Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc... je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris... Bonne lecture.
Chapitre 40
La Saint Valentin
L'histoire de la bombabouse de Peeves fit le tour de l'école en moins d'une demi journée. Harry se fit tout petit et ne parla à Hermione qu'avec énormément de circonspection et de gentillesse. Quand ils croisaient des Serpentard, en particulier. Ceux-ci faisaient alors mine de renifler comme une odeur déplaisante. McGregor passa le temps du Club de Duels, le lendemain soir, à pouffer de rire chaque fois qu'elle croisait le regard d'Hermione.
- Chacun son tour, lui rappela Ron, agacé. Tu ne te souviens pas du jour de la rentrée McGregor ?
- Tu t'en souviens aussi, Weasley ! lui lança-t-elle en riant encore.
Harry les fit taire et les pria de se remettre au travail. Hermione quitta la séance avant la fin. Ron s'en inquiéta. Lorsque Ginny apprit à ses amis qu'elle l'avait entendue dire qu'elle-même avait encore cette odeur dans le nez à cause de ses cheveux et qu'elle ferait bien de les couper une fois pour toutes, il n'attendit pas les autres pour rejoindre la Tour de Gryffondor. Il soupira de soulagement dès qu'il entra. Elle tournait le dos à l'entrée, et ses cheveux mouillés tombaient sur ses épaules. Il se força à marcher lentement vers elle et s'assit à ses côtés, comme s'il ne pensait vraiment pas la trouver là. Il ne pouvait s'empêcher toutefois de sourire largement.
- Tu ne vas pas le faire n'est-ce pas ? Tu ne vas pas les couper ?
Hermione passa la main sur ses cheveux mouillés.
- Cela me trotte dans la tête depuis longtemps, tu sais. Ils n'ont jamais été très beaux, et depuis que j'ai été… malade, ils sont pires que jamais. Si je les coupais très courts…
Ron secoua la tête vivement.
- Ils sont très bien comme ça, dit-il précipitamment. Et ils sentent très bon.
Il avança la tête vers la sienne. Ils sentaient vraiment très bon la pomme verte.
- Ne fais pas attention à ces imbéciles de Serpentard, Hermione. Demain, ils auront oublié. Et dimanche, je vais pulvériser cette crétine de McGregor rien que pour lui apprendre à se moquer de toi.
Hermione lui sourit :
- Si tu dois pulvériser McGregor, fais-le pour toi, Ron. Moi, je sais déjà que tu es le meilleur à ce jeu-là.
Les yeux de Ron brillèrent de ravissement. Les élèves de Gryffondor, commençaient à arriver dans la salle commune. Lavande et Parvati leur jetèrent un coup d'œil entendu et montèrent au dortoir en gloussant. Ron les suivit d'un regard courroucé. Il se retourna vers Hermione :
- Je dois écrire à Percy, dit-il très vite, pour lui demander des renseignements sur les gerbilloises à crête… Tu ne trouves pas bizarre qu'elles apparaissent comme ça ? Il aura peut-être entendu quelque chose à leur sujet au Ministère…
Elle le fixait avec attention. Il commença à perdre contenance.
- Tu pourrais m'aider ? Il y a longtemps que je ne lui ai pas écrit et j'ai peur qu'il trouve ça louche, si je lui demandais de but en blanc des informations sur ces bestioles… Tu sais, il pourrait croire que ça a un rapport avec Harry…
Il se mit à rire, plus pour cacher sa gêne que parce que ce qu'il venait de dire était drôle. Hermione hocha la tête.
- Tu devrais écrire à Charlie aussi, estima-t-elle. Elles sont originaires d'Europe centrale. S'il y a quelque chose à savoir sur elle, Charlie nous le dira…
- J'avais justement l'intention de le faire ! s'exclama Ron.
Il hésita, puis il chuchota :
- Tu es plutôt amie avec Charlie, non ?
Hermione leva un sourcil perplexe. Il n'allait tout de même pas recommencer avec ses frères ? Mais Ron, continuait sur un ton soucieux :
- D'après toi, qu'est-ce qu'il fait, Charlie, en Roumanie ? Et ne me dis pas qu'il étudie les dragons, ça je le sais déjà… !
