Par Nomad Octobre 2001.

Traduction benebu Juillet 2004

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3 : Un humour mordant.

« Alors, Sam, » commença CJ d'un ton qui ne présageait rien de bon, en prononçant son nom comme s'il avait trois syllabes de plus.

« Laissez moi tranquille ? » essaya t'il, pathétique, en plongeant de nouveau la tête dans le désordre de son bureau. Ca ne fonctionna pas.

« J'ai entendu dire que tu avais été bien occupé ? » continua t'elle, et il entendait la moquerie dans sa voix.

« Je veux mourir. Vous voulez bien me laisser mourir maintenant ? » marmonna t'il à son bureau.

« Elle se sentait d'humeur joueuse, non ? » Il grogna. Il aurait dû se douter que Josh ne serait pas capable de garder ça pour lui bien longtemps.

Josh renifla. « Qui était-elle ? La petite sœur d'Hannibal Lecter ? Elle n'avait pas un tee-shirt qui disait 'mangez-moi', si ? »

Sam se força à s'asseoir convenablement et essaya sans conviction de se concentrer. « C'était juste… une fille, » dit-il en manière de défense. Rester assis demandait trop d'efforts, et il se laissa de nouveau tomber contre le bureau. « Je ne verrai plus jamais de filles. » dit-il misérablement.

« Tu vois, c'est exactement ce que tu risques quand tu zappes l'étape du dîner. » Josh trouvait ça beaucoup plus amusant que ce n'était.

« Est-ce que je pourrais avoir un peu de compassion ? » implora Sam. « J'ai un monstrueux mal de crâne, et un discours à écrire. J'ai, j'ai… J'ai des marques de dents sur l'épaule… » Ce fut trop pour les deux, qui se remirent à rire, en se tenant l'un à l'autre parce qu'ils riaient trop pour tenir debout.

« Oh, je suis ravi de pouvoir amuser quelqu'un, » leur fit-il remarquer sèchement. « Je souffre vraiment, et je pourrais bien avoir attrapé la rage ou quelque chose. »

« La rage ? » CJ repartit de plus belle. En temps normal, Sam adorait le rire de CJ, mais aujourd'hui ça ne faisait que porter sur ses nerfs sérieusement éprouvés.

« Quelle genre de fille est-ce que c'était ? » demanda Josh. « C'était un chien ? »

CJ essaya de lui faire un pied de nez pour saluer cette réplique, mais c'était trop compliqué et elle en fut incapable. « Je voudrais vous faire remarquer qu'elle était très attirante, » insista Sam, blessé.

« Vraiment ? La truffe humide, un poil brillant, ce genre de choses ? »

« Josh ! »

Josh et CJ avaient réussi à se réduire à l'état de corps agités de soubresauts. Sam les regarda un moment, puis se leva, envoyant sa chaise cogner dans le mur. « Je m'en vais, » annonça t'il, et il sortit.

Il ne voulait rien d'autre que rentrer chez lui et s'écrouler dans son lit, mais il était bien trop tôt. La nuit n'était même pas encore tombée. Techniquement, c'était l'été, mais il ne parvenait pas à se souvenir de la dernière fois où il avait quitté son bureau alors qu'il faisait encore jour.

Parfois, la Californie lui manquait. En ce moment par exemple. En Californie, il n'y avait pas de discours qui avaient besoin d'être écrits, pas de Josh et CJ qui se moquaient de lui, et pas de fille qui avaient des idées de morsures.

Bien sûr, comme il était le gentil et poli Sam Seaborn, il n'avait rien dit. Qu'est-ce que vous étiez supposé dire de toute façon ? 'Excuse-moi, est-ce que tu voulais vraiment faire ça ?' Ou 'Hé, désolé, mais me faire arracher des morceaux de chair, ce n'est pas vraiment mon truc.' C'était quand même supposé aller sans dire.

« Pourquoi est-ce que je ne peux pas rencontrer des filles normales ? » se demandait-il à lui même, en se dirigeant vers la cafétéria pour y trouver un refuge tranquille bien mérité.

Qu'il ne trouva pas. Ainsley était déjà là, se débattant avec un éventail, et mangeant quelque chose de dégoûtant.

« Beurk, comment est-ce que tu peux… » grogna t'il, en se laissant tomber dans un siège en face d'elle. A ce moment, l'idée même de la nourriture le révulsait.

« Je suis en pleine croissance. J'ai besoin de me nourrir, » expliqua t'elle.

Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? Le vers solitaire ?

Bien sûr, il ne le dit pas à voix haute. Non, bien sûr. Il était Sam Seaborn, le gentil garçon champion du droit des femmes.

J'en ai marre d'être gentil.

« Dure journée ? » dit-elle sans beaucoup de conviction en repoussant le reste de son repas pour passer à un yaourt aux fruits.

« Pire que ça, » acquiesça t'il en buvant lentement son verre d'eau .

« Tu devrais essayer de travailler dans cette fournaise, » lui dit Ainsley. « Ca claque, ça chuinte, ça gargouille, et il y fait quarante degrés. »

« Au moins ça ne mord pas, » marmonna t'il.

« Hein ? »

« Non, rien. »

« Tu devrais rentrer chez toi, » dit-elle en léchant la dernière goutte de yaourt au fond du pot dans un geste qu'il était trop déprimé pour trouver fascinant.

« Mon pays a besoin de moi, » lui rappela t'elle.

« Pour quoi faire ? Mourir pour lui ? Tu as l'air en sale état. »

« Merci, Ainsley, » lui lança t'elle alors qu'elle sortait. « Tu m'as vraiment remonté le moral. »

Elle lui fit un signe de la main, et disparut. Il regarda son verre d'eau un moment, et se demanda si il serait capable, s'il en renversait le contenu sur la table, de se noyer dedans.