Auteur : Flojiro La Grande ! #lance un regard noir aux bishou morts de rire#

Titre : Fukushuu no tsubasa. ("Les ailes de la vengeance" Oui ça fait terriblement cliché en français, huhu...)

Genre : Toujours angst, toujours death (mais c'est juste la même scène vu par d'autres yeux, chuis pas une psychopathe en puissance non plus...) et le yaoi se précise, même si c'est seulement en pensée pour le moment...

Couples : Là aussi le Kou/Doku arrive doucement... Très doucement, ok...

Disclamer : Ils vivent dans mes placards, pillent mon frigo, détruisent allégrement les ressorts de mon canapé-lit... Mais même avec tout ça j'ai pas encore réussi à en obtenir l'acte de propriété... ¬¬

Les quelques mots jap apparaissants dans le texte (très peu encore une fois, je m'étonne moi-même...) :

Yare yare : "hé bien, hé bien" L'une des répliques favorites de Hakkai et Nii...

Tenjiku : le "pays" des youkai.

Kyoumon : sutra en VO.

Sanzo-ikou : "le groupe de sanzo".

Shinigami : dieu(x) de la mort.

Blablakiseràrien : J'aime pas ce chapitre... T.T Enfin, j'aime pas toutes les parties avec Kou (c'est-à-dire une bonne moitié du texte...) J'ai pas réussi à en faire ce que je voulais, ça m'énerve ! TT Il est chiaaaannnnt à écrire le p'tit prince ! èé

Kou : #très fier de lui#

Bon, heureusement qu'il y a Doku qui revient sur la fin ! Lui c'est toujours un plaisir de l'écrire, vraiment !

Kou : ... Traître ! ¬¬

Doku : Hééééé ! J'y peux rien moi ! TT

#saute sur le dos du bodyguard# Ben nan, tu vas pas te forcer à être taciturne, instable et incernable comme un certain youkai de feu incestueux qu'on connaît, hein !

Doku : ... Kou... ne lui envoies pas cette flamme tant qu'elle est sur mon dos, onegai...

#a trouvé la planque idéale# X3 #s'accroche façon koala et continue son speech# Bon, ben voilà quoi, pas grand-chose de plus à dire... J'espère que vous trouverez pas ce chapitre trop chiant... TT Dites-moi ce que vous en pensez, nee ? J'aime les reviews ! Et n'hésitez pas à critiquer surtout !

Reviewers corner (d'habitude je répond par mail mais là j'ai pas eu le temps, gomen gomen ! é.è) :

Neko-chan (aka maître jedai de moi) : Elle y est la suite, elle y est même doublement ! #sourire fier# Et je savais pas que j'étais ton auteur favori... #mode blush on# Merciiiiiiii !

Hochet : Ouais, je fais généralement pas dans le joyeux à mort mais là faut avouer que je bats mon propre record... Mais bon, c'est pour mieux les réunir aprèèès, c'est pour la bonne cause ! #y croirait presque elle-même#
Merci pour les compliments sur le style, c'est une partie qui a pas été facile à écrire... Et je reste persuadée que Gyumao aimait vraiment Raset, même si c'est sûrement juste un bel espoir de fangirl romantique... Et nous sommes d'accord : c'est bien fait pour la pouffe ! èé
C'est marrant pour les scénettes : les bishou sont pas de ton avis... #auréole#
Oo Mais mais mais... #fuit avant de faire torturer à mort# C''est pas parce que j'ai 999 vies à la base qu'il faut m'en enlever une à chaque chapitre qui tarde un peu ! èé

Emma (aka grande prêtresse de Moi) : Merci pour la classe tortureuse, c'est un chouette compliment ! #sourire carnassier#
Comme tu vois la suite arrive petit à petit... D'ailleurs il faut que je me dépêche de continuer : je suis bientôt à court de chapitres déjà écrit...
Merci pour la review ma grande prêtresse, n'hésite pas à en mettre d'autre ! XD

Karasu999 : Contente de savoir que le chapitre 2 t'a plu, ça me rassure ! Et t'inquiète pas pour Doku, il en a vu d'autre, il s'en remettra... #auréole puissance 10#
Et voilà la suite !

Wicka (aka hentai-padawan de moi) : Hééé vi, je loade petit à petit cette histoire, j'écris aussi pour faire partager... Et avoir des review ! #grand sourire#
La suite, la suite... faut vraiment que je l'écrive, hein ? XD; Dès la fin de la semaine prochaine je m'y remets /
Merciiiiiii pour les compliments #aime les compliments, huhu# et vive le manque de sommeil ! XD

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Fukushuu no tsubasa.

Part 3 : Kaerizaki / Return.

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La chute.

Lente. Sombre. Interminable.

D'ailleurs, chutait-il vraiment ? Où était le bas dans ces ténèbres insondables ? Pour seuls sons les battements encore douloureux de ce cœur nouveau né. Pour seules sensations l'afflux de sang jusque dans les moindres vaisseaux de ce corps... qu'il ressentait comme tellement étranger, à présent qu'il ne pouvait en distinguer l'apparence si familière. Et pour autant il ne parvenait pas à préciser... Qu'est-ce qui n'allait pas ? Qu'est-ce qui était tellement différent ? Était-ce seulement le fait de retrouver un corps vivant après avoir été... tué ? Plusieurs mois, avait affirmé la déité... Son esprit s'était-il simplement habitué à la mort au point de se sentir mal à l'aise dans une enveloppe de chair et de sang ?

Ces questions sans suites tourbillonnaient dans sa tête. Il avait l'impression qu'encore une fois elles sortaient de lui pour emplir le néant alentour. A moins que ce ne soit le néant lui-même qui pénétrait son âme ? Enveloppant ses pensées d'une chape intemporelle ? Il entendit presque la lourde voix androgyne se plaindre de l'approche d'une migraine... Un léger sourire étira réellement ses lèvres. Il eut conscience du moindre muscle se tendant dans l'accomplissement de ce geste anodin. Il fallait croire que mourir changeait la perception des choses...

Nul temps. Nul lieu. Nulle vie à part la sienne. Nulle présence que le chaos de ses interrogations stériles. Et puis, soudain...

Aucun signe avant-coureur ne préluda au passage entre ce rien qui était l'intermédiaire entre deux mondes et le ciel de Togenkyo. Juste la violente morsure du vent, enfonçant mille poignards glacés à travers ses membres. L'éclat soudain d'une lumière aveuglante. Ses paupières se fermant sur des larmes brûlantes. Son cri étouffé par une brusque goulée d'air embrasant sa gorge. L'évanouissement uniquement repoussé par une farouche volonté de survivre. De revivre.