Hermione hocha à nouveau la tête :
- Je ne sais pas exactement, Ron. Mais je ne crois pas non plus qu'il étudie seulement les dragons…
Ron se mordit les lèvres. Elle vit l'inquiétude pour son frère dans ses yeux. Elle ramena son attention vers elle :
- Bien ! fit-elle, décidée. Qu'est-ce que tu veux lui demander exactement, à Percy ? Et pour commencer, tu devrais d'abord lui demander de ses nouvelles. C'est ton frère après tout ! Même si je ne suis qu'une fille unique, je sais bien que tu l'aimes.
Ron fit une grimace.
- Si tu le dis, grommela-t-il.
Elle se pencha vers lui. Ses mèches mouillées tombèrent sur la table.
- Si tu ne l'aimais pas, Ron, reprit-elle, tu n'aurais pas aussi mal.
Il lui lança un regard sombre :
- Et qu'est-ce que tu en sais ? Tu ne l'aimais pas beaucoup…
- C'est vrai, reconnut Hermione. Même s'il était un excellent préfet –et tu sais que je le pense ! je n'aimais pas beaucoup la personne qu'il était…
- Il n'a pas changé, fit Ron très amer.
Hermione appuya son coude sur la table et mit sa joue dans sa main. Elle regarda Ron un moment ainsi. Elle avança sa main, comme pour caresser sa joue. Elle soupira.
- Il a changé, Ron. Bien plus que tu ne le crois. C'est inévitable. Surtout quand on ancre sa vie sur des certitudes qui s'effondrent brutalement comme un château de cartes. Il faut bien se raccrocher à quelque chose, si on ne veut pas sombrer.
- J'ai très peur pour lui, admit Ron à regrets.
- Et lui a très peur pour toi…
Ron releva la tête, suspicieux :
- Et tu sais ça comment, toi ?
Ginny et Dean entrèrent en compagnie d'Harry et Neville, tandis que Seamus faisait le pitre pour amuser la galerie.
- Tu n'es pas le seul à recevoir du courrier de ton frère…
Ron rougit de colère.
- Comment peut-elle te faire lire ce ramassis de calomnies !
- Je suppose que partager ses soucis avec moi, puisqu'elle ne peut les partager avec toi, lui permet de mieux les accepter.
Elle lui sourit. Ron se calma un peu.
- Et toi ? demanda-t-il soudain. Avec qui partages-tu les tiens ?
Il était presque certain qu'elle allait répondre : avec Harry. Il s'apprêtait à encaisser le coup au cœur qu'il appréhendait.
- Oh ! fit-elle simplement. Je suis fille unique, tu sais. J'ai l'habitude de régler mes problèmes toute seule…
Harry se rapprochait d'eux, lentement, comme s'il hésitait à les déranger. Elle lui fit un signe tout en sortant de ses affaires une feuille de parchemin.
- Alors, reprit-elle en tendant une plume et le parchemin à Ron. Par quoi on commence ?
Ron envoya ses lettres dès le lendemain. Coq partit pour Londres, trouver Percy. Harry prêta Hedwige pour joindre Charlie en Roumanie. Depuis que Sirius n'était plus là, il n'avait plus personne à qui envoyer du courrier. La chouette s'ennuyait dans la volière du château. Il la prêtait parfois à Hermione pour qu'elle envoie de ses nouvelles à ses parents ; ou bien à Ginny. Neville la lui emprunta une fois, pour une mystérieuse mission quinze jours avant la sortie à Pré-Au-Lard. Partout chez les élèves, on ne parlait que de cette sortie. Non seulement, parce que c'était la St Valentin, mais surtout parce que ce serait la première de l'année et qu'elle était très attendue. L'atmosphère semblait beaucoup plus légère et insouciante. Lavande Brown et Parvati Patil ne cessaient de glousser. Même lors des réunions du Club de Duels, les conversations tournèrent autour de la sortie du samedi. Harry fermait ses oreilles et évitait de regarder du côté d'Isadora Marchinson et ses amies. Il préféra se concentrer sur Ron et Ellie McGregor qui s'invectivaient férocement, au sujet de la finale du Tournoi d'Echecs du dimanche suivant. Il sépara Ron d'Hermione avec qui il faisait équipe ce soir-là et Ellie de son amie Serpentard. Il les mit face à face :
- Si vous voulez vous affronter par avance, faites-le en silence !
