Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc... je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris... Bonne lecture.
Chapitre 42
Mises au Point
Hermione, debout devant son bureau, dans la salle des Préfets, tenait entre ses doigts une carte de St Valentin toute rouge. Elle l'avait trouvée, posée au milieu du pupitre, appuyée à son plumier, sur le sous-main de cuir que ses parents lui avaient offerts pour Noël. Cette carte avait attiré son attention dès qu'elle était entrée dans la pièce, non seulement par sa couleur, mais parce qu'elle était sûre que son bureau était net quand elle l'avait quitté le matin même. Elle avait aussitôt vérifié que rien n'avait été dérangé. Chaque chose était à sa place. Ses notes concernant Gryffondor n'étaient pas mélangées avec celles concernant l'école en général. Le règlement de Rusard trônait à sa droite, celui de la salle des Quatre Maisons juste au-dessous. Son plumier n'avait pas bougé d'un pouce et ses tiroirs n'avaient pas été ouverts.
Elle tournait et retournait cette lettre entre ses mains, avec perplexité. Ce ne pouvait être qu'un préfet qui l'avait posé là. Etait-ce celui de Serdaigle qui revenait à la charge ? Ou bien Malefoy qui voulait réitérer son exploit du matin ? Un autre ? Elle en doutait quand même. Sa popularité avait beau avoir augmenté un peu, elle n'en avait pas attrapé la grosse tête pour autant.
Elle était là à hésiter devant cette carte qui portait simplement son nom et son prénom en lettres capitales, lorsque la porte s'ouvrit. Elle tourna la tête et reposa la lettre exactement où elle l'avait trouvée. McGregor marcha sur elle le visage décidé. L'affrontement avec la jeune préfète de Serpentard aurait lieu bien plus tôt qu'elle ne l'espérait.
- Le Professeur Rogue a réussi à tirer de toi tout ce qu'il voulait ? attaqua Hermione la première.
McGregor resta un instant interdite. Toute la colère qui bouillonnait en elle depuis qu'elle avait quitté le cachot du directeur de sa Maison retomba. Elle pesta.
- Ce type s'y entend pour te faire dire tout ce que tu voudrais lui cacher ! ragea-t-elle. J'espérais en apprendre un peu plus, et au lieu de ça c'est moi qui me suis mise à raconter ma vie ! Il m'a fait jurer le secret, mais je suppose que je ne livre aucun secret en parlant avec toi.
Hermione sourit.
- Ne te moque pas Granger ! Parce que ce qu'il n'a pas voulu dire, c'est toi qui vas me l'apprendre.
- Sinon ? fit Hermione, le sourire toujours aux lèvres.
- Sinon… menaça McGregor. Sinon… je sais pas ! Mais ce sera terrible !
Hermione se mit à rire.
- Je suis heureuse de te voir dans cet état, dit-elle. Je constate qu'il ne réserve pas ses sarcasmes qu'aux pauvres Gryffondor que nous sommes…
Elle lui fit signe de se taire un instant. Elle se dirigea vers la porte qui donnait dans le bureau des Préfets en Chef. Elle toqua puis entra. La pièce était vide. Elle revint vers McGregor.
- Que lui as-tu dit ? Tu lui as parlé de Malefoy ?
Ellie McGregor hocha la tête.
- Et qu'en penses-tu ?
- Que ce n'est pas un secret que Malefoy espère le retour du Lord des fous furieux ! Et qu'il s'imagine être de ceux qui serviront son retour. Alors quand je vous ai entendu parler de la Chambre des Secrets de Serpentard… je me suis dit qu'il devait y avoir là dedans quelque chose dont Tu-Sais-Qui…
- Voldemort, Ellie. Tu ne t'es pas encore entraînée à prononcer ce nom ? Harry ne va pas être satisfait… l'interrompit Hermione.
- …dont il a vraiment besoin. Par contre j'ignore qui et comment.
- "Qui" c'est Peter Pettigrew et "comment" c'est avec un miroir magique.