Revivre... alors qu'il se précipitait vers la mort. Une nouvelle mort. Le doute n'était plus de mise: il tombait réellement cette fois... Impossible d'évaluer la distance qu'il lui restait encore à parcourir, le souffle cinglant accompagnant sa chute vertigineuse ne lui permettait pas de rouvrir les yeux. Mais il savait pertinemment que le sol se rapprochait. Bien trop rapidement... Il y a plus de cinq cents ans il avait appris à détester les dieux. À se méfier de leurs plans concernant le monde des vivants. Qu'est-ce qui lui avait pris de faire confiance à celui-là ? Comme pour tous les autres Togenkyo était un échiquier aux yeux de l'hermaphrodite. Ses habitants de simples pions. Divertissants. Etait-il à ce point amusant de faire naître ainsi un semblant d'espoir, pour littéralement le briser au bout de quelques secondes ! Ses poings se crispèrent. Et cette fois la douleur irradia. Faisant parcourir une véritable décharge à travers ce corps qu'il reconnaissait à cet instant pour sien. Il était en vie ! Et il comptait bien le rester ! Il ne mourait pas à nouveau ! Du moins, pas ainsi. Pas avant d'avoir obtenu ce qu'il était venu chercher : la vengeance. Elle paierait... Il la tuerait de ses propres mains avant de rejoindre une nouvelle fois l'au-delà ! Ses crimes ne lui apporteraient pas le triomphe... Il y veillerait. Peu importe ce que la déesse avait prévu pour lui ! Il ne pouvait pas mourir maintenant !

Il se vengerait...

Les vengerait !

Une douleur fulgurante déchira soudain son dos. Son hurlement recouvrit un temps la plainte sauvage du vent tandis que tout son corps se cambrait violemment. Quelque chose ralentit brusquement sa chute. Une chose qui lui sembla fouailler une plaie à vif entre ses omoplates. Et quoi que ce fut c'était sa chance ! Ses yeux se rouvrirent enfin. Le souffle glacial leur arrachait toujours des larmes lui paraissant presque se cristalliser sur ses paupières, mais au moins pouvait-il vaguement voir à présent. La terre était proche. Très proche. Trop proche pour la vitesse à laquelle il tombait encore. Mâchoires crispées il tendit des muscles qu'il ignorait posséder, les sentant jouer sous la peau nue de son dos. Quelque chose s'enclencha. Il s'immobilisa presque, tout son poids venant soudain reposer sur cette douleur cuisante, en dessous de ses épaules. Un nouveau cri lui déchira la gorge tandis que ses paupières se serraient.

De longues secondes aveugles. Et puis... Ses pieds touchèrent terre.

Le brusque contact l'envoya aussitôt à genoux, ses paumes s'égratignant contre le sol caillouteux pour prévenir une chute plus importante. Il demeura de longs instants ainsi, haletant, ses griffes se crispant profondément dans le mélange de terre sèche et de rocaille. Comme pour s'assurer de la réalité de ce monde. De la terre sablonneuse pénétrant les plaies à vif de ses paumes. De ses longues mèches claquant contre son dos au rythme sauvage des rafales. De ces frissons parcourant son corps à chacune de leurs caresses glacées.

Au bout de combien de temps finit-il par se rendre compte que c'était ça qui n'allait pas ? Le froid... Il n'avait jamais eu froid auparavant. Pas de cette façon là. Le froid était quelque chose d'extérieur. Les pierres de Houtou. La pluie. Le vent. Juste des sensations désagréables à la surface de sa peau. Jamais ainsi. Tellement... profond. Alors, c'était ça "avoir froid jusqu'aux os" ? Ce n'était pas qu'une expression toute faite comme il l'avait toujours cru ? Un nouveau frisson le secoua tout entier. Il avait l'impression que ses veines charriaient un liquide glacé. Là où de la lave avait toujours coulé...

Kougaiji est mort voici plusieurs mois : tu es... autre chose.

Lentement, comme à contrecoeur, il leva une main devant lui, paume ensanglantée vers le ciel. Comme il s'y attendait aucune flamme, aussi mince fut-elle, ne vint danser devant son regard. Il n'avait jamais eu besoin de formules ni de sorts pour ça. Le feu faisait partie intégrante de lui-même.

...mort...

Ses pupilles dilatées contemplaient le vide entre ses griffes légèrement recourbées. Qu'est-ce qu'il était, alors..?

...autre chose...

Un pâle rayon de soleil traversa à cet instant la couche de nuages sombres, propageant une chaleur illusoire le long de sa peau nue, attirant son regard vers une ombre démesurée. Son ombre, réalisa t'il soudain... Il se redressa. Lentement. Ne quittant pas des yeux la large tâche sombre qui s'étalait devant lui, suivant le moindre de ses gestes. Lorsque sa main ne le soutint plus en s'appuyant sur le sol il ressentit à nouveau ce poids étrange, et cette douleur à présent sourde entre ses épaules. Dans son mouvement une partie de lui frôla le sol, faisant courir une sensation inconnue le long de nerfs qu'il n'avait jamais possédés. C'était trop loin. Trop loin pour lui appartenir. Tout comme cette ombre n'était pas la sienne.

Tu es... autre chose...

Il était depuis longtemps agenouillé lorsqu'il se décida enfin à faire jouer cet ensemble de muscles, d'os, de tendons... De la même façon qu'il avait enrayé sa chute. Un mouvement naturel. Et qui pourtant n'aurait pas du l'être. Son champ de vision aussitôt oblitéré par deux masses sombres, comme de lourds rideaux tombant devant une scène à la fin d'une représentation. Sauf que ceux-ci étaient noirs. D'un noir chatoyant composé d'une multitude de longues plumes frissonnant sous la caresse glacée de la bise.

Des ailes.

C'était à la fois évident et terriblement perturbant. Presque contre sa volonté il avança une main tremblante. Un arrêt. Puis une griffe hésitante effleurant à peine la surface des plumes sombres. Un léger frisson remontant sa colonne vertébrale à ce contact. Aucun doute. Elles étaient siennes...

Autre chose...

Ses doigts lissaient à présent le plumage ténébreux de façon... émerveillée ? Jusqu'à ce qu'une bourrasque plus forte que les précédente le ramène à la réalité. A ce corps - son corps - tremblant de froid. Presque à contrecoeur il écarta ses ailes, les ramenant maladroitement dans son dos. Avant de se relever, chancelant, cherchant son équilibre compromis par ce poids supplémentaire et les traîtres souffles de vent venant s'engouffrer sous ses nouveaux appendices, manquant plusieurs fois le renvoyer au sol. Même tenir debout devenait une gageure. Tant de gestes habituels à apprendre... réapprendre.

