Disclaimer : Tout est à JKR, lieux, personnages -sauf certains que vous reconnaîtrez aisément- créatures, etc... je ne tire aucun bénéfice de cette histoire, si ce n'est celui du plaisir que je prends à écrire et faire partager ce que j'écris... Bonne lecture.
Chapitre 46
Le Professeur Rogue
A nouveau Harry rêva de la Chambre des Secrets. Il était le serpent aux yeux rouges, qui rampait sur les dalles froides de la chambre souterraine. Il cherchait entre les pieds de la statue de Salazar Serpentard la faille dans laquelle il pourrait se glisser pour trouver ce qu'il était venu prendre. C'était là. Tout près. A portée de main. Il était à nouveau lui-même. Il posait les mains sur la pierre et les portes s'ouvraient sur une chambre noire. C'était là. Il le savait. Il le sentait. Il n'avait pas besoin de lumière pour tendre la main vers les grimoires. Il ouvrait le livre et les pages l'avalaient dans un tourbillon nauséeux, comme dans le journal de Jedusor. Et il fut auprès de lui. Il comprit qu'il ne rêvait plus. Il voulut fermer son esprit, quitter cet esprit plein de colère et de malveillance. Quelque chose le retint. Sous ses yeux –les siens et ceux de l'autre- Lucius Malefoy et Peter Pettigrew se faisaient face. Il ressentait une joie sardonique à voir ces deux hommes se renvoyer la faute de leurs échecs respectifs. Malefoy dont la morgue n'avait pas été entamée par son séjour à Azkaban regardait de haut la stature bancale de Pettigrew. Ce dernier s'avança en claudiquant vers leur Maître :
- Si son imbécile de fils n'avait pas brisé son miroir nous n'en serions pas là… cracha-t-il le premier.
- C'est Weasley qui a cassé le miroir de Drago !
Une rage impuissante monta à l'esprit de Harry. Une envie de meurtre et de sang.
- Weasley… siffla la voix dans sa tête. Encore un Weasley ! Partout sur mon chemin, des Weasley… Nous nous chargerons d'eux aussi… quand nous en aurons fini avec Potter.
Malefoy se tourna vers les yeux sombres et Harry vit qu'il avait à peine changé. Un peu moins élégant, peu être, mais toujours aussi hautain.
- Pourquoi pas dès à présent, Monseigneur ? Le père ne se cache pas. Il parade au Ministère chaque jour. Et l'un des fils est chez Gringott's. Il suffirait…
- Pas encore ! l'interrompit son maître. Il me faut d'abord le journal de mon aïeul. Maudit Dumbledore ! Il m'avait deviné… Je ne pouvais rouvrir la Porte sans courir le risque de me laisser découvrir.
La haine monta au cœur d'Harry. Une envie de meurtre lui serra la gorge. Il sentait la peur dans l'attitude de Pettigrew et Malefoy était tendu. Ce dernier baissa la tête :
- Monseigneur, reprit-il d'une voix égale. Drago peut encore vous être utile…
- Crois-tu que Severus le laissera faire quoi que ce soit à présent ? cracha à nouveau Pettigrew. Ton cher ami Severus Rogue…
Malefoy sentit la menace dans la voix de Peter. Harry contenait sa joie. Qu'ils règlent leurs comptes entre eux.
- Pourquoi ne lui envoyez-vous pas Nagini, Maître ? demanda Peter. Pourquoi ne pas vous débarrasser de ce traître ?
- Parce qu'il faut d'abord que tombent les défenses de Poudlard !
La voix sifflait dans la tête de Harry. Il avait mal. Il luttait contre l'envie de leur crier que jamais il ne les laisserait faire.
- Tu vas y retourner, Peter. Comme tu en es sorti, tu y retourneras. Nagini t'accompagnera. Il ouvrira les portes et toi tu prendras le livre. Tu tourneras les pages et je lirais à travers les yeux de mon fidèle serviteur. Le seul qui n'ai jamais failli…
Peter Pettigrew se recroquevilla sous le regard perçant de Voldemort. Malefoy crut pouvoir le soutenir sans ciller. Il détourna les yeux tandis qu'il frissonnait, un spasme douloureux dans la poitrine.
- Quand, Monseigneur ? s'inclina Malefoy.
- Tu vas rappeler ton fils pour les vacances, Lucius, ordonna Voldemort. Nous lui expliquerons ce que nous voulons de lui. Il faudra qu'il tienne Potter et ce Weasley occupés. Et la Sang-de-Bourbe aussi. Nous lui laisserons deux jours pour organiser cette diversion. Le troisième nous passerons à l'action.
Voldemort se mit à rire, d'un rire froid et incisif.
- Et enfin, enfin ! nous verrons qui est le plus fort ! mon cher Albus Dumbledore !
Son rire faisait mal à Harry. Voldemort se calma dans une respiration sifflante.
- Quand j'ai commencé à lire ce livre, j'ai cru dans ma stupidité de garçon de seize ans que l'histoire qu'il racontait était la même que celle de mes livres d'école… Je n'ai compris que bien plus tard… trop tard ! que si Salazar Serpentard avait pris la peine de cacher ce grimoire c'était pour la raison qu'il contenait des secrets que ne divulguaient certainement pas les livres que le tout-venant pouvait avoir entre les mains. Il l'avait réservé à son Héritier. Je n'ai pas eu le temps d'aller plus loin – et je dois dire qu'à l'époque ce n'était pas ma préoccupation première- que les pages où il expliquait que son départ signerait la ruine de l'école…
Il se tut. La frustration envahit Harry. Ce n'était pas la sienne. C'était celle de Tom Jedusor qui se reprochait son impatience d'adolescent.
- Maî… Maître… risqua Pettigrew, sa main d'argent levée en une dérisoire protection contre la colère de Voldemort.
