit Hermione des yeux tandis que les deux jeunes filles s'éloignaient vers la porte.
- Je n'aime pas la voir dans cet état, murmura-t-il. Je n'aime pas du tout !
Harry lui conseilla de se calmer et de manger pour prendre des forces pour l'après midi.
- Vous l'avez entendue ! Elle disait n'importe quoi !
- Ce qui est vraiment n'importe quoi, c'est d'espérer manger quoi que ce soit qu'Hagrid aurait fait ! dit Harry.
- Ça ne lui ressemble pas du tout ! reprit Ron toutes ses pensées tendues vers Hermione.
- Tu connais Hermione, voulut le rassurer Neville. Elle devient vite irrationnelle quand elle ne parle pas avec sa tête. Elle est si inquiète pour Pattenrond qu'elle ne prend pas le temps de réfléchir de manière cohérente.
- Mais ce n'est qu'un chat ! appuya Ron à voix basse.
- Je croyais que tu l'aimais bien, ce chat, dit Neville en souriant.
- Oui ! Mais ce n'est quand même qu'un chat !
- Va donc dire cela à ton Hermione… se moqua Harry.
- Pourquoi tu dis ça ? demanda Ron, un peu vexé.
- Parce que c'est ainsi que tu l'as appelée il n'y a pas dix minutes, se mit à rire Harry.

Ron leva un sourcil vers Neville qui hocha la tête avec un sourire niais. Il se prépara à quitter la table lui aussi.
- Hé Ron ! le rappela Harry. Toi et ta jalousie chronique, vous n'avez pas l'intention de nous jouer un coup de Troll cet après midi ?
Ron rajusta sa robe de sorcier comme si la remarque de Harry venait de la froisser en même temps que son honneur de gardien de l'équipe de Quidditch.
- Non, Harry. Rassure-toi, ton capitaine en second sera fidèle au poste, ainsi que sa jalousie chronique et sa sempiternelle bêtise. Tu vois, il y aura du monde pour empêcher ces pourceaux de Serpentard de passer !

Contrairement aux angoisses de Harry, l'inquiétude que Ron éprouvait au sujet d'Hermione lui fit oublier celle qu'il n'aurait pas manqué de ressentir s'il avait eu l'esprit à écouter les commentaires des équipiers de Malefoy. C'est à peine s'il entendait les menaces tout juste voilées des deux batteurs de Serpentard. Une heure avant le match, le capitaine réunit l'équipe dans les vestiaires. Il leur rappela les différentes phases de jeu, changea les codes lors du passage au double commandement, puis revint aux précédents, les mit en garde contre les coups en traître de Crabbe et Goyle, et ceux de toute l'équipe de Serpentard, d'ailleurs. Il aurait continué encore longtemps, jusqu'au moment de sortir sur le terrain en fait, s'il n'avait croisé le regard excédé de Ginny. Il laissa tout le monde se préparer et se concentrer chacun dans son coin. Il s'enferma lui-même dans les toilettes, plus pour s'empêcher de retourner les voir un par un que pour rester seul. Il se rendit alors compte que sa cicatrice le brûlait vivement. Il n'avait pas senti la montée de la douleur, les pensées toutes tournées vers le jeu. Elle le saisit brutalement à la tête. Il tomba à genoux, le front contre la fraîcheur de la porcelaine des toilettes. Pas maintenant ! Il fit un violent effort pour fermer son esprit à tout ce qui n'était pas Quidditch. Il poussa un cri de rage.
- Harry ? Harry ! HARRY !
C'était la voix de Ginny. Elle tambourinait contre la porte des W-C.
- Harry ? Tu vas bien ?
Harry eut la nausée. Il vomit tout son déjeuner par-dessus la lunette des toilettes. Il reprit son souffle. Ses jambes tremblaient bien qu'il fût à demi étendu par terre.
- Harry ?
Il ouvrit la porte. Ginny baissa le poing qu'elle s'apprêtait à lancer encore contre le bois.
- Qu'est-ce que tu fais dans les toilettes des garçons ? demanda Harry pour ne pas répondre à ses questions.
- Je t'ai entendu hurler… dit Ginny d'une voix aussi blanche qu'elle. J'ai cru que tu te battais contre Malefoy et puis quand j'ai compris que tu étais seul, j'ai pensé que…
Elle pâlit davantage encore.
- Tu es sûr que tu vas bien ? s'inquiéta-t-elle.
Harry se sentait aussi livide que son amie. Il réussit à sourire.
- Quelle idée de se mettre dans des états pareils pour un match, hein ?
Le regard de Ginny lui dit qu'elle n'était pas dupe.
- C'était… Lui ? insista-t-elle. Qu'est-ce qu'il te voulait ?
Harry hocha la tête.
- Oh rien, je crois, murmura-t-il. Il était dans une rage folle.
- Comme quand Bellatrix Lestrange est morte ?
- Bien pire, Ginny…
- Alors… hésita la jeune fille. C'est plutôt bon signe pour nous, non ?
Harry se voulut rassurant. Il lui sourit.
- C'est très juste. Allons retrouver les autres.

