Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc... je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris... Bonne lecture.
Chapitre 36
Lendemain de Match
D'abord il y eut la chute dans l'ombre. Une chute interminable qu'il n'essaya pas de stopper. Il écoutait de tous ses sens. Il attendait le coup de sifflet qui annoncerait la fin du match. Il n'existait que pour cette balle dorée qui tentait désespérément de fuir sa main. Il la sentait vibrer encore dans sa paume tandis qu'il tombait sans fin. Puis il se mit à flotter et plus rien n'eut d'importance. Il sentait toutes ces présences autour de lui et toutes lui étaient indifférentes. Il n'avait plus froid. Il n'avait plus mal. Il flottait hors des contingences du monde. Comme dans ces moments de demi conscience juste avant le sommeil, quand l'esprit est prêt à se laisser sombrer. Sauf que son esprit ne sombrait pas. Un fil ténu le retenait encore dont il essayait de se défaire. Il y avait toutes ces pensées autour de lui. Des voix. Des cris. Des esprits tellement confus. Et une angoisse qui l'étreignit si fort qu'elle manqua l'étouffer. Il plongea à nouveau dans un tourbillon d'émotions diverses qu'il n'arrivait plus à repousser. Il se débattait comme pour garder la tête hors de l'eau. Il ne voulait pas, non, il ne voulait pas revivre ces moments douloureux… Il voulait rompre le lien qui le maintenait entre deux mondes. S'il se laissait sombrer, tout serait fini. Plus rien ne le ferait souffrir. Plus de rêves accablants. Plus de pensées volées. Plus jamais cette brûlure dans son âme chaque fois qu'il savait que Voldemort était dans son esprit, intentionnellement ou non. Il voulait crier qu'on le laisse. Des images encore le frappaient de plein fouet. Des images violentes qui ne lui appartenaient pas. La mort. La mort partout autour de lui. La douleur aussi. La même que celle qu'il avait déjà ressentie quand Voldemort s'était emparé de son corps. Et celle du doloris qu'il lui avait infligé dans le cimetière. Elles se mêlaient ensemble. Elles étaient intolérables. Et la peur. Elle montait en son cœur, épaisse et étouffante. Une peur irrationnelle. De quoi avait-il si peur ? De mourir ? Non. Il savait ce qu'était la mort. Il connaissait son odeur et son toucher irréels. Cette indifférence soudaine et bienfaisante. Ce glissement vers… Il y eut un grand cri, de révolte, de désespoir et d'amour. Et la douleur à nouveau, brûlante, dans tout son corps, comme les braises qu'un souffle inattendu ravive. Le fil qui le reliait au monde se rompit. Mais il ne sombra pas non plus cette fois encore. Il avait mal partout. Sa tête surtout était un tambour.
- Il est à nouveau avec nous… entendit-il très loin.
- Oui, je vous l'ai ramené… haleta une autre voix.
- Pom-Pom, à vous de jouer…
Il sentit un liquide couler entre ses lèvres. Ses yeux s'entrouvrirent sur un brouillard éclatant de blancheur. Et la nuit fut à nouveau tout autour de lui.
Le professeur Dumbledore soutenait Severus Rogue tandis que Mrs Pomfresh l'aidait à s'étendre sur un lit de l'autre côté du rideau blanc où reposait Harry. Il leva un regard vers le lit près de la fenêtre sur lequel Ron Weasley était allongé, dans sa tenue de Quidditch encore tachée de sang.
- Il dort, souffla Mrs Pomfresh avant de s'éloigner vers son armoire à potions.
Rogue se mit alors à rire. C'était un rire étrange, plein de dérision et d'amertume.
- Je le savais ! pantela-t-il. Je le savais !
Il se redressa sur le lit et fixa Dumbledore :
- Avez-vous une idée de ce qui s'est passé ce soir-là, Monsieur ? demanda-t-il dans une joie sardonique.
Dumbledore hocha la tête.
- Je le devine, Severus. Comme Voldemort a deviné que le sacrifice de sa mère avait sauvé Harry.
Le rire de Rogue se fit douloureux.
- Sauvé ? Elle a fait de lui un survivant. Croyez-vous que ce soit là le vrai sens du mot sauvé, Professeur ?
Rogue retomba sur le drap blanc. Ses longs cheveux noirs faisaient une tache sur le lit et son visage était exsangue. Dumbledore se pencha sur lui avec inquiétude. Sa voix n'était plus qu'un souffle :
- Bellatrix… tu avais raison. Mais qu'aurais-tu dis si tu avais su que tu devais la disparition de ton Maître adoré à une Sang-de-Bourbe…
- Severus…murmura Dumbledore.
Rogue tourna son regard sombre vers lui. Il plongea ses yeux noirs dans les yeux bleus du vieux professeur :
- Les mots ne suffiraient pas, exhala-t-il dans un souffle.
Dobby déposa le corps de Pattenrond sur la première table à sa portée. Les jeunes gens qui s'y trouvaient bondirent de concert. Le chat expira dans un râle profond. Hermione se précipita. Pattenrond avança la patte, ses yeux entrouverts paraissaient blancs. Elle caressa sa tête et un ronronnement monta de la gorge de l'animal blessé.
- Il faut l'emmener au Professeur Hagrid.
Hermione leva la tête vers Luna. Oui ! Tout de suite. Chez Hagrid.
- Il va le soigner, continuait Luna. Il est très doué avec les créatures magiques.
Dobby se mit à sangloter, les mains sur son visage.
- Hermione Granger est en colère ! Hermione Granger est en colère contre Dobby !
- Pourquoi Hermione serait-elle en colère contre toi, Dobby ? demanda Neville. Ce n'est pas toi qui a fait cela.
- Oh ! non ! Dobby n'a rien fait ! Dobby l'a trouvé près de la cuisine. Dobby sait que c'est un ami d'Hermione Granger ! Du sang ! Du sang partout ! Dobby a suivi le sang et il l'a trouvé. Dobby n'a rien fait ! Winky voulait qu'on le laisse là ! Winky a dit qu'ils se débrouillent ! Mais Dobby sait qu'Hermione Granger le cherche depuis deux jours ! Oh ! Non ! Non ! Dobby n'a rien fait ! Rien !
Il sanglota de plus belle. Hermione enveloppa le chat dans le manteau que Luna lui tendit, avec des gestes pleins d'appréhension. Il grognait par moment, et léchait doucement sa main quand elle passait à portée de sa gueule. Elle le serra contre elle. Neville demanda à Luna de l'accompagner tandis qu'il commandait à l'elfe de maison de nettoyer le sang dans la pièce. Dean, Seamus et Ginny se précipitèrent vers le jeune homme. Ils venaient d'arriver et avaient croisé Hermione et Luna avec Pattenrond.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? s'inquiéta Ginny.
- Je ne sais pas, répondit Neville sincèrement. Mais je crois que ton frère va finir par me faire peur…
Hermione et Luna coururent jusqu'à la cabane de Hagrid dans le vent froid de janvier. Elles étaient glacées quand le garde forestier leur ouvrit la porte, étonné d'une visite à cette heure tardive.