Hermione et la fille Serpentard de cinquième année échangèrent un regard résigné et se mirent en garde. Ce soir-là, Ron sortit ses meilleurs sortilèges d'attaque et McGregor ses meilleurs charmes de protection.
Harry était fort satisfait. Avant de renvoyer tout le monde, il les avertit que la semaine suivante, le professeur Londubat serait présent pour les faire travailler avec un Epouvantard.
- Et pourquoi ? demanda Ernie McMillan qui n'aimait visiblement pas les Epouvantards. Crois-tu que c'est à coup d'Epouvantard que Vous-Savez-Qui va chercher à nous éliminer ?
Harry remonta ses lunettes sur son nez. Il n'aimait pas jouer les professeurs, pas de cette manière en tous cas.
- Quel est le point commun entre un Epouvantard, un Détraqueur, un Mangemort, ou même Voldemort ?
La plupart frissonnèrent à l'énoncé de ce dernier nom.
- Il faut vaincre la peur qu'ils inspirent, si on veut les vaincre vraiment. Et pour commencer, vous allez tous vous entraîner à prononcer le nom de Voldemort pour le prochain cours… oups… pardon… pour la prochaine session du club ! corrigea-t-il sur un sourire à Hermione. Je vous interrogerai !
Tous sortirent en silence. Sauf Ron qui était furieux et se plaignait à Hermione du comportement de leur ami. Cela fit rire Harry. Il se sentait lui aussi gagner par l'ambiance d'euphorie. Hermione lui avait d'ores et déjà procuré un onguent pour ses maux de tête et il s'était présenté à la seconde leçon de narcomancie de la semaine en bien meilleure forme que les fois précédentes. L'exercice avait été beaucoup plus aisé, et Rogue, le sourire crispé lui avait fait remarquer que la facilité n'était pas le meilleur chemin vers l'efficacité. Il lui avait néanmoins promis que la semaine suivante, ils passeraient à l'étape supérieure : la plongée volontaire vers la transe narcomancienne. Le professeur ne faisait presque plus de réflexions, ni négatives, ni positives d'ailleurs. Harry sentait en lui une hâte qu'il ne pouvait lui cacher. Ils ne perdaient plus de temps en querelles inutiles. L'aversion qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre ne s'était pas éteinte, elle était simplement assoupie. Elle couvait parfois, au détour d'une phrase, d'un regard, lorsque le professeur tenait son rôle devant sa classe. Harry avait fini par comprendre que Rogue tenait à cette haine au moins autant que lui. Et les paroles d'Hermione, que Ron lui avaient rapportées afin de l'aider à en trouver la signification profonde, lui étaient revenues à la mémoire : il faut bien se raccrocher à quelque chose, si on ne veut pas sombrer…
Lui se raccrochait au Quidditch. Lorsqu'il volait sur son balai, entre ses équipiers pour leur hurler des conseils ou des sarcasmes ; lorsqu'il lâchait le Vif-d'Or et fonçait vers son balai pour une course effrénée entre lui la petite balle dorée plus rien n'avait d'importance. Ces quelques heures volées dans la semaine à un emploi du temps à la limite de l'explosion lui valaient autant que les nuits de sommeil récupérateur que lui octroyait généreusement le Seigneur des Ténèbres depuis quelque temps. Ron l'enviait. Les séances d'entraînement étaient pour lui une torture. Et ses nuits étaient peuplées de gerbilloises à crête déchaînées qui dévoraient tout sur leur passage, comme autant de sauterelles s'abattant sur l'Egypte Ancienne. Avant de partir pour l'entraînement, il tournait autour d'Hermione sans parler, même si Harry et la jeune fille voyaient bien qu'il avait le cœur au bord des lèvres. Il se contentait d'un "soit prudente, hein ?" chuchoté avant de se rendre à reculons sur le terrain de Quidditch. Et tout le monde se demandait pourquoi Weasley se comportait avant chaque entraînement comme s'il ne devait plus jamais revoir Hermione Granger.