Ils sortirent des toilettes au moment où les Serpentard entraient dans les vestiaires. Quelques ricanements et quolibets fusèrent, mais personne n'osa aller plus loin car Mrs Bibine testait son sifflet quelques mètres plus loin. Ils entrèrent ensemble dans les vestiaires pour une vérification de dernière minute. Ron retint à peine un sourire moqueur. Il jetait sans cesse des regards en coin à Harry.
- Ron… commença celui-ci.
- Tu vas me dire que je me trompe encore une fois…?
- Oui, plus que jamais !
Harry frotta son front. Il lui raconta ce qui venait de se passer. Ce dernier lui donna une claque dans le dos.
- Enfin une bonne nouvelle ! s'exclama-t-il.
Il prit son balai et s'assit à son banc dans l'attente du moment où il faudrait sortir pour affronter les Serpentard. Il baissa la tête. Harry crut qu'il commençait à éprouver le stress d'avant les matches. Il prit place à côté de lui et lui assura que tout ce passerait bien.
- Tu penses qu'elle sera là ? demanda alors Ron, la voix étranglée.
Harry mit un moment avant de comprendre qu'il parlait d'Hermione. Il remonta ses lunettes sur son nez.
- Hé bien, normalement, elle le devrait… On le saura bien vite, de toutes façons…
Lorsqu'ils sortirent, la première chose que vit Ron fut la banderole de Jezebel Dawson et de ses camarades. Il leur fit un grand signe de la main dès qu'il fut en l'air, qui déclencha une ovation chez ses supporters.
- Profite bien de ton moment de gloire, Weasley… Nous compterons tes fans à la fin du match…
Ron n'écouta Drago Malefoy que d'une oreille distraite. Il cherchait des yeux la chevelure brune d'Hermione auprès de Neville et Luna. Il ne voyait que trois chapeaux à tête de lion… Il fonça vers Harry et lui désigna les trois jeunes gens :
- Harry ! hurla-t-il. Je te disais bien qu'elle était en train de perdre la tête !
Harry ne put s'empêcher de rire. Il eut toutes les peines du monde à calmer son ami.
- Mais non ! Ron ! Elle a juste parié que tu ne la traiterais jamais de Vélane !
- Et alors ? demanda Ron tandis que Mrs Bibine appelait les deux capitaines pour les recommandations d'usage avant le coup d'envoi.
- N'est-ce pas ce que tu as fait le soir de Noël ?
Ron reprit sa place. Il fit un petit signe à Hermione. Il venait de comprendre pourquoi Harry avait recraché sa bièraubeurre sur sa robe de gala ce soir-là.

Mrs Bibine rappelait les règles du jeu. Harry et Malefoy s'observaient les yeux dans les yeux. La tension entre eux deux était telle que Mrs Bibine s'interrompit avant la fin de son récapitulatif :
- Et je veux un match correct, les avertit-elle. Pas d'incidents ! Hein ! Du fair-play ! Serrez-vous la main !
Harry et Malefoy avancèrent chacun leur main lentement.
- Dépêchez-vous ! ordonna Mrs Bibine. Vous êtes capitaines ! Vous devez donner l'exemple.

