Seconde partie : Propagation de la rumeur
La rumeur est comme un incendie de forêt. Elle commence par un tout « petit rien ». Un indice, un détail qui ne colle pas, une interrogation laissée trop longtemps en suspens.
Lors d'un incendie de forêt, le feu se propage le plus souvent grâce à des « facteurs favorables ». Il en va de même pour la rumeur. Elle a besoin, pour grandir, de haine, de passion, de jalousie. Ou tout simplement de bêtise.
Ce fut pareil sur Atlantis.
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Cafétéria
Il s'était levé tôt. Il avait voulu se mettre au travail le plus rapidement possible. Se plonger dans le boulot lui permettrait de ne pas penser.
Cela faisait bientôt 5 heures qu'il bossait. Il regarda sa montre. Midi dix. Il devrait peut-être aller manger quelque chose.
A cette heure là, la cafétéria était bondée. Il prit un plateau et se glissa dans la file d'attente devant le buffet. L'imposante athosienne qui leur servait de cuisinière, lui adressa un sourire chaleureux.
Il finit par trouver une place libre. Il examina un moment ce qu'il y avait sur son plateau. Il était incapable de manger. La seule idée de se nourrir le rendait nauséeux. Son frère avait servi de nourriture lui aussi. Il repoussa l'assiette et reporta son attention sur son pack de jus de fruit.
Il le but à petites gorgées.
Autour de lui, les gens allaient et venaient. Scientifiques, civils et militaires. Il resta un moment à les observer. Il avait presque l'impression d'être un étranger parmi eux. Il allait se lever lorsqu'une phrase attira son attention.
Quatre soldats discutaient à la table derrière lui.
«… McKay se serait débarrassé de lui. »
« Putain ! C'est sûr ? » La voix derrière lui émit un long sifflement « J'aurais jamais cru ça. »
« Ouais. Il paraîtrait que le pauvre gars, c'était quoi son nom ? »
« Heu, Graham, je crois ? »
« Hum, bah, il paraît qu'il n'est pas mort tout seul, si vous voyez ce que je veux dire. McKay l'aurait un peu aidé.»
« Bah, pourquoi, il aurait fait ça ? Ce mec, c'est le petit génie de la base, non ? »
« Justement, il paraît que ce type, Graham, avait découvert un truc. McKay voulait lui piquer sa découverte. »
« Ca collerait avec ce que nous a raconté Dunney. Il a voyagé avec le Lieutenant Ford et McKay au retour. Y'avait aussi les deux macchabées derrière, dans la soute. Et bien, le brave Docteur n'a pas desserré les dents de tout le voyage. Comme si rien ne s'était passé. Paraît que même le Lieutenant Ford était gêné. Et pourtant lui, il bosse régulièrement avec McKay ! Moi, ça me ferait froid dans le dos de partir en mission avec un type comme ça. »
« Ouais, ça c'est sûr. Hey, je vous ai dit qu'on organisait une partie de … »
La conversation perdit de sa netteté. Les quatre jeunes soldats se levèrent et quittèrent la cafétéria.
Il avait l'impression d'avoir reçu un coup au plexus. Il ne pouvait plus respirer. Il lui semblait qu'il suffoquait.
Il s'était trompé. Brendan n'avait pas été tué par le wraith, non la vérité était encore plus ignoble : c'était un humain qui était responsable.
Rodney McKay.
McKay, le tout puissant chef de l'équipe d'astrophysiciens, était responsable de la mort de son frère.
Il se leva et rejoignit la sortie, après avoir bousculé plusieurs personnes.
Il avait besoin d'air.
Il fallait qu'il réfléchisse à ce qu'il allait faire maintenant qu'il savait la vérité.
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Laboratoire de recherche
Equipe du Docteur Radeck Zelenka
McKay entra en trombe dans le laboratoire. Il chercha un moment Zelenka du regard puis se dirigea vers lui.
Il agita un papier devant le nez de l'ingénieur.
« J'ai besoin que vous me retrouviez ces données. »
Le docteur Zelenka prit le document et le parcouru rapidement. Il leva ensuite els yeux vers McKay. Il avait un air terrible, comme quelqu'un de malade. Son teint était presque blanc. Il ressemblait à un drogué. Zelenka avait eu un ami à la fac qui ressemblait à ça. Václav. Il avait pris l'habitude de prendre des excitants, pour tenir le choc des examens.