- Oh ! Ben ! Ca alors ! laissa-t-il échapper lorsque Hermione déposa sur la table le paquet qu'elle portait contre elle. Qu'est-ce qui lui est arrivé ?
- Je ne sais pas ! souffla Hermione. Dobby l'a trouvé près des cuisines. Il vient de le ramener. Oh Hagrid ! qu'est-ce qui va arriver encore ?
Elle éclata en sanglots. Hagrid s'approcha de l'animal blessé tandis que Luna promenait son regard absent autour de la pièce unique qui servait de demeure au professeur de soins aux créatures magiques.
Il examina les blessures. Il en avait plusieurs à la gorge et une, monstrueuse, au côté. Elle ouvrait son flanc de deux entailles nettes et profondes qui vidaient Pattenrond de son sang.
- Qui lui a fait ça ? demanda Hagrid.
- Je ne sais pas ! cria Hermione. Un animal de la Forêt Interdite ? Il est parti il y a deux nuits pour faire son tour…
- Un animal ? reprit Hagrid sans se soucier de l'interrompre. Oui, peut-être… Ici, ce sont des morsures. Mais là, c'est net, c'est propre : c'est une arme qui a fait ça…
- Oh ! fit Luna. Qui aurait voulu faire du mal à Pattenrond ?
Elle se tourna vers Hermione et la regarda longuement :
- Ou qui aurait voulu te faire du mal à toi ?
Mais Hagrid secouait la tête.
- Il ne se serait pas laissé avoir comme ça, Miss…
- Lovegood, dit Luna.
- Ah oui ! fit Hagrid. Alors ? Il les a trouvé ton père, les Ronflaks Cornus ?
- Nous ne sommes pas partis, répondit Luna tout en examinant l'immense cheminée de la cuisine.
- Oh ! C'est dommage ! J'aurais bien aimé savoir s'ils ont une ou deux excroissances sur leur museau…
- HA-GRID ! s'impatienta Hermione. Pattenrond va mourir !
Elle se laissa tomber sur la chaise derrière elle. Hagrid fouilla dans son bric-à-brac et en sortit plusieurs pots d'une saleté repoussante. Il actionna la pompe qui menait l'eau dans sa cuisine et chercha une serviette qui n'était pas trop sale. Il nettoya d'abord les plaies avec des gestes d'une douceur surprenante pour des mains aussi impressionnantes que les siennes.
- Deux jours, tu dis, Hermione ? Oui, c'est possible… Regarde, elles ont commencé à cicatriser… Mais là elles se sont rouvertes… quand il a voulu marcher je suppose…
Hermione regardait partout où Hagrid voulait quelle regarde, mais elle ne voyait que des lambeaux de chairs arrachés, des meurtrissures, et des griffures sanguinolentes.
- Qu'est-ce que ça peut être comme animal ? demanda Luna, apparemment intéressée.
- Des dents tranchantes, des griffes, et de l'inconscience… pour s'attaquer à ça ! Non, franchement, je ne vois rien qui… à part ces fichues gerbilloises à crête qui on infesté la Forêt depuis quelque temps. Mais ça m'étonnerait… Elles chassent en groupe et là c'est un seul animal qui a fait cela.
Il vérifia si les blessures étaient empoisonnées et lorsqu'il conclut que non, il décréta qu'il ne pouvait pas s'agir des gerbilloises à crête. Hermione l'observa tandis qu'il soignait Pattenrond et se promit de lui faire porter des pansements propres pour le lendemain. Puis il fouina dans le coin de la cheminée et revint avec une caisse qu'il emplit de journaux froissés.
- Je les garde pour faire du feu d'habitude, mais là ils lui tiendront chaud, expliqua-t-il.
Il coucha Pattenrond dedans et celui-ci ronronna un peu quand le géant passa sa grande main sur sa tête.
- Je le garde jusqu'à ce qu'il soit sur pieds… Hum… enfin… on saura demain si…
- On dit que les Kneazles ont sept vies… dit Luna qui plongeait son nez dans les baumes et autres liniments de Hagrid.
- Ah ! dit Hermione sans pouvoir empêcher une pointe d'aigreur de percer dans sa voix. Les chats moldus en ont neuf eux…
- Alors Pattenrond doit en avoir huit ! trancha Hagrid.
- Mais Pattenrond n'est pas un Kneazle ! s'exclama Hermione avec trop d'assurance.
Luna cessa de tripoter les fioles et les pots pour la regarder sans ciller :
- Tu te moques de moi ! dit-elle.
Hermione rougit. Hagrid fit "Ahem"
- Ce n'est pas un chat normal, non plus, tu sais Hermione… ajouta-t-il, un peu confus.
- Elle le sait bien, reprit Luna. On a dû le lui dire quand elle l'a acheté… Il faut un permis pour ces animaux-là. C'est pour ça que Papa n'en veut pas. Il dit que c'est encore un moyen pour le Ministère de ficher tout le monde ! Oh ! fit-elle encore. C'est à cause du permis, n'est-ce pas ? Tu n'as pas de permis pour Pattenrond !
Les joues d'Hermione devinrent vermillon.
- Qu'est-ce que ça peut faire ? demanda Hagrid. De toutes façons, c'est un croisé… Il peut passer pour un chat de moldu… si on n'y regarde pas de trop près… Pas besoin de sortilège de Désillusion pour lui, hein ?
Hermione haussa une épaule. Pour Hagrid, un hippogriffe n'avait pas besoin de sortilège de Désillusion. Peut-être que si elle avait demandé un permis pour Pattenrond, si elle avait été obligée de lui administrer un sort de Désillusion, elle n'aurait pas eu besoin de lui donner l'habitude de ne sortir qu'à la tombée du soir durant les vacances. Il n'aurait pas couru la Forêt Interdite pendant la nuit. Il serait resté auprès d'elle et… Elle renifla.
- Voyons ! Voyons ! fit Hagrid, sur un ton bourru. Pattenrond est toujours en vie. Et huit vies, c'est quand même mieux que rien, non ?
- Ca dépend combien il lui en reste… chantonna Luna en dévissant un pot qui emplit la pièce d'une odeur pestilentielle. Oh ! de l'essence de bombyx !
- Oui, acquiesça Hagrid qui referma aussitôt le pot. C'est contre la gale des puces. J'en mets à Crockdur parfois, mais après je ne le vois plus pendant trois jours… Tu connais ?
- Oui, c'est avec ça que ma mère a fait exploser son atelier…
Hagrid lui ôta aussitôt toute sa pharmacopée des mains, comme si son simple contact eût pu tout faire sauter à des lieues à la ronde.
- J'ignorais que tu te passionnais pour les soins aux créatures magiques, dit-il sur un ton bougon mais néanmoins intéressé.
Luna hocha la tête. Elle fit le tour de la table et vint à côté d'Hermione, au-dessus de la caisse de Pattenrond. Elle le caressa distraitement un moment puis daigna répondre au professeur.