Un instant McGregor crut que Granger se moquait d'elle. Hermione lui raconta alors comment ils avaient découvert quatre ans auparavant que Croûtard, le rat de Ron Weasleyétait en fait un animagus non déclaré et que c'était à lui qu'Harry devait la mort de ses parents. Elle expliqua comment il avait rejoint son maître et lui avait permis de reprendre forme humaine. Elle lui démontra comment avec un miroir magique en liaison avec Voldemort, celui-ci pouvait "parler" en fourchelang à la porte de la chambre pour l'ouvrir depuis les toilettes de Mimi Geignarde sans se trouver réellement à Poudlard. McGregor s'appuya au bureau d'Hermione. Elle prit sa tête à deux mains.
- Donc il a fait descendre ce Pettigrew là-dedans parce qu'il croit qu'il y a quelque chose qui pourrait lui permettre de reprendre le pouvoir… récapitula-t-elle avec angoisse.
- … et tuer Harry, ajouta Hermione avec une hésitation que la préfète de Serpentard ne parut pas remarquer.
- Bien sûr, dit-elle. Il faut bien finir le travail… c'est ce qu'on nous apprend à Serpentard. Tout travail inachevé n'a aucune valeur…
- Je sais, soupira Hermione avec une grimace. La valeur de mes notes en Potions est là pour le prouver.
Ellie McGregor ne put s'empêcher de sourire. Elle reprit pourtant un air plus sombre pour demander :
- Qui a tué Bellatrix Lestrange ?
Hermione frissonna.
- Pettigrew.
Elle ajouta comme la jeune fille hochait la tête :
- Pourquoi ?
- C'est juste une rumeur qui commence à courir. On dit que c'est un mangemort qui l'a tuée et Malefoy met bien trop d'ardeur à démentir pour que ce ne soit pas une partie de la vérité. Alors, comme tu étais sur les lieux…
Hermione se retint à son tour au dossier de sa chaise. McGregor s'éloigna vers la porte.
- Je dois partir, Granger, mais ne crois pas que j'en ai fini avec les questions… Je reviendrai…
- Je t'attends, sourit Hermione.
- McGregor ? reprit-elle.
Ellie s'arrêta.
- Quand tu reviendras, ce serait bien que tu nous ramènes d'autres rumeurs…
Hermione glissa un œil timide vers la jeune fille.
- Sais-tu ce que tu me demandes ? Cela ne me plait pas de jouer les espions dans ma propre Maison.
- Quel vilain mot ! fit Hermione. Et ce n'est pas ce que je te demande. A moins que tu n'estimes que Malefoy est un digne représentant de ta Maison.
McGregor se retourna vivement, l'air furieux. Elle se calma cependant.
- Je l'ai déjà à l'œil, si c'est ce que tu veux dire. Je n'oublie pas que je lui dois la pire des fêtes de Fin d'Année ! Mais en échange, je te demande d'être honnête avec moi. Parce que je ne supporte pas qu'on se serve de moi.
- Et moi je n'aime pas me servir des gens. D'ailleurs les rares fois où je l'ai fait, je m'en suis mordu les doigts et je ne voudrais pas avoir à le refaire. Disons que ce sera un échange de bons procédés… Après tout, n'est-ce pas ce que le Choixpeau nous a recommandé cette année encore ? Bec et ongles griffes et dents…
- …Pour défendre Poudlard tout est bon, termina McGregor.
Elle réfléchit quelques secondes :
- Tu crois que Poudlard est en danger ?
- Tu crois que Voldemort laissera cette école en l'état s'il arrive au pouvoir ?
- Toi et moi, on est déjà sûres d'en être renvoyées…
- Si ce n'était que renvoyées, Ellie, ce ne serait pas trop grave…
Il y eut un silence lourd entre elles. McGregor reprit son chemin vers la porte. Hermione soupira de soulagement. Cela s'était mieux passé qu'elle ne l'aurait cru. Pourtant, McGregor, la main sur la poignée de la porte, se tourna à nouveau vers elle.
- Dis-donc, Granger… Tu dois être drôlement forte pour avoir résisté à un sortilège de cette folle furieuse…
Hermione se força à sourire :
- Ne l'oublie pas, McGregor ! dit-elle d'une voix moins ferme qu'elle ne l'eût voulu.