Le sourire de Malefoy mit la rage au cœur de Harry. Lui qui s'était toujours refusé de serrer la main de cette ordure. S'il avait songé plus tôt à ce moment, à n'en pas douter il aurait eu encore plus de sueurs froides. Il avançait toujours sa main et il avait beaucoup de mal à ne pas la fermer en un poing rageur. Lorsque les mains furent à quelques centimètres l'une de l'autre, les deux capitaines cessèrent leur mouvement. Des tribunes, seul le silence leur parvenait.
- Je suppose que c'est tout ce que j'obtiendrai de vous deux, soupira Mrs Bibine.
Elle siffla le coup d'envoi.

Le match fut rude. Les Gryffondor s'y attendaient. Ils ne se laissèrent pas démonter. Dès les premiers échanges, Ron eut peur pour Ginny. Il semblait qu'elle était la cible privilégiée des batteurs et des poursuiveurs adverses. Sans doute s'imaginaient-ils que la seule fille de l'équipe de Gryffondor n'était qu'une petite chose fragile qu'il suffirait de bousculer un peu pour la déstabiliser. Dans les gradins, Dean Thomas hurlait sa colère devant les attaques outrancières dont Ginny faisait l'objet. Seamus dut le faire rasseoir plusieurs fois et Hermione lui lança même un sort de silence lorsque ses injures envers les Serpentard devinrent quelque peu grossières.

Les Serpentard changèrent de tactique lorsqu'ils s'aperçurent que la jeune fille balançait les coups de pieds, les coups de coude, et les insultes aussi bien que n'importe lequel d'entre eux. Ils se rendirent vite compte qu'elle était très habile sur son balai, rapide, agile et précise. Malefoy criait ses ordres. Les cognards volaient dans tous les sens. Ils prirent pour nouvelle cible Jack Sloper l'un des batteurs de Gryffondor. Mrs Bibine sifflait faute sur faute. Les Gryffondor marquèrent cinq buts de cette manière. Ron en marqua deux de son côté, Ginny trois. Il en laissa passer sept. Le score était de cent à soixante-dix en faveur de l'équipe au lion et le Vif-d'Or n'avait pas encore paru. Harry se porta à la hauteur de son gardien. Il lui hurla de se ressaisir un peu. Que s'il le voyait encore une fois regarder vers les gradins au lieu de surveiller ses cercles, il le virait de l'équipe. Ron se renfrogna mais obéit. Après tout, s'il se faisait renvoyer de l'équipe, cela ne lui rendrait pas Hermione pour autant. Il se ressaisit donc. Ce qui lui valut d'être la cible des cognards de Crabbe et Goyle. Il en prit un dans le dos, un autre dans l'épaule, un troisième un peu plus tard dans le genou. Le quatrième il ne le vit que trop tard. Il le reçut en pleine face. Il entendit le cri de la foule tout en bas mais n'osa pas baisser les yeux pour voir ce qu'en pensait Hermione. Il avait déjà assez de mal à se retenir sur son balai. Il sentait la chaleur de son sang sur son visage et dans sa bouche. Il rouvrit les yeux avec difficulté. Harry était près de lui. Il n'entendait pas ce qu'il lui disait. Il ne voyait que le poursuiveur de Serpentard qui marquait son huitième but. Le rire de Malefoy lui noua les entrailles, plus que la douleur. Il distingua le nom de Mrs Pomfresh parmi les cris de Harry.
- Non ! Ça va ! hurla-t-il à son tour.