Le samedi matin, comme tous les quatorze février, la Grande Salle était décorée de l'écoeurante couleur de la St Valentin. La joie de la première sortie de l'année se percevait dans toute la salle. Les rires et les interpellations joyeuses fusaient. Harry, Ron et Hermione prirent place à la table du petit déjeuner. Neville était un peu pâle face à eux. Chaque fois qu'un bruit inhabituel troublait l'ambiance, il se penchait vers ses amis et demandait : "c'est le courrier ?" Au bout de la troisième fois, Harry, tout en essayant de ne pas rire, lui demanda s'il se sentait bien :
- A vrai dire, répondit Neville sur une grimace, pas vraiment. J'ai envoyé une carte à Luna et je ne sais pas comment elle va la recevoir.
- Par hibou, non ? dit Ron.
Hermione et Harry froncèrent les sourcils en le regardant. Il paraissait aussi mal à l'aise que Neville. Harry lui adressa un sourire interrogateur et Ron baissa la tête. Hermione secoua la sienne.
- Ne t'inquiète pas Neville, je suis sûre que Luna sera heureuse de recevoir ta carte.
Elle jeta un regard sévère à Ron qui grimaçait et elle donna un coup de coude à Harry. De l'index elle montra discrètement Ron pour lui demander ce qui lui arrivait. Harry haussa les épaules dans un geste d'ignorance.
Les hiboux s'engouffrèrent dans la salle par dizaines. Les cartes rouges tombèrent dans les assiettes. Ron en reçut une sur la tête. Très étonné il l'ouvrit avec circonspection. Un énorme cœur écarlate battait dans un bruit très réaliste. "Tu es le Valentin de mon cœur" s'allumait et s'éteignait au rythme des battements. Ron referma la carte dans une grimace de dégoût. Il avait eu le temps de lire la signature : Jezebel Dawson. Il se tourna vers Hermione :
- Qu'est-ce que j'en fais ? s'alarma-t-il.
- Oublie-la sur la table ! éclata Seamus Finnigan.
Hermione tapota l'épaule de Ron d'un air compatissant :
- Tu es son idole, Ron, il faut assumer ce nouveau statut.
Elle terminait de parler que trois cartes tombèrent dans son assiette. Ron les saisit et examina les écritures. Il en mit une devant lui : Fred ou George ! s'exclama-t-il d'une voix vibrante de colère. La deuxième et la troisième, il les tourna et retourna chacune dans une main sans réussir à savoir de qui elles venaient.
- Mais qui est-ce qui a pu t'envoyer ça ! maugréait-il.
Hermione lui reprit son courrier d'un geste sec. Elle ouvrit la carte des jumeaux, qui lui chanta une chanson humoristique sur ses airs de Graphorn, ses cheveux de Harpie, et ses yeux de Méduse…
- C'est d'un goût ! grommela Ron tandis qu'Hermione ouvrait la deuxième carte.
Dès qu'il lut la signature, il jeta un regard assassin au Préfet de Serdaigle qui se tordait le cou pour voir l'effet de sa carte sur Hermione.
- Il m'invite cet après midi chez Mrs Pieddodu. Si je suis d'accord je n'aurais qu'à le rejoindre à la descente des diligences…
Ron lui arracha la carte des mains.
- Certainement pas ! s'écria-t-il.
Il se rendit compte que Neville, Harry, Dean et Seamus le regardait fixement. Sans compter Hermione, les lèvres pincées qui lui demanda :
- Et pourquoi pas ?
- Parce que… parce que tu sais bien que cet après midi nous servons de garde du corps à Harry tous les deux…! S'exclama-t-il.
- Je peux fort bien me garder tout seul, répondit Harry.