- C'est à cause de Papa. Après les Ronflaks cornus, il voudrait que nous partions en Amazonie chercher les Dralènes à Bosse…
Hermione secoua la tête, mais s'abstint de tout commentaire. Hagrid, lui, ne montra pas autant de délicatesse. Il leva les bras au ciel avant de les laisser retomber sur ses larges cuisses.
- Des Dralènes à Bosse ! Mais voyons ! Tout le monde sait bien que les Dralènes à Bosse… ont été exterminées il y a plus de deux cents ans…
- Ça, c'est ce qu'elles voudraient nous faire croire… répondit Luna.
Hermione éclata en sanglots et Hagrid se demanda pourquoi la disparition des Dralènes causait tant de peine à la jeune fille.
Ron n'avait mangé qu'un potage très tiède et une bouillie insipide que Mrs Pomfresh lui avait assuré être du porridge. Aussi était-il d'humeur fort maussade et lorsqu'il vit entrer Jezebel Dawson dans l'infirmerie, elle ne s'améliora pas. Heureusement, Neville et Ginny la suivirent presque aussitôt. Il essaya de sourire. Il gardait les yeux fixés sur la porte dans l'espoir de voir apparaître Hermione.
Mrs Pomfresh ne vit pas d'un très bon œil l'arrivée de ses amis, et elle les prévint qu'elle ne tolèrerait aucun bruit. Jezebel Dawson dut taire ses exclamations d'angoisse devant le visage bleui de Ronald. Ginny lui fit une grimace.
- Décidemment, Ronnie, dit-elle. Tu n'as pas de chance : cet été tout vert, tout bleu cet hiver…
Neville était pâle. Il demanda comment allait Harry. Ron lui montra le rideau fermé.
- Je les ai entendu dire qu'il dormait, chuchota-t-il. Et on ne m'a pas laissé aller le voir.
Il dégagea sa main de celle de Jezebel qui le contemplait avec des larmes dans les yeux. Il l'essuya sur le drap, sous le regard moqueur de sa sœur. Il se décida à les interroger sur Hermione.
- Je m'inquiète pour elle, leur confia-t-il à voix basse. Vous pourriez la surveiller ce soir ? Elle s'est mis en tête que Malefoy mijote quelque chose et je crains qu'elle…
Il s'interrompit devant les coups d'oeil attristés entre sa sœur et Neville. Il tourna la tête vers Dawson. Sa grimace ne le rassura pas davantage. Neville s'assit au pied de son lit. Ginny s'éclaircit la voix.
- Pattenrond a réapparu… souffla-t-elle.
- Tu en es à quatre prédictions avérées… dit Neville d'une voix d'outre-tombe.
- Cela veut dire qu'elle ne viendra pas ? s'inquiéta Ron.
Ginny secoua la tête. Elle lui raconta l'apparition de Dobby dans la salle des Quatre Maisons, l'état de Pattenrond et le départ précipité d'Hermione et Luna chez Hagrid. Luna était revenue pour le repas, mais Hermione était encore chez le garde forestier. Elle répéta ce que Luna avait bien voulu leur apprendre, ce qui ne s'était pas fait sans mal. Luna n'ayant pas le même sens des priorités que le commun des mortels, il avait été difficile de discerner les informations importantes de ce qu'elle considérait comme primordial. La patience de Neville, heureusement, avait fait des merveilles et ils avaient réussi à lui extirper un minimum de renseignements. Ils répétèrent tout à Ron qui soupira de soulagement. Au moins, si elle restait auprès de Pattenrond, elle ne pourrait courir le château à la recherche de Malefoy. Ginny conseilla toutefois à son frère de ne pas émettre ce genre d'avis devant leur amie. Dawson s'assit sur le lit à côté de Ron. Le jeune homme faisait des signes désespérés à sa sœur. Il désignait Jezebel de la tête et montrait la porte d'un geste discret de la main. Ginny réussit à comprendre qu'il voulait qu'elle s'en aille. Du pouce, il finit par montrer le rideau d'Harry. Ginny se tourna vers Neville et lui fit un clin d'œil :
- J'ai entendu Hannah dire à Ernie qu'ils cherchaient quelqu'un pour les aider dès ce soir à l'implantation de la salle pour le Tournoi d'Echecs de demain. Je suis sûre que ceux qui se montreront disponibles auront quelques chances de plus de se voir désignés comme Préfets en cinquième année… Et en l'absence d'Hermione…
Jezebel Dawson bondit sur ses pieds. Elle fit un signe d'au revoir à Ron et prétexta une vague excuse qu'il n'écouta même pas, trop heureux d'être débarrassé d'elle à si bon compte. Lorsque la porte se referma sur elle, Ginny se mit à rire doucement.
- C'est trop facile, chuchota-t-elle. Ce n'est même pas amusant.
Elle s'assit tout contre son frère et lui demanda à voix basse ce qu'il avait de si important à leur dire. Ron se pencha vers la tête de sa sœur et Neville se rapprocha également.
- Il s'est passé de drôle de choses après le départ d'Hermione… murmura-t-il. Rogue, il a fait quelque chose à Harry. Et Dumbledore était là. Ensuite, Rogue a dû se coucher. Il n'avait pas l'air très bien. Et je les ai entendus parler. Il riait. Il disait qu'Harry n'était qu'un accident dû au hasard et qu'il l'avait toujours su… Ensuite, Dumbledore l'a fait se calmer et il a eu de la fumée qui lui sortait par les oreilles…
- Potion Pimentine, grimaça Neville. Grand-Mère m'en a fait prendre durant toutes les vacances. Elle trouvait que j'avais trop maigri…
Ginny lui tapota l'épaule d'un geste affectueux.
- Mais non, tu es très bien comme ça. Et la potion Pimentine ne fait pas de mal… Rogue en a pris, tu dis Ron ?
- C'est curieux, n'est-ce pas…
- C'est qu'il en avait besoin, si tu dis qu'il a dû s'allonger quand Harry s'est réveillé.
Elle se leva et fit quelques pas vers le rideau qui leur cachait leur ami. Mrs Pomfresh sortit de la pièce où elle rangeait le linge de l'infirmerie. Elle n'accorda qu'un regard à Ginny avant de disparaître derrière le rideau. Lorsqu'elle reparut, quelques minutes plus tard, Ginny était toujours au même endroit. Mrs Pomfresh poussa un soupir agacé "Ces Weasley !" murmura-t-elle.
- Tout va bien ! dit-elle assez haut pour que Ron et Neville l'entendissent. Demain il sera sur pieds. L'heure des visites est passée. Tout le monde dehors…
Ron sentit qu'on le secouait. Il essaya de résister. De retenir le sommeil encore quelques minutes. Mais son rêve s'éloignait. Il n'arriverait plus à le rattraper. Il ouvrit les yeux dans un soupir de déception. Il s'assit d'un bond :
- Harry !
Il le serra contre lui.
- Doucement Ron ! se mit à rire Harry, la voix étouffée contre l'épaule de son ami.
Il se dégagea de son étreinte enthousiaste et remit d'aplomb ses lunettes sur son nez.