McKay semblait incapable de rester immobile. Ils se tordaient les mains et ses yeux n'arrêtaient pas de bouger.
Zelenka savait où trouver ces calculs. Il soupira. Il devait prendre une décision, la bonne décision pour son ami.
« Non. » Il rendit le document à McKay.
« Zelenka ! Je ne vous ai pas demandé si vous accepteriez de me donner ces informations, je vous demande de le faire, un point c'est tout. » Sa voix était froide, mais Radeck pouvait discerner un tremblement.
Il secoua la tête. Il ne voulait pas que Rodney finisse comme Václav.
« Non. Vous allez d'abord prendre une bonne nuit de repos, un repas chaud. Ensuite, nous en reparlerons. » Il croisa les bras sur sa poitrine, bien décidé à tenir tête à l'astrophysicien.
Il cru un instant que Rodney allait exploser. C'est ce qu'aurait fait le Rodney McKay qu'il connaissait.
Mais ce ne fut pas le cas.
McKay le fixa un moment, puis il sortit du laboratoire, sans un mot.
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Laboratoire du Docteur Rodney McKay
Rodney retourna immédiatement dans son laboratoire. Il faudrait qu'il fasse tous les calculs, seul. Cela lui prendrait un bon moment. Quelle perte de temps !
Ils ne comprenaient pas, aucun d'eux ne comprenaient. Ce travail était important. Il fallait qu'il le mène à son terme.
Pourquoi ne pouvaient-ils pas juste lui donner ce dont il avait besoin, et le laisser tranquille ?
Il était harcelé par les appels du Major Sheppard et Carson était venu le déranger dans son labo, au moins trois fois.
Il ferma les yeux, puis les rouvrit immédiatement. Non, il ne fallait pas qu'il dorme. Il se leva pour se faire du café. Il ouvrit le placard où il entreposait ses « réserves personnelles » de la précieuse boisson. Vide.
Rodney soupira. Il regarda sa montre. 22:37. Parfait. A cette heure, la cafétéria serait déserte.
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Quartiers résidentiels, personnel scientifique
Il serrait le papier entre ses doigts. Il l'avait récupéré sur le bureau de Zelenka.
Il avait reconnu immédiatement les calculs. C'était lui qui les avait faits. Pour Brendan.
Ils avaient raison. McKay avait volé son travail. Et il l'avait certainement aussi tué.
Il était plus déterminé que jamais. En fait, tout était prêt. Cela n'avait pas été très difficile. Il connaissait l'endroit comme sa poche. Il y avait passé assez de temps pour ça.
Il vérifia une dernière fois le contenu de son sac. Subtiliser le sédatif avait été un vrai challenge. Il fit rouler les ampoules entre ses doigts, puis les rangea soigneusement.
Il cala le sac entre les roues du chariot. Ils l'utilisaient pour transporter du matériel. Cela conviendrait parfaitement. Et puis, tout le monde sur Atlantis était habitué à voir quelqu'un déambuler avec un de ces chariots. Personne ne poserait de question.
Il était prêt. C'était maintenant ou jamais.
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Cafétéria
Rodney avait eu raison. La cafétéria était presque vide.
Il se faufila derrière le comptoir et subtilisa deux paquets de café. Il ignorait s'ils en avaient encore beaucoup en réserve. L'important c'était que lui en ait assez pour finir son projet.
Il allait repartir ses paquets calés sous le bras, quand il fut interpellé par quelqu'un.
« Docteur McKay ? »
Rodney se retourna, tentant de cacher le café derrière son dos.
Un jeune homme se tenait là. Il le connaissait c'était un des ingénieurs qui travaillaient avec Zelenka. Kevin ou Melvin. Quelque chose comme ça.
« Heu, oui, écoutez je suis un peu pressé, donc, quoique ce soit, je suis sûr que cela peut attendre. »
Rodney allait sortir de la cafétéria lorsqu'il senti une brûlure à l'épaule droite. Il poussa un petit cri et porta instinctivement sa main à son épaule. Il y avait quelque chose de fichée dedans. Il tira et regarda ce qui se trouvait dans sa main. Une seringue. Il leva les yeux vers le jeune homme et ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais il tomba à genoux, faisant tomber ses précieux colis. Il lâcha la seringue qui roula sous une des tables. Ses yeux refusèrent de rester ouverts plus longtemps.
