Titre : Rumeurs

Auteur : Rieval

Note 1 : voici encore une petite commande de mes coforumeuses (j'ai nommé Téli, Doc Weir, Corona, Lyanea and co.) Tout est de leur faute !

Note 2 : ceux qui m'ont déjà lue, le savent, je fais dans la torture psychologique et – parfois – physique. C'est ce que nos amis américains appellent le H/C (hurt/comfort). Un personnage souffre – émotionnellement ou physiquement – et un autre le réconforte. Voilà ! Qu'on se le dise, pas de romance ici !

Résumé : Epiloque The défiant one/Duel. Enfin, c'est un peu plus qu'un épilogue, mais lisez, vous verrez bien !

Rating : Gén, Drama/Angst, PG 13.

Disclaimer : pas à moi, rien de rien, sauf peut être le sourire de Rodney (hey, on peut rêver, non ?)

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Première partie : Naissance d'une rumeur

La rumeur commence souvent bêtement. Par une simple maladresse. Pas de vraie méchanceté derrière, non, plutôt de l'inconscience, ou plus simplement une erreur de jugement. Parfois une indiscrétion.

Bien sûr, les choses en restent rarement là. Les rumeurs demeurent rarement de petit filet d'eau, n'est-ce pas ? Non, la rumeur s'amplifie et grandit. Elle devient parfois un scandale, chez les Stars du show-biz, ou bien encore une crise, chez les politiciens.

Sur Atlantis, elle allait déboucher sur un drame.

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Laboratoire du Docteur Rodney McKay

On pouvait entendre les cris de l'autre bout du couloir.

Sheppard s'écarta juste à temps pour laisser passer un Zelenka passablement furieux, jurant en tchèque. L'ingénieur releva ses lunettes sur son nez d'une main tremblante de colère et passa devant le Major sans lui adresser un regard.

Sheppard le suivi un moment des yeux puis se tourna vers l'entrée du laboratoire de McKay. Il passa prudemment la tête par la porte entrebâillée.

La pièce semblait avoir subi une sorte d'attaque.

Des éléments d'électroniques, deux ordinateurs portables éventrés, plusieurs tasses de café vides, des emballages de barres chocolatées gisaient pêle-mêle sur le large plan de travail qui se trouvait au milieu de la pièce. McKay n'était pas à proprement parler une fée du logis, mais son laboratoire était généralement à peu près fréquentable.

Sheppard se racla la gorge pour prévenir de sa présence. McKay ne leva pas les yeux de ce qu'il faisait et lui indiqua du doigt un objet rond et métallique reposant sur la table.

« Activez le. »

Juste ça. Pas un bonjour ou un s'il vous plaît. Pas même un regard.

Sheppard s'approcha de la table ou travaillait McKay. Celui-ci semblait complètement absorbé par son projet. Et apparemment cela durait depuis un petit moment. Le scientifique n'avait pas du rentrer dans ses quartiers depuis quelque temps. Il arborait une barbe de plusieurs jours et ses vêtements étaient fripés, comme s'il avait dormi dedans.

Sheppard jeta un coup d'œil à l'objet qu'il était sensé initialisé. Un disque couvert des longues lignes fluides qu'appréciaient tant les anciens. Apparemment inoffensif. Mais le Major savait que lorsqu'il était question d'équipement ancien, il fallait toujours se méfier des apparences.

Il allait demander à McKay quelle était, d'après lui, la fonction de cet engin quand celui-ci l'interpella.

« Alors, c'est fait. »

Il n'y avait pas d'inflexion dans la voix. Ni irritation, ni colère. Etrange. Rodney McKay était quelqu'un qui ne cachait jamais ses sentiments.

Il exposait tout, sans pudeur ou gène : explosions de colère, signes d'irritation – Sheppard sourit en repensant à tous les tic que McKay avaient pour exprimer son irritation : jouer avec ses doigts, les bras le long du corps, lever les yeux au ciel, soupirer bruyamment – jusqu'aux expressions de plaisir. Oui, de plaisir. Il fallait voir le docteur McKay à la cafétéria déguster l'équivalent athosien d'un brownie cuisiné par Taddly (1). Il poussait des petits gémissements à chaque bouchée et allait même jusqu'à se lécher chaque doigt après avoir englouti le dernier morceau du gâteau. Sheppard était certain qu'un orgasme ne lui aurait pas fait moins d'effet.

Et c'était pareil avec la peur ou l'excitation. Tout ce que McKay ressentait était toujours écrit sur son visage ou bien se trouvait relayé par ses expressions corporelles.

Et là, rien. McKay ressemblait à un automate. Une enveloppe vide. Et ça inquiétait Sheppard. En fait, ça inquiétait aussi Beckett qui lui en avait touché deux mots la veille au soir.