Un nouveau souffle balayant sa peau lui fit prendre pleinement conscience du fait qu'il était torse nu, sans qu'il ne sache vraiment si l'apparition de ses ailes avaient entraîné la destruction d'un hypothétique vêtement, ou si la déité l'avait sciemment remodelé en omettant ce détail... Il préférait nettement ne pas s'appesantir sur la question. Au moins avait-il la sensation d'un tissu contre ses jambes... Du peu que l'hermaphrodite avait montré de son caractère, il n'aurait pas parié sur cette marque de décence. Ou bien était-ce plutôt pour prouver qu'elle était bien la déesse de la miséricorde ? Rien qu'à s'imaginer entièrement nu il en grelotta davantage... Tout en baissant machinalement un regard teinté d'une curiosité légèrement inquiète... A tort manifestement. Un simple pantalon de cuir mat, aussi noir que l'étaient ses ailes, disparaissant dans d'épaisses bottes gainant ses mollets, sur l'avant desquelles étaient fixées de longues plaques de métal, légèrement galbées, se terminant en larges pointes un peu plus haut que ses genoux et dont la surfaces polie avait été éraillée par son atterrissage. L'image d'un sourire narquois traversa son esprit. Certes... ça aussi c'était bien dans le ton du boddhisattva... Il ne pu s'empêcher de se sentir vaguement vexé par cette autre marque de miséricorde... Et puis il secoua soudain la tête, était-ce vraiment le moment de s'attarder sur de tels détails !

Alors qu'un nouveau frisson le parcourait il referma ses mains sur ses propres bras, les croisant étroitement contre sa poitrine, tentative futile de conserver en lui un semblant de chaleur. Suivant naturellement ce geste ses larges ailes vinrent se refermer autour de lui, se croisant de la même manière que ses membres, tout à la fois faisant écran aux rafales de vent et lui permettant de s'affermir sur ses jambes en supprimant le déséquilibre qu'elles généraient. Ainsi, il possédait ce genre de réflexes inconscients, malgré tout ? Ce corps du moins les possédait...

Il se mordilla la lèvre tandis que ses yeux parcouraient pour la première fois réellement le paysage qui l'entourait. Il était debout sur le flanc d'une montagne dénudée. En contrebas apparaissaient quelques conifères isolés, avant-garde d'une forêt dont il distinguait encore plus bas l'étendue d'un vert bleuté. Tout autour de lui d'autres pics élevaient vers un ciel plombé leurs arêtes déchiquetées, se perdant à mi-hauteur sous une carapace de neige aux reflets glacials. Cette vue lui fit resserrer inconsciemment contre lui son manteau duveteux. Quoi qu'il décide de faire, rester ici ne semblait pas la meilleure des options... Il devait réfléchir. Réorganiser le chaos de ses pensées. Apprivoiser ce corps qui était désormais sien jusqu'à ce qu'il ne meure à nouveau. Apprendre combien exactement de temps s'était écoulé depuis sa mort. Ce qu'il était advenu de Togenkyo. Choses qu'il ne pourrait découvrir que dans un endroit plus vivant. Et moins froid !

Partir alors... Mais, à pied, sans vivres et à moitié gelé... Il ignorait les possibilités de cette enveloppe charnelle mais vu l'état de faiblesse qu'il commençait à ressentir il doutait fort de pouvoir parcourir la distance sûrement conséquente entre lui et un quelconque lieu habité sans tomber d'épuisement en cours de route.

La marche étant exclu, ne restait que...

Lentement, ses larges ailes se déployèrent, extensions de sa volonté au même titre que pouvait l'être n'importe quel autre de ses membres. Et le tremblement qui le parcourut à cet instant n'avait que peu de rapport avec le froid qui le saisissait de nouveau.

Appréhension. Nervosité. Excitation.

Déjà, le vent revenait jouer violemment dans ses ailes, malmenant leur couverture de plumes. Il les inclina légèrement, cherchant à utiliser à son avantage les souffles violents, et manquant tomber sous leur poussée soudaine. Il rétablit rapidement son équilibre, ne luttant pas mais au contraire s'appuyant sur cette force, suivant cet instinct qui ne lui appartenait pas. Ou peut-être que si... Son cœur battait la chamade dans sa poitrine, propulsant à travers ses membres une chaleur bienvenue. L'excitation l'emportait sur tout le reste à présent, tandis qu'il amorçait un lent mouvement de battement, la douleur irradiant depuis la base de ses épaules ajoutant à la sauvage exultation courant dans ses veines.

Pourtant, à l'instant où ses pieds quittèrent réellement le sol c'est une peur irraisonnée, primaire, qui manqua s'emparer totalement de lui. Malgré cet instinct, les mouvements si évidents de ce corps, son esprit renâclait à considérer cela comme naturel. Voler sans dragon... En un instant le vent s'empara de lui, le balayant comme un fétu de paille, ses longues ailes malmenées suivant les courants contraires. Il paniqua, fouettant l'air de mouvements désordonnés accentuant sa perte de contrôle. Le panorama tourbillonnait autour de lui. Ses ailes battaient frénétiquement, inutiles. Quelques pensées rationnelles parvenaient ça et là à traverser la brume de terreur ayant envahit son esprit. Il fallait qu'il se calme ! S'il continuait comme ça il allait s'écraser contre l'un des sommets enneigés. S'il ne retombait pas tout simplement là d'où il était parti, avec un peu plus de dommages que lors de son premier atterrissage...

Il ferma les yeux, se coupant de cette ronde infernale, puis se força à mettre un terme à ses battements d'ailes erratiques, les stoppant totalement, laissant la force brute des courants aériens s'emparer de lui à sa guise. Immobile, à la merci de leur violence. Un instant. Avant que quelque chose en lui affirme que le moment était propice. Alors il tendit de nouveau ses étendards sombres. D'un mouvement souple, parfaitement coordonné, se glissants entre les courants pour mieux se saisir d'eux.

Il monta.

Il sentit cet instant précis où il prit le contrôle de son vol, les yeux toujours clos pour avoir mieux conscience du moindre souffle d'air, de la moindre variation de chacune des plumes constituant ses nouveaux membres. Instinctivement il utilisa les mouvements chaotiques de l'air pour s'élever toujours davantage, devinant à leurs changements qu'ils s'approchait dangereusement d'un sommet, s'éloignant alors d'un coup d'aile attrapant un courant contraire, laissant derrière lui la zone de tourbillons menaçant de l'attirer vers sa perte.

Naturel. Evident. Et effrayant à la fois. Et aussi tellement... grisant.