- Oui, Peter… gronda Voldemort. L'Ecole est toujours là… Comment ont-ils fait, alors que le plus brillant d'entre eux les avait quitté, pour continuer à protéger Poudlard bien après la mort de mon illustre ancêtre ?
Ce fut Harry qui se mit à rire. Une idée folle lui vint. Hermione le savait ! Hermione savait ce que le Maître des Ténèbres ignorait ! Il ferma enfin son esprit et s'éveilla. Le souffle court comme chaque fois qu'il sortait d'un cauchemar, il se redressa dans son lit. Cette fois pourtant s'il haletait ce n'était pas de crainte, c'était d'une furieuse envie de rire. Il lui fallait voir Rogue immédiatement. Ron avait eu raison, une fois de plus. Mais un "rêve" cette foisétayait ses dires. Rogue allait sûrement lui reprocher son arrogance, le traiter d'irresponsable, mais cela lui était égal. Il savait quand, il savait comment, et il savait quoi. Cela valait le risque de se laisser découvrir. D'autant que cela n'était pas arrivé, il avait rompu le contact avant que Voldemort le devine. Il lui fallait voir Rogue avant d'oublier le détail de ce rêve. Le lendemain était un samedi. Il n'aurait aucun prétexte pour voir Rogue dans la journée, ni pour se rendre à son cachot. Il ne pouvait attendre le lundi. Tout devait être important. Il sauta hors de son lit et fouilla dans son armoire après sa cape d'invisibilité. Il passa quand même sa robe de sorcier par-dessus son pyjama. Il se calma. Neville dormait. Il voyait le clair de lune dessiner la forme du corps de Seamus sous ses couvertures. A ce qu'il pouvait en juger, les vêtements de Dean s'entassaient au pied de son lit. Il réveilla Ron.
- Faut que je te parle ! chuchota-t-il. Viens dans la salle !
Il devait lui dire pour son père et Bill. Il fallait qu'à la première heure il envoie un hibou au QG et à Fred et George pour plus de sûreté. Il lui fit prendre son miroir au cas où il aurait besoin de son aide pour rentrer à nouveau chez les Gryffondor. Ils descendirent en silence. Ron voulut interroger tout de suite son ami car il avait bien compris, malgré ses bâillements, qu'il s'agissait d'évènements graves.
- Chut ! fit Harry. Personne n'est blessé ! Tout va bien pour l'instant. Mais si je ne te parle pas ce soir, tu vas m'en vouloir demain ! Attends-moi ici, je reviens !
- Et tu vas où ?
La voix d'Hermione les fit sursauter tous les deux. Elle sortit de derrière son fauteuil, dans sa robe de chambre en pilou. Elle désigna la cape sur le bras d'Harry.
- On t'accompagne ?
- Non ! décida Harry. Je dois voir Rogue. Il vaut mieux que j'y aille seul. Attendez-moi ici, nous parlerons quand je reviendrai.
Elle le retint de la main sur son bras.
- Tu vas bien Harry ?
Il lui sourit "Tout va très bien Hermione "
A demi rassurés, ils le laissèrent enfin partir. Harry entendit Ron demander à Hermione ce qu'elle faisait à cette heure de la nuit dans la salle commune au lieu d'être dans son dortoir. Il recouvrit sa tête de la cape et repoussa le tableau de la Grosse Dame tandis qu'Hermione répondait qu'elle avait rendu la liste des ASPIC à McGonagall quelques jours auparavant et qu'elle doutait à présent d'avoir fait les bons choix.
Harry eut presque envie de rire. Il se sentait le cœur léger. Il était seul dans les couloirs. Il ne se soucia guère de Miss Teigne qui lui fit comprendre qu'elle savait qu'il était là sous sa cape. Elle partit chercher Rusard mais Harry s'en moquait. Quand le concierge arriverait, il serait déjà loin. Il prit garde à ne pas attirer l'attention de Peeves dès qu'il s'approcha des quartiers des Serpentard. L'esprit traînaillait toutes les nuits du côté des cachots depuis qu'Hermione l'avait défié de prendre en faute Malefoy et sa bande. Il vérifia que personne ne rôdait dans les parages. Il frappa discrètement à la porte du cachot qui servait d'appartement à Rogue. Il espérait ne pas s'être trompé d'endroit. Il allait se décider à frapper un peu plus fort, lorsque la porte s'ouvrit.
- Professeur… commença-t-il.
Il s'interrompit, la bouche ouverte en une grimace de stupéfaction qu'il était heureux que personne ne vît. La même grimace était figée sur le visage du professeur Londubat sur le pas de la porte.
- Potter ? chuchota-t-il. C'est bien vous ?
Il jeta un regard dans le couloir vide.
- N'enlevez pas votre cape… entrez !
Il se décala un peu pour permettre à Harry de se faufiler à l'intérieur. Il vérifia une nouvelle fois le couloir avant de refermer la porte. Harry enleva sa cape d'invisibilité.
- Professeur Londubat ! dit-il enfin.
- Potter ! s'exclama à voix basse Algie Londubat. Mais que diantre faites-vous ici ? Savez-vous l'heure qu'il est ?
- Je dois voir le Professeur Rogue ! pressa Harry. C'est urgent.
Algie Londubat secoua la tête.
- C'est impossible pour le moment, mon garçon. Cela ne pouvait pas attendre demain ?
- Les communications du célèbre Mr Potter ne peuvent jamais attendre, Professeur…
Harry et le professeur Londubat se tournèrent en même temps vers la porte du fond. Rogue se tenait au chambranle de la porte, prêt à défaillir. Harry pâlit à le voir si blafard. Les ailes de son nez étaient pincées et ses yeux étaient à demi révulsés. Algie Londubat se précipita pour le soutenir.
