14. Entre eux deux
(Sakura)
Une semaine s'était écoulée depuis l'écœurante bataille et ça avait été une semaine entière séparée de Sasuke. C'est pour ça que j'essayais, pendant qu'il gardait les mains dans les poches, de voir si son épaule était tout à fait guérie.
Arrête. Tout va bien, je te dis, tenta-t-il de me rassurer.
J'avais du mal à le croire, et avec Mizuko-sensei qui continuait de l'interroger comme s'il avait été un criminel en fuite…
Qui ? Ah, lui. Je sais pas pourquoi il me suivait.
C'est lui qui t'a soigné ?
Oui.
Et tu n'en sais pas plus ? Tu es certain de ne pas l'avoir offensé d'une quelconque façon ? Tu ne connais même pas son nom, je suppose ?
Non, je vous dis. Oui. Non, il était pas bavard du tout.
Et là, sans prévenir, une silhouette se matérialisa puis se redressa. C'était celle d'un anbu, pas plus grand que moi, presque entièrement recouvert par le plastron et la combinaison noire qui lui tenait lieu d'uniforme. Il était petit et ses bras fins -sur lesquels les muscles faisaient comme là où les racines des arbres deviennent plus volumineuses- étaient les seuls à sortir du vêtement officiel, avec la tête.
Tsunade-sama vous fait savoir qu'elle vous attend.
C'était étrange parce qu'il y avait comme un décalage entre sa voix et sa façon de parler ; ses mots étaient ceux d'un adulte mais son timbre, railleur, était plutôt celui d'un petit garçon.
Mizuko-sensei eut un silence troublé qu'elle essaya de prendre de court en prononçant fermement :
Sakura, tu m'accompagnes.
…Sensei ! m'écriais-je, sans y croire. Je préférerais rester aux côtés de Sasuke-kun !…
Elle fronça les sourcils comme pour me faire comprendre qu'on ne jouait plus. Une volute bleutée germa près de sa pommette et se tortilla laborieusement jusqu'à son front.
Puisque je te dis que tu viens, ordonna-t-elle, sévère. (Puis, à Sasuke-kun : ) N'en profite pas pour quitter le village. Je te le déconseille. Et si je te retrouve à défier Naruto, tu auras à te justifier plus que ça.
Sasuke-kun ne parut pas impressionné mais comme il cache tout, c'est difficile à dire. Aujourd'hui, j'aimerais affirmer que je le connais vraiment ; mais au cours de ces derniers mois, j'ai découvert tant de choses que je ne m'avance plus de rien.
Puis j'ai réalisé qu'il y avait peut-être quelque chose de grave. Ca m'a fait comme un choc.
Sensei, j'ai demandé avec la voix qui tremblait un peu, qu'est-ce qu'il se passe ?
Son regard s'était égaré quelque part et je n'osais pas demander où. En plus un silence désagréable s'était étendu et ne semblait pas prêt à lâcher prise. Je dois dire que j'avais beaucoup de mal à décider quoi faire parce que le garçon que j'aimais se tenait devant moi, et même s'il avait assuré qu'il allait bien, le tissu sur son épaule s'était révélé poisseux ; mais Naruto faisait partie de notre équipe, autrefois ; il en avait été un membre à part entière, sa bêtise sous le bras… Et puis je ne sais plus. Il avait fallu défendre le village et cette énorme invocation m'avait envoyée heurter le tronc d'un arbre, tout s'était assombri et quand j'avais rouvert les yeux il était là, nimbé d'un immense aura rouge, tout le monde avait pris peur et il avait été encore plus énervé, et alors le sang ce sang et rien que du sang… Ca ne pouvait être lui. Ce n'était pas de lui dont il s'agissait.
Elle a dit que vous ne deviez pas traîner.
J'ai levé la tête vers l'anbu. Le masque était impassible. Sensei sortit de sa rêverie et, saluant d'un geste bref de la tête, s'élança entre deux troncs.
Naruto faisait partie de notre équipe. Et même si c'était autrefois, ça comptait autant… Autant que s'il l'était encore.
Je profitais que le visage de Sasuke-kun n'était pas tourné vers autre part –en fait il paraissait même assez intéressé- pour lui esquisser un sourire désolé avant de suivre Mizuko-sensei.
Mais le souvenir refusait toujours de s'effacer.