Il ne rouvrit les yeux qu'une fois qu'il se sut au-delà des forces traîtresses se déchaînant entre les montagnes. Il suspendit ses mouvements, se laissant mollement porter par le courant régulier qu'il venait d'atteindre. Et il contempla le sol se déroulant loin en dessous de lui. La chaîne de sommets ayant abrité son retour à la vie s'étendait de part et d'autres de son regard, quelques rayons de soleil allumant ça et là des reflets douloureux sur l'immaculé de sa couverture neigeuse. La forêt à sa base s'éclaircissait progressivement vers une longue plaine aux tâches de végétation clairsemées. Une région plutôt inhospitalière, enregistra un recoin de son esprit, le reste partagé entre émerveillement et inconfort. Il avait vu cela des milliers de fois, bien assis sur le corps puissant et solide d'un dragon. Suspendu ainsi à des kilomètres du sol, jouet de courants improbables, il se sentait tellement... vulnérable. Et pourtant, cette vulnérabilité même avait quelque chose d'exaltant ! Cette impression qu'à tout moment il allait tomber de nouveau. Tout en sachant que ce ne serait pas le cas. Ou uniquement s'il le décidait. Il leva les yeux, suivant d'un bout à l'autre l'envergure impressionnante de ces sombres bannières de plumes s'étendant depuis ses omoplates. Puis, de là, son regard se perdit sur le plafond de nuages cotonneux. Si proches. Il aurait presque pu les toucher rien qu'en tendant la main. Un sourire sauvage étira ses lèvres. Il pouvait les toucher s'il le désirait... Il fit jouer des muscles qu'il ne s'étonnait déjà plus de trouver là. Un violent mouvement de l'air autour de lui fit voler devant ses yeux de courtes mèches auburn, lui confirmant que ses ailes répondaient à sa sollicitation. Avec un cri de pure euphorie il s'élança à travers les nuées grisâtres.

Combien de temps ? Combien de temps expérimenta-t-il les moindres possibilités de son nouvel état ? S'élevant le plus haut possible, à grands battements puissants, avant de se laisser subitement retomber comme une pierre, ses ailes sombres étroitement plaqués le long de son corps pour mieux se rouvrir subitement, stoppant net sa chute vertigineuse à une distance dangereuse du sol sur cri de triomphe qu'il ne s'entendait même pas exhaler. Alternant vol en ligne droite à une vitesse qu'aucun dragon ne lui avait jamais fait atteindre et loopings devant lesquels les mêmes animaux auraient sûrement reculés. Echouant parfois. Se rattrapant toujours. Tentant mille et une figures improbables, un rire sauvage écorchant sa gorge sans presque discontinuer. Enivré par ses sensations inconnues plus qu'il ne l'avait jamais été par aucun alcool.

Jusqu'à cet instant. Cette pensée qui traversa soudain son esprit, accompagnée de l'image de deux immenses yeux verts pétillants d'une joie enfantine et du son d'un rire teintant comme une centaine de clochette cristallines.

Ririn adorerait faire ça !

La réalité le frappa comme un coup de poignard. L'ivresse de ce premier vol se dissipant comme si elle n'avait jamais existée. Parce qu'aussitôt apparue, l'image de sa joyeuse petite sœur débordante de vie s'était évanouie, remplacée par celle d'un cadavre desséché, baignant dans un liquide verdâtre. Il serait tombé, peut-être bien jusqu'à s'écraser réellement cette fois, si ses ailes ne l'avait pas maintenu, étendues au-dessus de lui par un réflexe profondément ancré dans ce corps offert à lui par une déesse. Offert. Non pas pour s'en amuser comme un enfant découvrant ses cadeaux un soir de noël... Mais pour être l'instrument de sa vengeance ! Pour tous ceux qu'il aimait. Les seuls êtres qu'il eut jamais aimé. Qu'il ne pourrait jamais revoir. Jamais toucher de nouveau.

Immobile au dessus des nuages il ne prêta aucune attention à la beauté ensorcelante du soleil déclinant les teintant peu à peu de pourpre. Ce spectacle lui évoquait plutôt la morbide image d'un tissu immaculé se gorgeant lentement de sang. Leur sang. C'est uniquement pour cela qu'il était ici. Pour eux. Ou plutôt, pour elle. Elle qui avait orchestré ce macabre ballet de marionnettes aux fils fragiles entremêlés dans ses griffes écarlates. La vision du visage triomphant de sa belle mère se superposa à celle des corps sans vie, l'écho de son rire glacial recouvrit leurs cris d'agonie.

Et deux yeux tellement assortis au crépuscule violet qui tombait à cet instant s'ouvrirent démesurément, contemplant soudain un tout autre spectacle que la couche de nuages dont les dernières teintes rosées se fondaient dans le bleu sombre de ce début de nuit.

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Paresseusement assise entre les bras d'un trône démesuré, la reine Gyokumen posait un regard ennuyé sur la jeune youkai maîtrisant tant bien que mal ses tremblements nerveux en s'appliquant avec une attention farouche à laquer de rouge sombre les ongles de sa souveraine. Même la peur qu'elle inspirait à ses serviteurs ne l'amusait plus. Un mouvement erratique réprimé une seconde trop tard. Une légère traînée de cosmétique venant mourir au-delà de la limite de l'ongle parfaitement dessiné. Une brusque inspiration effrayée.

Un soupir désabusé franchit les lèvres de la plus puissante des youkai. Il n'y avait aucune conviction dans son geste lorsque sa main libre se tendit, venant labourer de sillons sanglants la joue de l'incompétente. Le brusque cri de douleur et la main fine venant se poser contre un visage où déjà le sang se mêlait de larmes éveillèrent presque un soupçon d'intérêt dans le regard corallin. Aussitôt balayé, ou plutôt, attiré vers un autre objet lorsque le discret cliquetis d'un mécanisme parfaitement huilé annonça l'entrée imminente d'un jouet autrement plus amusant. Sûrement parce que bien plus dangereux à manier... D'un geste sec elle congédia la domestique qui manqua s'étaler à ses pieds dans sa hâte à obéir, manifestement soulagée de s'en tirer avec une simple griffure. Peut-être que la punir davantage allait la distraire, un peu plus tard... Pour l'heure elle se délecta du son de ses sanglots difficilement contenus que la vaste salle renvoyait en échos misérables. Elle dissimula néanmoins le mince sourire cruel ourlant ses lèvres lorsque le passage dérobé, à quelque pas du siège royal, dévoila la silhouette négligée et le sourire dissymétrique du professeur Nii Jien Hi. En lieu et place elle afficha une moue dédaigneuse face à la courbette simultanée du scientifique et de son inséparable peluche aux longues oreilles.

- "Comment se porte Sa Majesté en cette belle soirée ?"

- "Mal Nii, très mal ! Cette attente devient insupportable, je ne sais plus comment chasser mon ennui..."

Sa main se porta à sa tempe en un mouvement languide, comme pour juguler un début de migraine, ce qui eut pour effet d'amener devant son regard sa griffe au vernis massacré, lui arrachant un ostensible soupir.

- "De plus force m'est de constater que tous mes serviteurs sont des incapables !"

- "Yare, yare..." Le sourire en coin, rendu encore plus ironique par l'éternelle cigarette à demi éteinte tirant sur l'une de ses extrémités, démentait le ton se voulant inquiet. "J'ose espérer que ma souveraine ne me compte pas au nombre de ces incompétents ?"

Elle tendit sa main devant elle, contemplant d'un regard critique l'étendue de la catastrophe, tout en répondant d'un ton faussement désintéressé.