Il ajouta, réprimant une envie de rire devant les yeux furibonds de Ron :
- Ouvre donc la troisième, Hermione, que nous sachions quel est ce troisième, ou plutôt quatrième prétendant…
Hermione obéit. Elle glissa la pointe de son couteau dans un coin de l'enveloppe et l'ouvrit prestement, curieuse de savoir ce que contenait la lettre. Elle sortit une carte noire qui fit s'exclamer les garçons. Elle l'ouvrit et… Neville poussa un cri. Elle la jeta au milieu de la table. Un petit serpent dressait sa tête parmi les plats du petit déjeuner. Cinq baguettes crachèrent un sort. La tête du serpent explosa, le reste de son corps secoué de tressautements. Ron se redressa aussitôt, la tête tournée vers la table des Serpentard, où Malefoy terminait son petit déjeuner d'un air indifférent, mais un sourire moqueur aux lèvres. A la table des professeurs, Rogue se leva vivement. Il fit un geste à Minerva McGonagall qui resta assise. Il fut à la table des Gryffondor en quelques enjambées. Il examina ce qui restait du serpent du bout de sa baguette et le fit disparaître.
- Ce n'était qu'un tout petit serpent de rien du tout, Miss Granger, dit-il. Il ne vous aurait pas fait le moindre mal.
- Je m'en suis aperçue, Monsieur, répondit Hermione apparemment mieux remise de sa frayeur que Neville.
- Une farce sans doute, de l'un de vos nombreux admirateurs…
- C'est cette face de sale fouine de …
Rogue leva sur Ron un regard étincelant. Le jeune homme se tut. Il sentit qu'on le tirait fermement par la manche de sa robe pour le faire rasseoir. Il réalisa que c'était Hermione. Il se tut et reprit sa place.
- Vous sortez à Pré-Au-Lard cette après-midi, je suppose… reprit Rogue. Je ne doute pas que la foule de vos chevaliers servants saura vous protéger d'autres surprises de ce genre, Miss Granger…
Il dévisagea Harry, Ron, Neville, Dean et Seamus avec un sourire moqueur… Il quitta la table des Gryffondor sans un regard de plus pour Hermione.
- C'est Malefoy ! Je le sais ! grinça Ron. Et il le sait aussi ce sale…
- Ron ! fit Hermione sèchement. Tais-toi ! On nous regarde.
Ils levèrent la tête vers la salle. Le silence recommençait à peine à se troubler de chuchotements inquiets.
- C'était une menace, reprit Harry calmement au bout d'un moment. Cet après-midi, c'est nous qui te servirons de gardes du corps, Hermione, ainsi que l'a recommandé Rogue
Ron ouvrit de grands yeux stupéfaits sur Harry. Celui-ci ne le laissa pas ouvrir la bouche.
- A moins que tu ne veuilles rester à Poudlard…
- Non ! trancha Hermione. Je veux aller à Pré-Au-Lard, j'irai à Pré-Au-Lard ! Et ce n'est pas cette sale fouine de Malefoy qui m'en empêchera.
Elle tourna ouvertement la tête vers Ron, le visage sombre et le regard dur. Il baissa la tête sans un mot.
- Neville ? reprit Hermione plus aimablement. Je crois que Luna a reçu ta carte.
Neville se retourna vivement, soudain cramoisi. Luna agita la lettre et haussa les épaules dans un geste qui signifiait : pourquoi pas ? Il lui fit un signe de la main. Il se retourna vers ses amis et serra les poings en signe de victoire.
- Tu l'as invitée chez Mrs Pieddodu ? demanda Hermione sur un sourire.
Ron releva la tête, abasourdi.
- Tu vas être obligé de l'embrasser ! dit-il.
Il y eut un flottement entre Neville, Harry, Hermione et Ron. Dean et Seamus ne comprirent pas.
- Ça c'est prévu pour la fin de l'après-midi, se hâta de répondre Neville alors qu'Hermione pâlissait et Ron rougissait.
Harry éclata d'un rire nerveux. Fichu Ron ! Il fallait toujours qu'il ouvre la bouche quand il ne le fallait pas.
- D'abord, expliqua Neville, on ira se promener dans les rues de Pré-Au-Lard. Et là, je lui prends la main. On continue à se promener ensemble et, oh ! par exemple ! quel hasard ! nous voilà devant chez Mrs Pieddodu. Il ne fait pas chaud : si nous allions prendre un chocolat pour nous réchauffer un peu ? Et voilà: un chocolat chaud plus tard, je fais apparaître une rose – une pour commencer, ça suffit…- et là selon ce qu'elle dit, je l'embrasse. Ensuite, toujours selon ce qu'elle dit, je lui offre ça !