- Vous êtes revenu trop vite, Severus… dit-il.
Il leva vers Rogue un regard inquiet soudain.
- Vous avez dû quitter la place précipitamment ? Il vous a repéré ?
Rogue fit un effort pour rester droit.
- Je l'ai cru… souffla-t-il.
Il lança alors un regard perçant à Harry au travers de ses yeux mi-clos.
- Mais j'ai une autre interprétation à présent.
Le professeur Londubat ramena Rogue dans la chambre et repoussa la porte. Il pria Harry de l'attendre un moment. Le jeune Potter se remettait de cette vision d'un Rogue moribond. Il sembla réaliser soudain où il se trouvait. Il était dans un petit salon assez strict mais confortable, bien qu'on ne sentît pas vraiment une vie quotidienne dans cet appartement. Plusieurs portes donnaient dans la pièce, dont celle qui menait à la chambre de Rogue. Harry attendait. Les paroles du Professeur Londubat tournaient dans sa tête. Deux mots surtout revenait sans cesse à son esprit : les verbes revenir et repérer. Son cœur battait étrangement vite. Il avait du mal à avaler sa salive. La porte de la chambre s'ouvrit doucement et Algie Londubat lui fit signe d'entrer.
La pièce était obscure. Elle paraissait austère, presque autant que le laboratoire du bureau de Rogue. Le professeur était assis sur son lit, légèrement penché en avant comme s'il essayait de reprendre son souffle. Ses cheveux tombaient sur son visage.
- Eh bien Potter ! prononça-t-il d'une voix haletante. Qu'avez-vous de si important à me dire ? Vous avez fait un nouveau rêve ? Et vous avez vu Lucius Malefoy et Pettigrew mettre au point une nouvelle attaque de la Chambre des Secrets ?
Harry eût préféré des insultes. Ce fut lui qui manqua de souffle.
- Oui, Monsieur… murmura-t-il.
- Et vous avez couru m'en avertir ! C'est fort aimable à vous !
Rogue prit une inspiration douloureuse. Algie Londubat lui tendit un gobelet et l'aida à boire.
- J'ai entendu des menaces contre les Weasley également…
- Oh ! fit Rogue. Vous étiez déjà là ?… Il vous a senti.
- Non, Monsieur ! Je suis sûr que non !
- Et moi je vous dis que oui ! gronda Rogue. Il s'est demandé comment les fondateurs de Poudlard avaient fait pour survivre au départ de Serpentard puis il s'est interrompu : il a demandé le silence et il a dit : il y a quelqu'un d'autre ici !
- Mais j'étais déjà parti, Professeur. J'ai fermé mon esprit.
Le professeur Londubat posa lentement le gobelet vide sur un chevet dans l'ombre.
- Vous pratiquez la transe narcomancienne avec Vous-Savez-Qui ? demanda-t-il d'une voix blanche.
- Non ! répondit Harry.
- Oui ! le contredit Rogue. C'est totalement inconscient, involontaire et incontrôlé mais oui !
Harry regardait Rogue avec effarement. Rogue eut un geste d'agacement.
- Pourquoi croyez vous que le professeur Dumbledore m'ait demandé de vous apprendre l'occlumancie l'année dernière. Pour pallier votre manque d'expérience ! Il était urgent de vous initier à l'occlumancie d'abord ! J'essaie de vous enseigner la maîtrise de la narcomancie pour que vous ne subissiez plus les attaques du Maître des Ténèbres et vous manquez tout faire rater comme d'habitude par votre manque de rigueur et de patience. Votre père était ainsi. Il lui fallait tout et tout de suite ! Il ne réfléchissait jamais aux conséquences de ses actes…
Harry sentait monter en lui un reste de haine qui lui broyait le cœur et le ventre. Il tordit sa bouche pour hurler sa colère. Rogue poussa un cri de douleur. Il se plia sur son bras gauche "Dehors " ordonna-t-il d'une voix sourde. Algie Londubat fit sortir Harry dans le salon. Il resta seul avec son cri de haine coincé en travers de la gorge. Le professeur Londubat rejoignit le jeune homme quelques minutes plus tard. Il était grave. Il s'assit en face de lui.
- Expliquez-moi, demanda-t-il. Je vous jure que rien ne sortira de cette pièce.
Harry lui raconta alors les rêves qu'il avait fait l'année précédentes, les conséquences de chacun, les leçons d'occlumancie dont il n'avait pas mesuré la portée, les séances de légilimancie et pour finir, la narcomancie dans le laboratoire de Rogue. Il ignorait que ce qu'il appelait ses rêves étaient en fait des transes provoquées par Voldemort volontairement ou non. Il ignorait tout de cette pratique et de ses dons, transmis à n'en pas douter par le Seigneur des Ténèbres lorsqu'il avait voulu le tuer. Algie Londubat resta un long moment sans parler. Il reprit enfin :
- Savez-vous comment s'appelle la branche la plus poussée de la narcomancie ?
Harry réfléchit un instant. "Ce n'est qu'une étape" avait dit Hermione.
- Est-ce la voie qui mène à la possession des esprits ? demanda-t-il.
Le professeur Londubat ne répondit pas.
- La possession des corps passe-t-elle par le même chemin ?
- En partie, répondit le professeur de Défense contre les Forces du Mal. Il faut être doué en Métamorphoses également.
Harry soupira. Il eut envie de rire. Il était là, assis dans le salon de Rogue à discuter de magie noire avec le professeur de défense contre les Forces du Mal, en pleine nuit, en pyjama sous sa robe de sorcier, comme si ce fût tout naturel. Il s'attendait presque à entendre la voix de Dumbledore lui proposer de reprendre un petit gâteau.