- "Hé bien, tout dépend de vos résultats, professeur Nii, uniquement de vos résultats... Qu'en est-il de vos expériences ? Quand allez-vous enfin terminer le processus ! Nos alliés commencent à se lasser d'attendre... Ils ne brûlent que d'envahir les territoires humains derrière leur redoutable roi ! Des bruits commencent à courir dans mon dos. D'aucuns prétendent que ce Gyumao n'est qu'un leurre que j'agite devant leurs regards pour les pousser à me suivre..."

La grimace du savant s'accentua.

- "Voyons ma reine, conviez-les à une petite fête impromptue à laquelle présidera votre époux. Le sort de ceux qui oseraient encore douter de la réalité de son retour devrait aisément convaincre les autres..." Il ramena à ses mots les petites pattes de son lapin sur les billes d'onyx de son regard, soulignant bien jusqu'où pourrait aller l'intérêt du spectacle. "De plus, cela contribuerait sûrement à distraire votre ennui..."

Elle secoua son poignet, balayant d'un geste la suggestion sans répondre au sourire mielleux qui l'accompagnait.

- "Quelques exhibitions publiques ne suffiront pas éternellement ! Je veux pouvoir régner pleinement sur le Tenjiku aux côtés de mon seigneur ! Revivre enfin toute la gloire de son règne passé ! Faire trembler ces misérables humains devant notre puissance ! Que tous se traînent à nos pieds pour implorer notre clémence..."

Sa voix s'était faite de plus en plus fiévreuse au cours de sa diatribe, qu'elle stoppa devant l'expression amusée de son employé. Il la connaissait bien. Trop bien, sûrement. Et n'avait jamais pu apprendre à rester à sa place. En un sens, c'était cela qui le rendait si divertissant. Et incroyablement agaçant ! Elle tendit vers lui une griffe accusatrice.

- "Quand pourrons-nous enfin lancer la dernière étape que vous me promettez depuis si longtemps !"

Une légère inclination du buste. Un ton faussement humble. Cet homme était à gifler décidément...

- "Permettez moi de vous corriger ma reine : vous ne souhaitez pas régner aux côtés de votre seigneur mais bien derrière lui..." Tenu devant lui par l'extrémité de ses courtes pattes, le lapin en peluche explicita ses dires en s'agitant frénétiquement, tel un pantin au bout de ses fils. "Et c'est là que réside une partie du problème ma dame... D'autant que je vous avais prévenu : avec l'absence d'un kyoumon le processus de résurrection risquait fort de ne pas arriver à son terme. Le résultat obtenu dépasse déjà mes espérance, même s'il oblige votre époux à ne jamais s'éloigner des caissons de stase..."

Un soupir énervé lui échappa alors que ses courtes griffes tambourinaient un accoudoir au rythme sauvage de sa frustration.

- "Je sais déjà tout cela Nii ! Apprenez-moi donc quelque chose de nouveau..."

Elle laissa en suspend ses derniers mots, la menace du "sinon" planant clairement derrière eux. Et, malgré ses mimiques et les mouvements apeurés de sa ridicule bestiole – ou peut-être bien à cause d'eux... - il en parut d'avantage amusé qu'effrayé. Quel humain insupportable !

- "Ne blâmez pas ainsi le plus dévoués de vos serviteur ma reine."

Une pose théâtral, main sur le cœur. Plus qu'insupportable...

- "Sachez que j'ai en effet une bonne nouvelle à vous annoncer."

Elle chercha à masquer son intérêt soudain, mais l'infime mouvement de son corps se penchant vers lui n'échappa pas à l'œil subtil du savant. Elle choisit de ne pas relever le sourire fier de son petit effet qu'il arbora un instant. Elle voulait trop savoir. Il serait toujours temps de le punir plus tard...

- "Elle est presque prête à présent. Encore quelques semaines – peut-être moins... - et elle aura atteint le stade de croissance désiré. Donc... il semblerait que nous puissions relancer l'opération "chasse au kyoumon"..."

Elle ne retint pas le sourire sauvage qu'appela cette nouvelle. L'aurait-elle voulu qu'elle n'y serait sans doute pas parvenu. Enfin ! Enfin les choses bougeaient à nouveau. Les siècles passés à attendre son heure ne lui avait pas enseigné la patience... Surtout à présent qu'elle était si près du but... Qu'un seul être se dressait entre elle et le pouvoir qu'elle convoitait tant...

- "Il est temps de rappeler notre existence à ce moinillon ridicule... Voilà trop longtemps qu'il se croit en sûreté !"

Il approcha du trône de sa démarche traînante. Et toujours cette expression supérieure malgré sa feinte servilité. Cet humain était dangereux. Si... irrésistiblement dangereux...

- "Rappelez-vous les problèmes que nous a posé le sanzo-ikou ma reine... Les sous-estimer serait une grave erreur. Mieux valait laisser s'endormir leur méfiance que les attaquer sans relâche pendant des mois en pure perte..." Sa voix se fit plus basse alors qu'il se penchait par-dessus l'accoudoir, ses lèvres frôlant presque son oreille. "De plus, ainsi ne sont-ils pas venus se mêler de nos petites affaires..."

Vive comme un serpent sa main griffue crocha la nuque du scientifique, ses doigts s'emmêlant dans les mèches négligées tandis qu'elle amenait leurs lèvres au contact, lui volant l'initiative et affirmant ainsi sa domination. Comme à chaque fois. Même si au fil du temps, elle s'interrogeait. Ne lui laissait-il pas volontairement cette victoire ? Illusoire victoire... Malgré ses griffes souvent plus cruelles que tendres. Malgré sa force qui lui permettrait de le tuer d'un simple mouvement de poignet si elle le désirait. En dépit de tout cela... Cet humain ne la dominait-il pas davantage qu'aucun youkai ne l'avait jamais fait ? Son baiser se fit plus violent. Une main se glissa sur sa poitrine au-delà de l'entrebâillement lâche de son kimono. N'était-ce pas pour cela qu'elle ne s'était pas encore lassée de lui depuis toutes ces années ? Elle aimait les hommes dangereux. Et celui-ci l'était, à sa façon, bien plus que son terrible époux. Même si elle ne donnait pas cher de sa peau face à la colère d'un Gyumao bafoué... sur son propre trône de surcroît. Cela n'en rendait la chose que plus délicieusement excitante...

Une étrange sensation vint soudainement accentuer cette jouissance un rien malsaine. Etouffant un soupir alors que ses griffes posaient leur marque habituelle par-delà la blouse de chimiste, elle leva les yeux. Elle venait de là-haut. L'impression d'être épiés... Un court instant il lui sembla croiser un regard violet partagé entre haine, dégoût et ...effroi ?

