Chapitre 6 – Détresse

La déflagration les laissa tous abasourdis. Teyla fixait, bouche ouverte, les volutes de fumées qui s'élevaient au loin. Sheppard fut le premier à réagir, empoignant sa radio.

« Rodney ! Ford ! ». La radio resta silencieuse. Derrière lui, il entendit le Commandeur Ivo pousser un juron. Il échangea un regard avec Teyla et ils s'élancèrent tous les deux vers le lieu de l'explosion.

John n'avait jamais couru aussi vite, même sur Athos pour échapper aux wraith. C'était ces moments là qui le faisaient douter de sa place au sein d'une équipe combattante. La peur de perdre quelqu'un sous ses ordres. Quelqu'un dont il était responsable. Parfois un ami. Il courait à travers la forêt, ne sentant même pas les branches qui le cinglaient. La peur qui lui tenait le ventre était comme un puissant carburant. Elle lui donnait des ailes.

Ils arrivèrent, à bout de souffle sur les lieux du désastre. Désastre. Il n'y avait pas d'autres mots pour décrire ce qui s'offrait à eux.

Des amadriens courraient dans tous les sens. La plupart, en état de choc, arpentaient le site archéologique, fixant ce qui avait été l'entrée de la grotte et cherchant sans doute à comprendre ce qui s'était passé.

Teyla se précipita au devant d'une femme couverte de sang. John quant à lui ne pouvait détacher ses yeux de l'amas de pierres, de rocs et de débris qui s'était formé devant l'entrée du site. La force du souffle avait du être énorme.

C'est alors qu'il l'aperçu. Du tissu bleu-gris et ce qui semblait être … une jambe. Il se précipita vers la forme étendue là.

Ce qu'il découvrit n'était pas très encourageant.

Le lieutenant Ford gisait inconscient, une partie de son torse coincé sous les débris. John s'agenouilla à ses côtés. Il tendit une main tremblante vers le cou du jeune homme et fut soulagé de trouver un pouls. Faible mais régulier. Il laissa échapper un soupir et appela Teyla.

La jeune athosienne essayait de ranimer une amadrienne. En vain. A l'appel de Sheppard, elle stoppa ses efforts, ferma les yeux de la malheureuse et rejoignit le Major.

Elle ne put réprimer une exclamation à la vue du Lieutenant. « Est-ce qu'il est … », sa voix se cassa.

« Non, il est en vie. Mais nous devons le sortir de là le plus vite possible et le ramener sur Atlantis ».

« Et le docteur McKay ? » Teyla examina les alentours de la grotte. De nombreux corps se trouvaient étendus là, mais aucune trace de McKay.

« J'ignore s'il était … la dedans lorsque l'explosion a eu lieu » John essayait de ne pas y penser. Il fallait qu'il concentre son énergie sur le « ici et maintenant », et ici et maintenant, c'était la vie de Ford qui était en jeu.

Teyla acquiesça d'un signe de tête et ils se mirent tous les deux à déblayer les pierres qui se trouvaient autour du jeune homme. Ils eurent de la chance. La plupart d'entre elles étaient de petite taille, sans doute en raison de la force de l'explosion. John sortit la trousse médicale d'urgence qui se trouvait dans son paquetage et mit en application ses cours de secourisme. Il vérifia que le Lieutenant respirait normalement et tenta de déterminer s'il avait quelque chose de fracturé ou de cassé. Il n'osait pas trop le bouger au cas ou son dos aurait été touché, n'ayant aucun moyen d'immobiliser son cou.

« Major ! » Teyla, les yeux emplis d'angoisse, pointait le sol du doigt. John poussa un juron. Juste au niveau du dos de Ford, une tâche sombre recouvrait la terre et s'élargissait progressivement, transformant la terre sèche en boue. Du sang.

« Okay. Nous allons devoir le retourner sur le côté, en position de sécurité. A mon signal, vous saisissez son épaule droite et sa hanche droite, et vous le basculez doucement vers vous », la jeune femme acquiesça d'un signe de tête, « Allez, 1, 2 , 3 ! ».

Le dos du lieutenant était couvert de lacérations plus ou moins importantes. John se demanda un moment ce qui avait pu causer ce type de blessure. Il découvrit en regardant d'un peu plus près les débris qui se trouvaient éparpillés autour d'eux, que ce qu'il avait tout d'abord pris pour des pierres étaient en fait un amas de fer et de roc. Il en ramassas un et faillit s'entailler la main. Certaines arêtes étaient aussi tranchantes qu'un couteau de chasse. Il examina ses mains : elles étaient couverte de coupures, il avait du se blesser lorsqu'il avait déblayé les débris et il ne l'avait même pas senti.