- Tu vas bien ? demanda Ron.
- Que s'est-il passé ? questionna Harry.
- Tu as reçu deux cognards dans la tronche. Ils ont dit que tu avais perdu connaissance et ensuite Rogue a fait quelque chose et Dumbledore était là et il a eu de la fumée qui lui sortait par les oreilles…
- Dumbledore a eu de la fumée qui sortait par les oreilles…? L'arrêta Harry interloqué.
- Non ! Rogue ! Et…
Harry leva la main.
- Qui a gagné le match ? demanda-t-il.
- Nous, bien sûr ! J'ai encore marqué deux buts ou trois, je ne sais plus. En fait, je crois que j'étais aussi sonné que toi… Et Mrs Bibine a sifflé la fin du match quand tu as attrapé le Vif. Elle a passé un de ces savons à Crabbe et Goyle… Mais bon, ça ne leur fera ni chaud ni froid… De toutes façons, au prochain match, ils vont se coltiner avec le nouveau batteur des Poufsouffle. Ils vont être contents du voyage ! Quand on revenait vers l'infirmerie, Hermione et moi, on l'a croisé dans le Hall. Il a dit qu'il avait des cognards marqués à leurs noms et qu'il… Quoi ?
- Hermione et toi ? releva Harry dans un sourire.
- Elle m'a accompagné à l'infirmerie et elle m'a donné les premiers soins à la place de Mrs Pomfresh qui était occupée avec toi…
- Vraiment ? continua Harry. Et… ?
- Et je sais pas trop… mentit Ron. Je crois qu'elle a parlé d'une ardoise et ce dont je me souviens c'est qu'elle voulait se charger de Malefoy toute seule et que je lui ai dis que je ne voulais pas qu'elle le fasse…
- Et tu lui as dis ça comment ?
- Je ne veux pas que…
- RON !
- Mais comment voulais-tu que je le lui dise ? Je ne veux pas qu'elle croise à nouveau le chemin de Malefoy, d'un quelconque Mangemort ou de Tu-Sais-Qui ! Je-ne-le-veux-pas !
Harry hocha la tête.
- Parce que tu crois qu'elle le souhaite ? Ou qu'elle souhaite que toi tu croises l'un de ceux que tu viens de citer ? Tu n'as rien écouté de ce qu'elle a dit le soir du concert, n'est-ce pas…
- Je… De quoi tu parles ?
- C'est bien ce que je pensais…
Il se leva et désigna les cernes bleus autour des yeux de Ron.
- C'est tout ce qui reste d'hier, mais ils vont faire se pâmer ton fan-club… Dépêche-toi de te lever, il faut qu'on retrouve Hermione. J'ai aussi des choses à vous dire…
Ron obéit. Il trouva des vêtements propres à son chevet. Il savait que les elfes de maison avaient, dans la nuit, nettoyé sa tenue de Quidditch et qu'elle avait rejoint celles de ses coéquipiers dans le placard des vestiaires de Gryffondor. Hermione avait beau dire, les Elfes de Maison, c'était quand même bien pratique… Puis il réalisa que chez lui, au Terrier, c'était sa mère qui se chargeait de ces contingences matérielles et qu'il ne lui serait certainement pas venu à l'idée de lui demander de se repasser les doigts si les taches de sang sur sa robe n'avaient pas disparu tout à fait. Il rouvrit ses rideaux en même temps qu'Harry les siens. Mrs Pomfresh entra dans la pièce et se montra satisfaite de les voir en meilleure forme. Elle leur conseilla du repos pour la journée et les laissa quitter sa surveillance. Ils montèrent à la tour de Gryffondor où ils furent accueillis en héros. Chacun se déclara satisfait de revoir Harry sain et sauf et félicita Ron pour son dernier arrêt, assez spectaculaire. Ron hocha la tête d'un air entendu, sauf qu'il n'avait aucun souvenir de la fin du match, excepté de la chute d'Harry. Les deux garçons réussirent à se dépêtrer de leurs admirateurs et questionnèrent Ginny, qui avait attendu que la foule lui laisse place pour venir embrasser son frère et leur ami. Elle leur apprit qu'Hermione était déjà repartie chez Hagrid. Harry la contempla par-dessus ses lunettes de myope, totalement ahuri. Ron se frappa le front du plat de la main et regretta aussitôt son geste. Il laissa Ginny raconter le retour de Pattenrond, après tout elle en savait certainement plus que lui. Ils décidèrent d'aller aussitôt chez Hagrid. Ils y seraient tout aussi bien pour parler. Le géant fut très heureux de les revoir en bonne forme. Il leur écrasa la main entre les siennes plusieurs fois pour leur montrer sa joie. Ron cherchait Hermione des yeux sur le pas de la porte et s'étonnait qu'elle ne fût pas déjà accourue au devant de Harry. Hagrid leur proposa du thé qu'il venait de faire infuser, mais il n'avait pas de gâteaux. Les garçons prirent un air navré, qu'ils ne ressentaient pas du tout.
- On croyait trouver Hermione chez vous… commença Ron.
Hagrid montra d'un geste large la petite alcôve à moitié fermée par un rideau déchiré. Hermione dormait, recroquevillée contre la caisse de Pattenrond, son manteau en guise de couverture. Elle, qui n'était pas très grande, paraissait encore plus petite, pelotonnée dans le lit gigantesque.
- Pas dû dormir beaucoup cette nuit, soupira Hagrid. Pauvre petite.
- Comment va Pattenrond ? demanda Harry tandis que Ron s'approchait doucement de la jeune fille endormie et de son chat blessé.
Hagrid haussa une épaule.
- Peux pas dire encore. Jamais vu ça !
Pattenrond ouvrit un œil. Il avait retrouvé l'éclat d'or de son regard. Il se hissa jusqu'en haut de sa caisse pour toucher de la tête le bout des doigts d'Hermione qui pendaient à l'intérieur. Il interrompit son effort, épuisé. Il renifla la main, le museau tendu sans parvenir à l'effleurer. Pattenrond tourna ses yeux vers Ron, dans une prière muette. Le jeune homme prit le chat et le posa sur le manteau. Pattenrond se mit à ronronner, sa tête dans le cou d'Hermione. Et il sembla à Ron qu'il souriait. Il s'arracha à la contemplation du sommeil d'Hermione et se tourna vers Hagrid qui poussa devant lui un bol de thé à sa propre mesure. Il écouta d'une oreille distraite ce qu'il disait et comprit qu'Hagrid pensait que le chat avait été blessé avec un rasoir, ou du moins un couteau bien effilé.
- C'est encore un coup de Malefoy ! maugréa-t-il.
- Pourquoi ? demanda Hagrid très étonné. Pourquoi ferait-il du mal à Pattenrond ?
- Parce que c'est le chat d'Hermione ! répondit Ron.
Il haussa les épaules :
- Tout le monde sait combien elle tient à lui. Il sait bien qu'il ne peut lui faire plus de mal qu'en frappant Pattenrond…
Hagrid se demanda pourquoi le jeune Weasley était si amer.