Il plongea dans le jeu à nouveau. Ils allaient lui payer ça, ces racailles de bas étage. Ils allaient voir comment se battait un Gryffondor blessé, dans sa chair et dans son orgueil. Il fonçait dans le tas, bousculant les poursuiveurs adverses. De l'épaule, il bascula Goyle occupé à viser Ginny. Il vola le souaffle dans les mains d'un adversaire –il ne vit même pas lequel– et s'en alla marquer son troisième but personnel. Il entendit l'ovation des gradins de Gryffondor, et par-dessus la voix des filles qui scandaient Ronald ! Ronald ! Ronald ! Des éclairs lumineux lui parvenaient du public mais il n'aurait su dire s'ils étaient dus aux banderoles clignotantes ou à ses yeux. Il avait quelques éblouissements depuis qu'il avait encaissé le cognard dans le visage. Il lui tardait d'entendre Harry crier…"Chimère!"… Ron tourna la tête, car il ne pouvait plus bouger ses yeux, gonflés par le choc. Malefoy et Harry plongeaient tous les deux vers le même point d'or. Tenir ! Tenir le coup encore quelques minutes ! C'était tout ce qu'il demandait. Il cria pour se remettre dans le jeu. Le sang se remit à couler de son nez et sa bouche devait avoir doublé de volume. Le vent sur sa figure lui faisait un mal de chien. Il leur ferait payer cher ! Il leur ferait avaler leurs cognards à ces deux brutes. Même s'il devait entendre ces foutues cloches tout le reste de sa vie !

Harry garda un œil inquiet sur son capitaine en second quelques secondes. Lorsqu'il fut certain que Ron avait la situation en main, il revint au Vif-d'Or. Ces quelques secondes perdues suffirent à Malefoy pour revenir à la hauteur de Harry. Le jeune Potter glissa un regard de côté. Perplexe, il se demanda pourquoi Drago le fixait lui, au lieu de fixer le Vif-d'Or devant eux, si proche et pourtant encore inaccessible. Il arborait le même sourire que le matin, dédaigneux et si sûr de lui. Soudain, Harry sut ce que le Serpentard comptait faire. Il se décala quelques dixièmes de seconde avant que Drago ne bougeât. L'épaule de Malefoy ne rencontra que le vide. Déséquilibré, le capitaine de Serpentard fit un écart et Harry reprit l'avantage. Il se coucha sur son balai. Il tendit la main. Encore quelques centimètres. Il entendit crier Ronald ! Ronald ! tout en bas. Il sentait Malefoy qui se rapprochait. Et puis soudain, au moment même où Harry refermait la main sur la balle d'or, Malefoy rompit le combat.
- Potter !
Harry crut à une exclamation de dépit. Il tourna la tête. Malefoy souriait.
- Adieu !

Un cri monta de la foule. Ronald ! Ronald ! Il brandit le poing pour que Mrs Bibine pût siffler la fin de cette rencontre épuisante. Il reçut le premier coup à sa tempe gauche. Le second, il ne le sentit presque pas. Il était déjà sonné. Il y eut un long hurlement puis se fut le silence de la chute. Et dans sa tête une voix qui disait : elle n'a pas sifflé ! Elle n'a pas sifflé !

Ron entendit en même temps le coup de sifflet final et le cri de panique du public. Il distinguait en bas la tribune des professeurs en pleine agitation. Mrs Bibine hurlait des horreurs à Crabbe et Goyle et menaçait de les exclure à vie d'un terrain de Quidditch. Ron savait qu'elle n'en avait pas le pouvoir, mais l'idée seule lui procura un sentiment de satisfaction bienvenu. Il crut la voir sortir sa baguette et foncer vers…
- HARRY !
Il plongea lui aussi, les yeux écarquillés pour lutter contre les boursouflures qui les lui fermaient à demi. Mrs Bibine cria une incantation. Il lui sembla que la chute d'Harry et de son balai ralentissait. Il reconnut le chapeau et la robe sombre du Professeur McGonagall. Elle levait sa baguette. Algie Londubat était là également. Ils reçurent le jeune homme sur l'herbe humide. Et Ron sut que Gryffondor avait gagné le match lorsqu'il vit s'ouvrir la main de son ami. Il mit pied à terre en même temps que le reste de ses équipiers. Ils se précipitèrent mais le Professeur Rogue les tint à distance.
- Il est inconscient ! dit le Professeur Londubat. Vite ! A l'infirmerie.