John ne savait pas très bien comment procéder. Il décida que le plus urgent était de vérifier l'étendue des dégâts. Muni de son couteau, il commença à découper la veste de Ford, prenant soin d'éviter les éclats qui se trouvaient enchevêtrés dans le tissu et la chair. Lorsqu'il eu fini, Teyla et lui enlevèrent les éclats les plus petits. Teyla désinfecta les plaies et les pansa pendant qu'il administrait une dose de morphine au Lieutenant. Il restait deux morceaux de l'étrange métal, trop profondément enfoncés pour pouvoir être ôtés sans risque. Bon sang ! Ils avaient besoin de Carson. Ford était toujours inconscient. Sa peau était froide au toucher et son teint avait pris une couleur grisâtre. Il avait perdu pas mal de sang et John craignait qu'il ne soit en état de choc.

« Teyla ».

La jeune femme qui n'avait pas quitté des yeux le dos ensanglanté du lieutenant, leva les yeux vers lui.

« Nous … Aiden a besoin d'une équipe médicale. Vous allez retourner sur Atlantis et me ramener le docteur Beckett, Fissa. Et ne perdez pas trop de temps en vaines explications avec Weir ! ».

Teyla ne releva même pas l'utilisation de l'expression terrienne familière, elle se leva et lui fit un signe de la tête en signe d'approbation. Elle décida de ne pas se charger et laissa son paquetage près du Major. Elle irait plus vite ainsi.

John la regarda s'éloigner et disparaître à travers les arbres. Il ne pouvait pas faire grand-chose pour Ford. Il le couvrit avec les deux couvertures du pack d'urgence. Le pauvre Lieutenant ressemblait à un plat emballé dans du papier allu. !

« Comment va votre compagnon ? ».

La question fit sursauter le Major. Le commandeur Ivo se tenait devant lui. Son air froid et sûr avait disparu, ses vêtements étaient froissés et couverts de sang.

«Ca pourrait être pire. » Il ne tenait pas à en dire plus. « Et de votre côté ? » John désigna de la tête les hommes de Commandeur qui s'activaient pour organiser les secours. Une des tentes avait été redressée, tant bien que mal, et accueillait ce qui semblait être les blessés les plus graves.

« Cinq morts. Pour le moment. Mais nous n'avons pas encore commencé à … » Il s'arrêta et John suivit des yeux son regard. La grotte. McKay. Il frissonna. Le commandeur reprit, l'air soudain gêné. « Nous devons tout d'abord nous occuper de ceux qui ont survécu et soigner les blessés. Je voulais juste … juste, vous présenter … vous dire que j'étais désolé, que nous étions tous désolés pour vos compagnons ».

La transformation était étonnante. Comment avait-il pu comparer cet homme à Summers ? Ou bien était-ce lui qui ne savait plus juger un homme ? Le vieux proverbe lui revint à l'esprit : 'Ne jamais juger un livre à sa couverture'. « Merci Commandeur, mais aucun d'eux n'est mort pour le moment. » Le commandeur allait répliquer mais il se tut, il hocha la tête en signe de compréhension, puis retourna auprès de ses hommes.

John se demandait combien de temps il faudrait à Teyla pour retourner à la porte des Etoiles, convaincre Weir et revenir ici avec Beckett. Il espérait que ce délai ne serait pas fatal à Ford – ou à McKay.

Il refusait de croire que Rodney était mort. Ne retrouvait-on pas des gens enfouis sous les décombres après un tremblement de terre, des jours après le séisme, vivants avec à peine quelques égratignures ? Non. Ils n'étaient pas venus d'aussi loin pour finir comme ça. McKay était vivant et Ford allait s'en sortir lui aussi.

o0o

Brrrr ! Rodney était gelé.

Il devait, une fois de plus, avoir oublié de fermer la fenêtre du balcon et Saliéri (11) avait, une fois de plus, du en profiter pour une petite escapade nocturne ! Ce chat était insupportable. Il fallait absolument qu'il pense à le faire couper, ça le calmerait peut-être un peu. Bien sûr il n'en ferait rien : comment un mâle pouvait-il faire ça à un autre mâle, même s'ils n'étaient pas de la même espèce ? Okay, pas de visite chez le véto, mais plus de poissons frais : dès demain régime boites, ça lui apprendrait !