Il toucha sa cicatrice. Elle l'avait élancé un court instant quand la haine envers Rogue l'avait à nouveau submergé, au moment même ou celui-ci avait senti dans sa chair l'appel du Maître à ses esclaves. Algie Londubat se leva pour écouter à la porte de la chambre. Il revint vers Harry, rassuré.
- Je craignais qu'il ne soit reparti… Il a reçu l'appel hier et avant-hier également. Trois fois en trois jours, c'est trop ! Il risque gros à chaque fois…
Harry hésita :
- Avec qui est-il en contact quand il est en transe ? demanda-t-il.
- Je l'ignore, répondit Londubat. Et si je le savais, je ne pourrais vous le dire. Mais il n'est pas nécessaire d'être dans l'esprit de quelqu'un… C'est la forme la plus simple de la transe. Seuls les grands mages peuvent posséder l'esprit d'un autre, ou même s'y loger quelques instants. Et il faut l'être davantage encore pour plier la volonté de l'autre à la sienne.
- Il faut maîtriser l'Impérium, je suppose, murmura Harry. Vous croyez que c'est en maîtrisant le Doloris que Voldemort appelle ses fidèles auprès de lui, Monsieur ?
Le professeur le regarda longuement. Il finit par sourire tandis qu'il se levait et lui tendait sa cape.
- Soyez prudent, Harry. Je ne peux vous raccompagner. Je dois veiller sur Severus. Il nous est très précieux.
Harry s'enveloppa de sa cape. Seule sa tête était visible au milieu du salon.
- Harry ? reprit le professeur. Vous ne m'en voudrez pas trop si je vous dis que je suis heureux que ce soit vous qu'il ait choisi ?
- Si j'étais à votre place, je penserais sans doute la même chose, Monsieur.
Harry couvrit sa tête de la cape. Algie Londubat entrouvrit la porte de l'appartement. Harry se glissa à l'extérieur. Il évita Rusard qui furetait. Il surprit Peeves qui plissait les tapis en haut des escaliers. Quand il arriva devant le tableau la Grosse Dame était partie. Il prit son miroir sous sa cape et appela Ron. Il attendit quelques instants dans une impatience grandissante. Il allait se décider à rappeler lorsqu'il vit se troubler l'eau du miroir. Ron lui répondit à voix basse. La tête d'Hermione, ses cheveux ébouriffés, prit la place du visage de Ron dans l'encadrement de la glace. Elle dormait et apparemment sa tête venait de glisser de l'épaule de leur ami.
- Désolé, Harry ! chuchota Ron alors qu'il levait le miroir pour voir le visage moqueur d'Harry. Où es-tu ? Il fait tout noir autour de toi.
- Je suis coincé dehors, Ron ! La Grosse Dame est partie ! Viens m'ouvrir… si tu n'as rien de mieux à faire…
Ron ne le laissa pas finir sa phrase. Il laissa Hermione se réveiller et courut ouvrir le panneau qui masquait l'entrée de la salle. Il le laissa ouvert jusqu'à ce que Harry enlevât sa cape à côté de lui.
- Alors ? fit Ron, impatient d'avoir des nouvelles.
Harry se rendit compte qu'il fallait à présent répondre à ses questions et qu'il n'avait pas vraiment envie de le faire.
- Ron a dit que tu avais fait un rêve…
Harry tourna la tête vers Hermione pour échapper au regard inquisiteur de Ron. Il se méfiait de ses éclairs de perspicacité qui se manifestaient toujours aux moments les plus inattendus.
- J'espère qu'il n'est rien arrivé aux Weasley… continua Hermione. Qu'as-tu vu ? Ne devais-tu pas fermer ton esprit ? Et qu'en a dit Rogue ?
- Ça va ! fit Harry, plein d'amertume.
Il marcha fermement vers la fenêtre. Il remarqua la pleine lune dans le ciel et ses pensées s'égarèrent un moment vers le Saule Cogneur et Rémus Lupin.
- Vous croyez qu'ils vont nous laisser ici pendant les vacances ? soupira Harry.
- Je n'en sais rien, dit Ron revenu près d'Hermione.
Ils se serraient l'un contre l'autre, un regard inquiet posé sur leur ami.
- Ça c'est mal passé avec Rogue ? demanda Ron. Il a été désagréable ?…
- Non, répondit distraitement Harry. Enfin, oui… Ce n'est pas important.
Rémus devait savoir pour Rogue et Bellatrix. En tous cas, il devait savoir pourquoi Sirius avait jugé bon d'envoyer Rogue à une mort certaine… Il devait le voir. Il devrait jouer finement avec lui, mais cela valait le coup d'essayer.
- Qu'est-ce qui est important alors, Harry ?
Cette fille était vraiment insupportable. Elle lisait entre les lignes de tout ce qui lui tombait sous la main. Inutile de vouloir lui cacher quoi que ce soit. Elle s'attachait davantage à ce qu'on ne lui disait pas qu'à ce qu'on voulait lui révéler. Il se retourna vers ses deux amis.
- Ce qui est important c'est qu'il savait déjà ce que je venais lui dire !
Il laissa Ron assimiler ce qu'il venait d'apprendre. Il reporta à nouveau son attention vers la nuit et l'extérieur. Il sentait le regard d'Hermione sur lui. Il ne pouvait s'empêcher d'exprimer toute l'amertume qu'il n'avait pu crier à Rogue.
- Et qu'est-ce qui t'ennuie tant que cela, Harry ? Que tu n'aies plus de raison de douter de lui ? Ou bien que vous jouiez sur le même terrain ?
Harry fit volte-face. Ses yeux étincelaient. Ron resserra l'étreinte de son bras sur les épaules d'Hermione. Harry se mit à rire. Oui, elle était vraiment redoutable.
- Tu savais qu'il était narcomancien ? demanda-t-il.