Toute l'école débarquait sur le terrain, les Gryffondor en tête. Ron était atterré. Il regarda les professeurs emmener Harry. Ginny ramassa son balai, tout aussi effondrée. Les supporters étaient abattus, comme pour une défaite. Ils suivirent de loin, en un cortège bruissant d'interrogations, le corps inanimé de leur héros. Seuls Neville, Luna et Hermione restèrent sur le terrain, auprès de Ron, leurs chapeaux encore sur la tête.
- Tu devrais aller à l'infirmerie, toi aussi, Ronald ! dit Luna.
Neville écumait de rage.
- Si je les tenais ! Si je les tenais !
Il jeta un regard mauvais à l'équipe des Serpentard qui quittait le terrain. Malefoy laissa tomber sur eux un sourire hautain.
- Mauvaise journée, hein, Weasley ? fit-il lorsqu'il passa devant eux. Et elle n'est pas finie…
Ron sentit sur son bras la main d'Hermione. Il ravala les paroles acerbes qu'il avait à la bouche. Il baissa les yeux sur la jeune fille et fut pris d'un tremblement nerveux. N'avait-elle pas dit que la victoire serait amère ? Il se traita de stupide. Sans doute le coup qu'il avait reçu à la tête le faisait divaguer.
- Tu ne te sens pas bien ? demanda Neville devant la pâleur soudaine de Ron.
- J'ai la tête comme un chaudron, réussit-il à dire malgré la douleur dans sa bouche, son nez, son front, ses yeux, et toutes ces parties de son visage dont il n'avait même pas conscience qu'elles existaient. Je ne me sens pas bien. Tu… tu veux m'accompagner voir Mrs Pomfresh, Hermione ?
- Je suppose que je peux faire pour toi ce que tu as fait pour moi…
Il ne vit pas qu'elle échangeait un sourire avec Neville.
- Nous vous attendrons dans la salle des Quatre Maisons, Luna et moi ! déclara ce dernier. N'est-ce pas Luna ?
- Oui, oui, fit la jeune fille.
Hermione ôta son chapeau et le tendit à Neville. Puis elle prit le balai de Ron de ses mains et lui présenta son bras.
- As-tu besoin de t'appuyer sur moi, ou bien peux-tu marcher seul ?
Ron ne réussit pas à déterminer si la sollicitude ou le sarcasme dictait ses mots à la jeune fille. Il décida qu'elle lui témoignait là son inquiétude et il prit son bras. Ils remontèrent jusqu'au château. Ron souffrait de plus en plus. Ceux qu'ils croisaient ouvraient des yeux exorbités sur son visage et il se dit qu'il ne devait pas être très beau à voir. Dans le hall, ils trouvèrent les supporters et l'équipe qui descendaient de l'infirmerie d'où on les avait chassés. Jezebel Dawson poussa un grand cri en apercevant Ronald. Il l'arrêta du geste et Ginny se hâta d'éloigner la jeune fille. Hermione confia le balai de Ron à Dean, qui portait déjà celui d'Harry. L'équipe se regroupa autour du capitaine en second.
- Laissez-nous passer, disait Hermione. Ron doit absolument voir Mrs Pomfresh de toute urgence. Je crois qu'il a le nez cassé.
Tous s'écartèrent.
- Vous nous donnerez des nouvelles d'Harry quand vous redescendrez, n'est-ce pas, leur cria Dean depuis le hall.
- Des nouvelles d'Harry ! Des nouvelles d'Harry ! grommela Ron comme il put. Et moi je ne compte pas !
Hermione lui tapota le bras : Mais si ! Mais si ! dit-elle distraitement.
- Tu crois que c'est parce que j'ai laissé passer tous ces buts ?
- Mais non ! Mais non !
- Tu t'en fiches ! Tu n'écoutes pas ce que je dis ! reprocha Ron.
Il essuya du revers de sa manche le sang qui recommençait à couler sous son menton.
- Comment ? fit Hermione. Mais non !
- Peux-tu me dire à quoi tu penses quand je suis en train de me vider de mon sang ? s'énerva un peu Ron.
Il se serait mordu les lèvres s'il l'avait pu. Elle allait encore le traiter d'insensible, alors qu'elle pleurait la disparition de son chat.
- Je me disais juste que Malefoy avait eu une attitude étrange pour un vaincu, tu ne trouves pas…?
- L'idée de savoir Harry à l'infirmerie a dû le consoler de sa défaite… proposa Ron. Oh mince, Hermione ! Ça saigne de plus en plus…