La porte se referma et Hermione tendit à nouveau ses mains vers l'enveloppe rouge. Elles tremblaient. Peutêtre Hannah avait-elle vu qui avait posé cette lettre sur son bureau. La porte s'ouvrit à nouveau. Elle tourna la tête, distraitement. Ron refermait la porte. Il avait l'air si mal à l'aise. Il fixait l'enveloppe rouge entre ses mains. Il devint aussi cramoisi qu'elle. Hermione se dépêcha de la ranger dans un coin du bureau avant qu'il ne la lui arrachât des mains. Elle n'avait ni envie ni besoin d'une autre scène. Il se dirigea pourtant à grandes enjambées vers elle. Il jeta un œil sur la carte. Elle ouvrit ses tiroirs comme si elle cherchait quelque chose de vital. Il ne dit rien et s'éloigna vers son propre bureau envahi de paperasses, de magazines, de parchemins divers. Elle ignorait comment il faisait pour retrouver quoi que ce soit dans ce capharnaüm. Une chatte n'y aurait pas retrouvé ses petits.
- Tu les as mises là !
Elle leva la tête vers Ron. Elle comprit qu'il parlait des fleurs qu'il lui avait offertes le matin et qu'elle venait d'amener sur son bureau.
- Où voulais-tu que je les mette ? C'est le seul endroit personnel que j'ai à l'école.
- Dans le dortoir… proposa Ron, hésitant.
- Dans le dortoir, personne ne les aurait vues…! A part les filles, et j'en ai largement assez d'entendre Lavande et Parvati glousser sans cesse.
Au bout d'un moment de silence, Ron toussota dans son poing. Il désigna la lettre rouge.
- Tu ne la lis pas ?
Hermione s'exhorta au calme.
- Non.
- Pourquoi ?
- Parce que je n'ai pas envie de recevoir une autre surprise comme celle de ce matin, ou même pire.
- Tu vas la jeter ?
Hermione, d'un geste de sa baguette, lui envoya la lettre entre les mains.
- Si tu veux savoir qui l'a écrite, ne te gêne pas !
Ron bondit sur ses pieds, comme si la lettre lui brûlait les doigts.
- Mais je veux pas savoir qui l'a écrite ! Je veux juste savoir si tu as l'intention de la lire !
- J'ai beaucoup de mal à te suivre, Ron, en ce moment ! Qu'est-ce que cela peut bien te faire si j'ai l'intention de la lire puisque tu ne veux pas savoir qui l'a écrite !
- PARCE QUE JE SAIS QUI L'A ECRITE CETTE STUPIDE CARTE !
Hermione jeta un rapide coup d'œil à la carte écarlate qu'il tenait entre ses doigts.
- Accio carte ! fit-elle.
Ron tenta de rattraper la lettre qui s'envola de l'autre côté de son bureau vers les mains d'Hermione. Il fit tomber par terre quelques magazines de Quidditch. Il ne prit pas la peine de les ramasser, il courut au bureau d'Hermione. Elle déchirait déjà l'enveloppe, curieuse de savoir qui en était l'auteur et pourquoi cela causait un tel émoi chez le jeune homme. Il mit ses mains sur la carte, le regard implorant.
- Si je te dis qui l'a écrite, tu ne la liras pas ? pria-t-il.
Hermione cessa de tirer la lettre vers elle.
- Dis toujours…
- C'est… C'est moi…
Elle faillit lâcher prise sous l'effet de la surprise. Elle tira brusquement l'enveloppe à elle et la serra contre son cœur.
- Je vois ! dit-elle sarcastique. Tu as écrit cette carte et à présent tu le regrettes. C'est pour la reprendre que tu es monté si tôt ici. Eh bien, remuons donc le couteau dans la plaie une dernière fois, Ron. Peutêtre qu'après ceci je serai guérie.