- T'enseignerait-il à le devenir sinon ?
- Tu crois qu'il…
Harry inspira douloureusement.
- Tu crois qu'il est capable de posséder l'esprit de quelqu'un ? reprit-il presque à regrets…
- Je crois qu'il en a les possibilités… mais j'ignore s'il est déjà allé aussi loin. Je ne pense pas qu'il en ait jamais eu l'intention, ou l'envie…
- Alors comment pourrait-il m'enseigner la manière de posséder Voldemort ? demanda Harry soudain effaré.
- Peutêtre n'as-tu pas besoin qu'on te l'enseigne… dit Hermione prudemment. Peutêtre as-tu simplement besoin qu'on te rappelle les rudiments de base…
Harry frissonna. Elle en revenait toujours à la même chose.
- Mais je comprends que tu ne sois pas prêt à cela, murmura-t-elle.
- Pourriez-vous me dire de quoi vous parlez ! s'énerva Ron.
Hermione ne quittait pas Harry des yeux. Il soupira.
- Elle voudrait que je laisse remonter à mon esprit tout ce que Voldemort a laissé en moi.
- Tu veux dire, tous ses pouvoirs…
Harry hocha la tête :
- On peut dire cela comme ça… en tous cas tous les potentiels qu'il m'a donnés… Elle a beaucoup plus confiance en moi que moi-même.
- Tu es le fils de deux grands sorciers, Harry, reprit sérieusement Hermione. Ta mère t'a transmis les pouvoirs de l'ancienne magie, et Voldemort les siens. Quand tu le désires profondément, tu fais des choses dont peu de sorciers, même expérimentés, sont capables. Le professeur Rogue est ce qu'il est. Mais il maîtrise la magie ancienne et il a pratiqué la magie noire. Il en connaît les effets, sur les autres et sur soi-même. Le Professeur Londubat t'aidera également, mais seul le professeur Rogue te montrera l'étendue de tes capacités. Parce que lui seul ici sait où cela mène…
Harry fit une grimace amère.
- J'aurais dû laisser le choixpeau m'envoyer à Serpentard, alors… murmura-t-il.
Hermione fit un petit bruit de gorge. Ron prit un air hautain :
- Et qu'est-ce que tu y aurais fait, sans nous ?
Hermione lui donna un coup de coude.
- Sans moi, tu veux dire !
Ron se pencha pour l'embrasser.
- Je peux vous laisser seuls, si vous voulez, proposa Harry.
Ron serra Hermione contre lui et se mit à rire un peu gêné.
- Pas avant que tu m'aies dit pourquoi tu m'as sorti du lit…
- Ni pourquoi il fallait absolument que tu ailles trouver le Professeur Rogue…
Harry leur raconta sa vision de la nuit. Ron grimaça à l'évocation de sa famille par Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Hermione pâlit à celle du grimoire de Salazar Serpentard. Ron s'intéressa vivement à la manière dont le Seigneur Noir comptait réinvestir la Chambre des Secrets. Il laissa échapper un "J'en étais sûr " quand Harry leur répéta les paroles de Voldemort.
- Après les vacances, dis-tu ? demanda Hermione en confirmation.
Harry hocha la tête.
- Alors, il est possible que nous retournions au Delacour Trade Hotel bientôt… murmura-t-elle. Le temps qu'ils placent quelques bons vieux pièges à rats… comme à Noël.
Elle parut réfléchir un moment.
- As-tu une idée de celui avec qui le Professeur Rogue est en contact psychique ? demanda-t-elle un peu soucieuse.
Harry secoua la tête.
- Le Professeur Londubat prétend qu'il n'est pas forcément besoin d'être en contact avec un autre esprit…
- Oui, mais le Professeur Rogue n'est pas inconscient au point de ne pas prendre soin de se cacher derrière un écran de fumée… insista Hermione.
Harry haussa les épaules :
- Il n'avait pas le choix. Il n'y avait que Voldemort, Pettigrew et Malefoy…Il croisa le regard d'Hermione. Non ! Il ne voulait pas penser à cela !
- Vol… Vol… ce n'est pas possible. Enumérait Ron. Ce serait trop risqué et on sait qu'il n'y a que toi qui puisse le faire ! Pettigrew ça m'étonnerait ! sinon, il aurait su pour Percy… Vous ne croyez pas qu'il aurait fait exprès de laisser Percy…
- Non Ron, répondit Hermione sans cesser de fixer Harry.
- Alors, continuait Ron, il ne reste que Lucius Malefoy…
Il s'interrompit de lui-même. Harry soupira. Il ne voulait pas penser à ces conclusions-là.
- Malefoy… répétait pourtant Hermione à voix basse. Il n'était pas d'une grande utilité à Azkaban…
Harry faisait des vœux pour que Ron ne prononçât pas les paroles fatidiques.
- Mais… Hony… qu'est-ce que tu es en train de dire !
Harry ferma les yeux et soupira si fort que Ron se tourna violement vers lui.
- Non ! s'écria le jeune homme. Ils n'auraient pas fait cela…
- Il faut savoir sacrifier des pièces, Ron, pour pouvoir jouer un coup de maître…murmura à nouveau Hermione.
Ron se leva d'un bond. Il était blême.
- Papa ne se serait pas fait le complice d'une telle abomination… C'est Rogue qui a tout manigancé. C'est parce qu'il le leur a demandé qu'ils l'ont laissé s'évader d'Azkaban.
- Chuuuut ! fit doucement Hermione.
Ron revint vers elle. Il s'assit à nouveau devant elle et prit ses mains dans les siennes.
- Dis-moi que ce n'est pas vrai ! Ils n'ont pas fait semblant de croire à leurs diversions ridicules pour laisser s'envoler cet assassin psychopathe !