Ils continuèrent jusqu'à l'infirmerie en courant presque. Hermione avait plaqué son mouchoir sur le nez de Ron et il était déjà imbibé de sang. Ils pénétrèrent dans l'infirmerie en hâte. Mrs Pomfresh sortit de derrière le rideau qui cachait le lit de Harry, le visage sévère, prête à mettre dehors ces curieux qui l'empêchait de faire son travail correctement. Elle changea de tête lorsqu'elle les aperçut. Elle se précipita vers Ron pour le faire asseoir.
- Pom-Pom ! Où allez-vous ? Nous avons besoin de vous !
Ron et Hermione échangèrent un regard effrayé : Dumbledore était au chevet d'Harry. Etait-ce donc si grave ?
- J'arrive ! disait Mrs Pomfresh tandis qu'elle examinait le visage de Ron.
- C'est arrivé quand ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils. En début de match ? Et comment voulez-vous que je vous arrange ça maintenant ? Pourquoi n'avez-vous pas attendu la semaine prochaine pour venir me voir ? Ah ces garçons vraiment !

Elle releva le visage de Ron sans s'inquiéter de ses grimaces douloureuses. Elle agita sa baguette. Ron respira soudain plus librement et sa bouche lui fit moins mal.
- Pom-Pom !
- Une minute, Professeur ! pria Mrs Pomfresh.
Elle se tourna vers Hermione.
- Qu'est-ce que vous faites encore là, vous ? Rendez-vous utile !
Elle sortit une bassine et des linges qu'elle tendit à la jeune fille.
- Vous savez où est l'eau. Débarbouillez-le d'abord et je vous donnerai ensuite de quoi lui arranger sa fichue tête de mule. Et doucement ! conseilla-t-elle. Ça fait mal !

Elle rejoignit Dumbledore derrière le rideau, tout en secouant la tête. Hermione remplit la bassine d'eau froide et entreprit de nettoyer le sang coagulé sur le visage de Ron. Il essayait de ne pas trop grimacer ; tout d'abord parce qu'il souffrait le martyre chaque fois qu'il plissait le nez ; ensuite parce qu'Hermione lui avait déjà demandé deux fois s'il voulait qu'elle lui cède la place et qu'il savait qu'elle ne le lui demanderait pas une troisième fois. Elle changea l'eau rougie de la bassine et recommença à essuyer son front tout bleu, ses yeux presque fermés, son nez violacé, ses lèvres enflées et ses joues éclatées.
- Tu as très mal ? demanda-t-elle enfin doucement.
Ron hocha la tête. S'il disait non elle ne le croirait pas. S'il disait oui, il passerait pour un douillet. Il ferma les yeux parce qu'il ne pouvait plus les tenir ouverts. Il devina son souffle chaud sur sa peau tuméfiée. Et juste en bas de sa joue gauche, au coin des lèvres, le seul endroit de son visage qui restait indolore, il sentit un baiser, léger comme une caresse. Il rouvrit les yeux quand elle s'éloigna. Il voulut parler mais elle mit son index sur ses lèvres blessées.
- Chut ! dit-elle. Je te rends le baiser que tu m'as donné le jour de notre retour de vacances. L'ardoise est effacée. Tu es d'accord ?
Ron hocha la tête encore une fois. Bien sûr qu'il était d'accord. Il l'observait entre ses paupières gonflées, qui changeait une fois de plus l'eau de sa bassine. Elle appliquait son linge trempé d'eau glacée sur son visage. La chair de poule ne le quittait pas, mais il avait bien conscience que ce n'était pas à cause du froid.

