Le lendemain matin, Cynthia fut réveillée par l'odeur de la cigarette. Elle ouvrit les yeux et aperçut Stu assis sur le sac de couchage, cigarette à la main, les observant elle et John.

- Tu n'arrêtes donc jamais ? murmura Cyn en repoussant la fumée de sa main.

Stu sourit.

- Non. J'aime vivre intensément.

Cynthia vit un cahier à dessins posé près de Stu. Il était ouvert à une page où Stu avaient esquissé le croquis de John et Cynthia dormant.

- C'est superbe, dit Cyn.

- Merci, fit Stu en souriant.

John fut réveillé par leurs voix.

- Vous pourriez pas la fermer ? marmonna t'il.

Cynthia l'embrassa sur le front.

- Excuse-nous, on ne voulaient pas te réveiller.

- Trop tard, répliqua sarcastiquement John.

Cynthia s'extirpa des couvertures. John la suivit de près. Il s'alluma lui aussi une sèche et s'assit près de son meilleur ami.

- T'en veux une ?

Cyn avait déjà fumée quelques fois, mais sans plus. Elle accepta. Elle prit place à côté des garçons et John lui alluma une cigarette. Aussitôt qu'elle eut terminée de la fumer, elle alla se changer dans la salle de bains. Lorsqu'elle revint, Stu était en train de dessiner dans son cahier et John avait l'air perdu dans ses réflexions.

- Je pars, annonça Cynthia.

- Non reste ! supplia John.

- Je dois me doucher et me changer de vêtements. Et puis toi, tu dois annoncer à ta tante que tu emménages ici, dit-elle tout en mettant son manteau.

- C'est vrai, céda John.

Il embrassa sa petite amie une dernière fois et elle sortit.

John resta encore un moment chez Stu. Ce dernier hésitait à lui dire que l'ex de Cyn était venu la relancer hier soir. Après tout, si elle ne lui en avait rien dit, Stu n'avait pas à le répéter à John. Finalement, il décida de se taire. Bientôt, John annonçait qu'il partait. Lorsqu'il arriva chez lui, sa tante l'attendait de pied ferme.

- Tu as encore passé la nuit chez un de tes amis à la Elvis ? lança t'elle dès que son neveu mit les pieds dans la maison.

- Qu'est-ce que ça peut te faire ?

- Je suis responsable de toi John. Si tu crois que je vais te laisser découcher aussi souvent que bon te semble, tu te trompes.

- Ouais je sais, répliqua John. D'ailleurs, c'est pour ça que j'emménage avec Stu !

- Quoi ? hurla Mimi estomaquée. John, je t'interdis de déménager !

- Essaie de m'en empêcher ! cria John avant de monter à sa chambre. Sa tante le suivit en furie.

- John ! Tu es beaucoup trop jeune pour déménager !

- J'ai 18 ans !

- Et avec quoi penses-tu payer le loyer ? Sûrement pas avec les contrats minables que toi et tes amis dégotés dans les bars !

- Je vais m'arranger ! Ça ne te concerne pas du tout !

Sur ce, il claqua la porte de sa chambre au nez de Mimi.

Cynthia eut elle aussi droit à une scène familiale lorsqu'elle rentra chez elle à Hoylake.

- Cynthia viens ici, l'appela sa mère d'une voix ferme depuis le salon.

Cynthia s'y rendit pleine d'appréhension. Sa mère était assise dans un fauteuil, ses frères prenaient place sur le canapé faisant semblant de ne pas s'intéresser à ce qui se passait et Phyllis était près d'eux l'air mal à l'aise. Impossible donc pour Cynthia de mentir à sa mère en disant avoir dormie chez son amie. Lilian demanda d'une voix calme, mais froide :

- Cynthia, où as-tu passée la nuit ?

Pour la première fois de sa vie, la jeune femme osa tenir tête à sa mère.

- Ça ne te regarde pas ! C'est ma vie et j'en fais ce que je veux !

Tout le monde était estomaqué. Lilian se remit rapidement de ses esprits.

- Tu étais avec ton nouveau petit ami n'est-ce pas ?

- Oui et après ? Tu n'as pas le droit de me dicter ma conduite ! dit-elle avant d'aller s'enfermer dans sa chambre.

Phyllis la suivit prestement.

- Écoute Cyn, dit-elle, je suis désolée d'être venue ici ce matin. Mais je croyais que tu serais là et...

- Ce n'est pas grave la coupa sa meilleure amie. Tu ne pouvais pas savoir. J'en ai vraiment assez que ma mère dirige ma vie comme elle le fait.

Phyllis hocha la tête en signe de compréhension.

- James est venu à la Cashbah hier, annonça brusquement Cynthia.

- Quoi ? s'étonna Phyllis.

- Oui, affirma Cynthia.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Il a su que John était mon petit ami et il est venu me voir en disant que John était un salaud qui plaquait toutes ses copines. Stu voulait le tuer.

- Mais James n'a peut-être pas tort tu sais, admit prudemment Phyllis.

- Phyl ! s'exclama Cyn outrée. Essaie de faire un effort !