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Des yeux aux teintes de corail, voilés par le désir. Plongeant droit dans les siens. Vaguement interrogateurs, malgré le sourire lascif étirant les lèvres fines. Un flot d'émotions, dominé par une irrépressible envie de tuer. Comme un éclair écarlate secouant son esprit. Noyant la scène derrière sa lumière aveuglante. Il le ressentit physiquement. Ebloui plusieurs longues secondes avant de retrouver la vue. La salle à demi éclairée, étouffante, remplacée par une semi pénombre où se perdait le regard. Un plancher vaporeux s'effilochant sous ses pieds, teinté d'argent par les reflets d'une lune proche de son plein. Une myriade d'étoiles scintillant au dessus de sa tête, attirant son regard avide de leur pureté glacée. Cherchant à y perdre les images rémanentes du spectacle auquel il venait d'assister. Si... réels... Cette scène. Cet endroit. Elle. Eux.

Qu... qu'est-ce que c'était..?

Comme si les étoiles allaient répondre...

Mais il continua de les contempler. Leur scintillement lointain ordonnant ses pensées. Leur apportant une froideur détachée. Eloignant ce que cette vision avait eu de si désagréablement réelle. Vision... Oui. Ça n'avait rien d'un rêve. Même si beaucoup d'un cauchemar... Non. Ç'avait été autre chose. Quelque part au fond de lui, il savait qu'il avait vu la réalité. Non. Pas au fond de lui. Tout son être en était persuadé. Cet être qu'il était devenu. Cette chose qui n'était plus un youkai connaissait même le nom du lieu dans lequel son esprit s'était déplacé. Joukaku. (1) Son emplacement. D'un mouvement d'ailes il aurait pu se diriger vers lui. Vers elle. L'ange vengeur savait où trouver sa proie à présent. Mais il était aussi Kougaiji. Et Kougaiji voulait comprendre. Ne pas suivre aveuglément ce... pouvoir ? Cette intuition qui n'était pas la sienne. Pas avant de comprendre comment...

Qu'est-ce que j'ai fait, avant de la voir ?

Les étoiles étaient toujours muettes. Mais ses réflexions répondirent pour elles. Il avait seulement pensé. Pensé à elle. Avec toute la force de sa haine. Est-ce que c'était cela qui avait déclenché cette... seconde vue ? Parce qu'elle était la raison de sa présence ? De son retour ? Comme une sorte de radar psychique ? Un lien tissé par les fibres indestructibles de son désir de vengeance ? Ou bien un véritable pouvoir de son nouvel état ?

Suivant cette pensée son cœur cogna douloureusement contre sa poitrine. Sans qu'il ne puisse le retenir. Ni retenir son esprit d'emprunter cette voix. Impasse n'aboutissant qu'aux ténèbres du désespoir. Mais il n'avait jamais su choisir son chemin... Et il était une chose qui avait eu une place prépondérante dans la vie de Kougaiji. L'affection. L'amour. Et Kougaiji, à cet instant, ne pensait déjà plus à la vengeance. C'étaient des silhouettes aimées qui se découpaient sur la voûte du firmament. Mais aucun pouvoir ne permettait de voir par-delà la mort. Même pas celui des dieux, lui avait-on affirmé pas si longtemps auparavant. Alors pourquoi se torturer ? Sûrement parce qu'il n'avait jamais su faire autre chose...

Une longue chevelure aussi argentée qu'une rivière sous les rayons de la pleine lune. Un sourire aimant. Des mains diaphanes qui se tendaient vers lui. Un appel à se blottir contre son sein. Une douce mélodie planant dans l'air. Haha ue.

Des boucles épaisses à l'éclatante couleur rousse. Des yeux verts pétillant. Des attitudes de chaton maladroit. Un rire sans fin fendant les cieux. Ririn.

Deux sombres mèches serpentines aux reflets bleutés. Un regard confiant. Un timide sourire. Une voix toujours pleine de déférence malgré les années passées. Yaone.

Une courte tignasse aile de corbeau. Une façon de vous regarder qui vous fait vous sentir en sûreté, malgré vous. Un sourire semblable à nul autre. Un surnom un peu trop familier. Doku.

Alors même que ce nom traverse son esprit il lui semble prendre une résonance différente de celui des autres. Une vibration. Comme une corde invisible se tendant soudain. Mais il ne peut espérer. Il se souvient du sabre brisé. Du sang. Du corps disloqué s'effondrant le long de la pierre sombre. Inutile d'espérer. Pourtant...

Do... ku ?

Comme si les étoiles allaient l'entendre...

Pourtant... Sa mère lui racontait, autrefois, que chacun avait sa propre étoile. Que parfois, si on la priait très fort, elle exauçait nos vœux. Elle lui avait même montré la sienne. Elle lui avait semblé tellement isolée des autres. Il se souvenait. Elle brillait d'une pâle lueur rouge. Comme une petite braise sur le point de s'éteindre. Là. Elle lui paraissait encore plus seule que cinq cents ans plus tôt. Il ne l'avait plus jamais cherché. Plus depuis que son monde s'était figé, à l'image d'une statue de pierre pâle. Depuis que son temps s'était arrêté. Il ne lui avait plus fait confiance. Sa mère avait du se tromper à son sujet. Son étoile n'écoutait pas ses appels.

Pourtant, c'est le regard fixé sur son scintillement évanescent qu'il prononça les premières syllabes depuis sa renaissance. D'une voix plus faible encore qu'un murmure. Plus fervente qu'une prière.

- "Doku..."

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Depuis combien de temps est-il assis là ? Aucune idée. Combien de verres se sont posés devant lui jusqu'à celui qu'il roule machinalement entre ses doigts à cet instant ? Aucune importance. Son regard brun est perdu dans le vague. C'est toujours la même chose. Il vient ici pour oublier. Semer les images qui hantent ses rêves. Mais elles ne le quittent pas. Jamais. L'alcool en rend simplement les contours plus flous. Emousse les sentiments qu'elles éveillent en lui. Leur sang paraît moins vif. Leurs cadavres moins froids. Leur mort moins définitive. Parfois même il arrive que d'autres scènes apparaissent à son esprit embrumé. Leur vie. Des moments simples. Ordinaires. Des souvenirs de cette intimité qu'il avait partagé avec eux. Sans s'en rendre vraiment compte. Naturellement. Si étrange famille que la leur... Et pourtant, si évidente.

Et lui... Lui qu'il ne pouvait s'empêcher de toucher. Une main ébouriffant sa chevelure. Un bras entourant ses épaules. Ces contacts qui étaient devenus si habituels. Familiers. Un réflexe. Simplement ? Ho non, pas si simple... Pas si pur... Depuis qu'il l'avait perdu il se rendait compte de ce qu'avait réellement été son affection pour son prince. Il brûlait de l'absence de sa chaleur. Du contact de cette peau qu'il recherchait tellement clairement qu'il se demandait à présent comment l'évidence ne l'avait pas frappé plus tôt. Toutes ces années à ses côtés. Et un désir latent qui ne se faisait jour qu'alors qu'il n'avait plus aucune chance de l'assouvir. Est-ce que c'était une forme tordue de masochisme ?

