Chapitre VI.
Au revoir à jamais
Et ils descendirent les escaliers, pensifs. Le dîner venait de débuter lorsque Charlie et Bill entrèrent en trombe dans la pièce. Bill avait le visage rouge de colère et baigné de larmes. Il criait « Pourquoi elle ?... Pourquoi ?... » puis éclatait en sanglots. Tout le monde se leva l'air interrogateur.
« Ils l'ont tuée… tuée, ils ont tué Fleur » puis il éclata de nouveau en sanglots.
Harry et Ron se regardaient, cela leur semblait tellement soudain, si inattendu. La tension dans la pièce était palpable, personne n'osait dire un mot, seuls les pleurs de Bill résonnaient puis Charlie murmura.
« Et Olivier Dubois aussi… »
« Quoi ? » Harry ne pouvait plus se retenir, il sentit des larmes lui monter au visage « Mais qui a fait ça, et quand ? Et où ? Et… »
« Ce sont les Mangemorts, en face du Chaudron Baveur, on ne sait pas lesquels. Olivier et Fleur y retournaient du côté moldu et ils ont été… »
« Tués par l'Avada Kedavra ? C'est ça Charlie ? Qui a fait ça ? »
« On ne sait pas, comme je viens de te le dire, on ne sait rien jusqu'à présent. Tonks et Kingsley sont sur place, et papa m'a demandé d'emmener Bill. »
Ce dernier ne bougeait plus, sa peine semblait au-delà des pleurs et des mots. C'est alors qu'Harry sentit la colère et la tristesse monter en lui, il regardait autour de lui et voyait des visages décomposés, tristes. Il repensait à la photo que lui avait donné Maugrey une année auparavant. Combien des membres actuels de l'Ordre allaient encore disparaître, combien de personnes qui étaient présentes à son anniversaire survivraient ? La peine le submergea. Il ferma les yeux et se sentit tomber dans un abîme, il ne pouvait retenir ses larmes, il tombait. Pourquoi Fleur, pourquoi Olivier, ils étaient jeunes, ils ne leur avaient rien fait. Il revit alors les moments qu'il avait passé avec eux : ses premiers entraînements de Quidditch, le tournoi des Trois Sorciers. Toutes les images tournaient dans sa tête à une vitesse folle jusqu'à lui donner le vertige. Puis il perdit pied et sentit une sensation de chaleur le gagner, l'étouffer, éclater en lui, puis il ne sentit plus rien. Il tombait, tombait, tombait…
Il ouvrit enfin les yeux et se trouvait dans une pièce qui lui était familière. Il se trouvait à l'infirmerie de Poudlard. Il saisit alors ses lunettes qui se trouvaient sur la table de chevet voisine et les posa sur son nez. Il aperçu Mrs Pomfresh au loin qui accouru vers lui lorsqu'elle le vit mettre le pied à terre.
« Oh, non non non non Mr Potter ! Vous restez au lit. De toute façon, vous êtes le seul élève présent à Poudlard, regardez, le Poudlard Express est encore en chemin. » Elle pointa du doigt un tableau qui jusque là avait été masqué par un rideau. Sur celui-ci défilait à toute allure un grand train rouge à travers les campagnes vertes.
« Mais qu'est-ce que je fabrique ici ? » Harry se demanda alors si ce qui venait de se passer n'était qu'un rêve, ou pire, une vision que Voldemort avait implantée en lui.
« Vous avez été transporté ici hier par le professeur Dumbledore. Vous avez eu un malaise, c'est tout ce que je peux vous dire car moi-même je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé mais Dumbledore ne semblait pas inquiet à outre mesure et avait une petite idée de ce qui vous est arrivé. »
Elle avait terminé sa phrase d'un air pensif et éloigné. Harry tenta alors de poser la question qui le démangeait depuis son réveil.
« Mrs Pomfresh, est-ce que ça s'est réellement passé, je veux dire… pour Fleur et… Olivier Dubois ? » Il avait peur de sa réponse parce qu'il savait au fond de lui ce qu'elle allait lui dire.
« Oui, … je le crains. » Son visage d'habitude si fermé s'assombrit alors qu'elle baissait lentement les épaules puis elle se reprit et se frotta vigoureusement les joues. « Ah la la ! » Elle fit demi tour et lorsqu'elle se trouva quelques mètres plus loin, elle murmura quelques mots dont certains qu'Harry put discerner. « C'était un garçon bien ce Mr Dubois, il causait beaucoup de blessures, mais jamais inutilement. Un garçon bien… » puis Harry l'entendit renifler avant qu'elle n'entre dans sa pharmacie. Il était certain que c'était pour pleurer sans qu'il ne la voie.
Harry remua alors tous les derniers évènements et les minutes suivantes passèrent dans ce calme sinistre.
Quelques heures plus tard, le professeur McGonagall entra doucement, le teint plus pâle que d'habitude, et se dirigea à pas feutrés vers le lit de Harry.
« Bonjour Mr Potter. Je viens vous proposer de vous joindre à nous pour le banquet et la cérémonie de la répartition. Vous pouvez bien évidemment rester ici si vous le désirez mais le professeur Dumbledore m'a demandé d'insister. » Elle avait un teint fantomatique et semblait avancer comme un automate. Elle donnait l'impression que toute joie avait été ôtée d'elle, comme si elle venait de rencontrer une bonne centaine de détraqueurs. Harry lui répondit sans aucune hésitation
« Non non non, professeur, j'arrive. »
Harry ne pouvait imaginer rater cette cérémonie et cela pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'il pourrait enfin voir Ron et Hermione et qu'il devait absolument discuter avec eux de ce qui venait de se produire : pourquoi, comment, quand, quelles ont été les conséquences ? Il voulait également les rassurer. La seconde raison, c'est qu'il voulait être présent pour que ses détraqueurs, c'est-à-dire les Serpentards, ne crient pas victoire dès le premier jour. En fait, Harry ne voulait pas que les bruits commencent à courir sur lui dès ce début d'année, même si cette envie semblait vaine. Parmi les autres raisons, il y avait le fameux discours de bienvenue du professeur Dumbledore, le nouveau chant du Choixpeau magique, les nouveaux élèves et surtout les premiers contacts avec les membres de la DA !