McKay était passé trois fois à l'infirmerie en moins de deux jours. Dont une, accompagné du docteur Zelenka.

Il y avait d'abord eu une large coupure sur son pouce gauche, causée par un petit tournevis. Rodney avait expliqué que sa main avait ripé et qu'il s'était entaillé le doigt. Puis une brûlure causée par un fer à souder. Rodney avait juste soupiré et haussé les épaules. Enfin, un malaise. Le docteur Zelenka l'avait trouvé par terre dans son laboratoire. Cette fois Rodney s'était laissé faire, mais avait disparu de l'infirmerie sans que Carson lui ait donné son feu vert. Le docteur avait découvert le lit vide et la perfusion de glucose défaite.

Beckett avait expliqué au Major que ce type d'incidents domestiques étaient le plus souvent liés à de l'inattention et de la fatigue. Mais il lui avait aussi dit avoir trouvé McKay bizarre. « Renfermé » avait été son expression. Et s'il y avait une chose que le docteur Rodney McKay n'était pas c'était bien quelqu'un de « renfermé » ». Il disait ce qu'il avait sur le cœur lorsqu'il en ressentait le besoin ou l'envie – au grand dam de ces coéquipiers qui devaient bien souvent supporter ses jérémiades.

Sheppard avait décidé de découvrir ce qui se passait.

Il n'avait pas beaucoup vu McKay depuis leur équipée désastreuse sur bugplanète – c'est le nom que Ford avait donné à la planète où ils avaient rencontré un gentil wraith jouant les Robinson Crusöé (2) après avoir vu les petites lucioles voleter un peu partout.

Il faut dire qu'il avait passé deux jours à l'infirmerie.

Il leur avait fallu une vingtaine heures pour rentrer et ce délai avait été largement suffisant pour que sa blessure au bras s'infecte. Il ne se rappelait même plus l'arrivée sur Atlantis. Encore heureux qu'il avait demandé à McKay de partir avec Jumper 4 en compagnie de Ford et de Dunney (3).

Ils avaient récupéré les corps de Gall et d'Abhrams avant de partir. Il n'était pas question de les laisser sur cette foutue planète. Il y avait eu … autopsies. L'idée le fit frémir. C'était inévitable. Beckett ne s'y était pas opposé. Personne ne s'y était opposé. Ils n'avaient pas le choix : plus ils en sauraient sur les wraith et plus ils accumuleraient des avantages sur ces formidables adversaires.

Il y aurait une cérémonie bien sûr. Une sorte d'oraison funèbre. Plus tard.

Sheppard prit le petit engin dans les mains et se concentra un moment. Le buzz indiquant qu'il était activé retentit. Il le tendit à McKay. Ce dernier lui prit des mains et le posa devant lui. Il brancha l'un des ordinateurs portables sur le disque. Ses mains commencèrent à courir sur le clavier.

« Hehem, oui, et merci McKay, je vais beaucoup mieux. »

McKay qui avait déjà oublié que Sheppard était là, complètement concentré sur son projet, releva enfin la tête.

« Quoi ? »

Sheppard s'installa sur une des chaises qui se trouvaient près de la table de travail. Il portait son bras gauche en écharpe. Les yeux de Rodney se portèrent immédiatement sur la blessure du Major.

« Merci de vous enquérir de ma santé. »

McKay le fixa un moment avant de reprendre ses recherches.

« Je suis ravi de voir que vous allez bien, maintenant si vous pouviez me laisser, j'ai du travail. »

Sheppard n'y tenait plus. Il aurait voulu secouer le scientifique. Qu'est-ce qu'il avait à la fin ? Okay. Il fallait qu'il se calme. Et qu'il trouve un moyen de sortir McKay de ce laboratoire.

« Allez, venez, accompagnez moi au mess, je suis sûr que Taddly nous a concoctés un de ses fameux petits plats, hum. »

« Non, merci. »

« Mccckkkaaayyy.» Sheppard prononçait son nom de manière accentué, sur un ton chantonnant, presque roucoulant.

Avec un bruyant soupir, McKay releva à nouveau la tête de son ordinateur. Il poussa sa chaise, se leva et se rendit à la porte d'entrée.

Yep. Gagné. Ca n'avait pas été si difficile que cela en fin de compte. Avec le sourire du chat qui a avalé la souris, Sheppard se leva à son tour et suivi McKay. Il passa devant ce dernier et Vlam ! La porte se referma derrière lui dès qu'il fut sorti !

McKay l'avait fichu dehors !

« McKay ! » Cette fois la voix n'avait rien de séductrice. Il se retenait à peine de donner des coups contre la porte.

