Disclaimer : Ni les personnages ni les lieux ne m'appartiennent.
Cela fait un mois que l'école a recommencé. Un mois que je suis les cours. Un mois que je fais semblant de vivre. Etre normal. Parler. Ecouter les autres. Rire. Surtout, ne pas pleurer. Ne rien laisser voir. Parce que je ne pourrais pas supporter la pitié de Ron ou d'Hermione. Jamais. Plutôt souffrir seul. Parce que je n'ai pas le droit de pleurer la mort de Sirius. Parce que je suis coupable. Tout le monde le sait, même si personne ne le dit. Ils ne veulent pas me blesser.
S'ils savaient comme leur attitude me fait mal, bien plus encore que si j'avais à affronter la vérité. Parce qu'il y a ces moments où je me laisse presque convaincre, où je me dis que je vais pouvoir reprendre une vie normale, du moins aussi normale que peut l'être ma vie sans le poids des remords. La chute n'en est que plus brutale. Et à chaque fois que je m'en prends plein la gueule, je promets de ne plus me laisser avoir, et à chaque fois je me laisse prendre au piège.
Je suis fatigué. Je n'ai plus la force d'affronter tous ces espoirs et toutes ces déceptions. Pourquoi personne n'a-t-il le courage d'être honnête avec moi ? Je crois pourtant avoir au moins mérité ce respect-là. Mais non, on me dénie jusqu'à ce droit. Je n'en peux plus, si vous saviez ! Ron, Hermione, je voudrais…
Non. Vous ne savez pas, vous ne saurez jamais. Parce que je ne le veux pas. Parce que vous êtes de bons petits gryffondors. Dans votre monde rose bonbon. Dans votre monde où tout finit bien. Dans votre monde où tout est blanc ou noir. Dans votre monde sans nuance. Si vous saviez combien il me fait vomir, cet univers utopique.
Mais vous ne savez pas. Et c'est mieux ainsi. Pourquoi irais-je salir votre bulle aseptisée, dites-moi ? Pourquoi irais-je vous dire que je ne suis pas, que je ne suis plus, que je n'ai jamais été le preux chevalier qui court, le sourire aux lèvres, au combat pour terrasser le dragon ? Vous dire que ce Harry-là n'a jamais existé ? Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait parce qu'il le fallait, parce que je n'avais pas le choix, parce qu'il y avait cette chose en moi qui me poussait aux actions héroïques, qui me disait que sauver des vies nettoierait cette souillure au fond de moi. Bien entendu, je n'étais pas au courant, je ne savais même pas que je pensais ça.
Et ça fait encore plus mal. Parce que je croyais que ce que je faisais, je le faisais librement. A présent, je n'ai même plus cette illusion à laquelle me raccrocher. Je n'ai plus le choix. Je dois vaincre pour sauver le monde. Il n'y a que moi qui puisse le faire. Eviter les combats meurtriers, les milliers de morts, les massacres… Mais moi, j'emmerde les combats meurtriers. J'emmerde les morts. J'emmerde les massacres.
Je sais, c'est mal. Je renie la mémoire de mes parents. Mais à présent, ça m'est égal. Tout m'est égal. Que Voldemort aille se faire foutre, lui et sa bande de dingues encapuchonnés. Qu'il s'amuse à devenir maître du monde, s'il le veut. Il finira de toute façon par crever, que je sois là ou non.
Moi, je voudrais simplement qu'il m'oublie. Je voudrais qu'ils m'oublient tous. Autant demander à Malfoy d'être poli avec Hermione. Ca fait partie des choses irréalisables. Et heureusement qu'il y a des choses qui ne changent pas…
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Lorsque je sors de la Grande Salle ce matin, il est là, qui m'attend au dehors. Je lève la tête. Ron et Hermione se rapprochent de moi.
Potter ! Toujours entouré de ta cour de pouilleux…
Ron devient aussi rouge qu'une tomate. Si Hermione ne le retenait pas, il se jetterait à la gorge de Malfoy. Moi, je reste indifférent. Même Malfoy ne m'intéresse plus… Et ça, ça le met hors de lui, je le vois à la légère rougeur qui colore ses joues.
Alors, on a perdu sa voix, Potter ? Franchement, je ne pensais pas que la mort de ton petit toutou te mettrait dans un tel état… Tu me déçois.
Là, je vois rouge. Je le hais. Plus que tout, plus que Voldemort, plus que Bellatrix. Je ne me contrôle pas. Tout d'un coup, Malfoy se retrouve par terre. Il se tient la joue. Il semblerait que je lui ai donné un coup de poing. Je ne m'en suis pas rendu compte. Ma main ne me fait même pas mal… Hermione et Ron se dépêche de m'entrainer loin de lui. Il font bien. J'aurais pu le tuer. Mais ils ne vont pas assez vite pour m'empêcher d'entendre sa voix sarcastique me dire :
On dirait que j'ai touché le point sensible, non ? Tu ne supportes pas la culpabilité, Potter… C'est vrai que moi, à ta place, j'aurais du mal. Mais c'est pas moi qui ai tué le dernier membre de ma famille.
Hermione se retourne et lui jette un sort pour l'empêcher de parler tandis que Ron me retient de toutes ses forces. Je hurle des mots que je ne comprends pas. Combien je le hais. Combien je voudrais qu'il crève, lui et toute sa bande de mangemorts. Je lui hurle le plaisir que j'aurais à débarrasser le monde de sa présence. Je hurle jusqu'à ce que je n'ai plus de voix, même après que Hermione m'ait jeté un sort pour qu'aucun bruit ne sorte de ma bouche.
Ils m'éloignent encore plus des serpentards et me poussent dans la salle sur demande. Là-bas, Hermione enlève le sort qui me rend muet et ils s'écartent tous deux. Je me mets à détruire ce qui m'entoure. Tout y passe. La table, les chaises, des oreillers qui trainaient dans un coin, des verres, des vases… Quand j'ai réduit en morceaux tous les objets qui m'entourent, je commence à frapper les murs, de toutes mes forces. Je tape jusqu'à ce que je m'écroule, trop fatigué pour faire le moindre mouvement.
Deux bras chauds m'entourent. Hermione me serre contre elle en me murmurant des mots apaisants. Je voudrais me laisser aller. Un instant, je laisse tomber mes barrières et je m'écroule dans ses bras. Elle resserre son étreinte. C'est à ce moment que je réalise ce que je suis sur le point de faire. Je me détache d'elle et me lève. Je la regarde avec des yeux neutres, froids, fermés, de ces regards qui ne laissent échapper aucune émotions, de ces regards morts.
Non, Hermione, je ne te dirai rien. Tous les mots ne seraient que vains et inutiles. Alors autant me taire. Ma décision est prise, Hermione. Je sais que ça fait mal. Je sais que c'est lâche. Je sais que je n'ai pas le droit. Mais je m'en fous. Si tu savais à quel point ça m'est égal. Tes yeux se remplissent de larmes devant ma froideur. Je suis désolé. Pour ça. Et pour ce qui va venir. Pour les larmes que tu vas verser demain. Tu es mon amie et je voudrais ne pas te faire de mal. Je pourrais t'en dire autant, Ron. C'est pour ça que je pars. Avant que vous ne mourriez.