Mrs Pomfresh revint vers eux, pressée. Elle vérifia le visage de Ron, appuya sur les endroits sensibles et soupira d'exaspération.
- Je suppose que montrerez vos ecchymoses demain comme autant de médailles ! grogna-t-elle. Cela ne m'étonne pas de vous ! On est particulièrement stupide chez les Weasley quand il s'agit de Quidditch. Et votre frère William a tenu tout un match avec un bras cassé…
- Ch'est Chalie ! essaya de dire Ron.
- Hein ? Ah ! oui Charlie ! Mais je suis sûre que William n'a pas fait mieux !
Elle tendit une fiole à Hermione.
- Donnez-lui cela, pour calmer la douleur. Il dormira mieux cette nuit. D'ailleurs, je le garde sous surveillance. Et veillez à ce qu'il boive tout, jusqu'à la dernière goutte. C'est courageux sur un balai, mais ça grimace dès qu'il faut avaler une purge !
Hermione retint Mrs Pomfresh par le tablier.
- Comment va Harry ? demanda-t-elle d'une petite voix.
La guérisseuse hocha la tête.
- Il n'a aucune blessure. Il a perdu connaissance. Le Professeur Rogue et moi-même…
Ron sursauta. Pourquoi Rogue était-il là ? Que faisait-il à Harry ?
-…nous assurons qu'il ne sombre pas dans un coma plus profond. Et vous, buvez tout ! si vous voulez passer une bonne nuit et montrer vos contusions à vos admiratrices demain. Ah ! Où avais-je la tête !
Elle plongea la main dans la poche de son tablier et en ressortit une petite boite d'onguent. Elle la mit dans la main d'Hermione et lui montra Ron d'un index impératif. Elle retourna à pas vifs vers le rideau qui cachait Harry.
- On commence par quoi ? demanda Hermione.
Elle tenait la fiole d'une main et l'onguent de l'autre. Ron leva la main vers l'onguent et tendit son visage aux doigts d'Hermione. Elle étala consciencieusement la pommade sur les plaies du jeune homme. Il aurait pensé qu'elle aurait fait preuve d'un peu plus de douceur dans ses gestes.
- Aïe ! fit-il plusieurs fois.
- Tu es plus douce avec ton chat ! réussit-il à grognonner.
Il observa sa réaction, tétanisé. Pourquoi fallait-il qu'il dise toujours ce qu'il ne fallait pas. Elle sourit pourtant tandis qu'elle reprenait un peu d'onguent sur ses doigts.
- C'est qu'il ne me traite et ne me parle qu'avec douceur… répondit-elle.
- …parle pas… !
Hermione évita son regard à demi ouvert.
- C'est la preuve qu'on n'a pas forcément besoin de parler pour dire à quelqu'un qu'on l'aime…

Il ouvrit la bouche et elle tartina de pommade ses lèvres meurtries.
- Tu ne trouves pas que c'est louche, cette histoire ? reprit-elle aussitôt à voix basse, toujours sans le regarder. Je veux dire : Malefoy qui quitte le terrain presque satisfait et le Professeur Rogue confiné avec Harry à l'infirmerie.
Ron s'agita sur sa chaise : enfin, elle ouvrait les yeux ! Il retint son poignet pour pouvoir parler.
- Je suis heureux de te l'entendre dire ! arriva-t-il à articuler.
Elle haussa les épaules et les sourcils.
- Parce que si le professeur Rogue est ici, poursuivit-elle sans se donner la peine de relever la remarque du jeune homme, qui surveille Drago ?
Ron leva le doigt comme pour dire : s'il le surveillait vraiment !
Hermione essuya ses doigts aux linges que Mrs Pomfresh avait apportés. Ron attrapa la manche de la robe de la jeune fille pour attirer son attention.
- Tu ne penses pas le suivre, ou quelque chose comme ça… mâchonna-t-il précipitamment. Tu sais ce qu'a dit papa…
Elle ne répondit pas et regarda ailleurs. Il tira sur la manche et l'attira plus près de lui.
- JE NE VEUX PAS… ! articula-t-il avec impatience.
Mrs Pomfresh sortit la tête de derrière son rideau :
- Je vous ai dit de tout boire ! Si vous voulez sortir de cette infirmerie demain ! Miss Granger, faites preuve d'un peu d'autorité, je vous prie.
Hermione se dégagea vivement et repoussa Ron, agacée.
- Je comptais juste emprunter sa carte à Harry ! s'énerva-t-elle.
- Oui, souffla Ron. Et si tu avais vu son nom apparaître sur le parchemin tu serais allée au devant des problèmes ! Toute seule !
Elle haussa à nouveau les épaules :
- J'aurais demandé à Neville de m'accompagner !
- Pff ! fit Ron qui le regretta aussitôt.
Hermione se détourna. Elle prit la fiole de remède et la mit dans la main de Ron, l'invitant à obéir à Mrs Pomfresh.
- Ce n'est pas possible, Ron ! On ne peut avoir une conversation sérieuse sans se disputer ! Et pourtant…
Elle pinça son front entre ses deux yeux et secoua la tête dans un soupir.
- Je reviendrais après le repas, pour avoir des nouvelles d'Harry.
Elle sortit de l'infirmerie sur un dernier regard au rideau qui s'agitait.