- D'ailleurs, reprit-il sur le même ton, quand les Serpentard ont quitté le terrain, il a dit…
Il se concentra pour se souvenir des paroles exactes de Malefoy.
- Il a dit : Mauvaise journée… et elle est pas finie…
- Tu crois qu'il savait que Dobby ramènerait Pattenrond blessé ?
Harry était sceptique. Malefoy avait le goût des mises en scènes dramatiques et macabres, mais à ce point cela devenait du grand art. Trop pour l'esprit dénué d'imagination du Serpentard. A moins que cela ne vînt pas de lui. Son père avait quitté Azkaban depuis une quinzaine de jours et les Aurors du Ministère, pas plus que ceux de l'Ordre, ne l'avaient encore retrouvé. Mais pourquoi Lucius Malefoy se serait-il soucié d'un vulgaire chat ? Pourquoi voudrait-il "faire du mal" à Hermione de cette manière ? C'était absurde.
Du bruit à la porte interrompit ses pensées. Hagrid cria "Entrez" et Ginny, Neville et Luna pénétrèrent dans la pièce dans un brouhaha de voix et de rires mêlés.
- CHUT ! fit Ron avec un coup d'œil inquiet à Hermione endormie.
Ginny leva vers son frère un regard étonné. Neville aidait Luna à enlever sa cape tout en demandant de ses nouvelles à Harry.
Hermione se tourna lentement pour ne pas réveiller Pattenrond tout contre elle. Elle se redressa et s'assit sur le lit. Ginny et Luna vinrent la rejoindre.
- Bonjour Harry, dit-elle. Je suis heureuse de voir que tu es à nouveau parmi nous…
- Je suis heureux de voir que Pattenrond est à nouveau parmi nous… répondit Harry.
Hermione caressa encore une fois la tête du chat et le déposa dans sa caisse derrière elle. Hagrid proposa du thé à tout le monde, Hermione fit apparaître des tasses, d'une taille plus conforme à l'idée d'une tasse à thé. Ginny et Neville déposèrent sur la table du pain et des gâteaux qu'ils avaient empruntés à la table du petit déjeuner. Ron se précipita dessus. Il n'avait pratiquement rien mangé depuis la veille à midi et son humeur s'en ressentait. Hagrid paraissait heureux d'avoir des invités à sa table et les regardait déjeuner avec satisfaction. Hermione demanda des nouvelles de Graup. Hagrid fit quelques "Ahem !" comme s'il voulait parler puis sembla se raviser. Il préféra se déclarer confiant quant à la guérison de Pattenrond. Puis, quand il fut rassasié, Ron se tourna vers Harry et lui posa la question qui le tracassait depuis leur départ de l'infirmerie :
- Alors, c'était quoi, cette chose si importante que tu avais à nous dire ?
- En fait, c'était surtout à Hermione que je voulais parler… personnellement… répondit Harry avec un sourire. Mais je suppose que ce sera difficile à présent…
- Nous pouvons tous sortir si tu y tiens, fit Ron, sur un ton amer. Après tout ce ne serait pas le seul secret que toi et elle auriez pour nous…
Hagrid regarda Ron comme s'il le voyait pour la première fois. Il fit "Oh ! Par exemple !" tandis qu'Hermione poussait un soupir exaspéré, le front dans la main. Elle s'éloigna de la table et rejoignit Pattenrond sur le lit. Ginny se rapprocha d'elle par solidarité et Luna s'assit à ses côtés parce qu'elle n'avait pas de chaise pour prendre place autour de la table. Hermione, à demi tournée vers la caisse du chat, invita Harry à poursuivre.
- Je sais ce qui est arrivé le jour où Voldemort m'a tué, dit-il dans le silence.
Ils sursautèrent tous, sauf Hermione.
- Mais… Mais… fit Ron le premier. Il ne t'a pas tué… C'est même le contraire qui s'est passé…
Harry secoua la tête sans un mot. Hermione s'était rapprochée et elle se tenait debout à quelques pas de la table.
- Tu étais mort et quelque chose t'a ramené, laissa-t-elle tomber dans un souffle.
Harry hocha la tête.
- C'est ma mère.
- Je croyais que Voldemort avait tué ta mère parce qu'elle essayait de te protéger et qu'il t'avait blessé ensuite… dit Ron abasourdi.
- C'est ce que tout le monde a cru… murmura Harry. Et moi aussi, jusqu'à hier. Voldemort, dans le cimetière, le soir où il a repris sa forme humaine, a prétendu qu'elle avait usé de l'ancienne magie pour s'opposer à lui. Et que son sacrifice pour moi m'avait immunisé contre son sortilège de mort. Il se trompait… Du moins, il n'avait pas tout à fait raison.
Ron prit sa tête entre ses mains. Il recommençait à avoir mal à la tête.
- Ecoute Harry, dit-il, je ne doute pas que les coups que tu as pris derrière les oreilles t'ont rendu un peu plus clairvoyant, mais je dois être encore un peu sonné, car je ne comprends rien. J'aimerai que tu sois plus clair.
- Je vais essayer, répondit Harry. C'est difficile d'expliquer avec des mots et je voudrais qu'Hermione m'aide…
La jeune fille se redressa : "Je t'écoute !" annonça-t-elle fermement.
- C'est difficile à expliquer, répéta Harry, parce que je ne comprenais pas ce qui s'est passé. Je me souviens de ce rire dément, et de cette volonté d'écarter ma mère de son chemin. Elle criait, elle pleurait. Il y avait tant de désespoir en elle. J'avais peur, parce qu'elle avait peur. Elle implorait sa pitié, et cela le faisait rire. Il ne sait pas ce que signifie ce mot. Il n'a aucune compassion, aucune chaleur en lui. Il est froid comme la mort. Il a levé sa baguette et il a lancé le sortilège pour me tuer. Elle s'est mise entre moi et lui les bras ouverts et le maléfice l'a traversée d'abord. Il y avait autour d'elle des lumières intenses et la baguette de Voldemort a craché tout son pouvoir. Toute sa puissance s'échappait, comme attirée par ma mère. Puis, il y a eu quelque chose de terrible. Elle a disparu dans la lumière et j'ai été aveuglé par un éclatement d'éclairs verts. L'un d'entre eux m'a touché et je suis mort… enfin, pas tout à fait. J'ai senti que je glissais, vers la nuit et le froid, mais cela m'était égal… et soudain…
Il s'interrompit la gorge serrée, incapable de prononcer un mot de plus.
- Quelque chose t'a ramené, continua Hermione. Quelque chose t'a ramené vers la chaleur et la lumière…
- Et la douleur, termina Harry.
Neville inspira violemment. Ron ne comprenait toujours pas. Ginny fixait Hermione avec attention. Hagrid essuya ses yeux d'un revers de manche.
- Ta mère était un Aspimageur ? demanda Luna dans le silence à peine troublé par la respiration haletante de Pattenrond.
- Non ! s'écria Harry sans réfléchir. Mais c'est quoi, un Aspimageur ?