Il frissonna à nouveau. Froid, froid, froid. Il se recroquevilla davantage et chercha sa couette à tâtons, mais ses mains ne rencontrèrent qu'un léger drap. Qu'est-ce qui se passait encore ? Il ouvrit les yeux et l'obscurité qui régnait autour de lui ne fit qu'accroître sa confusion.

Pas de couette, pas de fenêtre, Pas de … Atlantis !

Il n'était plus sur terre. Cela faisait déjà trois mois qu'ils se trouvaient tous sur Atlantis, la base des Anciens.

Okay, pas de chat fugueur alors. Mais cela n'expliquait pas pourquoi il faisait si froid dans ses quartiers et … Non ! Pas ses quartiers, ils étaient partis en mission, non ? En mission sur … sur … son esprit semblait paralysé par le froid et fonctionnait au ralenti. Ils étaient partis en mission sur PM6-41R ! Oui, c'était ça. Ils avaient pris contact avec le peuple qui habitait là : les Amadriens. Il avait découvert cet extraordinaire générateur dans une sorte de grotte et … Oh, Mon Dieu ! Il se souvenait maintenant, il y avait eu une seringue – il porta la main à son cou et réprima un petit grognement, la marque de piqûre était encore douloureuse. Il y avait autre chose. Il ferma les yeux dans un effort de concentration. Ford. Ford était sorti de la grotte et … une explosion ! Il se rappelait une explosion et puis plus rien, jusqu'à ce qu'il réveille ici.

La confusion céda à la panique. Il s'assit sur le lit et se tint là, tremblant, serrant le drap contre sa poitrine. Il examina la pièce dans laquelle il se trouvait. Il y faisait presque totalement noir. Presque. Ce qui signifiait qu'il devait y avoir quelque part une source de lumière.

Il se leva. Il était pieds nus et le sol était glacial. Du ciment ou quelque chose dans ce genre. Il avança prudemment, les mains devant lui pour repérer d'éventuels obstacles. Il finit par trouver l'origine de la luminosité. Un cadran horaire. Le type de ceux que l'on trouve sur les magnétoscopes. Il s'approcha. Les chiffres indiquaient «87.11 ». Okay, pas un cadran horaire. Au dessus se trouvait un petit oeuilleton rouge. Une caméra, peut-être. ? Il étendit le bras et allait vérifier de quoi il s'agissait, lorsque la pièce s'illumina brutalement. Il porta les mains à ses yeux et cligna des paupières un petit moment, le temps de laisser sa cornée s'habituer à la lumière. Lorsqu'il rouvrit les yeux, il constata qu'il ne s'était pas trompé. Il se tenait devant ce qui semblait bien être une caméra vidéo. Infrarouge sans doute. Il était surveillé. Cette pensée ne fit rien pour le rassurer.

Il fixa un instant la caméra puis examina la pièce. Ou plutôt la cellule. Un lit, un évier, ce qui semblait être un bidet et trois murs. Face à lui une immense grille. A travers les barreaux, il pouvait apercevoir un long couloir non éclairé. Il s'approcha de la grille et s'agenouilla un moment devant. La serrure n'était pas électrique. C'était une vulgaire serrure mécanique, mais il n'osait pas toucher les barreaux. Il se rappelait la « cage » où ils gardaient Steve – Bon sang, il fallait qu'il arrête de traîner avec Sheppard – où ils gardaient le wraith sur Atlantis et son champ électrifié. C'était lui qui l'avait conçu, enfin, avec l'aide des Anciens. Une fascinante technologie vraiment. Qu'est-ce qui ne donnerait pas pour avoir sous la main une des merveilles d'Atlantis comme … un désintégrateur par exemple !

Il poussa un soupir, un autre frisson le parcouru. Il était habillé avec un pantalon blanc coupé dans une toile épaisse rappelant du lin et une chemise à manches longues faite du même matériau. Il retourna près du lit, s'assit et s'enveloppa du drap. Il ramena ses genoux sous son cou et se cala au mur, ses bras autour des mollets. Il se sentait vulnérable sous la lumière blanche de la cellule. Vulnérable et désespérément seul.

Ses gens l'avaient tout bonnement kidnappé. Ils l'avaient drogué et enfermé ici, Dieu seul savait pourquoi, et ils l'avaient … déshabillé ! Les frissons augmentèrent et cette fois ce n'était pas le froid qui en était à l'origine.

o0o

Teyla arriva à la porte des Etoiles en sueur et essoufflée. Elle ne prit même pas le temps de récupérer et composa immédiatement les coordonnées pour Atlantis, envoyant son code dès l'ouverture du vortex. Elle n'eu pas longtemps à attendre avant d'entendre la voix ferme et assurée du docteur Weir.