Elle repoussa son siège, se leva et tourna le dos à Ron. Elle sortit la carte de l'enveloppe. C'était une carte tout à fait normale pour une Saint Valentin : des cœurs roses et rouges, des rubans de la même couleur. Elle trouvait cela dégoulinant de mièvrerie mais c'était comme les branches de houx à Noël, on ne pouvait y échapper ! Elle l'ouvrit. La carte était vide. Pas un mot, pas le moindre dessin, juste écrit en tout petit à la place de la signature : Ronald. Elle tourna la carte entre ses mains. Rien que cette simple signature. Un fou rire lui vint qui lui fit mal. Elle se ressaisit cependant pour lui faire face. Il n'était plus rouge. Il était presque aussi vert que le jour où il avait croqué la dragée Arc-en-Ciel de Fred et George.
- Je ne vois vraiment pas ce qui te chagrine, dit-elle froidement. Tu n'as rien écrit de compromettant. D'autant que, si c'est tout ce que je t'inspire, tu aurais pu te dispenser d'envoyer une telle carte.
Elle la jeta sur son bureau. Son regard embué tomba sur les fleurs. Son silence lui était une torture.
- Tu ne comprends pas ! dit-il brusquement dans un souffle. Tu es capable de comprendre Harry ! Tu es capable de comprendre les humeurs de Rogue ! Tu comprends même Percy ! Et moi… Tu ne peux pas comprendre qu'il n'y a aucun mot qui existe pour exprimer tout ce que tu m'inspires ! Ou bien je ne les connais pas… Parce que je suis un imbécile même pas fichu de te dire merci pour avoir accepté d'avoir risqué ta vie pour aller chercher mon frère.
- Mais je ne l'ai pas fait pour que tu me dises merci… Je ne veux pas que tu me dises merci. Pas de cette manière en tous cas…
- Mais tu ne comprends pas ! répéta Ron, livide.
Il prit la carte sur le bureau et la déchira de rage.
- De toutes façons, dit-il, tu ne me croiras plus, n'est-ce pas. Je voudrais te le dire, Hermione. Je voudrais vraiment te le dire, mais je n'y arrive pas.
Hermione était figée, soudain. Et tout aussi soudainement, elle fit le tour de son bureau pour venir jusqu'à lui. Elle se mit sur la pointe des pieds pour toucher son visage. Il la prit dans ses bras et la serra contre lui. Il ferma les yeux dans ses cheveux parfumés. Elle sentait bon. Ce n'était plus tout à fait le parfum qu'il avait choisi, mais l'odeur de sa peau l'enivrait.
- Ron ! s'étouffa Hermione. Tu me fais mal…
Ron relâcha son étreinte. Ils se mirent à rire, plus pour cacher leur gêne réciproque que par drôlerie. Il hésita à pencher son visage vers elle. Elle lui tendit ses lèvres. Il se demanda qui allait surgir subitement, mais personne ne fit irruption.
Lorsque Drago Malefoy entra dans le bureau des Préfets, il trouva Weasley et sa Sang-de-Bourbe enlacés au milieu de la pièce, dans un rire heureux. La haine qui le submergea était plus forte que celle qu'il ressentait envers Potter. Il sentit sa baguette irrésistiblement attirée vers sa main. Il les avait cherché dans Pré-Au-Lard, eux, Potter et Londubat. Il ne les avait pas trouvé. Où avaient-ils passé l'après midi ? Avaient-ils encore un rapport avec le fait qu'il n'avait pas retrouvé ce qu'il aurait dû dans les toilettes des filles ? Weasley manifestement se plaçait entre Granger et ses regards venimeux. Il passa près d'eux. Il ressentit une sensation désagréable. Son cœur déjà amer se serra davantage. Il oublia ce qu'il était venu faire. Il ne voulait que les fuir. Il fit demi tour.
- Ce n'est que partie remise, Weasley ! le menaça-t-il. Toi et ta sang-de-bourbe vous regretterez le jour où vous êtes nés.
Il n'y avait pas autant de morgue que d'ordinaire dans ses paroles. Il quitta la pièce, pressé de fuir leur écoeurante entente.
- J'en ai plus qu'assez de m'entendre appeler la Sang-de-Bourbe ! grogna Hermione.