« Major, je vous l'ai dit, je n'ai pas le temps. » La voix était étouffée par l'épaisseur de la porte.

Sheppard hésita un moment. Il avait une envie folle de tester le gène ancien et de forcer la porte avec. Mais il se retint.

« McKay, si vous ne r'ouvrez pas cette porte dans les cinq secondes, je … »

La porte s'ouvrit. McKay se tenait devant lui. Il avait l'air terrible. Les yeux cernés et rougis par le manque de sommeil, le visage pâle.

« Major. Je … je dois vraiment terminer ce travail ... »

Sheppard allait lui dire ce qu'il pensait de son attitude quand le scientifique rajouta quelque chose qui le stoppa net

« … S'il vous plaît. »

Il y avait comme une attente dans le ton de sa voix, de l'incertitude mais aussi de l'espoir. L'espoir que Sheppard comprendrait. C'est ce qui désarma Sheppard. Il bredouilla.

« Heu, oui, okay, bien sûr, alors plus tard, hein ? »

McKay hocha la tête et referma la porte, laissant le Major seul debout devant le laboratoire, l'air un peu décontenancé.

McKay l'avait supplié. Pas ces « oh je vous en prie » moqueurs qu'il lui lançait régulièrement lors de leurs échanges mi figue mi raisin. Non, il y avait quelque chose de vrai, comme de la douleur dans ce s'il vous plait.

Et ça, c'était vraiment inquiétant.

oOo

McKay posa sa tête contre la porte. Il entendit les pas de Sheppard s'éloigner et poussa un soupir.

Il se laissa tomber par terre, le dos contre le mur et posa sa tête sur ses genoux.

Il ne fallait pas qu'il s'arrête. Il restait peu de temps et il fallait que ce soit bouclé pour … pour...

Il ferma les yeux.

Il fallait juste qu'il finisse. Après, tout irait mieux. Tout rentrerait dans l'ordre.

Il se releva et se remit au travail.

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Quartiers résidentiels, personnel scientifique

Le jeune homme fixait la photo depuis maintenant plusieurs minutes.

Deux gamins et une jeune femme d'une trentaine d'années souriaient à l'objectif.

Ils ne s'étaient retrouvés que depuis quelques années.

Trois ans. Ils avaient eu trois ans pour de nouveau se sentir frères. Il avait été surpris de voir combien ils se ressemblaient encore, malgré toutes ces années passées loin l'un de l'autre.

Brendan avait toujours aimé les étoiles et devenir astrophysicien avait répondu à ce désir de se rapprocher du ciel. Lui était devenu ingénieur. Ni l'un ni l'autre n'auraient jamais cru pouvoir un jour aller dans une autre galaxie.

Pégase. Mission Atlantis.

Ce qu'il avait considéré comme la plus fabuleuse aventure de toute son existence avait tourné au cauchemar.

Brendan était mort.

Il avait une fois de plus perdu son frère et cette fois il n'y aurait pas de retrouvailles miraculeuses.

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Bureau du Docteur Elisabeth Weir

« Les premiers résultats ne sont pas des plus déterminants. »

Elisabeth se forçait à écouter Carson.

L'idée que deux membres de l'expédition étaient morts et qu'ils en profitaient pour obtenir des informations sur les wraith grâce à leur corps, la mettait mal à l'aise. Elle savait qu'ils n'avaient pas trop le choix. Qu'ils ne pouvaient pas – comment le Docteur Luey avait-il qualifié la situation, ah oui – ils ne pouvaient pas « gâcher une telle opportunité ».

Une opportunité. Comment la mort de deux jeunes gens pouvait-elle être une opportunité.

Elle reporta son attention sur le rapport que lui faisaient Carson et le Docteur Luey. Ce dernier avait mené les autopsies. Il confirmait que les wraith utilisaient une enzyme puissante pour faciliter ce qu'il appelait « le transfert de fluide vital ». Les deux corps en possédaient en grand nombre. Il était heureux de bénéficier de cette « source de matière première ».

Elle avait la nausée.

« Et la mort du Docteur Gall ? »

Luey s'arrêta net dans sa démonstration.

« Pardon ? »

« Le rapport du Docteur McKay précise qu'il s'est suicidé. »

« Oh, oui. Et bien en effet, la mort est consécutive à un coup de feu à bout portant, au niveau de la tempe droite. Mais il était déjà mort. Techniquement parlant en tous les cas. »

Elisabeth haussa les sourcils en signe d'interrogation.

« Que voulez vous dire ? »

Le Docteur Luey reprit sa démonstration.