/Teyla ? Que se passet-il, vous êtes en avance ? Ne deviez vous pas … /

« Ecoutez Docteur, Je n'ai pas beaucoup de temps ! Vous devez nous envoyer une équipe médicale immédiatement. » Elle réfléchit un instant. « En fait, peut-être faudrait-il une seconde équipe. » Elle revoyait les blessés sur le site archéologique. Les amadriens auraient besoin de leur aide.

/ DEUX équipes médicales ? Teyla, expliquez vous /

« Il y a eu un … éboulement sur le site où travaillaient le Lieutenant Ford et le Docteur McKay, je ne sais pas ce qui l'a provoqué, mais le Lieutenant Ford est blessé et de nombreux amadriens ont besoin de soins. Docteur, ces gens ne peuvent pas les aider. Ils n'ont pas la technologie nécessaire. »

/ Je vous envoie immédiatement une équipe. Teyla, le Lieutenant est-il le seul à être blessé ?/

« Le Major et moi-même n'avons rien. Nous n'étions pas sur le site lors de … l'accident. Ecoutez, j'attends l'équipe. S'il vous plait, Nous devons faire vite ! » Elle ne parla pas de McKay, ignorant s'il avait survécu. Il y eu quelques minutes de silence puis Weir repris.

/ L'équipe arrive. Tenez moi au courant./

Le vortex se referma et Teyla resta seule. Elle se sentait soudainement vidée et s'assit près du DHD pour attendre l'équipe médicale.

Elle avait toujours vécu avec l'idée que le pire pouvait arriver à ses proches, à ceux qu'elle aime. Mais ces gens étaient des étrangers pour elle, alors pourquoi se sentait-elle si bouleversée par ce qui se passait ? Elle revoyait le visage du Lieutenant Ford, presque blanc, sans vie. Et l'expression de dévastation du Major à l'idée que le docteur McKay se trouvait encore dans la grotte au moment de l'explosion. Ils n'avaient participé qu'à quelques missions ensemble mais déjà ils fonctionnaient comme une équipe, chacun occupant une place et une fonction précises, complémentaires. Teyla avait toujours fait « cavalier seul » comme disait les terriens. Son rôle de leader l'y obligeait. Mais en intégrant l'équipe du Major elle avait découvert autre chose, quelque chose qui lui rappelait son enfance. Quelque chose qui ressemblait à une … famille.

Et elle ne voulait perdre aucun de ces membres.

Elle fut sortie de ses pensées par le kawoosh de la porte des étoiles. Elle se leva pour accueillir le docteur Beckett et son équipe.

o0o

Mais qu'est-ce que fichaient Beckett et Teyla ? Le Major se sentait de plus en plus nerveux.

Les secours étaient arrivés de Sartorisvilla : deux carrioles et trois cavaliers. Ils avaient commencé à recouvrir les morts, les installant dans une des carrioles et un des cavaliers s'était entretenu un moment avec le Commandeur Ivo. Celui-ci ne quittait pas le Major des yeux et ce dernier commençait à se sentir très, très mal à l'aise.

Autour de lui, les amadriens allaient et venaient sans lui accorder la moindre attention. Personne ne lui proposa d'aide pour Ford. Il ne savait pas s'il devait s'en réjouir ou pas. Il ne souhaitait pas vraiment que l'un des « médecins » amadriens s'occupe du jeune homme, mais il ne pouvait s'empêcher de trouver que pour un peuple nouvellement « allié » leur comportement était plutôt inhospitalier.

John était perdu dans ses réflexions quand il s'aperçu qu'il était l'objet d'une intense observation. Deux yeux bruns le fixaient.

« Hé Lieutenant, vous avez fini votre petite sieste ? » Il adressa un sourire à Ford. Aiden ébaucha lui aussi un sourire qui se transforma presque immédiatement en grimace, il saisit la manche du Major et serra le poing, pendant que son corps était parcouru de tremblements. Une des crampes lui coupa la respiration et il avait des difficultés pour à reprendre son souffle.

John lui prit la main et essaya de le calmer. « Ca va aller, Ford, ça va aller. Concentrez vous sur ma voix : inspirer, relâchez, inspirez … » Les tremblements avaient repris et John se demandait vraiment ce que « nondedieudemerde » Beckett faisait, lorsqu'il se rendit compte que le Lieutenant … riait !