Elle descendit vers la salle des Quatre Maisons où elle savait que Neville et Luna attendaient des nouvelles. Comme elle le prévoyait, la fête était triste. Isadora Marchinson vint vers elle la première, les larmes aux yeux, pour demander des nouvelles d'Harry. Elle fit approcher tout le monde pour n'avoir pas à répéter trente six fois les mêmes mauvaises nouvelles. Isadora s'en fut en pleurant, entourée de ses amies. L'équipe de Quidditch était effondrée. Ils demandèrent des nouvelles de Ron et savoir qu'elles étaient meilleures ne les aida pas à retrouver le sourire. Jezebel Dawson déclara à qui voulait l'entendre qu'elle irait voir Ronald après le repas pour avoir des informations plus fraîches en début de soirée. Hermione haussa une épaule et lui assura qu'il serait heureux d'avoir de la compagnie.
- Tu lui en veux ? demanda Luna.
Hermione croisa le regard de Neville.
- Vous vous êtes encore disputés ?
- Oh ! Neville ! soupira Hermione. Il est si borné parfois…
- Parce que toi tu ne l'es pas ! dit Luna.
- Oh ! sans doute, je suis bornée, autoritaire et dirigiste ! Et combien de défauts ai-je encore dont on n'a pas trouvé le nom !
- Tu n'es pas très indulgente… continua Luna.
- Indulgente ! se mit à rire Hermione. Envers Ron ! Mais combien de fois crois-tu que je lui ai pardonné ses paroles, sa conduite envers moi ? Je lui ai même pardonné d'avoir pris la fuite juste après que nous ayons échangé notre premier baiser ! Alors ne viens pas me parler d'indulgence !
Luna fit "Oh !" Elle se mit à enrouler consciencieusement une mèche de ses longs cheveux blonds autour de son doigt.
- Alors ? reprit Hermione. Tu n'as rien à dire à cela. Du genre : mais moi ça ne m'aurait pas dérangée…
- Si, cela m'aurait dérangée… et je le lui aurais dit ! répondit Luna. Et toi, tu le lui a dis que cela ne t'avait pas plu outre mesure.
Hermione mit ses coudes sur la table, écrasant les chapeaux dont les têtes de lion protestèrent, et son visage dans ses mains.
- Pardonnez moi, les pria-t-elle. Je n'avais pas vous parler ainsi. D'abord Pattenrond, ensuite Harry et Ron…
Elle sentit la main de Neville sur son poignet.
- Ce n'est rien, Hermione, lui sourit-il. C'est une mauvaise journée, c'est tout…
- On dirait que tu en as eu beaucoup des mauvaises journées depuis quelque temps… ajouta Luna.
Neville fut sur le point de lui faire gentiment un reproche. Hermione se mit à rire doucement.
- Oh ! Luna ! si tu savais…
Un cri d'épouvante les fit tressaillir. Hermione se retourna lentement, prête à tout de la part de Dawson. Elle se figea d'abord. Puis elle bondit hors de sa chaise vers le milieu de la salle. Tous les visages étaient tournés vers elle. Elle ne voyait que Dobby brusquement apparu. Effrayé, l'elfe tenait dans ses bras le corps ensanglanté de Pattenrond.