Un ricanement rauque, tandis qu'il porte son verre à ses lèvres. Et puis sa voix, murmure adressé à ce regard flou qui le contemple depuis le reflet du liquide mouvant.

- "Tu sais très bien pourquoi... Jien..."

Jien... Jien l'incestueux. Jien le matricide. Peu importait que son nom ait changé, Jien ne pouvait souiller le prince des youkai ne serait-ce que de son désir. Son petit prince. Si... innocent dans son obsession trouble pour cette mère à la beauté figée. Sûrement... Doku l'avait sûrement aimé dès le début. Au premier regard ? Qui sait, c'était loin... Si loin... Et Jien veillait. Jien qui n'avait mérité que la mort. Et qui ferait en sorte que sa nouvelle vie ne répète pas les erreurs, les souillures de la précédente...

Un reniflement de dédain. Son verre vide frappant violemment la table. Quelle connerie ! L'alcool entraînait son esprit dans des directions complètements tordues ! Doku avait simplement été trop con pour se rendre compte de ce qu'il éprouvait ! Et maintenant il était trop tard ! Trop tard parce qu'il avait failli. N'avait pas été capable de tenir ce serment qu'il s'était prêté à lui-même, si longtemps auparavant. Toujours le protéger. Quoi qu'il arrive. Son prince.

Sa main se perd au milieu de ses mèches négligées alors qu'il appuie son front sur sa paume. Les images reviennent. Visions teintées de rouge. Par son propre sang. Et dans le même temps d'une netteté cristalline. Et lentes. Comme le ralenti abusif d'un film de seconde zone.

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C'est la chaleur qui l'avait ramené à la conscience. Une chaleur qu'il connaissait bien. Et qu'en même temps il n'avait jamais connu aussi forte. Aussi furieuse. Effrayante. Elle avait un nom, cette chaleur. Elle se nommait Engokuki. Démon de feu d'un autre plan d'existence. C'est ce qu'il lui avait dit. Même s'il ne le comprenait pas très bien. Dur à appréhender, une notion aussi compliquée, pour un type aussi rustre que Sha Jien. Mais Dokugakuji l'avait accepté. Comme il avait accepté son sabre. Cela semblait normal, dans le monde de Kougaiji. Ce monde où un monstre de flammes était son partenaire de bataille. Tellement, tellement plus efficace que son garde du corps autoproclamé. Encore une fois c'était l'entité qui se battait pour son prince sous son regard impuissant.

Le combat furieux d'Engokuki et de cette monstruosité qui était Gyumao lui avait paru durer une éternité tandis qu'il le contemplait. Incapable de faire un geste. Son corps entier lui faisait mal, à tel point qu'il ne ressentait plus la douleur de son visage. Le sang brûlait ses yeux. Autant que la chaleur infernale brouillant les contours des deux adversaires. Une éternité. Avant que la créature nimbée de flamme ne pousse un râle d'agonie. Ou un cri de détresse ? Doku n'avait jamais entendu son suppléant émettre le moindre son articulé jusqu'à présent. Mais il se moquait de sa signification. Eperdument. Vaguement il enregistra la fuite du démon. La tour vacillant sur ses bases alors que les couches successives de plafonds cédaient devant sa remontée aveugle. Vers son plan d'origine, probablement. Rien à faire. A travers la poussière soulevée par les gravats son regard et ses pensées n'en avaient que pour la forme svelte prostrée à terre. Kou.

Il éprouva un soulagement plus douloureux que ses blessures en voyant son prince se redresser faiblement sur ses coudes. Plus douloureusement encore il ressentit son désespoir, à l'instant où le regard violet s'arrêta sur le sourire carnassier, sous le casque aux cornes menaçantes. Le temps se suspendit alors que leurs yeux s'affrontaient. Le père dominant le corps étendu de son fils. Fragile. Si dramatiquement fragile face à la taille monstrueuse, à la puissance brute de son géniteur. Si vulnérable. Son prince. Il tenta de se relever avec toute l'énergie du désespoir. Il avait besoin de lui. Il devait le protéger. C'était son serment. C'était sa vie. Mais seule une douleur foudroyante répondit à sa tentative, remontant son épine dorsale, irradiant à travers tous ses membres. Même son cri de souffrance ne passa sa gorge que sous forme d'un gémissement pitoyable. Etouffé par un liquide au goût métallique. Il était en train de mourir... Non. Non ! Pas maintenant ! Pas comme ça ! Pas avant... d'avoir sauvé Kou !

Il se l'était promis !

Toujours le protéger.

Mais la mort se fiche bien des promesses... Il était sûr que quelque part un dieu sombre se riait de lui, sa faux négligemment jetée sur son épaule, alors que lui demeurait là, incapable de détourner le regard. Incapable de mourir vraiment. Incapable d'aucun geste.

Il vit la lame se dresser. Ce même sabre démesuré qui l'avait relégué à ce rôle de spectateur impuissant. Il aurait tout donné... tout pour se ruer entre son prince et sa fin inéluctable. Tout pour pouvoir planter profondément son propre sabre dans la poitrine découverte de ce cadavre vivant. Tout... mais il ne lui restait rien à offrir. Pas même sa vie. Et là-haut l'ange de la mort riait toujours.

Elle s'abattit. Prenant l'apparence d'une faux à la course implacable sous son regard halluciné.

KOOOUUUUUUU !

- "KOUGAIJI-SAMA !"

Elle donna voix à son hurlement intérieur. Donna sa vie à la place de la sienne. A nouveau les secondes se figèrent. Son corps aux formes si parfaites demeura debout, le jaillissement de sang l'entourant d'un voile mortuaire, l'accompagnant durant sa chute. Tellement lente. Et tout aussi lentement se répandit autour d'elle, large tâche écarlate s'étendant sur le métal froid du sol.

Le cri de son prince retentit. Au-delà du désespoir. Tout comme la flamme d'une puissance inouïe qui jaillit du corps épuisé était au-delà du possible. Il la sentit drainer les dernières parcelles de force de son invocateur. Il la vit toucher de plein fouet le monstre. Perçut son grognement de souffrance autant que de surprise. Mais il sut aussi, immédiatement, qu'elle n'avait pas été suffisante. Elle l'avait blessé. Pas davantage. Pas même assez pour qu'il hésite un instant avant de tendre sa lame. S'égrènent les secondes alors que la pointe avide cueille la poitrine vulnérable de son prince en train de s'effondrer. La transperce lentement. Il aurait voulu fermer les yeux. Mourir à cet instant. En même temps que lui. Mais le shinigami n'a pas fini de s'amuser...

Alors il contempla les derniers soubresauts d'agonie de cet être qui lui était devenu plus précieux que n'importe quoi d'autre. Plus précieux que sa propre vie. Son prince. Empalé sur l'acier tel un frêle papillon de nuit aux ailes brisées. Et puis le sang, encore. La lame s'arrachant de son carcan de chair. Les longues mèches saturées d'écarlate flottant ironiquement en un ballet complexe.