Il sortit de sa poche une petite boite qu'il ouvrit. Il montra à ses amis deux boucles d'oreilles qui représentaient Saturne et ses anneaux.
- Heu… fit Harry, dubitatif. Tu ne trouves pas que ça fait beaucoup pour un premier rendez-vous ?
- Qui n'en est pas vraiment un ! renchérit Ron.
- Eh bien ! hésita Neville. C'est peut-être vrai, mais il se pourrait que lorsque nous reviendrons de Pré-Au-Lard, Luna soit ma petite amie. Et franchement, elle peut bien se balader avec ce qu'elle veut sur la tête, mais il est hors de question qu'elle continue à porter ses horribles bouchons de bièraubeurre en boucles d'oreilles !
- Pourquoi ne lui dis-tu pas simplement que tu ne veux pas qu'elle les porte ? s'étonna Ron.
Neville le regarda avec consternation.
- Premièrement par ce que je ne suis pas encore son petit ami. Deuxièmement parce que je ne veux pas la blesser. Et troisièmement parce que si je lui parlais sur ce ton elle m'enverrait bouler et elle aurait raison.
- Ce que j'en disais moi… Tu sais, Luna, elle n'est pas aussi bête qu'elle en a l'air. Elle va comprendre pour les boucles d'oreilles.
Neville haussa les épaules et soupira très fort. Curieusement, ce n'est pas Ron qu'il regardait quand il répondit avec un soupçon de lassitude dans la voix :
- Je sais qu'elle va comprendre, mais ainsi elle ne sera pas obligée de se sentir vexée dès notre premier rendez-vous.
Ron se mit à rire :
- C'est de Luna dont tu parles ! Elle ne se vexe jamais.
- Non, mais on peut très facilement la blesser, répondit Hermione froidement.
Elle repoussa son assiette avec exaspération.
- Je serais dans la salle des Quatre Maisons, reprit-elle. Je dois tout préparer pour demain. Si vous avez besoin de moi, ou si quelqu'un a quelque chose à me dire… vous savez où me trouver.
- Oui, fit Ron. Là au moins on est sûr que Malefoy ne viendra pas te chercher des noises…
- Et s'il lui prenait l'envie de le faire, répliqua Hermione, un demi sourire au coin des lèvres, j'aurais au moins un défenseur…
Ron suivit son regard vers le Préfet de Serdaigle qui s'approchait de leur table. Le jeune homme fit un sourire que Ron trouva hideux et demanda à Hermione si elle avait besoin de lui pour la préparation de la Finale du Tournoi d'Echecs. Hermione lui répondit aimablement qu'elle n'était pas contre un peu d'aide et ils quittèrent ensemble la Grande Salle.
Harry se rapprocha aussitôt de Ron et le frappa sur l'épaule.
- Et alors ? fit-il. Pourquoi ne l'as-tu pas invitée ? Le bal de Noël d'il y a deux ans ne t'a donc pas servi de leçon ?
Il renonça cependant à le houspiller davantage. Ron était pâle et il bafouilla :
- J'ai pas osé…
- Ouais ! fit Neville sur un soupir désolé. C'est bien ce que je dis ! Il a la trouille !
Ron lui jeta un regard noir.
- On verra ce soir, quand tu rentreras de Pré-Au-Lard, lequel de nous deux sera le plus le plus content de son après-midi… grogna-t-il. Parce qu'il est bien joli ton plan, Neville, mais tu oublies une chose : Luna c'est pas une fille comme les autres.
Neville lui fit un large sourire :
- C'est bien pour cela qu'elle me plait !
Il se leva de table et se dirigea vers son grand-oncle Algie pour s'assurer qu'il n'avait aucune intention de se rendre à Pré-Au-Lard dans le courant de l'après-midi.
Ron et Harry reprirent eux aussi le chemin de la salle commune. Ils croisèrent la route d'Ellie McGregor qui leur emboîta le pas, le sourire confiant.
- Alors, c'est demain que je te mets échec et mat, Roi Weasley ? se moqua-t-elle.
Ron ricana.