- Il n'a pas dit "la" sang-de-bourbe ! Il a dit "ta" sang-de-bourbe ! corrigea Ron.
Il chercha ses lèvres pour l'embrasser encore avant que les Préfets ne rentrent. Elle le repoussa doucement.
- Tu as vu ? demanda-t-elle. L'ourlet de sa robe, il était tout mouillé…
Ron fronça les sourcils.
- Tu crois qu'il vient de chez Mimi ?
Hermione retourna s'asseoir à son bureau.
- Oui, il en vient. Et je crois qu'il ne lui faudra pas longtemps avant de comprendre que si nous n'étions pas à Pré-Au-Lard, c'est parce que nous étions "ailleurs"…
- Il le saura par Croûtard, souffla Ron, assis sur le bureau d'Hermione.
Elle hocha la tête.
- Heureusement, Pettigrew ne sait rien de l'intervention de McGregor… chuchota Hermione. J'espère qu'elle saura se montrer discrète.
Ron fit une grimace qu'il tenta de réprimer sous l'œil sarcastique d'Hermione.
- Il est reparti par où, d'après toi ? demanda-t-il un moment plus tard. La Forêt Interdite ?
Hermione haussa une épaule. C'était assez logique…
- Tu crois qu'il pourrait tomber sur une bande de ces gerbilloises à crête ? Ca serait une sacrée épine qu'elles nous enlèveraient du pied, non ?
Hermione s'apprêtait à répondre lorsqu'elle resta la bouche ouverte.
- Ron ! s'exclama-t-elle à voix basse. Bien sûr ! Souviens-toi ce qu'Harry nous a raconté. Pettigrew a retrouvé Voldemort grâce aux communautés de rats d'Europe Centrale… Et que sont les Gerbilloises à crêtes ?
- Des espèces de rats !…
- D'Europe Centrale… ! L'année dernière nous avons eu affaire à Lucius Malefoy, et à Bellatrix Lestrange, mais Pettigrew, où était-il ? Pourquoi ne l'a-t-il pas envoyé à Harry lui aussi ?
- Tu crois qu'il était en Europe Centrale ? déglutit Ron qui pensait à Charlie. Ce serait lui qui aurait ramené ces bestioles ? Mais pourquoi ?
Hermione se leva, elle écouta le silence. Des bruits de pas et des rires leur parvinrent du couloir.
- Je ne vous ai pas dit, commença-t-elle rapidement. Mais j'ai croisé Firenze l'autre jour quand je revenais de la Forêt…
Les pas et les rires se rapprochaient de la porte. Elle prit la main de Ron.
- Pas ici ! et il faut le dire à Harry. Viens…
Harry regardait par la fenêtre de la salle de Gryffondor les diligences qui rentraient de Pré-Au-Lard. Les Sombrals impassibles les menaient jusque devant le perron et les élèves qui en descendaient paraissaient heureux. Harry se recroquevilla davantage sur la banquette de la fenêtre. Il détestait la Saint Valentin. Non parce qu'il n'avait pas de petite amie avec qui partager cette journée. Il détestait la Saint Valentin parce qu'il n'avait pas de petite amie et que son meilleur ami allait d'un instant à l'autre franchir la porte le cœur à nouveau brisé. Le jeune homme soupira. D'un autre côté, il comprenait Hermione. Elle ne pouvait tout de même pas se mettre continuellement en état de faiblesse pour satisfaire l'instinct protecteur de Ron Weasley. Et s'il n'était capable de lui dire qu'il l'aimait que lorsqu'elle ne pouvait l'entendre, tant pis pour lui… Il avait essayé de parler avec Hermione. Il l'avait interrogée sur les sentiments qu'elle-même avait pour Ron. Il lui avait juré qu'il ne trahirait pas ce qu'elle pourrait lui dire. Elle avait avoué qu'elle éprouvait pour ce grand rustre de Ron quelque chose qui ne pouvait s'expliquer d'aucune manière rationnelle. Harry avait alors voulu savoir pourquoi elle ne prenait pas les devants, pourquoi elle ne lui disait pas franchement qu'elle l'aimait au point de supporter cette blessante maladresse dont il faisait constamment preuve à son égard.