« Lieutenant, pouvez vous me dire ce qu'il y a de drôle à s'étouffer ?». John ne pouvait pas s'empêcher de sourire à pleines dents.

« P' … fffeeem' … encte' ». Aiden avait du mal à garder les yeux ouverts, mais sa respiration semblait plus contrôlée.

« Femcet ? Heu désolé Lieutenant, mais si vous commencez à vous exprimer comme un de ces fichus scientifiques, nous n'allons pas nous en sortir. »

« Crs' Lamase … pr' …futrr' …mam' ».

Ah, d'accord.

« Sachez Lieutenant, que cette technique a fait ces preuves sur les plus durs à cuir. » John stoppa un moment avant d'ajouter, sur un ton qui se voulait faussement menaçant. « Et si jamais vous racontez à qui que ce soit que je suis un spécialiste des cours d'accouchement sans douleur je serais obligé de vous supprimer.» Il haussa un sourcil en signe de « message reçu ». Aiden lui adressa un petit signe de tête en retour.

« Mccc .. K' ?».

John hésita un moment, il pouvait lui mentir, lui dire que McKay allait bien, mais Ford n'était pas un gamin, c'était un militaire, un « marine ». Il lui devait la vérité. « Il n'était pas avec vous. Il a du rester … dans la grotte. Nous ne savons pas encore s'il y a des survivants. Mais vous connaissez McKay, il ne va certainement pas nous laisser nous en sortir comme ça. Trop facile. Je l'entends déjà récriminer sur le temps que nous aurons mis pour le sortir de là. » Aiden ne répondit pas. Il avait a nouveau perdu connaissance. John vérifia son pouls. Lent, trop lent. Il secoua la tête en signe d'impuissance.

Il repris son poste de vigile, la tête de Ford sur ses genoux, son P-90 à portée de mains. Il se surprit à ânonner une prière. Il n'avait pas fait cela depuis des années.

John sentait la présence de la grotte derrière son dos. Il pouvait sentir le poids de l'amas de pierres et de débris aussi certainement que s'il se trouvait enseveli dessous.

o0o

------- La porte des étoiles allait se refermer dans quelques minutes et ils mourraient tous les quatre d'une manière horrible : asphyxiés. D'une certaine manière, Rodney enviait le sort de Markham et de Stackhouse. Ils étaient déjà morts. Où plutôt ils cesseraient bientôt d'exister. Paisiblement.

Rodney avait beau chercher une solution, il ne parvenait à rien ! Son cerveau fonctionnait au ralenti, ravagé par la peur. Ford et Sheppard le regardaient maintenant, le visage du Major, déformé par la douleur, ne parvenait pas totalement à cacher sa déception.

Sheppard avait raison. Il les avait laissés tomber. Il avait échoué. Il aurait du trouver quelque chose, les sortir de là. C'était pour ça qu'il se trouvait dans cette équipe. Pour son intelligence. Un QI de plus de 180 et qu'était-il capable de faire ? Rien.

Ses doigts n'étaient même plus en mesure de taper sur le petit ordinateur portable. Il fixait l'écran vide. Il était … inutile. Et par sa faute, ils allaient tous mourir.

Ses mains lâchèrent l'ordinateur qui s'écrasa avec un bruit mat à ses pieds. -------

Rodney se réveilla en sursaut, le cœur battant.

Il se débattit un moment avec le drap dans lequel il s'était empêtré. Il fallait qu'il se calme ou il allait avoir une crise cardiaque. Ils étaient tous vivants, ce n'était qu'un rêve. Il avait trouvé la solution et ils étaient tous rentrés sur Atlantis sains et saufs. Il ferma les yeux un moment mais les rouvrit aussitôt. Il avait entendu quelque chose. Un raclement ? Il se tourna vers la grille.

Damasus l'observait assis sur un tabouret, un sourire aux lèvres.

Rodney s'assit sur le bord du lit. Ils s'observèrent un long moment. Rodney rompit le silence le premier. « Pourquoi ? ». Il essayait d'avoir l'air sur de lui. De ne pas montrer qu'il était absolument mort de trouille. Il mit ses mains entre ses genoux pour cacher leurs tremblements. Si l'amadrien les voyait, il y aurait peu de chance pour qu'il pense qu'il était atteint de la maladie de Parkinson. Rodney se força à fixer l'homme droit dans les yeux.