Il le sentit. Sentit la vie de Kou s'éteindre avant même que son corps ne touche le sol. Comme une flamme fragile sous un souffle de vent. Simplement. Et le monde est soudain glacé. Aussi glacé que les ténèbres qui l'accueillent enfin. S'il le pouvait il sourirait à la mort. Il allait le rejoindre.

SsS

La douleur le ramène au présent. Douleur de ses courtes griffes crispées au point de mordre profondément son cuir chevelu. Un rire amer alors que les dernières brumes de souvenirs s'effilochent sous les lourdes effluves de tabacs, d'alcool et de trop nombreux corps réunis dans une même pièce close. Le rejoindre... Ç'aurait été trop simple. Trop miséricordieux. Sûrement qu'il devait payer pour n'avoir pas su se montrer à la hauteur. Pas su le protéger.

Encore et encore. Toujours les mêmes pensées. Ses paupières se pressent sur ses yeux brûlants de larmes contenues. Ses doigts de crispent à nouveau. C'est trop dur. Trop dur d'être le dernier. Le seul survivant. Pourquoi avait-il fallu qu'il le ramène ! Tous prétendaient qu'il était fort. Mais c'était faux ! Tellement faux ! Il avait toujours fui, toujours. Il n'avait jamais été fort ! S'il l'avait vraiment été il l'aurait sauvé, pas vrai ? Mais il n'avait pas pu. Alors il avait voulu fuir. Fuir dans la mort. Mais ils l'en avaient empêché. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ! Sa vie... Elle n'avait plus aucun sens sans eux ! Sans lui... Pourquoi était-il ici alors que lui était mort ? Comment avait-il pu partir aussi loin en le laissant derrière ! Dans un endroit aussi inaccessible ! Sans lui... L'abandonner ici... C'était trop dur... Trop... Comment avait-il pu lui faire ça !

Il regarda d'un air hébété les morceaux de verre incrustés dans sa paume. Le sang s'écoulant lentement. Il n'avait même pas eu conscience de serrer l'ustensile dans sa main jusqu'à ce qu'il explose littéralement. Il se mordit la lèvre. Il fallait qu'il arrête ça... Il était vivant, c'était ainsi. Il ne pouvait pas revenir sur le passé. Il ne pouvait leur en vouloir de ce qu'ils avaient fait. Pas vraiment. Pas plus qu'il ne pouvait lui en vouloir, à lui, d'être mort. Il ne pouvait s'en prendre qu'à sa propre faiblesse. Et même si sa vie n'avait plus aucun sens, il avait encore une chose à faire avant la fin. Un nouveau serment. Il semblerait qu'il ne puisse pas vivre sans faire de promesses... Ni sans les rompre tôt ou tard. Et celle là était sûrement la plus vouée à l'échec de toutes. Mais il se devait d'essayer. Pour Kou. Même si rien de ce qu'il pourrait faire ne le ramènerait...

Il releva la tête à cet instant, presque rasséréné par ses réflexions. Autant qu'il pourrait jamais l'être. Et il se figea. La salle entière se figea. C'est du moins l'impression qu'il en eut. Comme si toute vie avait disparu d'un coup, balayée par un étrange cataclysme, ne laissant rien d'autre debout que cette fenêtre par-delà laquelle un regard plongeait dans le sien. Avec une telle avidité que l'iris si caractéristique en était assombri, plus proche d'un début de nuit d'un bleu sombre que du crépuscule violet qu'il connaissait. Avait connu... Personne d'autre n'avait jamais eu ce regard. Personne ne l'aurait jamais plus. C'était le sien. C'était...

- "Kou !"

Sa chaise s'effondra avec fracas derrière lui, tandis qu'il bondissait sur ses pieds et que ses paumes se plaquaient sur le bois brut de sa table. Sans qu'il n'ait conscience de la douleur remontant sa main blessée par le verre. Pas plus qu'il ne prit garde à tous les regards tournés vers lui. Aucun autre n'avait d'importance que celui qu'il venait de croiser.

Mais son cri, son mouvement brusque semblait avoir fait s'évanouir l'apparition. Une petite chose sombre dansa un instant sous ses yeux, dans le faible halo d'une quelconque lumière extérieure. Et puis plus rien que l'obscurité derrière la vitre embuée.

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(1) joukaku : château fort / forteresse / citadelle. Comme vous pouvez le constater chuis pas aller chercher bien loin...

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Booonnn, ça avance, nee ? Ha bah si, un peu quand même... éè Pis Gojyo fait son arrivée dans le prochain chapitre ! (Comprenez par là qu'il squattera la moitié du chapitre à lui tout seul... envahissant les Sha brothers... ¬¬)

Gojyo : Parce que nous le valons bien ! #secoue sa tignasse au ralenti#

Doku : ... #léve une pancarte "cherche petit frère de remplacement. Dragueurs poseurs foutant la honte à leur famille s'abstenir. Envoyer CV, photo et lettre de motivation."#

Gojyo : TT #pleure sur l'épaule de Sanzo façon fontaine intarissable# Mon grand frère me reniiiiie !

#déclic#

Hakkai : Sanzo ? Qu'est-ce que tu comptes faire là ?

Sanzo : Achever un animal qui souffre... et sauver ce qui reste de mes fringues ! èé

Hakkai : Yare yare...

Kou : #tend une enveloppe à Doku#

Doku : Hu ? C'est quoi ?

Kou : #hausse une épaule# Mon CV et ma lettre de motiv'...

Doku : #blink# hééé ? Oo

Kou : #air d'énoncer une évidence# Si je deviens ton petit...hum...grand frère je suis sûr que tu seras complétement à moi.

Doku : ... ouais... mais... heu... ôo

Gojyo : #étonnamment remis de sa désillusion familiale profonde et ayant miraculeusement échappé aux balles du moine ami des bêtes# Tiens, tiens, le petit prince veut faire dans les relations incestueuse maintenant ? #chope l'enveloppe des mains du frangin et commence à lire la lettre de motivation# ... Oo ... oo ... oO ... Vache... finalement, tu dois pas t'ennuyer autant que je le pensais, aniki... #sourire lubrique et entendu#

Doku : #blush# ... #et sweatdrop au spectacle de Kou poursuivant un Gojyo en train de slalomer pour éviter les jets de flammes dans le but de récupérer sa lettre# ... Erf... Bon, finalement je vais garder petit frère et petit ami nettement séparés, ce sera plus simple...

Hakkai : Et plus amusant ? #mange des pop-corns en observant la poursuite#

Doku : ... ¬¬;

Hakkai : Des pop-corns ? #tend son paquets avec un sourire innocent#

Doku : #soupir et prend une poignée en s'asseyant à côté de l'ancien humain# Bon, ben, en attendant qu'ils se lassent – ou que Kou le rattrape... – vous avez le temps de laisser une review...