12. Né, c'est tout

(Mizuko)

Sasuke-kun ! s'étonna Sakura dans un hoquet.

Il refusait de nous faire face, les poings serrés à ses côtés. De dos, embrasé de fierté, il ressemblait assez à Naruto-kun pour que l'image de mon protégé se superpose à celle du garçon présent.

Qu'est-ce que tu faisais ? J'étais morte d'inquiétude…

La jeune fille tordait ses mains, le visage envahi par le désarroi et la peur ; je pense que, en dépit du fait qu'elle le poursuivait sans relâche depuis l'ombre, chaque fois qu'elle se retrouvait face à lui, elle avait peur ; peur de ne pas être suffisante, peur de ne pas comprendre, de ne pas être celle qui correspond. Et pourtant elle était toujours là.

Il finit par se retourner. Son visage était complètement fermé et il ne répondit à aucune des questions qui s'échappèrent de la bouche de Sakura. Je décidais d'intervenir. S'il n'avait pas bougé, c'était certainement parce que j'avais précédé la jeune fille. Il ne pouvait pas ignorer toutes les personnalités de Konoha ; il était temps de donner une explication et il en était conscient.

Sasuke, dis-je en inclinant légèrement la tête.

Mizuko-sama, répondit-il aussi poliment.

Ses cheveux noirs renvoyaient peu l'éclat que le sommeil matinal y déposait.

Alors ?

Il haussa les épaules avec désinvolture, sans sourire, les yeux sous l'ombre projetée par le feuillage loin au-dessus.

Je vais bien. Je suis guéri, osa-t-il même rajouter.

Tu es sûr ? s'enquit Sakura. Je peux peut-être voir ? Tu sais, depuis que je prends des cours avec Mizuko-sensei, je suis tout à fait capable de…

Je vais bien.

Ne joue pas à ça, Sasuke, grondais-je. Si tu allais réellement bien, il n'y aurait aucune raison de te cacher dans la forêt. Ou de surgir pour attaquer Naruto. Premièrement, tu n'aurais pas dû t'enfuir. Deuxièmement, tu n'aurais pas dû rester caché. Troisièmement, tu aurais dû nous donner de tes nouvelles. Quatrièmement, tu aurais dû prendre soin de ton bras.

Je vous dis que j'allais bien. Je pouvais pas rester, j'ai pas de compte à rendre à Konoha.

Oh, si, tu en as. Tu en fait partie, et c'est suffisant pour ne pas l'oublier.

Il croisa les bras, raide dans son uniforme sombre, détourna les yeux.

J'y suis né, c'est tout.

Le sous-entendu était clair. Il ne comptait pas moisir toute sa vie à Konoha. Il ne poursuivait qu'un but, un seul. Je soupirais.

Toujours est-il que pour l'instant, tu es là, et rien n'excuse le fait d'être parti sans nous prévenir, Sasuke.

Sakura s'approcha timidement et tenta un contact avec le garçon qui ne lui jeta qu'un coup d'œil avant de revenir à moi.

Je suis pas pieds et poings liés, se défendit-il. Et j'ai été soigné.

Tant mieux. Par qui ?

Il hésita un faible instant. Sakura posa une main sur son épaule cassée et il tressaillit. Il dût s'en vouloir parce qu'il cracha aussitôt après avec brusquerie :

Pourquoi vous me laissez pas tranquille ?

Parce que tout ce qui concerne le village nous concerne, Tsunade et moi. Ecoute. Naruto est revenu à lui sans se souvenir.

Il eut une deuxième hésitation qu'il camoufla plus vite avec un sourire un peu moqueur.

Le petit démon a tout oublié ? Tous ceux qu'il a tués ?

Tout. Laisse-moi te dire que ça ne sert à rien de vouloir te venger.

C'est pas ce que je veux. J'ai déjà assez à faire.

J'acquiesçais lentement, pensive. Il voulait seulement se rassurer.

Assez pour te mener la vie dure, lâchais-je, amère. Et celui qui te poursuivait ? Il te raccompagnait ?

Nouveau haussement d'épaules, délogeant la main de Sakura qui se frayait timidement un chemin sous le vêtement.

Arrête. Tout va bien, je te dis. Qui ? Ah, lui. Je sais pas pourquoi il me suivait.

C'est lui qui t'a soigné ?

Il releva la tête, croisa mon regard.

Oui.