Luna gratta la gorge de Pattenrond.
- Tu ne sais pas ce que sont les Aspimageurs ? demanda-t-elle étonnée.
- Les Aspimageurs sont aux sorciers ce que les Ronflaks sont aux créatures magiques ! s'énerva Ron.
Il se tourna vers Luna pour la prier de mettre en veilleuse ses théories fumeuses. Hermione le devança.
- Les Aspimageurs, Harry, dit-elle à la grande surprise de Ron, sont des sorciers qui attirent à eux la magie qui les entoure. On les appelle aussi les Voleurs de Magie. Ils perturbent les flux magiques. Et plus leur puissance est grande, plus les perturbations sont sensibles. Cela peut aller des baguettes qui crachent des sorts mineurs toutes seules… au renvoi à la puissance dix des sorts qu'on leur lance. Car ils se servent de la magie des autres pour augmenter la leur et la leur retourner au centuple.
- Mais, lança Ron d'une voix basse et désespérée, ça n'existe pas les Aspimageurs… C'est un conte pour attardés mentaux !
Hermione lui lança un regard sévère.
- Pour quelqu'un qui croit qu'un grand chien noir peut annoncer la mort dans les vingt-quatre heures, je te trouve quelque peu critique, Ron…
- C'est vrai ça ! s'exclama Luna. Ce n'est pas très gentil de ta part, Ronald…
Et elle se remit à caresser Pattenrond sans plus s'inquiéter de Ron et de ses jugements lapidaires.
- Peut-être, renifla celui-ci sur un coup d'œil inquiet à Hermione. Mais cela ne nous dit pas ce qui s'est passé…
- Au contraire ! trancha Hermione vivement. Voldemort a mis beaucoup de sa puissance dans ce maléfice pour te tuer, Harry. Et les sentiments extrêmes de ta mère à ce moment-là ont exacerbé la magie ancienne qu'elle avait en elle. Les flux de magie noire et ceux de magie pure se sont mêlés. Leur puissance devait être terrifiante et ta mère a agit comme un prisme. Avez-vous déjà vu l'effet de la lumière dans un cristal taillé ? L'éclair qui t'a frappé, Harry, était un éclair de ces deux magies mélangées. Une partie t'a tuée, l'autre t'a sauvée. Comme il a tué Voldemort et l'a sauvé en même temps… Tu as la puissance de Voldemort en toi, comme il a de la magie de ta mère en lui. Elle l'a sauvé de la mort, mais pas de la souffrance et de l'affaiblissement. Elle est à la fois la force qui l'a fait survivre durant ces années d'exil et cette faiblesse qui l'empêche de redevenir ce qu'il était. Et toi, il faut que tu cesses de rejeter ces pouvoirs que tu as reçu de l'héritier de Serpentard, pour te servir d'eux. Il faut que tu cesses de les considérer comme une faiblesse, pour t'en servir comme d'une force. L'amour de ta mère t'a sauvé. Il t'a ramené alors que tu sombrais vers la mort.
- Mais comment est-ce possible, murmura Neville. Comment l'amour seul peut-il faire une chose pareille ?
- Parce que l'amour, c'est de la magie, Neville, répondit Hermione. L'amour de sa mère a protégé Harry comme un bouclier, et même s'il s'est brisé sous le choc, il a rempli son office.
Elle se tourna à nouveau vers Harry :
- Tu sais pourquoi tu as survécu, Harry. Tu sais pourquoi tu es encore là. Alors, fais ce que tu dois faire. Si tu es aussi doué pour la magie noire que tu l'es pour te défendre contre elle, alors nous n'avons aucun doute à avoir. Tu es bien celui qui a le pouvoir de vaincre Voldemort, car tu seras le seul qui usera de sa puissance, non dans un but égoïste et malsain mais pour le bien de tous… même de ceux qui l'ignorent.
Hagrid regardait Hermione avec stupeur. Combien de fois avait-elle prononcé le Nom-Qui-Ne-Devait-Pas-Etre-Prononcé sans une once de trouble dans la voix… Il frissonna. Il revoyait la maison de Lily et James en ruines et il ne savait s'expliquer comment Harry avait pu survivre au cataclysme qui avait détruit ses parents et, croyait-il, Voldemort… Les jeunes gens restaient silencieux. Sauf Luna qui fredonnait à voix basse une berceuse pour Pattenrond. Harry était reconnaissant à Hermione d'avoir mis des mots sur les évènements qu'il avait décrits. C'était plus clair à présent, et bien moins intime. Comme si tout ceci était arrivé à quelqu'un d'autre. Il fit un sourire à la jeune fille. Il avait tout de suite pensé à elle lorsqu'il s'était réveillé avec ces souvenirs. Il avait tout de suite songé à ses paroles le soir du concert : j'étais morte et quelqu'un ou quelque chose m'a ramenée… C'était exactement ce qu'il avait ressenti durant tout le temps où il était resté inconscient. C'était exactement ce qu'il avait ressenti lorsqu'il avait revécu le moment où il avait survécu à Voldemort. Elle était toujours au milieu de la pièce, silencieuse et perdue dans ses pensées, comme si elle méditait encore les paroles qu'elle venait de prononcer. Il n'avait pas besoin de lire en elle pour savoir quel était le cours de ses réflexions. Il sentit monter une colère irraisonnée contre Ron, une féroce envie de lui faire entrer à coups de poing dans le crâne qu'il devait prendre son courage à deux mains et parler sincèrement à Hermione.
- Tu crois toujours qu'il faut qu'Harry apprenne la magie noire ? demanda Ron d'une voix tremblante.
- Plus que jamais…
Ron frissonna et observa la réaction d'Harry.
- Lors de notre prochaine leçon d'occlumancie, j'en parlerai à Rogue, accepta celui-ci. Et tu as raison, Hermione. Il faut reprendre l'entraînement contre les forces du mal.
- Tu veux rouvrir les séances de l'AD ? questionna Neville.
Harry haussa une épaule :
- En quelque sorte, mais de manière plus officielle, puisque nous n'avons pas Ombrage sur le dos…
- Je suis sûr que mon Oncle Algie serait heureux de venir de temps en temps nous donner quelques conseils… reprit Neville.
Il se tourna vers Luna :
- Tu viendrais si on reprenait les cours avec Harry, Luna ?
- Bien sûr, dit Luna sans se retourner. On n'est jamais trop prudent. On retournerait dans la salle sur demande ?
- Heu… fit Harry. Je crois qu'on pourrait demander une salle au Professeur MacGonagall.
- Oncle Algie pourrait nous prêter sa classe, puisque les séances auraient lieu après les cours…
- Il faudra d'abord en parler au Professeur McGonagall, avertit Hermione. Elle ne sera pas contre, je n'en doute pas, mais ce serait plus correct… Elle sera là lors du tirage au sort des éliminatoires du Tournoi d'Echecs. Tu pourrais venir y faire un tour, Harry. Je pense que plus tôt nous nous y prendrons plus tôt nous pourrons commencer. Vous auriez dû y penser dès la rentrée.