- Je vais essayer, mais je ne te garantis rien.

Pendant l'après-midi, John vida ses tiroirs. Il se fichait bien que sa tante ne veuille pas qu'il parte de Mendips. Il sortit donc de sa commode des vêtements, ainsi que des chansons et des poèmes qu'il avaient écrits. Pendant qu'il mettait le tout dans des boîtes, il entendit la sonnerie du téléphone. Quelques instants, la voix de Mimi se fit entendre.

- John ! Il y a un coup de téléphone pour toi !

Il descendit rapidement au rez-de-chaussée et s'empara du récepteur sans même jeter un regard à sa tante. C'était Paul.

- Ça te dirait de venir pratiquer chez moi ce soir ? demanda t'il.

- Ouais je veux bien, accepta John.

- Cyn peut venir, mais je préfèrerais que Stu ne vienne pas, le prévint Paul.

- Pourquoi ? demanda sèchement John.

- Johnny, tu sais ce que je pense de lui...

- Ouais je sais ce que tu penses de lui. Mais c'est mon meilleur ami.

Paul grogna.

- Je ne sais pas s'il va venir, mais je demanderai à Cyn de m'accompagner.

- D'accord. À ce soir alors.

John raccrocha et sa tante l'interpella.

- John !

- Quoi ?

- Je veux te prévenir que si tu déménages, il est hors de question que tu reviennes ici en rampant parce que tu manques d'argent, dit froidement Mimi.

- Ce n'était pas mon intention. Au fait, je déménage demain !

Sur ces mots, il s'éloigna, laissant sa tante sidérée.

Vers la fin de l'après-midi, John se rendit chez Stu pour l'informer qu'il emménagerait le lendemain. Lorsqu'il arriva chezle jeune homme, celui-ci était en train de peindre.

- Salut ! lança Stu sans quitter sa toile des yeux.

- J'ai une bonne nouvelle, annonça John.

Cette fois-ci, Stu leva le regard de son œuvre et esquissa un sourire.

- Tu emménages avec moi bientôt ?

John hocha la tête.

- C'est vraiment super. Tu déménages quand ?

- Demain si tu veux.

- Oui, pas de problèmes, accepta Stu. Alors finalement, est-ce que Mimi a fait une attaque ?

- Presque, répondit John. Mais je m'en fiche. Maintenant, elle ne pourra plus me donner d'ordres.

- Exact.

- Au fait, dit John, je pourrais emprunter le camion de ton père demain ? Ça m'arrangerait. C'est juste pour transporter le lit.

- Je devrais pouvoir t'arranger ça.

Il laissa son tableau de côté et s'alluma une cigarette. John fit de même et prit la parole.

- Il y a une pratique ce soir chez Paul. Si tu veux venir...

- Non.

Sa réponse était sans réplique.

- Mais je veux inviter Cyn et elle va s'emmerder si tu n'es pas là. Vous pourriez parler ensemble, ça la désennuyererait.

- Paul ne voudra pas me voir.

John ne dit rien, alors Stu continua.

- Je me sens toujours de trop lorsque je suis à vos pratiques. Je suis le seul qui ne joue d'aucun instrument.

- T'as qu'à apprendre.

Stu réfléchit longuement à cette remarque, se disant que ça pourrait être une expérience intéressante.

Cynthia était enfermée dans sa chambre, n'osant pas redescendre de peur d'affronter sa mère. Soudain, des coups furent frappés à sa porte. Elle s'ouvrit sur John. Cyn bondit sur ses pieds et lança brusquement :

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Ben merci pour l'accueil ! Pour répondre à ta question, je venais te demander si tu voulais venir chez Paul.

- Est-ce que tu as vue ma mère ? demanda Cynthia sans répondre à sa question.

- Ta mère ? Ton frère m'a dit qu'elle était partie magasiner.

Cynthia soupira de soulagement.

Elle savait que John et Lilian devraient se rencontrer, mais elle tenait à repousser ce moment le plus loin possible.

- Alors tu veux venir ? demanda John.

- Euh, oui, oui.

Ils descendirent, mirent leurs manteaux et se dirigèrent vers la voiture de Cynthia. Lorsqu'ils furent montés, elle demanda :

- Stu ne vient pas ?

- Non. Comme tu as dû le remarquer, lui et Paul sont plutôt à couteaux tirés...

Cynthia opina.

- Pourquoi ils ne s'entendent pas ?

- J'en sais rien. Je crois que même eux ne savent pas pourquoi.

Ils restèrent silencieux jusqu'à ce qu'ils arrivèrent chez les McCartney. Ils descendirent rejoindre le groupe au sous-sol. Paul parut soulagé en voyant que Stu n'était pas avec eux. Ils pratiquèrent en enchaînant les plus grands succès de l'heure pendant un long moment.

- Vous croyez pas qu'on en a assez fait ? demanda George plus tard.

John approuva.

Lui et Cyn quittèrent donc la demeure.

- Je te dépose chez Stu ? questionna Cynthia une fois dans la voiture.

- Non. Je crois que je vais passer une dernière nuit chez ma tante.

Cyn le déposa donc à Mendips.