11. Idiote !
(Sakura)
Par ici, Sakura…
Nous n'étions pas parties depuis longtemps et pourtant nous débouchâmes rapidement sur une toute petite clairière étouffée par la forêt. Je ne pourrais pas dire plus pour la simple raison que j'apercevais Sasuke-kun de dos au milieu des broussailles, ou du moins, le croyais : il y avait quelque chose d'étranger dans la tenue droite et leste de sa silhouette, comme de l'aise ; en somme quelque chose qui n'appartenait pas à mon Sasuke-kun. Celui que je connaissais depuis toujours, même s'il se déplaçait avec agilité, avait un port plus nerveux, comme sur le point de s'envoler au moindre geste brusque –c'était un truc que Ino n'avait jamais compris… Un drame ne disparaît pas sans laisser de traces.
En tout cas il était bien trop paisible pour que je me trompe encore longtemps. Mais il changea brutalement d'attitude quant le vrai Sasuke-kun se laissa tomber avec flegme d'une branche et se réceptionna lestement sur le sol jonché de feuilles mortes. Je pressais l'allure. De là où j'étais, l'inconnu paraissait beaucoup plus tremblant, moins sûr de lui face au dernier des Uchiha à l'attitude menaçante.
Oui, il semblait trop…
J'agrandissais le pas.
…Trop hésitant pour quelqu'un qui poursuivait un génie…
Mizuko-sensei fut la première à pénétrer dans la petite clairière, rompant ainsi le tête à tête entre le poursuivi et le poursuivant.
…Trop immobile.
Oui, décidément, quelque chose ne collait pas. Peut-être les gestes… Avec l'allure.
L'inconnu sursauta à l'arrivée de Sensei, releva le visage qu'il avait maintenu baissé à terre. Deux tresses encadraient un visage très rond, très blanc, presque fiévreux, et de courtes boucles châtaignes recouvraient les épaules, rejoignant un col très large. Il portait bien un bandeau au front mais la plaque était invisible parce tournée vers l'intérieur. Mais surtout, ses joues étaient vraiment rouges…
Puis Mizuko-sensei parla d'une voix forte et l'étranger parut encore plus effrayé parce qu'après avoir reporté une dernière fois son regard sur mon Sasuke-kun, il se retourna et disparut dans la végétation.
Je retins mon souffle lorsqu'il se faufila entre les branches, comme un homme-serpent, défiant les lois de la pesanteur encore plus que ne le faisait habituellement un ninja.
Je l'avais déjà vu quelque part ; la certitude explosa en bulle de couleur dans mon esprit.
Idiote ! Bien sûr que tu l'as déjà vu !
La même dextérité quasi inhumaine.
Idiote ! Rappelle-toi !
Les mêmes vêtements. Ceux de Yakuru. Ceux du cirque ambulant.
Mais pourquoi en avoir après mon Sasuke-kun ?
Allait-on me défier sur mon propre terrain ?