- A la rentrée, nous avions d'autres préoccupations ! jugea Ron.
- C'est vrai ! fit Hermione, un sourire moqueur au coin des lèvres. Rester dans l'équipe de Quidditch était en effet une préoccupation primordiale…
Les oreilles de Ron se colorèrent vivement. Il sentit son cœur monter à ses lèvres. C'était une réflexion profondément injuste et indélicate. Il se sentit blessé jusqu'au fond de l'âme.
- Et on ferait passer le mot aux anciens de l'AD, proposa Ginny pour faire diversion. Je pense qu'ils reviendraient tous…
- On se passera fort bien de certains, affirma Ron sur un ton cassant.
- Tous ceux qui se présenteront seront les bienvenus, le reprit Hermione. Il se pourrait même que nous ayons quelques Serpentard parmi nous, cette année…
Ron renifla. Harry lui donna un coup de coude pour l'empêcher d'ouvrir la bouche.
- Ce serait pour moi une grande satisfaction personnelle ! s'exclama-t-il.
- Une victoire, tu veux dire ! se mit à rire Ginny. Sur les Serpentard et sur le Professeur Rogue. Harry Potter en professeur de Défense contre les Forces du Mal bis, et lui toujours Professeur de Potions !
Harry cacha un sourire narquois. C'était exactement ce qu'il avait en tête. C'était exactement la première des choses qu'il comptait lui montrer lors de leur prochaine séance d'occlumancie le lundi suivant, s'il obtenait l'autorisation de McGonagall. La seconde étant qu'il savait que c'était lui qui l'avait ramené de son coma. Il n'en avait pas parlé à ses amis, parce qu'il ne voulait pas d'une autre discussion avec Ron. Et parce qu'il voulait d'abord savoir comment il s'y était pris.
Ils restèrent jusqu'aux soins de Pattenrond. Ils constatèrent avec Hagrid que la cicatrisation s'opérait de manière satisfaisante. Il afficha un sourire soulagé et rassura Hermione. Il garderait encore le chat pendant quelques jours et dès qu'il serait en mesure de sortir tout seul de sa caisse, il le lui rendrait. Hermione se laissa convaincre. Harry et Ginny lui rappelèrent que le Tournoi d'Echec commençait dans quelques heures et qu'Hannah et Ernie lui seraient fort reconnaissants de reprendre sa place d'organisatrice principale. Elle consentit à les suivre jusqu'au château. Ils se rendirent dans la salle des Quatre Maisons pour attendre l'heure du déjeuner. Hermione les abandonna pour se consacrer aux derniers préparatifs du Tournoi. Elle était un peu nerveuse lorsqu'elle rejoignit ses amis à la table du repas. Il manquait des échiquiers. Le Professeur Flitwick leur avait promis des sabliers mais il ne les avait pas encore fait porter à la salle. Ils n'avaient pas pensé à la coupe qui devait contenir les noms des candidats pour le tirage au sort. Ni à la personne qui effectuerait ce tirage. Ron se moqua d'elle. Il se déclara fort déçu, car il pensait qu'elle aurait tout prévu jusque dans les moindres détails. Harry lui fit de gros yeux et Neville haussa les épaules. Seamus proposa son propre échiquier et Dean lui assura que le Professeur Flitwick tiendrait parole. Neville lui affirma qu'un simple sac suffirait pour le tirage au sort. Et Harry suggéra de demander aux deux Préfets en chef de se charger de désigner les joueurs adversaires.
- J'aurais dû me préoccuper de cela hier, avoua Hermione. Mais la disparition de Pattenrond m'a tant bouleversée que j'étais incapable de penser à autre chose. Ensuite, il y a eu ce terrible match…
Elle frissonna. Ron lui donna un coup d'épaule.
- C'est fini maintenant, dit-il d'un ton bourru. Harry est réveillé, Pattenrond est en voie de guérison… et même Malefoy a changé de tête ! ajouta-t-il tandis qu'un groupe de Serpentard passait devant leur table pour se rendre à leurs places.
Drago Malefoy était à sa tête. Il laissa tomber sur les Gryffondor un regard plein d'une déception rageuse. Sa morgue de la veille avait laissé place à une animosité qu'il ne cherchait pas à cacher.
- Tout va comme tu veux, Malefoy ? clama Ron avec un sourire satisfait.
Un éclair de colère sourde brilla dans les yeux de Malefoy. Neville adressa un clin d'œil à Hermione :
- Mauvaise journée pour lui, on dirait…
Elle hocha la tête :
- Quelque chose n'a pas marché comme il l'espérait, semble-t-il.
Ron se pencha subitement vers elle :
- Tu n'as rien fait ?… Tu n'as pas…cherché à savoir s'il préparait quoi que ce soit…
- Je n'en ai pas eu le temps, répliqua-t-elle sèchement. Je te rappelle que j'étais au chevet de Pattenrond…
Ron parut soulagé.
- Alors, conclut-il, c'est de nous voir en forme, Harry et moi, qui le rend malade…
- Sans doute, répondit Hermione sobrement.
Ron parut rassuré. Elle était revenue à une attitude plus raisonnable. Harry lui ne fut pas dupe. Sans doute le haussement de sourcil d'Hermione y était-il pour quelque chose. Elle quitta la table avant la fin du repas. Ron ne tarda pas à suivre son exemple, dès qu'il eut englouti son dessert et celui qu'Hermione avait laissé sur la table. Il courut dans son dortoir chercher son échiquier et redescendit dans la salle des Quatre Maisons. Il arriva juste pour voir McGrégor quitter Hermione. Il jeta un regard froid à la jeune préfète de Serpentard.
- Qu'est-ce qu'elle voulait ? demanda-t-il à Hermione d'un air méfiant.
- Savoir des nouvelles de Pattenrond, soupira-t-elle.
- Pourquoi ?
- Par simple politesse, je suppose ! répondit Hermione agacée.
Il préféra changer de sujet. Il lui tendit son échiquier, soudain gêné.
- Il n'est pas neuf, ni en très bon état, bredouilla-t-il, mais il peut toujours rendre service si tu en manques…
Hermione le prit, un peu surprise.
- Eh bien, nous verrons… dit-elle. J'espère que les pièces ne se montreront pas trop récalcitrantes… Pas seulement les tiennes, se hâta-t-elle d'ajouter. Ah voilà le Professeur Flitwick ! Oh mon Dieu ! Il a oublié les sabliers !