- C'est ce que tu crois, McGregor… Et je t'ai à l'œil, ne crois pas qu'il te sera facile de tricher avec moi…
Mc Gregor se mit à rire, au grand soulagement d'Harry. Il était toujours dangereux d'accuser un Serpentard de tricher, même si le Serpentard en question était une jeune fille avec d'aussi jolis yeux de bronze que McGregor. Ils arrivèrent devant la porte de la salle. La première des choses qu'ils virent fut Hermione en grande conversation avec le garçon de Serdaigle. Il tenait ses deux mains et paraissait très enthousiaste. McGregor se mit à rire de plus belle.
- On dirait d'ailleurs que tu es déjà en train de te faire souffler ta Dame, Roi Weasley.
Elle rejoignit ses amis de Serpentard toujours riant.
Ron se tourna vers Harry, désemparé. Celui-ci lui fit un geste des épaules :
- Tu sais ce qu'on dit, Ron, malheureux en amour, heureux aux jeux… Tu as toutes tes chances pour dimanche…
Ron prit une grande inspiration.
- C'était quoi exactement le sortilège pour faire sortir des fleurs ? demanda-t-il très vite, avant que l'idée lui semble totalement loufoque.
- Orchideus ! souffla Harry sans réfléchir.
Ron n'avait aucune idée de ce que pouvaient être les fleurs qu'il fit apparaître. Sauf qu'elles étaient très… rouges. Et lui-même n'était pas loin de l'être tout autant lorsqu'il s'avança vers Hermione son bouquet à la main. Il le lui mit dans les siennes en disant :"c'est pour toi !" avant de repartir en sens inverse, le visage incandescent.
Il passa rapidement devant Harry, toujours sur le pas de la porte.
- Ron ! s'exclama-t-il à voix basse.
-Oh ! Toi ! Ça va ! fit Ron sans se retourner.
Il partit à grandes enjambées vers l'escalier du grand hall. Il ne vit pas le sourire d'Hermione, immobile au milieu de la Salle des Quatre Maisons, ni la tête dépitée du Préfet de Serdaigle à qui elle venait de dire non.
Ron se cacha d'Hermione toute la matinée. Lorsqu'il vint à table pour le repas de midi, elle était déjà attablée et discutait avec Harry qui tentait de la faire changer d'avis sur sa sortie de l'après-midi. Malefoy ne leur accordait aucune attention, mais les sourires sardoniques de Crabbe et Goyle suffisaient à inquiéter le jeune Potter. Dean et Seamus avaient beau le rassurer en affirmant que leurs baguettes étaient à leur disposition, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une grande inquiétude.
- Depuis quand nous laissons-nous intimider par ces trois-là? demanda sévèrement Hermione. Et puis c'est ridicule ! Ils ne prendraient pas le risque de s'attaquer à nous dans Pré-Au-Lard, alors que tous les membres du Club de Duels seront avec nous, ou presque ! Ils ne peuvent que se souvenir de ce qui leur est arrivé le jour de notre départ à la fin de l'année dernière dans le train, voyons… Ils ne seront jamais aussi nombreux que nous ! Et même s'ils l'étaient, crois-tu qu'ils voudraient d'une bataille rangée dans les rues du village ?
- Mais… risqua Ron d'une petite voix et sans oser la regarder en face. Qu'est-ce que cela voulait dire alors, cette carte noire et ce serpent ?
- Un avertissement ! fit Dean d'une voix mystérieuse. Comme dans ces romans d'aventures moldus, où les bandits envoient un cercueil à leur future victime…
Ron devint livide. Neville frissonna. Harry s'arrêta dans son geste de remonter ses lunettes.
- Les prochains seront les sang-de-bourbe, rappela Seamus d'une voix lugubre.
Hermione leva les yeux au ciel et haussa les épaules.
- Ça, on le sait ! C'est la phrase préférée de Malefoy ! dit-elle sarcastique. Ça fait cinq ans qu'il le dit et ça commence à fatiguer ! Maintenant, si vous renoncez à aller à Pré-Au-Lard, libre à vous. Moi, je prends la diligence tout à l'heure ! Quitte à me mettre sous la protection de McGregor et de ses amis Serpentard !
- PAS QUES… pas la peine ! bredouilla Ron après un regard à Neville. On vient tous avec toi. N'est-ce pas Harry.