« L'enzyme que les wraith dégage dans l'organisme qu'ils attaquent, détruit, à terme, tous les globules blancs (4), le rendant extrêmement fragile et incapable de combattre les infections. D'après ce que j'ai pu observer, ce processus est irréversible. Combiné avec la perte de fluide vital consécutive à sa rencontre avec le wraith, je pense pouvoir dire que le docteur Gall, même si nous avions pu le rapatrier, n'aurait pas survécu plus d'une dizaine de jours. »

« N'est-ce pas un peu curieux ? Je veux dire, les wraith ont besoin d'une nourriture … en forme, si vous me permettez l'expression. Alors pourquoi les empoisonner de la sorte ? »

Luey secoua la tête.

« Non, il ne s'agit pas à proprement parler d'empoisonnement. Par ailleurs, le processus est juste utile pour rendre le transfert possible. Il y a gros à parier que l'être humain soumis à cette terrible expérience, ne survit pas plus d'une quinzaine de jours. Ce qui est largement suffisant pour que le wraith se nourrisse de toute sa force. »

Elisabeth soupira.

« Bien. Il s'agit donc d'un suicide. »

« Je suppose, oui. »

Elisabeth fixa l'homme, la bouche ouverte.

« Comment ça vous « supposez » ? Que voulez vous dire par là ? »

« Docteur, je ne suis pas médecin légiste, mais biologiste. Je suis capable de vous dire de quoi le docteur Grams est mort, mais pas comment c'est arrivé. »

Elisabeth se tourna vers Carson qui était resté silencieux.

« Carson, votre avis ? »

Il la regarda un moment avant de lui répondre.

« Elisabeth, si Rodney dit que Brendan s'est tiré une balle dans la tête, alors, je crois que Brendan s'est tiré une balle dans la tête. »

Elisabeth sourit. Il avait raison, il y avait eu assez de drame pour cette mission. Brendan Gall s'était suicidé.

« Bien messieurs, tenez moi au courant si vous avez du nouveau. » Ils allaient sortir lorsqu'elle les interpella. « Oh, quand pourrons nous procéder, vous savez, à une levée de corps ? »

« Hum, d'ici quelques jours. »

« Bien, tenez moi informée. »

Ils sortirent.

A peine dehors, Carson interpella violemment Luey.

« Mais qu'est-ce qui vous a pris de lui raconter ça ? »

« Ca ? Ca quoi ? De quoi parlez vous ? »

Carson leva les yeux au ciel.

« Vous savez très bien de quoi je parle. Votre petit : « pt'et bien que oui, pt'et bien que non ». Vous avez carrément laissé entendre que Rodney avait menti ! »

« Oui, et bien c'est peut être bien le cas, qui peut savoir ! »

Carson observait son collègue, bouche bée.

« Comment pouvez vous penser une seule minute que Rodney McKay ait pu … »

« Quoi, se débarrasser d'un collègue « gênant » ? C'est exactement ce que je pense, Docteur Beckett. »

« Un collègue « gênant » ? Mais de quoi parlez-vous ? »

Luey s'anima.

« Je parle de votre merveilleux Docteur McKay, Monsieur « je suis la septième merveille du monde ». Gall devait lui faire de l'ombre et McKay n'est pas du genre à supporter la compétition. Vous voulez que je vous dise : je crois que ce wraith a été une vraie aubaine. »

Carson était si choqué qu'il resta sans voix. Le docteur Luey interpréta son silence comme une sorte d'abdication : ainsi, Beckett lui aussi avait des doutes !

Lorsque Carson recouvrit ses esprits, ce fut pour voir le Docteur Luey disparaître dans l'un de couloirs, conduisant aux laboratoires de recherche.

Il se demanda un moment s'il ne devrait pas toucher deux mots de cette conversation à Elisabeth, puis se ravisa. Rodney avait déjà ses propres fantômes à combattre, il n'allait pas aggraver la situation en évoquant les délires d'un de ses charmants collègues.

En revanche, il faudrait qu'il ait à l'œil le collègue en question. Il retourna dans son bureau.

TBC

(1) Taddly est une athosienne – une super cuisinière – dont je vais faire un personnage récurrent (voir « Vous aimez les fêtes foraines ?»).

(2) Pas moyen de savoir si cette planète à un numéro, donc je me suis décidée à lui donner un nom. Comme Ford aime à nommer les choses, je lui ai donné cette opportunité.

(3) Il sont quatre avec Teyla, Markham et Ford dans le second jumper, j'ignore qui est le numéro quatre, alors je lui donne à lui aussi un petit nom (il convient très bien à un perso. que j'ai déjà utilisé dans « Hey, Kitty ! »).

(4) Je ne suis pas médecin, alors bon, j'invente un peu, désolée !