Elle le quitta sans un mot et se précipita vers le petit professeur d'Enchantements. Ron entendit rire Flitwick tandis que les sabliers se matérialisaient sur les tables préparées pour le Tournoi. Hermione se mit à rire également avec le professeur, un peu crispée. Flitwick rejoignit le Professeur McGonagall qui devait arbitrer la rencontre avec lui. Les participants commençaient à arriver. Les Préfets en chef vinrent chercher leurs instructions auprès d'Hermione. Ron n'eut plus de prétexte pour ne pas regagner les rangs des concurrents. Il lui jeta un dernier regard alors qu'il se pressait parmi la foule des compétiteurs. Il n'aurait jamais cru que ce Tournoi eût tant de succès. Il reconnut quelques têtes. Certains étaient connus pour être de bons joueurs. Il s'était déjà mesuré à quelques uns d'entre eux et les avaient battus. D'autres, il ne les connaissait que de réputation. Il y avait ce garçon de Serdaigle, un Septième Année, et deux ou trois Serpentard, dont cette Ellie McGregor qu'il n'aimait guère. Les premiers noms furent tirés du sac et ceux qui étaient appelés prirent place devant les échiquiers. Il commençait à avoir la gorge sèche et les mains moites. Son nom retentit dans la salle. Il s'assit à la table qu'Hermione lui désigna. Il lui fit une grimace. Elle répondit par un sourire. Il rentra la tête dans les épaules tandis que Margaret Thompson annonçait : "Seamus Finnigan". Cette fois ce fut Seamus qui grimaça tandis qu'il s'asseyait en face de Ron. Une demi-heure plus tard, ils libéraient l'échiquier et deux autres candidats se mesuraient à leur place. Ron rejoignit Harry parmi les spectateurs. Il s'étonna de ne pas voir Isadora Marchinson avec lui. Harry la lui désigna à une table un peu plus loin, face à Ellie McGregor.
- Isadora est bonne perdante ? demanda Ron à voix basse.
- Heu… fit Harry dubitatif. Pourquoi ?
- Prépare ton mouchoir, alors… le prévint Ron. McGregor est redoutable à ce jeu.
Effectivement quelques minutes plus tard, Isadora revenait vers Harry, les larmes aux yeux.
- On s'en va ! décida-t-elle.
Harry eut brusquement envie de lui répondre qu'il n'avait pas envie de partir. Et il le fit. Isadora cligna des yeux plusieurs fois.
- On se retrouve quand même ici après le repas de ce soir ? demanda-t-elle un peu inquiète.
Harry remonta ses lunettes sur son nez pour se donner le temps de réfléchir.
- Si tu veux, finit-il par dire.
Isadora parut soulagée et quitta la pièce sur un sourire. Ron se pencha vers Harry :
- Tu veux rompre avec elle ? lui chuchota-t-il.
Harry lui lança un regard agacé. Pourquoi était-il si perspicace quand il s'agissait des autres et totalement aveugle quand il était concerné ?
- Pourquoi ? Tu veux me faire profiter de tes conseils ? Comment terminer une histoire avant d'avoir commencé ?
Ron se renfrogna :
- Tu sais, je ne crois pas que Ginny ait l'intention de laisser tomber Dean de sitôt !
- Pourquoi tu me parles de Ginny ?
- Parce que tu me parles toujours d'Hermione !
- Et alors ? demanda Harry
- Alors… alors rien ! termina Ron car Hermione s'avançait vers eux, le visage plus rayonnant qu'il ne l'avait été ces derniers jours.
Il lui fit une place entre eux où elle s'assit volontiers.
- Harry va rompre avec Isadora, dit Ron.
Hermione tourna les yeux vers Harry.
- Ca y est ? demanda-t-elle.
- Non ! s'exclama Harry un peu énervé. Elle vient de se faire éliminer du Tournoi. Une défaite et une rupture, ça ferait beaucoup non ?
- Il vaut mieux une rupture le jour d'une défaite que le jour de la St Valentin, dit Hermione. Ca ne sert à rien de remettre à plus tard, et le quatorze février sera vite là.
- Ouais ! fit Ron. Surtout si tu as une autre fille en tête.
Harry souffla d'exaspération.
- Je n'ai personne en tête ! grinça-t-il à l'intention de Ron.
Ses yeux lançaient des éclairs et il se mordait la langue pour ne pas faire quelque réflexion qui mettrait le jeune homme mal à l'aise.
- Alors pourquoi veux-tu rompre avec Isadora. Je croyais que tu appréciais quelqu'un qui avait pour toi une telle adoration.
Harry se renfrogna. Il s'appuya au dossier de sa chaise et croisa les bras sur sa poitrine.
- Parce que j'ai bien réfléchi à ce qu'a dit Hermione le soir du concert des Bizarr' Sisters, quand nous étions à table… soupira-t-il enfin. Il y a des choses contre lesquelles on ne peut rien, sauf si on décide du contraire…
Ron se redressa pour le regarder en face.
- On ne peut rien faire contre le fait que Voldemort et ses Mangemorts existent, n'est-ce pas ? reprit Harry devant son air d'incompréhension totale. Mais on peut décider qu'on ne se laissera pas intimider.
- Et quel est le rapport avec Isadora ? demanda Ron, sans comprendre davantage.
- Hé bien, fit Harry avec une hésitation. Je pourrais rester avec Isadora jusqu'à ce qu'elle décide qu'elle en a assez de passer après le Quidditch, après mes amis, après tout ce qu'elle appelle le mystère qui m'entoure… Vous voyez de quoi je veux parler…? Cela m'éviterait de me creuser la cervelle pour trouver le moyen de rompre sans la blesser davantage, car je n'ai vraiment rien à lui reprocher et je ne voudrais pas lui faire trop de peine. Et je ne me vois pas lui dire : Ecoute Isadora, je t'aime bien, mais je m'ennuie un peu avec toi et franchement, là, je suis trop occupé à me consacrer à sauver le monde pour faire l'effort de m'intéresser davantage à toi…
Ron retint un éclat de rire pour ne pas gêner la concentration des concurrents.
- Mais, reprit Harry sérieusement, est-ce que j'ai du temps à perdre, et à lui faire perdre ? Je veux dire, si la vie est trop courte pour s'embarrasser de la crainte de la mort, ne l'est-elle pas aussi pour… ça ? Bien sûr, si je l'aimais comme…
Il se mordit les lèvres pour ne pas dire à Ron : comme tu aimes Hermione.
- Je veux dire : si je l'aimais vraiment… la question ne se poserait pas. Bien au contraire. Est-ce que tu comprends cela Ron ?
Ron hocha la tête.
- Je comprends surtout que tu te prends la tête pour pas grand-chose… Mais Hermione a raison. Si tu dois lui dire adieu, fais le tout de suite et rapidement. C'est comme les potions de Mrs Pomfresh. Plus vite on les avale, plus vite on en oublie le goût !
Harry entendit Hermione faire un petit bruit bizarre, qui tenait autant du rire étouffé que du soupir d'exaspération. Elle tapota sa main de la sienne, pour lui dire qu'elle, elle comprenait tout à fait ce qu'il voulait exprimer. Puis ce fut au tour de Ron de pousser un soupir, de satisfaction cette fois. Il étendit ses longues jambes et les croisa tandis qu'il passait son bras sur les épaules d'Hermione pour poser sa main sur l'épaule d'Harry. Il tourna vers eux un sourire ravi :
- Et voilà, dit-il. Tout est redevenu comme avant, n'est-ce pas ?
Ni Harry ni Hermione ne répondirent et il crut qu'ils pensaient comme lui.