Hermione esquissa un sourire tandis qu'Harry hochait la tête. Ce n'était pas la peine de paniquer. Elle avait raison. Que pourraient bien faire de plus que d'ordinaire Malefoy et sa petite bande dans les rues de Pré-Au-Lard ? Il voulait simplement leur gâcher cette journée. Il jeta tout de même un regard vers la table des professeurs. Rogue et Algie Londubat semblaient en conversation. Rogue hochait la tête, paraissant approuver le professeur de Défense contre les Forces du Mal.
Ils terminèrent leur repas en silence. Puis le Professeur McGonagall invita ceux qui étaient autorisés à sortir à se préparer pour la visite à Pré-Au-Lard. Chacun monta dans sa chambre et, une demi heure plus tard, ils se retrouvèrent dans le Hall dans la foule des élèves surexcités. Hermione glissa à l'oreille de Ron un "merci" discret. Il sentit, alors qu'elle s'appuyait sur son bras pour se hausser sur la pointe des pieds, la discrète fragrance du parfum qu'il lui avait offert à Noël. Le jeune homme eut soudain une grande difficulté à avaler sa salive et fut heureux de n'avoir pas à lui répondre parce Neville arrivait, accompagné de Luna. Ron jeta un regard sévère à Dean qui avait l'audace de poser son bras sur les épaules de Ginny alors qu'ils n'avaient pas encore quitté l'enceinte du château. Devant la porte, Rusard cochait les noms de ceux qui sortaient, à l'affût de la moindre tête non autorisée. C'est alors que McGregor arriva des quartiers des Serpentard en courant presque. Elle stoppa net devant Hermione, comme stupéfaite de la trouver là.
- Granger ? fit-elle dans un soupir soulagé.
- Qu'est-ce que tu lui veux ? demanda Ron soupçonneux.
McGregor parut réfléchir.
- Rien, fit-elle. J'ai juste entendu Malefoy…
Elle s'interrompit car justement Malefoy traversait la foule. Crabbe et Goyle lui ouvraient le chemin de quelques grognements patibulaires, bousculant ceux qui refusaient de céder le passage. Malefoy les ignora lorsqu'il passa devant eux. Il ne daigna pas accorder non plus le moindre coup d'œil à Rusard qui cocha son nom sur la liste d'un trait rageur. Il monta dans la diligence qui se trouvait devant les escaliers du parvis, au grand scandale de ceux qui attendaient patiemment leur tour.
- Qu'a dit Malefoy ? demanda Harry soudain inquiet.
- Je l'ai vu qui revenait vers notre salle commune avec ses deux gardes du corps. Cela m'a étonnée parce que je l'avais déjà vu la quitter et je croyais qu'il venait prendre sa place dans la file pour partir à Pré-Au-Lard. Alors j'ai écouté ce qu'il disait à ces deux imbéciles : "La prochaine sera la Sang-de-Bourbe ! Ses heures sont comptées ! Ce soir quand nous rentrerons nous pourrons fêter une victoire sur elle et ses amis… Cette fois, il n'y aura pas de sursis…" J'ai cru qu'il avait dans l'idée de lui envoyer ses deux brutes dans un coin sombre du château… alors j'étais venue vous avertir. Mais c'est idiot, n'est-ce pas, puisque Granger est ici et qu'il n'aurait pas la stupidité de se battre avec vous à Pré-Au-Lard ?
Mais le visage de Potter restait de marbre. Granger fronçait les sourcils. Sur le perron, le Professeur Londubat faisait avancer les élèves, tandis que McGonagall l'air soucieux faisait partir les diligences.
- Vous savez ce que cela me rappelle ? dit Granger soudain.
- Le Match de Quidditch ! fit Potter. La moitié de l'école absente et l'autre occupée ailleurs… Et la tête déçue de Malefoy le dimanche matin…
- Les prochains seront les Sang-de-Bourbe… répéta Londubat, lugubre.
- Vous… Vous croyez qu'il revenait des toilettes des filles, déglutit Weasley.
Ils échangèrent un regard. Ginny Weasley partit la première. Les autres la suivirent d'un même mouvement. Luna Lovegood et Dean Thomas bondirent derrière eux. Un instant interdite, McGregor se lança à leur poursuite, piquée par la curiosité.