- Lucius Malefoy leur est bien plus utile auprès de son Maître que dans sa cellule, Ronnie
Elle lui sourit et caressa sa joue tendrement.
- Il est bien plus utile à son Maître également ! s'entêta Ron. Imagine qu'il en profite pour tuer Papa, ou Bill, ou Fred ou George… ou peutêtre tous à la fois !
- Ils ont pris la mesure des risques, Ron. Ils n'ont sûrement pas décidé cela à la légère.
- Mais si c'est vraiment Malefoy que surveille Rogue, pourquoi n'a-t-il pas empêché le retour de Voldemort… Il devait savoir pour la Chambre des Secrets quand il a donné le journal de Jedusor à Ginny !
Ron était désemparé. Il cherchait mille raisons pour s'enlever ces idées de la tête. Harry vint s'asseoir auprès de lui. Le désarroi de son ami lui faisait oublier le sien.
- Non, Ron… Ce n'est que lorsque je suis revenu du cimetière avec le corps de Cédric Diggory que Dumbledore a demandé à Rogue de faire… ce qu'il avait à faire. Et souvenez-vous… le jour où Karkarof a pratiquement sorti Rogue de la salle de cours pour lui montrer sa marque qui réapparaissait…
Hermione releva vivement la tête vers lui :
- Tu crois que c'est à travers la marque qu'ils sont liés ? Comme toi et Voldemort par ta cicatrice…
- Il est aussi lié à tous ceux qui la portent alors… murmura Ron. Et dans ce cas vous avez tort, tous les deux, pour son évasion… Ils n'avaient pas besoin de Malefoy pour…
Il paraissait soulagé. Mais Hermione haussait une épaule et grimaçait.
- Peutêtre… ou peutêtre pas… Et Malefoy est celui que Rogue connaît le mieux. De plus, depuis que Bellatrix Lestrange est morte… Lucius Malefoy est celui en qui Voldemort a le plus confiance… pour autant qu'il fasse confiance à quelqu'un.
Hermione réfléchissait. Elle mordait l'ongle de son pouce.
- En tout cas, finit-elle par dire, c'est une bonne nouvelle : il ignore tout de la protection de Poudlard…
- Et tu avais raison pour cela aussi ! sursauta Harry soudain. Serpentard savait que son départ entraînerait des bouleversements pour Poudlard. Il pensait que ses trois amis ne pourraient protéger l'école sans lui…
Ron fixa Harry d'un œil inquiet. Il serra Hermione contre lui, comme pour la protéger des questions de leur ami.
- Eh bien ! fit-il. Ils ont pourtant réussi, et c'est tout ce qui compte ! Le plus important maintenant c'est d'empêcher que Vol…Volde…. Jedusor n'en apprenne davantage.
- Je suis sûre que le Professeur Rogue va tout mettre en œuvre pour que cela n'arrive pas, voulut le rassurer Hermione.
Ron fit une grimace qu'il cacha dans un baiser dans ses cheveux. Harry se leva pour monter au dortoir. Il se sentait fiévreux et fatigué. Il se souvint de l'épuisement de Rogue après sa transe. Depuis combien de temps était-il tapi dans l'esprit de Lucius Malefoy, cette nuit-là ? Le professeur lui rappelait sans cesse qu'il fallait prendre autant de temps pour revenir qu'on en avait passé hors de son corps. Il n'avait manifestement pas suivi ses propres conseils, au risque de se perdre. Tant de questions se bousculaient dans sa tête. Il était incapable d'en formuler clairement une seule. Il fallait qu'il se trouve une pensine. Pour ôter de sa tête une à une toutes ces pensées qui le tourmentaient. Il ferma les yeux dans l'obscurité de ses rideaux tirés. Il essaya de vider son esprit. La dernière image dont il eut conscience fut celle d'Hermione et Ron dans la salle commune des Gryffondor, l'un près de l'autre, la tête de la jeune fille sur l'épaule de Ron et la main de ce dernier qui jouait avec les cheveux d'Hermione.
Le premier cours de potions de la semaine fut encore plus glacial que les fois précédentes. Il régnait dans le cachot une atmosphère déplaisante. Le silence était lourd et personne n'osait faire un bruit de trop. Même les Serpentard se faisaient tout petits derrière leurs chaudrons. Malefoy affichait un visage fermé et irrité, ses deux acolytes lançaient à tous des regards soupçonneux. Ron avait beaucoup de mal à se retenir de fixer Rogue avec ressentiment. Hermione passa son temps à tourner la tête vers lui, inquiète de ses réactions. Le professeur ne fit aucun commentaire à personne. Pas même à Neville lorsqu'il renversa son échantillon tant l'ambiance pesante l'oppressait. Il se contenta de souffler d'impatience et d'effacer d'un geste la maladresse du jeune homme. Il retint Hermione un instant pour décommander leur séance d'occlumancie de l'après midi. Il paraissait soucieux et fatigué. Hermione n'osa pas lui demander s'il savait s'ils quitteraient Poudlard à la fin de la semaine, elle, les Weasley et Harry.
Lorsque Harry rejoignit Rogue dans son laboratoire à l'heure où il aurait dû recevoir Hermione, ainsi qu'il l'en avait informé dans l'après midi, ils étaient tous les deux plus sombres l'un que l'autre. Le professeur ne prononça pas un mot. Harry se garda de parler. Il se laissa glisser aussi facilement que s'il avait sombré dans le sommeil. Il était parfaitement conscient cependant. Plus conscient qu'il ne l'avait jamais été dans ses transes précédentes. Il sentait des centaines de pensées confuses et bruyantes autour de lui. C'était troublant. Il réalisa qu'il n'était plus dans le cachot. Il eut peur. Il revint à lui dans une inspiration douloureuse.
- Où étiez-vous ? demanda simplement Rogue.