Quoiqu'il y ait eu dans cette seringue son action était rapide.
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Infirmerie
Sheppard se sentait misérable. Non, en fait il se sentait tellement mal, que le terme misérable ne couvrait pas l'état dans lequel il se trouvait. Sa tête allait certainement exploser. C'était évident : sinon pourquoi avait-il l'impression qu'elle avait doublé de volume !
Il arriva à l'infirmerie à petite vitesse. Il s'était réveillé dans cet état. Et bien qu'il n'aime pas particulièrement l'idée de devoir passer entre les mains du docteur Beckett – non vraiment, elles étaient toujours glacées ! C'étaient franchement désagréable – il s'était résolu à venir voir le bon docteur.
Beckett qui était en train de discuter son assistante, Sandra et la petite infirmière rouquine, Célia, poussa une petite expression toute médicale en le voyant. « Oulala. »
« Oui, oulala. Bon sang, doc' ! Qu'est-ce que c'est que ces anti douleurs que vous m'avez donné ? J'ai l'impression qu'ils vont me tuer plus vite que l'infection. »
Beckett le fit s'allonger. Il ordonna à Célia de faire une prise de sang, puis vérifia ses signes vitaux.
John frissonna. Il fallait s'en douter : les mains de Carson étaient froides.
Il endura silencieusement, les différents examens.
« Bon je crois que je devine ce qui ne va pas. Ne vous inquiétez pas, je vais vous faire une petite injection de … »
« NON ! Doc' je suis désolé, mais si je suis dans cet état, c'est à cause d'une « petite injection », une petite injection dont vous êtes, dois-je le rappeler, responsable. »
Carson secoua la tête un instant, la seringue en l'air.
« Voyons Major, cessez de vous comporter comme un gamin. Je vous assure que ce produit va vous soulager. »
John ne quittait pas la seringue des yeux. Comme à son habitude, Carson la maniait comme s'il s'agissait d'un simple stylo, avec nonchalance. Et comme d'habitude, il n'attendit pas que son patient soit prêt pour le piquer
« Voilààààà. »
« Ouch, ouch, ouch. Non de … » John parvint à retenir le juron.
« Allez, ce n'est rien, dans quelques minutes vous irez beaucoup mieux. Je crois que vous nous avez fait une petite réaction avec l'anti-douleur. Rien de plus. Vous serez sur pied en un rien de temps.» Il lui tapota l'épaule et rejoignit Sandra.
C'est vrai qu'il se sentait déjà mieux. Un peu déconnecté, mais mieux. Il se renfonça dans le lit et ferma les yeux. Qu'il rouvrit presque aussitôt. Quelqu'un venait de crier dans sa radio.
/Major !/ (5)
Il porta sa main à la radio.
« Teyla ? Qu'est-ce qui se passe ? »
Carson s'était rapproché et avant qu'il ait le temps de faire quoique ce soit, ce dernier lui ôtait sa radio.
« Je suis désolé, mais à moins qu'il ne s'agisse d'une urgence, le Major Sheppard est bloqué à l'infirmerie pour … QUOI ! Vous avez prévenue Elisabeth … » Il s'éloigna du lit où reposait Sheppard.
John fit signe de vouloir se lever. « Doc, que se passe t-il ? »
Carson le fit taire de la main. Il continuait à discuter avec Teyla. L'air qu'il avait sur le visage ne faisait rien pour rassurer John.
« Vous avez quoi, oh … Comment ? … Heu, oui, amenez là nous immédiatement, nous pourrons peut-être trouver quelque chose et … Hey ! »
John venait de lui arracher la radio.
« Major ! »
Cette fois c'est Sheppard qui lui intima l'ordre de rester silencieux.
« Teyla. »
/Major ? Le docteur Beckett m'a dit que …/
« Oui, oui, je sais. Teyla, que se passe-t-il ? »
/C'est le docteur McKay. Il a disparu./
TBC
(5) Les phrases entre /italique/ indiquent des communications radio.
