Pas le choix

(Yakuru)

Je n'avais pas demandé à venir, on m'y avait forcé. En fait, j'avais été obligé de nombreuses fois depuis que je vivais, et je m'étais plus ou moins habitué –autant qu'il est possible- à ne jamais faire ce dont j'avais envie. Cependant, je percevais ce voyage plus comme une mise en exil qu'une mission ; on se servait de moi et on m'éloignait du même coup, c'était évident.

J'étais sous la coupe de ma famille depuis ma naissance. Pour être précis, je n'avais jamais été à l'abri de leurs choix. Sans connaître non plus une vie familiale merveilleuse, puisque ma mère m'avait catapulté dès mon plus jeune âge dans un pensionnat, une sorte d'école d'apprentissage. Je n'avais plus eu de ses nouvelles. Puis, quand j'avais commencé à réussir quelques examens –sans être brillant- on m'avait rappelé. Ma grande-tante. Les missions avaient commencé.

J'étais loin d'être heureux.

Ma grande-tante me forçait à avaler sa pilule de bonheur et je n'avais pas intérêt à me rebiffer.

Elle s'était autrefois trouvée au sommet avant d'être déchue. Pour retrouver sa place elle avait besoin de puissance. Elle n'en manquait pas, je peux vous l'assurer, du moins dans sa personne ; mais de puissance à ses services, elle n'en avait pas, ou si peu que personne ne fléchirait l'échine pour qu'elle réintègre son honneur et son trône. Chose étonnante pour une femme de son caractère, elle détestait devoir se salire elle-même ; devoir tremper les mains dans toute cette bouillie humaine. En fait, elle ne vivait qu'à travers les autres, exerçant sur leurs pauvres esprits assez de peur et de respect pour qu'ils fassent ce qu'elle ordonnait. J'appartenais malheureusement à ce nombre là.

Et j'avais une mission à accomplir.

Naruto me regardait avec ce sérieux si loufoque qui -j'avais vite appris à le reconnaître- le caractérisait, un peu comme si un Hokage m'avait raconté une blague ou plutôt comme si, dans le cas présent, un petit ninja m'avait sorti un discours de politique. Mais, je le savais désormais, Naruto n'était pas n'importe quel ninja. Je n'aurais pas été là. Je lui rendais son regard accompagné d'un faible sourire qui, semblable à tout ce qui me composait, était forcé. Forcé par les miens. Forcé par moi-même. Je le regardais, lui qui n'en faisait jamais qu'à sa tête, et le regardant je réfléchissais à la façon de me servir de lui, tout comme on se servait de moi.

Mes doigts me chatouillaient comme si je n'avais pas joué d'un instrument depuis une éternité.