- Je ne sais pas… dans les couloirs sans doute.
- Vous n'êtes pas allé très loin, fit Rogue, un peu sec. Mais vous êtes revenu trop vite. Si vous ressentez de la peur simplement parce que vous avez passé la porte de ce cachot, que sera-ce lorsque vous devrez approcher l'esprit du Seigneur des Ténèbres ?
Il tournait le dos à Harry, penché sur ses fioles. Harry voulut lui crier que lui aussi avait eu peur. Et qu'il avait manqué mourir en revenant trop vite d'auprès de son maître. A la place, il murmura :
- Je l'ai déjà fait…
- Quoi ? se moqua Rogue, sans se retourner.
- Approcher l'esprit du Seigneur des Ténèbres… répéta Harry.
Rogue se tourna vers lui, un sourire forcé sur les lèvres.
- Vous voulez dire qu'il vous a laissé l'approcher…
- Non, l'interrompit Harry froidement. Je l'ai fait de cette manière, sans même m'en douter.
Il frissonna. Il venait de se souvenir d'une chose qu'il avait presque oubliée. C'était il y avait si longtemps, et tant de choses s'étaient passées depuis… Il n'avait vraiment compris qu'à l'instant où Rogue avait parlé.
- Cet été, reprit-il avec une angoisse rétrospective. Quand Percy Weasley a été enlevé. J'ai cherché sa présence dans l'esprit de Voldemort… J'ai cru que c'étaient mes dons de légilimancien qui m'avaient permis d'accéder à cela. Je comprends aujourd'hui que je me trompais…
- Vous avez fait quoi ? rugit Rogue, d'une voix blanche.
- Vous avez très bien compris, Monsieur.
- Vous… Vous… n'êtes qu'un apprenti sorcier ! Potter ! Dans tous les sens du terme ! et votre suffisance causera votre mort… et cette fois personne ne sera là pour vous ramener !
- Si je vous en avais parlé à ce moment là, Professeur, continua Harry sans prendre garde à l'attaque, m'auriez-vous appris ce qu'était la narcomancie ?
Rogue pâlit. Harry hocha la tête.
- Vous évoquez ma mort, continua-t-il, et je n'arrive pas à démêler si vous la souhaitez ou la redoutez. Comme je n'arrive pas à savoir si vous éprouviez de la répugnance à l'idée de devoir enseigner un jour au fils de James Potter, ou si au contraire vous vous réjouissiez de tenir en votre pouvoir le fils de votre ennemi intime.
Rogue se retenait à la paillasse derrière lui. Comment osait-il lui parler ainsi ?
- Par contre je sais que vous allez accepter ce que je vais vous demander, poursuivait Harry sans faiblir. J'ignore si vous accepterez par orgueil, parce que vous savez qu'il ne peut en être autrement, ou parce que vous triompherez parce que j'ai besoin de vous… ou encore parce que vous serez à travers moi l'artisan de la chute de votre ancien maître…
- Potter ! haleta Rogue.
Chacune des paroles de ce garçon lui enfonçait une épine dans le cœur.
- Je suis un apprenti, vous l'avez dit, voulez-vous être mon maître ?
Rogue prit une profonde inspiration.
- Ne le suis-je pas déjà ?
- Vous êtes mon professeur et vous êtes celui qu'on a chargé de réparer les dégâts… Cependant, je crois que cela ne vous procure aucune satisfaction et à moi non plus. J'ai grappillé à droite et à gauche ce que je sais. Mais le temps presse à présent, vous le sentez comme moi.
- Il n'est pas bon d'aller trop vite sur la voie de la sorcellerie.
La voix de Rogue ne tremblait pas, pourtant Harry sentit une hésitation. Il remit ses lunettes sur son nez et s'apprêta à quitter la pièce.
- Je ne vous ai pas autorisé à sortir, Potter !
- Je voulais simplement vous laisser réfléchir, Professeur, sourit Harry. Lorsque vous verrez le Professeur Dumbledore, dites-lui bien que j'ai fait mon choix et que je n'ai plus onze ans, ni même treize… Puis-je sortir à présent ?
Rogue fronça les sourcils. Il fit un geste de la tête et Harry sortit. C'était une situation pleine d'une ironie amère. Assez en tous cas pour troubler le professeur. Et Harry savait que ce qui le troublait davantage encore, c'était qu'il en ait pris l'initiative.
Harry se dirigea vers le premier étage. Il passa une première fois devant la porte qu'il s'attendait à trouver tout près des toilettes de Mimi Geignarde. Quand il se fut assuré que personne ne l'avait suivi, il revint sur ses pas et entra dans le laboratoire d'Hermione. Cette dernière lui sauta dessus dès qu'il entra.
- Que voulait le professeur ? demanda-t-elle. T'a-t-il dit pourquoi il avait décommandé nos séances d'occlumancie ? Et l'as-tu interrogé au sujet des vacances…
Harry s'éloigna d'elle très vite. Il rejoignit Ron qui souriait depuis le matin –depuis qu'Hermione leur avait annoncé, très déçue, qu'elle n'aurait pas de leçon supplémentaire avec Rogue.
- C'était moins long que d'habitude, remarqua-t-il tout en roulant ses parchemins. Il t'a renvoyé une fois encore ?
- C'est moi qui suis parti, répondit Harry avec lassitude.
Il jeta un regard irrité à Hermione.
- Et je ne sais rien au sujet des vacances… à vrai dire, j'espère que je resterai ici pour travailler avec Rogue.
- Tu te sens bien ? s'inquiéta Ron.
- Tu n'aurais pas dans l'idée de descendre dans la Chambre des Secrets pendant les vacances ? demanda sévèrement Hermione.
Harry retint un mouvement d'humeur.