Le sourire de Damasus s'élargit. « Ha, Docteur ! Je le savais. Pas de « mais où suis-je » dramatique avec vous. Non. Droit au fait. »

Rodney soupira, bruyamment, et désigna de la main sa cellule. « A quoi rime votre petite … mascarade. »

« Mascarade ? »

« Damasus, je ne suis vraiment pas d'humeur. J'ai un mal de crâne de la taille du lac Erié (13). J'ai froid, j'ai faim, j'ai été drogué et enlevé par nos prétendus nouveaux alliés, alors je crois que … »

Damasus claqua soudain dans ses mains et Rodney ne put s'empêcher de sursauter.

« Mais bien sûr ! Vous avez faim. Je vais vous faire porter de quoi vous restaurer immédiatement. J'ai pu remarquer que vous appréciiez particulièrement notre morumbiber (14) ». Il allait s'en aller, son tabouret à la main, laissant Rodney debout au centre de la cellule, quand il se ravisa « Oh, j'allais oublier. Il y a juste une petite chose dont nous devons parler avant. Une petite chose que vous pouvez faire pour vos ... nouveaux alliés

« Une petite chose ? » s'exclama Rodney, une pointe de sarcasme dans la voix. « Vraiment. Quelle surprise ? Laissez moi devinez. Vous voulez que je vous aide avec … le générateur, hein ? »

Le sourire de Damasus disparu.

« Ha ha, je vois que j'ai deviné juste. » Rodney leva les mains au ciel et commença à arpenter la petite cellule de long en large. « Mais enfin pour qui me prenez vous ? Vous pensiez que quelques verres de jus de fruits allaient suffire pour que je … coopère. Parce que je suppose que c'est comme ça que vous allez appeler ça, hum, de la coopération ? Et bien, SURPRISE ! Je ne suis pas disposé à coopérer, ni aujourd'hui ni demain. Et vous feriez mieux de me relâcher tout de suite. »

Il fulminait, sa peur oubliée sous le coup de la colère. Il avait compris dès qu'il avait vu la caméra. Leur numéro de Pierre à Feu (15) était pathétique. Ces gens le prenaient visiblement pour un imbécile et c'était quelque chose qu'il détestait. « Le Major Sheppard ne va … »

« … Pas vous rechercher Docteur, je suis désolé.»

Rodney stoppa net ses divagations. « Qu… Quoi ? ».

Damasus se rassit sur tabouret, il croisa les jambes et examina longuement son prisonnier. Au bout de quelques minutes, son sourire revint. « Le Major Sheppard ne vous cherche pas Docteur. En fait, à l'heure qu'il est, il est vraisemblablement de retour à votre base.»

Rodney déglutit avec peine. Il avait la gorge sèche et il n'était pas sûr de vouloir entendre la réponse à la question qu'il allait poser. « Et qu'est-ce qui vous fais croire que le Major va juste rentrer sans moi ? »

« Oh, mais j'en suis certain, vous voyez, Rodney - vous permettez que je vous appelle par votre prénom, n'est-ce pas, oui, bien sûr, entre collègue – donc, vous voyez, Rodney, je sais que le Major va bientôt quitter Amadriades s'il ne l'a pas déjà fait, parce que personne ne recherche un mort

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« Major ! ».

« Par ici Docteur ! » John n'avait jamais été aussi heureux de voir apparaître le visage de Beckett. Rouge et en sueur, le pauvre avait du courir une bonne partie du parcours à travers la forêt.

A peine arrivé sur le site, il se mit à donner des ordres à son équipe, sans même demander son avis à l'impressionnant Commandeur Ivo. Ce dernier ne fit rien pour stopper les membres de l'équipe médicale d'Atlantis. En quelques minutes, plusieurs amadriens étaient déjà pris en charge par Beckett et son équipe.

« Sandra ! Organisez le triage et aidez ces gens à monter une », le docteur fit un geste en direction de la tente, «salle de traitement d'urgence. Okay, nous prenons le relais Major. » Carson s'installa auprès du Major et de Ford. John se leva et remis, avec un peu de reluctance, sa charge entre les mains d'une petite jeune femme rousse. Célia ou Clélia, il ne se rappelait pas de son prénom. C'était elle qui s'était occupée de lui après que cette bestiole suceuse de sang se soit accrochée à son cou. « Ne vous inquiétez pas Major, nous allons prendre soin de lui.» Elle lui adressa un sourire confiant. Il examina un instant Beckett travailler sur Ford. Un masque à oxygène avait été posé sur son visage et deux transfusions avaient été installées. Une des poches contenait un liquide transparent, quant à la seconde, il s'agissait manifestement d'une transfusion de sang. Le Lieutenant fut hissé sur une civière et transporté à l'intérieur de la tente.