« J'arrive professeur…mais… je n'ai aucune de mes affaires ici et… »
« C'est juste, je suis désolée » et elle fit apparaître d'un geste las l'uniforme neuf d'Harry « Voilà Mr Potter, je vais vous attendre quelques minutes dans le couloir. »
Elle quitta la pièce et Harry la rejoignit dans le couloir une fois habillé. « Allons-y » murmura-t-elle. Elle ne prononça pas un seul mot durant tout le trajet et ils finirent par arriver machinalement dans le grand hall d'entrée, puis elle le laissa en haut des marches d'où il aperçut Ron et Hermione, leurs visages pâles et tristes. Il se dirigea vers eux lentement. Lorsqu'ils le virent à leur tour, ses deux amis reprirent leurs couleurs ainsi que leur sourire et fendirent la foule pour le rejoindre. Hermione le serra dans ses bras et le martela de questions.
« Alors Harry, qu'est-ce qui s'est passé? Dumbledore nous a écrit un petit mot mais il nous a dit de ne pas nous inquiéter. Bon, c'est vrai que ça nous a pas servi à grand-chose… »
« Et comme d'hab' maman n'a rien voulu nous dire. Ca a été le branle-bas de combat, on a dû rester dans nos chambres. Tous les membres de l'Ordre se sont réunis en bas, il y avait même des gens qu'on n'avait jamais vus. Il y avait aussi des gobelins, des gens bizarres. Il y a eu aussi Dobby avec deux autres elfes de maison. A mon avis, ça a été la grande réunion. Papa et maman n'ont jamais été aussi inquiets… »
« Plus bas Ron ! » lui chuchota Hermione en les tirant sur le côté et scrutant les nouveaux arrivants. « Des gens dangereux pourraient nous entendre… »
« Oui, …bon, je disais que papa et maman n'ont jamais été aussi inquiets : ils ont dû faire surveiller Bill. Après qu'on t'ait emmené, il a essayé de quitter la maison pour les tuer tous, et il a fallu au moins dix personnes pour le maintenir un tant soit peu calme. » Ron baissa le ton, parler de son grand frère semblait le toucher au plus haut point. « En ce moment, il est allongé et on lui a donné une potion qui s'appelle,… je sais plus comment… »
« Du protemestazac, c'est une potion inspirée de médicaments moldus, elle est très très forte. Enfin, pour la réunion, on a essayé d'écouter mais rien à faire… Ca a duré toute la nuit, et quand les parents de Ron, Maugrey, Tonks et Lupin nous ont accompagné à King's Cross, elle était pas encore terminée ! »
Ils étaient presque les derniers dans le hall d'entrée et décidèrent donc de se diriger vers la Grande Salle lorsqu'ils entendirent la voix cristalline de la dernière personne qu'ils souhaitaient voir au monde.
« Ohé! Les rigolos ! Alors, il parait que vous avez perdu des copains… c'est vraiment dommage. »
Drago Malefoy les toisait du haut d'une marche, entouré par ses deux molosses, Crabbe et Goyle. Cette fois, ni Harry, ni Ron, ni Hermione n'eurent le temps de répliquer. Le professeur McGonagall surgissait de la porte de la Grande Salle.
« Vous, Monsieur Malefoy, Monsieur Crabbe et Monsieur Goyle, je vous retire chacun 50 points et vous serez en retenue avec moi toute cette semaine, et je vous promets que vous n'allez pas vous ennuyer. Et ce n'est pas grave si il n'y a pas encore de sable pour la maison Serpentard, je veillerai personnellement à ce que ces 150 points soient retirés au fur et à mesure qu'ils seront acquis, et je tiens à vous prévenir que, en ce qui vous concerne, ce ne sera pas moi qui les donnerai ! Allez, du balai maintenant, et que je ne vous entende plus, hop ! »
Les trois gaillards partirent outrés mais n'osèrent pas lui tenir tête. En effet, le professeur McGonagall avait le teint couleur pourpre et ses mains tremblaient si fort que sa baguette jouait le métronome. Encore surpris par le spectacle qu'ils venaient d'apercevoir, Harry, Ron, et Hermione entendirent le professeur marmonner entre ses dents en s'éloignant quelque chose qui ressemblait à « …si ils parlent encore de Mr Dubois de cette manière, je les jetterai dans le lac et puis les enverrai dans la forêt interdite pour qu'Aragog et ses fils les aident à se sécher les fesses… » tandis que les trois élèves de Serpentard promirent de se venger le plus tôt possible de « cette vieille chouette rabougrie » selon leurs propres termes.
Les trois élèves de Gryffondor se dirigèrent alors vers leur table pour ne rien manquer du banquet. Ils s'assirent et regardèrent tout autour d'eux. La Grande Salle, qui d'habitude était si gaie et décorée par les étendards colorés des différentes maisons, était très sombre, et ces draperies étaient toutes resserrées en leur milieu par des rubans noirs. Le banquet de début d'année qui était si jovial d'habitude semblait si triste et froid que même le contact de la main glaciale de Nick-Quasi-Sans-Tête ne le fit pas sursauter.
