Sasuke-kun

(Sakura)

Mizuko-sensei touchait si peu les branches et les toits que c'était comme si elle volait.

Quant à moi je n'arrivais pas à détourner mes pensées de Sasuke-kun. Il trônait, avec ses mèches de cheveux corbeau, ses immenses prunelles, son air grave, si attirant. Le mystère dont il s'affublait me donnait envie de ne jamais le laisser seul ; il l'avait déjà trop été alors que personne ne devrait endurer cela. Il me semblait noyé dans son malheur, submergé par le désastre qui s'était abattu sur sa famille, et chaque fois que m'apparaissaient ses grands yeux furieux je ne pouvais me défaire de l'image d'un papillon se heurtant à la lumière d'une lampe.

Oui, son idéal le tuerait si on ne faisait rien.

A mes côtés, Mizuko-sensei partageait sans aucun doute mon inquiétude. A la fois pour Sasuke-kun et pour Naruto ; tous deux avaient été blessés dans leur chair et dans leur esprit. Cette horrible bataille aurait pu faire des victimes chez les nôtres autant qu'être évitée, Sensei disait vrai… Encore aujourd'hui on ne savait pas tout à fait ce qui s'était passé ; si ce n'est que quelqu'un avait fomenté quelque chose. Et Sasuke-kun s'était enfui. Fuir, toujours fuir, toujours plus loin, en quête d'on ne savait quoi… Mon cœur cogna contre ma poitrine au souvenir de cette affreuse mêlée de morts.

Et puis tout s'était progressivement calmé, comme la pluie finit par se tarir ou la neige cesser de tomber. On avait enterré les morts –bien qu'ils ne soient pas apparentés au village-, soigné les blessés. Mais pas de trace de Sasuke. Il avait disparu.

Nous les rattrapons.

Il était loin d'être en état de le faire mais n'allait sûrement pas le montrer. Son bras cassé… Oh, je n'ose pas y repenser ou je vais frémir ou pleurer. Le craquement avait été si distinct malgré la tempête de chakra qui régnait tout autour, si distinct et si perçant, semblable comme une goutte d'eau au craquement justement provoqué par Sasuke, un jour.

Par ici, Sakura…

Depuis on ne l'avait pas revu hormis ce matin, quant il s'était présenté au cours de vérification des acquis. Sans parler.

Mizuko-sensei et moi, nous avions tellement peur que le dernier des Uchiha surgisse pour prendre sa revanche face à Naruto…

Nous avions peur mais nous n'avions rien pu faire d'autre que de tranquillement soigner Naruto. Aussitôt après la bataille, il était tombé dans un sommeil qui ressemblait plus à un coma qu'autre chose, et Mizuko-sensei s'affaira de longues journées à panser ses blessures, tant les superficielles que celles, profondes, qui l'agitaient toutes les nuits au creux de cauchemars visiblement redoutables. Les journées passaient et j'apprenais de nombreuses techniques que je retenais –peut-être me serraient-elles utiles pour Sasuke-kun. Naruto récupérait doucement. Je ne pouvais pas rester seule avec lui parce que la vue du garçon écrasé par les couvertures ne collait pas avec celle du démon qui avait fait couler des flots de sang. Les paupières closes ne cachaient pour moi que des pupilles rouges et monstrueuses.

Il se réveilla heureusement sans se souvenir de ce qui s'était passé. Personne ne lui dit rien, parce que nous avions trop peur qu'il puisse récidiver. Peu à peu, avec mes efforts, j'ai réussi à me rappeler le vrai Naruto, celui qui faisait toujours l'idiot, qui disait toujours ce qu'il ne fallait pas dire, et à oublier le massacre.

Et voilà que notre peur s'était finalement justifiée. Sasuke-kun était si blessé… Dans son ego. Il y avait tant de risques qu'il bascule… Il se tenait au bord du gouffre et nous étions impuissants à le ramener…

Non ! Non, nous le ramènerons.

Nous le ramènerons et nous ne laisserons plus repartir.