John rejoignit Teyla qui se trouvait avec Stackhouse et deux autres marines.

« Okay, je pense que le docteur Beckett a les choses sous contrôle, maintenant nous pouvons nous atteler à déblayer l'entrée de la grotte. Stackhouse, de quoi disposez vous ?»

« Mlle Emmagan, nous a parlé d'un éboulement, nous avons amené un peu de C4, et surtout nous avons le caporal Eliakim. »

Eliakim, Eliakim. John fouilla un instant dans sa mémoire. Il avait du passer en revue tous les dossiers des militaires postés sur Atlantis après le décès du Colonel Summers. Eliakim faisait partie du contingent d'Afrique du Sud. C'était un expert en explosif. Il avait participé à de nombreuses opérations de sauvetage, notamment après le séisme de Kobé.

« Parfait. Voyons ce que nous pouvons faire ».

Ils se dirigèrent vers l'entrée de la grotte. Deux gardes amadriens leur barrèrent le passage.

« Ecoutez, nous voulons vous aider, nous pouvons … nous avons les moyens de faciliter le déblaiement et peut-être … peut-être de retrouver des gens vivants la dessous, mais il faut aller vite ! Nous avons déjà perdu beaucoup de temps. » John se voulait conciliant mais les dernières heures avaient largement entamé son potentiel « Aimable à toute heure » et il sentait la colère monter.

« Je suis désolé, mais nous ne pouvons pas vous laisser faire. »

Le Major éclata « Mais enfin quel est votre problème, hein ? Vous nous avez ignoré, mon équipe et moi depuis que nous sommes arrivés sur maudit site, et si Ford est encore en vie, ce n'est certainement pas grâce à l'aide que vous nous avez apportée ! Alors, je ne vais pas le répéter une seconde fois : écartez-vous. Un membre de mon équipe est coincé quelque part là-dedans et je compte bien tout faire pour le récupérer, avec … ou sans votre aide ». A ces mots, la tension monta d'un cran. Stackhouse et Markham armèrent leur P90 et les trois amadriens présents devant l'entrée de la grotte se raidirent, portant la main à leur arme de poing.

« Major. » Teyla essaya de se poser, comme d'habitude, en conciliatrice, mais cette fois Sheppard ne voulait rien entendre. Le soldat en lui réclamait une action immédiate. Il était exténué, physiquement et moralement, ses mains et ses vêtements encore couverts de sang. Le sang d'un de ses subordonnés.

Il refusait de considérer qu'il avait échoué dans sa mission : protéger ses coéquipiers. Pire, il avait oublié que Rodney n'était pas un militaire. En tant que civil, il était le plus vulnérable. Non pas qu'il soit incapable de se défendre. John avait insisté pour que tous les scientifiques et techniciens qui participaient à des missions prennent des leçons de tir et, contre toute attente, Rodney avait obtenu d'excellents résultats. Mais un civil reste un civil. Il aurait du rester avec lui. S'il l'avait fait, Ford ne serait pas actuellement inconscient sous une tente de fortune et Rodney enfoui sous des tonnes de gravas !

La culpabilité qu'il ressentait attisait sa colère contre les amadriens. Comment ces gens pouvaient-ils rester les bras ballants sans rien faire ? Et s'ils se fichaient de ce qui était advenu à leur compatriotes, John lui, comptait bien tout faire pour récupérer McKay. Il ne repartirait pas sans lui. Et il ne ramènerait pas un corps. Non, Rodney était vivant, sans aucun doute blessé, seul, terrifié. Mais vivant.

Il fallait qu'il le soit.

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« M…Mort ? C'est ridicule, c'est … c'est … » Rodney fixait Damasus. Il aurait voulu dire quelque chose d'acerbe et de bien senti, mais son sens de la répartie et son assurance semblaient l'avoir déserté. Il ferma les yeux un instant et se rassit sur le lit. Il fallait qu'il recouvre ses esprits. Il prit une profonde inspiration et rouvrit les yeux. Damasus le regardait, un air amusé sur le visage. Rodney aurait donné n'importe quoi pour effacer ce sourire satisfait.