- Et qu'est-ce qui te fais croire que je pourrais avoir cette idée ?
- Parce c'est ce je ferais à ta place…
Le sourire de Ron s'effaça de son visage.
- Tu te sens bien ? s'étrangla-t-il.
- Parfaitement bien, Ron… répondit Hermione sans le regarder.
Elle fixait Harry, stupéfait.
- Tu crois que c'est ce qu'il veut ? demanda Harry subitement inquiet. Qu'il recommence à manipuler mon esprit pour me faire rouvrir la porte ?
- C'est une éventualité, soupira Hermione. Mais je crois que tu as très envie de retourner là-bas pour trouver le livre de Serpentard et apprendre le secret de Poudlard.
- Non ! s'écria Harry un peu trop vivement.
Hermione s'assit en face de lui et lui sourit :
- Oh oui ! insista-t-elle. Je te l'ai dit : c'est ce que je ferais à ta place, si j'avais ce pouvoir de parler fourchelang et d'ouvrir les portes cachées.
Harry se sentit rougir. Il jeta un œil vers les expériences d'Hermione.
- Ton chaudron est en train de bouillir ! dit-il.
- Laisse mon chaudron, Harry… Et laisse tomber cette idée ! C'est plus que dangereux, c'est irresponsable !
- Tu peux parler ! lui renvoya Harry très amer.
- Justement ! répondit Hermione sans se troubler. Je sais de quoi je parle.
Harry préféra se taire. Cependant Hermione croisait ses bras sur la table et se penchait vers lui.
- Tu as demandé au professeur Rogue, pour la magie noire ? Qu'est-ce qu'il en a dit ?
- Rien ! fit Harry sur un ton sec. Du moins rien encore…
Hermione hocha la tête.
- Sois prudent avec lui, Harry, conseilla-t-elle. Ne le sous-estime pas. Et ne sous-estime pas son orgueil non plus. Ce serait dommage de le perdre parce qu'il croirait que tu veux te servir de lui. Vous avez déjà perdu tellement de temps tous les deux.
Ron fixait son regard sur Hermione.
- Tu veux que ces deux-là travaillent ensemble main dans la main ? demanda-t-il.
Hermione l'arrêta d'un geste :
- Ron, s'il te plait ! l'avertit-elle. Je ne tiens pas à discuter à nouveau avec toi à ce sujet !
Ron renifla et se tourna vers Harry.
- Tu lui fais confiance ? questionna-t-il.
Harry haussa une épaule.
- Je n'ai pas le choix, Ron… soupira-t-il. Mais je sais que toi et Hermione veillez au grain… Vous êtes là pour cela, n'est-ce pas…
- Oui, dit fermement Hermione. Et tu as intérêt à nous écouter !
Elle se leva, sévère et droite devant lui.
- Et pour commencer tu vas t'enlever la Chambre des Secrets de la tête ! Ainsi que tout ce qu'il pourrait y avoir dedans ! Ensuite, tu vas abandonner cette idée de découvrir ce qu'il y a eu entre Sirius Black et Severus Rogue ! Tu dois te concentrer sur le moyen de vaincre Voldemort ! Et cela passe par ton travail scolaire : Tom Jedusor a commencé comme ça. Il s'est servi de tout ce qu'il a appris à Poudlard pour le tourner à son profit.
Elle fit un signe à Ron et celui-ci poussa ses affaires devant lui. Harry soupira. Il ouvrit ses livres. Cela lui était facileà elle, de lui demander de s'ôter la Chambre des Secrets de la tête. Elle savait ce qu'il y avait à l'intérieur. La morsure de l'envie lui poignit le cœur. Il fut tenté, une seconde, de forcer son esprit à lui livrer ses secrets. Il y renonça très vite. Elle le saurait. Elle se fâcherait. Et elle aurait raison. Mais, elle ne pouvait l'obliger à se résigner à abandonner l'idée d'en savoir plus au sujet de Rogue et Sirius. Il ne pouvait s'empêcher de voir l'ombre de Bellatrix Lestrange entre eux. Il était presque sûr de la manière dont elle avait fait pression sur Rogue. Mais comment avait-elle eu prise sur Sirius ? Avait-elle menacé James ? Ou Lily ? Ron, un soir où ils attendaient qu'Hermione rentrât de ses leçons d'anglais à Graup, avait suggéré que Sirius lui aussi avait pu succomber au charme vénéneux de Bellatrix. Harry en doutait. Sirius n'aimait pas Bellatrix. Il les exécrait depuis longtemps, elle et ses idées tordues. Il la connaissait trop bien pour éprouver pour elle autre chose que de l'aversion.
Il sentit sur le crâne un coup sec. Il leva des yeux étonnés vers Hermione, qui le menaçait encore de sa baguette. Ron pouffait dans son livre.
- Harry ! Harry ! Harry ! soupira Hermione avec impatience. Comment veux-tu que nous t'aidions si tu n'y mets pas un minimum du tien ?
Harry baissa la tête et se plongea dans l'étude passionnante des propriétés curatives des plantes de Mrs Chourave.
- Au fait, demanda-t-il soudain. Où est Neville ?
- Il espionne encore les Serpentard, répondit Ron en riant.
Hermione laissa échapper un sourire.
- Il adore ça ! dit-elle, indulgente.
- Il a l'impression de vivre des aventures passionnantes et dangereuses ! se moqua Ron. Tout en restant tranquillement assis auprès de Luna dans la Salle des Quatre Maisons !
Harry se remémora les paroles du professeur Londubat dans le salon de Rogue. Il fit un sourire dont l'amertume échappa à ses amis. S'il pouvait, ne serait-ce qu'une heureêtre à la place de l'un d'entre eux. Puis, tout bien réfléchi, il se dit que finalement il préférait rester à la sienne.