- Parce que si je lui disais cela, avait-elle répondu doucement, ce n'est pas dans un placard à balai qu'il fuirait se cacher. C'est au fin fond d'une grotte, au milieu des dragons de Charlie !
Harry tourna un instant la tête vers Ginny, quelques tables plus loin. Elle jouait avec ses mèches rouges, tout en discutant vivement avec Seamus. De Quidditchà n'en pas douter. Seamus adorait parler de Quidditch. Dean avait un bras posé autour des épaules de la jeune fille et approuvait vigoureusement de la tête tout ce qu'elle disait. Peu avant, Ginny était venue trouver Harry. Elle arrivait du bureau des Préfets, où elle avait renoncé à entrer quand elle avait entendu des éclats de voix. Ron criait après Hermione, une fois de plus. Elle avait juste compris qu'il s'agissait d'une carte qu'elle avait reçue.
Aussi quand la porte s'ouvrit, et qu'au lieu des élèves qui rentraient de Pré-Au-Lard, il vit s'avancer Hermione, immédiatement suivie de Ron, il sentit son cœur se serrer d'appréhension. Ginny les regarda passer, un peu perplexe, partagée entre la crainte et l'incompréhension. Hermione repoussa les jambes d'Harry d'un geste autoritaire pour se faire une place sur la banquette. Elle s'assit à côté de lui et Ron fit de même à côté d'elle. Harry chercha sur leur visage des indices qui lui permettraient de comprendre le sens qu'avait pris leur relation.
- Harry, commença-t-elle à voix basse, Ron et moi, nous avons pensé à quelque chose…
Harry l'écouta avec inquiétude. La dernière fois qu'elle avait usé d'un tel préambule, il avait vu débarquer la moitié de l'école à la Tête de Sanglier. Hermione continua :
- Il faut qu'on parle de Pettigrew. Ron croit que c'est lui qui a ramené les Gerbilloises d'Europe Centrale…
Ron se pencha à l'oreille de la jeune fille.
- Heu… non, Hermione... ça c'est toi qui le penses, moi j'ai juste dit que…
- C'est sans importance, l'interrompit-elle. Ce qui importe c'est que ces Gerbilloises sont apparues il n'y a pas si longtemps. D'après Hagrid, autour d'Halloween… Il m'en a parlé quand je lui ai amené Pattenrond.
Elle se tut brusquement.
- Et ?… fit Harry, un peu perdu quant au rapport entre les gerbilloises, Pattenrond, Pettigrew et leur réconciliation apparente.
Hermione ferma les yeux, dans un soupir résigné :
- Il faut que je vous raconte… à propos de Firenze.
Elle expliqua comment à la fin de sa première leçon d'anglais avec Graup, elle avait rencontré le jeune Centaure à la lisière de la Forêt. Elle leur résuma la conversation qu'elle avait eue avec lui. Harry observa Ron à la dérobée lorsqu'elle évoqua l'avis de Firenze sur l'inutilité de ses efforts et les dangers qu'elle courait. Le jeune Weasley pâlit un peu, mais ne sauta pas sur l'occasion, qu'elle lui offrait imprudemment, de renchérir. Elle cita la mise en garde du professeur de divination "La Forêt n'est plus une protection sûre depuis que ces actes atroces y ont été commis. Elle a perdu la force de sa magie et ce qui s'y prépare n'est que le commencement de la fin… Dis-le à tes amis. Toi, ils te croiront peutêtre…"
- Quels actes atroces ? chuchota Ron avec terreur. Tu crois qu'il parlait de la présence
de Vol… Volde… Voldemort… dans la Forêt.
- La première année ? continua Harry comme le jeune homme se décomposait. Quand il a tué les licornes…
- Hagrid a dit que les gerbilloises s'attaquaient aux licornes… gémit Ron. Et aux Centaures…
- Non, Ron, corrigea Hermione. Il a dit qu'elles pourraient s'attaquer aux Licornes et aux Centaures…
- Mais qu'est-ce qui s'y prépare ? Et qu'est-ce que c'est que le commencement de la fin ?
