16. Histoire d'un revenant

(Fly)

Les deux femmes me regardaient. L'une avait le regard hésitant et chargé de soucis, l'autre plus ferme mais tout autant préoccupé. La plus jeune n'était encore qu'une ado et semblait avoir peine à garder pied dans ses énigmes.

Mizuko-sama finit par me saluer avant de rapidement disparaître.

Je les avais suivies des yeux et je refaisais face à Sasuke.

D'abord, salut à tous. Il n'est pas indispensable que je me présente pourtant je vais faire un effort. J'ai seize ans, j'en parais plus mais ça ne se voit que lorsque j'ôte le masque de anbu ; avec, impossible de deviner. Ce masque, je le porte depuis quelques années déjà. Mon petit-frère et moi sommes originaires de Konoha. Nos routes se sont séparées à la suite d'un incident douloureux, j'ai pas envie d'en parler, vous saurez plus tard. Alors que je venais tout juste d'être promu anbu, j'ai moi-même fait la demande d'être traqueur de déserteur. Ma requête acceptée, je suis parti.

Et j'étais de retour. Je suis pas terrible comme conteur, c'est ça ?

Ca fait longtemps, j'ai dit.

Il a haussé un sourcil, juste assez pour évoquer une question.

Je portais une main et relevais le masque jusque sur mon front.

…Fly ?

Gagné, j'ai répondu avec un sourire.

J'étais content. Il ne m'avait pas oublié. Faut dire qu'on avait quand même passé un peu de temps ensemble, moi et lui. Lui et moi, pardon. J'avais pas dix ans, à l'époque, lui non plus. On avait comme qui dirait sympathisé. On avait quelques points communs. On était orphelins, surtout. Ca crée des liens, ce genre de choses. On s'entendait bien. Puis j'étais rentré à l'académie et on s'était pas revus. Nous ne nous étions pas revus, pardon.

Alors, qu'est-ce qui se passe à Konoha ?

Il a découvert une canine comme si le sujet ne le bottait guère.

A part le massacre, je veux dire ? insistais-je.

Tu es au courant ?

Je suis passé par le bar en arrivant. Les rumeurs ont deux jambes et boivent trop de saké.

Je riais. Il ne dit rien. Je redevenais sérieux.

Qu'est-ce que tu sais sur cet enfant démon ?

Il posa sur moi de grands yeux noirs surpris.

Il t'intéresse ?

Eh… Peut-être bien. Tu le connais personnellement ?

Sasuke se mura dans quelques minutes de silence qu'il ne brisa que pour lâcher :

Peut-être bien, ouais. Qu'est-ce que tu veux savoir ?

A propos du démon…

Kyubi ? proposa-t-il.

Voilà, Kyubi… Depuis combien d'années ?

Toujours, à ce que je sache.

Et il faiblit…

Naruto ?

Il avait posé la question comme si il y accordait de l'importance et je me taisais un court instant.

Oui, dis-je finalement. Le sceau qu'il porte faiblit avec lui. Le massacre de la semaine dernière en est le fruit.

Il faiblit…, répéta-t-il.

Il releva brusquement la tête et nous nous jaugeâmes du regard. Nous essayions chacun de savoir ce que l'autre savait sans dire ce que l'on savait soit-même. Par expérience, je peux vous dire que c'est partout comme ça. Rien n'est jamais gratuit. Dire quelque chose pour apprendre autre chose… Donner pour recevoir.

Mais nous n'avions plus rien à nous apprendre. La tension retomba et je secouais la tête pour repousser le blond qui me barrait la vue.

Sinon… Et toi ?

Il eut un bref sourire, comme un éclair de lumière sur son visage mangé par le noir.

Ca n'a pas tellement changé de l'orphelinat.

Tu t'entraînes assez ?

Je fais de mon mieux, en tout cas, dit-il avec un nouveau sourire.

C'est pas avec ce genre de répliques que t'arriveras à ma hauteur, me moquais-je gentiment.

Le sourire s'effaça et il fronça les sourcils.

Et la croissance ?

Je riais doucement, parce que ces moqueries avaient un goût de nostalgie et n'évoquaient que des journées de paresse. Ah, le bon vieux temps. Et les mots qui viennent aux lèvres comme si on avait plusieurs décennies derrière soit alors qu'on n'en a pas une. On peut être âgé et trop jeune à la fois.