« Ca ne marchera pas. Quoi que vous fassiez, ça ne marchera pas. Ils ne partiront pas sans moi, pas sans preuve tangible de ma prétendue mort, et je ne vois pas très bien ce que vous pourriez leur fournir à l'appui de cette hypothèse» Il essayait d'avoir l'air sur de lui. Rodney était un scientifique. Il savait que falsifier une mort était quasi impossible. Les forensics (16) parvenaient à près de 99 des cas – avec les bonnes données – à découvrir la vérité. Et sur Atlantis, ils avaient les meilleurs. Jamais un membre de son équipe ne se laisserait prendre à une mise en scène grossière du type vêtements couverts de sang.

Ses réflexions furent interrompues par Damasus.

« Mais Rodney, vous êtes mort ! Il y a eu, comment dirais-je, un regrettable accident sur le site où vous vous trouviez avec – comment s'appelait-il au fait ? Ah oui, Ford. Le souffle de l'explosion a complètement détruit la grotte. Les Leaders vont … »

Rodney n'écoutait plus l'amadrien. L'explosion. Il se rappelait maintenant avoir entendu une explosion. Et Ford, qu'avait dit Damasus à propos du Lieutenant ? Pourquoi avait-il utilisé l'imparfait ?

Une migraine terrible s'était installée entre ses tempes. Il avait du mal à se concentrer. Son esprit ne parvenait pas complètement à émerger. Il ressentait encore les effets chimiques de la drogue qu'ils lui avaient administré. Et il avait soif, tellement soif. Sa gorge était plus sèche que le désert du Sahara.

Damasus, toujours assis sur son tabouret, continuait sa discussion, sur un ton léger, presque badin. « … Bien sûr, maintenant, les Leaders vont devoir prendre des mesures. Ils ne peuvent pas laisser des meurtriers déambuler librement sur … »

La voix de Damasus perdit une fois de plus de sa clarté. Rodney voyait ses lèvres bouger et un faible ronron accompagnait chacun des mots qu'il prononçait. L'amadrien semblait capable de parler, parler, parler, sans jamais avoir à reprendre son souffle. Mais Rodney se fichait bien de ce qu'il avait à raconter. Il n'avait pas envie d'en entendre davantage. Il était mort. Ford était mort. Sheppard était retourné sur Atlantis.

Il était seul.

Soif. Il avait si soif, il fallait qu'il boive un peu d'eau. S'il buvait tout irait mieux. Il pourrait à nouveau penser, réfléchir, agir. Oui, il fallait qu'il boive. Il regarda autour de lui. Le petit évier ne se trouvait pas très loin. Il se leva péniblement, se tenant au lit pour ne pas tomber. La tête lui tournait et ses oreilles bourdonnaient. Il parvint à se hisser devant l'évier et examina un moment ce qui semblait être l'arrivée d'eau. Le bourdonnement avait pris les proportions d'un réacteur d'avion. Il secoua la tête espérant chasser l'épouvantable vacarme. De petites lumières blanches se mirent à danser devant ses yeux. Il tendit la main vers ce qui tenait lieu de robinet quand ses jambes refusèrent soudain de le soutenir. Il se sentit glisser vers le sol, sa tête évitant de justesse l'évier. Il vit Damasus se lever d'un bond, renversant son tabouret. L'homme cria quelque chose. Rodney n'entendit pas ce qu'il disait ou à qui il s'adressait. Certainement pas à lui, puisqu'il était mort.

Le bourdonnement cessa soudain et la lumière blanche de la cellule s'assombrit. Oui, il devait être mort après tout. Rodney s'abandonna au silence et à l'obscurité.

TBC

(11) J'ignore si c'est vrai, mais j'ai lu une fic' en anglais dans laquelle l'auteur donnait ce nom au chat de McKay. Je trouve ce choix assez approprié à sa personnalité : Rodney pourrait se sentir proche de Saliéri, qui – dit-on – passa la dernière partie de sa vie obsédé par le génie de Mozart.

(12) Les phrases -----italique ------ indiquent un rêve.

(13) Le lac Erié est l'un des cinq grands Lacs d'Amérique du Nord. Il est le plus petit des Grands Lacs, mais néanmoins le 13e lac naturel du monde. Il est bordé par les États américains de l'Ohio, de la Pennsylvanie, de New York au sud, du Michigan à l'ouest et de la province canadienne de l'Ontario au nord (Université Libre – Wikipedia).

(14) Encore un peu de latin transformé à la mode des anciens, disons « jus de mûre » ou bien « boisson à la mûre » (je tiens à signaler que mon latin date du lycée) .

(15) Pierre à feu (The flinstones) : dessin animé américain des années 60 mettant en scène des hommes de la préhistoire et une pseudo technologie reposant sur du bric à broc néandertalien et moderne.

(16) Forensics : police scientifique.