Les yeux de Ron allaient d'Harry à Hermione. Ils étaient graves tous deux.
- Calme-toi, veux-tu ? dit Hermione posément. Réfléchis deux secondes, et tu t'apercevras que tu connais les réponses.
Ron secoua la tête, dans un refus catégorique de ce qu'elle suggérait.
- Tu avais raison, Ron, reprit pourtant Harry. Il essaie de faire tomber les défenses de Poudlard. La Forêt Interdite d'abord, ensuite… la Tour elle-même.
- Mais comment ? balbutia Ron.
- Je l'ignore, murmura Harry. Je n'en ai aucune idée.
Il jeta un coup d'œil sur Hermione. Elle ne paraissait éprouver aucune curiosité sur la manière dont Voldemort comptait s'y prendre pour prendre Poudlard. Elle semblait réfléchir et avant qu'il ait le temps de l'interroger, elle reprit :
- Dès qu'Hedwige reviendra de Roumanie, il faudra qu'elle y retourne, Harry. Tu crois que cela ne sera pas trop pour elle ?
- Elle le fera, assura Harry. Il faut que nous sachions ce qu'a fait Pettigrew en Europe l'année dernière, si tant est qu'il y soit vraiment allé. Et il faut que nous sachions ce qu'il en est de Durmstrang est de ses mages noirs.
- Et il faut que nous sachions ce que fait vraiment Charlie en Roumanie… termina Ron d'une voix blanche.
Hermione eut un demi sourire. Elle tapota gentiment la main de Ron.
- Eh bien, il se pourrait qu'il étudie réellement les Dragons, Ron… Ca se pourrait fort bien, même…
Elle se leva. Harry et Ron levèrent le même regard ahuri vers elle.
- Où vas-tu ? demanda Ron hébété.
- Poudlard est encore debout, non ? répondit-elle sur un ton léger. Chaque chose en son temps, c'est le meilleur moyen d'atteindre le but qu'on s'est fixé. Et le mien, dans l'immédiat, c'est le Tournoi d'Echecs…
Harry voulut la retenir. Elle l'arrêta de la main.
- Demain après-midi, Harry, l'interrompit-elle. Après le Tournoi.
- Mais, si la partie s'éternise…
- Elle ne s'éternisera pas, assura Hermione. Ron m'a promis qu'il allait pulvériser McGregor…
Elle leur fit un signe de la main et tourna les talons.
- Il faut que j'apprenne à fermer ma grande gueule, murmura Ron, totalement défait.
Il passa ses mains sur son visage. Quelle journée de fou ! Il était passé des profondeurs de l'angoisse aux sommets de l'euphorie plusieurs fois à la suite. Et il ne savait pasà ce moment précis, entre lequel de ces deux états il se situait. Harry le fixait derrière ses lunettes depuis le départ d'Hermione. Il se sentit rougir.
- Alors ? demanda Harry. Tu en es où avec Hermione ?
- Je ne sais pas, répondit Ron. En fait, oui, je le sais… Mais nous n'avons pas vraiment décidé…
Harry ferma les yeux d'exaspération.
- Que s'est-il passé encore ? s'exclama-t-il à voix basse, conscient que Ginny les observait d'un air inquiet. Ta sœur vous a entendu vous disputer.
- On ne s'est pas disputé, répondit Ron. J'ai crié après elle, elle a crié après moi, on s'est embrassé et…
- Et… ? fit Harry interloqué
- Et je ne suis pas parti en courant, dit Ron en rougissant davantage.
- C'est une bonne chose !
Ils se tournèrent tous les deux vers Ginny, venue aux nouvelles. Ron cacha son visage dans ses mains. Ginny s'installa à côté de lui. Elle mit son bras autour des épaules de son frère.
- Tu crois qu'elle m'écoutera, maintenant, quand je lui dirai de ne pas faire de choses dangereuses ? demanda Ron.
Harry leva un sourcil sceptique. Ginny éclata carrément de rire devant tant de naïveté.
