Rouge Cicatrice, ou le Secret du Manoir Hanté

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Cette lueur me paralyse depuis que je suis entré. Le regard n'a rien d'amicale et m'épie avec sévérité. Les draps se plissent, la silhouette que je ne peux que deviner vient de se redresser, il semblerait à l'expression de ces deux seules billes écarlates que Vincent est d'une tristesse à tout casser. Ma main glisse dans ma chevelure, mal à l'aise de briser ce moment que le brun ne voulait certainement pas partager. Est-il vraiment peiné que je sois... marié ? Ce baiser voulait-il dire vraiment quelque chose ? Si c'est le cas, j'ai manqué de tact depuis le début en considérant cet acte comme une erreur de parcours. Que dois-je lui dire maintenant ?

- Je... peux entrer ? »
- Fais comme tu veux... »

Sa voix est blanche, il m'a répondu avec une désinvolture trop préméditée pour être prise comme telle.

- Nan, je fais pas comme je veux, je rentre ou je sors, c'est ta chambre, c'est toi qui décides. »
- Sors alors... Je n'ai pas besoin de toi... J'ai besoin de personne... Je veux juste retourner dans mon cercueil... »

J'ai failli faire demi-tour, après tout il venait de me mettre en rogne ! Bien la dernière fois que je m'inquiète pour quelqu'un au point d'essayer de revenir la queue entre les jambes et m'excuser, pour me faire recevoir de la sorte ! Je serre les dents m'empêchant de péter une durite et me mettre à couiner comme d'habitude. Je n'ai pas la patience de m'expliquer ce soir, avec quelqu'un que je ne comprends pas ! D'ailleurs, si il me donne pas un coup de pouce ça risque d'être impensable que je puisse le comprendre un jour ou l'autre !
Je fais de mon mieux, avec mes maigres moyens, on ne peut pas me demander d'être tout à coup attentif et comprendre les choses avant qu'elles n'arrivent, alors que jusqu'à maintenant je ne les vois pas même devant mon nez !

- Que devrais-je dire moi ! J'ai rien demandé non plus, mon seul rêve c'est d'aller dans l'espace, de construire des machines. Je n'aime pas les humains, je ne les comprends pas ! Je ne TE comprends pas ! Vous m'emmerdez tous ! »

J'allais refermer la porte, mais je l'ai entendu retenir plus ou moins habilement un sanglot. J'imagine bien alors, que quelque chose se brise dans son regard. Est-il vraiment... de moi ? Pour le coup je reste sans voix, debout au milieu de sa chambre. Je n'arrive pas à me décider de le rejoindre, peut-être que je suis mal à l'aise à l'idée qu'il puisse entretenir pour moi des sentiments plus que... heu... amical on va dire. Bien que je dois avouer, je n'ai jamais vu aucun de mes compagnons comme de véritables amis. Hum... je suis pas homme à aimer avoir des amis, ça ne sert à rien dans mes plans de conquêtes spatiales.

- Pourquoi tu pleures ? Hein ? Mais qu'es-ce qui se passe bon dieu, qu'es-ce qui t'arrive ? Je ne reconnais pas le Vincent de tous les jours, t'étais peut-être le seul de ce groupe avec lequel j'arrivais à établir une entente, on s'est jamais pris la tête avant aujourd'hui ! »

Il ne me répond pas, emmitouflé dans son silence, je dois avouer qu'il met mes nerfs à rude épreuve ! Je soupire, décidant à juste titre de faire volt face et de le rejoindre sur son lit. Je ne peux pas le laisser comme ça. Je ne suis peut-être pas à l'aise avec les sentiment humains, mais je déteste voir quelqu'un de triste. Je suis humain, au fond, j'ignore comment on remonte le moral de quelqu'un, mais il faut que j'intervienne. La tristesse sied mal à Vincent. Je chemine vers le lit, j'ai tout juste le temps d'entendre sa voix étranglée me mettre en garde contre quelque chose...

- Cid fait gaffe y'a... »

Y'a ? J'n'ai pas entendu le restant de sa phrase que je me suis étalé la gueule par terre bien comme il faut. Évidement, sa chambre est l'exacte miroir de la mienne, mon pied aveugle vient de butter contre la table basse et ma tête à buter contre l'accoudoir du sofa... Ouch!

- Non d'une biquette à couette, je fais n'importe quoi aujourd'hui ! »

J'ai entendu un drôle de bruit, Vincent se tient derrière moi et vient d'allumer la lumière me brulant les yeux d'un flash jaune... Mais comment diable a-t-il atterri derrière moi ? Ma main frotte mon crâne en pestant sous la douleur informative qui me chuchote à l'oreille : migraine, migraine... Mon autre main protège mes yeux encore plissés sous la lumière brusque qui les aveugle. Quelque chose crispe mon corps, comme un avertissement envoyé par mon cerveau reptilien. Es-ce que cette désagréable sensation vient de Vincent ? Mon visage se tourne dans sa direction, mais sa voix tonne fermement.

- Non, ne te retourne pas ! »
- Qu'es-ce qu'il y a ? »

Mon regard s'est porté sur lui, qu'on le sache, j'ai toujours fait ce qu'on m'interdisait. Un sourire franc lui est tendu, je connais Vincent, je sais qu'il peut parfois perdre contenance et devenir une monstruosité capable du pire comme du meilleur. Je ne pense pas qu'il soit assez fâché pour devenir un cliché de films gores à gros budget ! Vincent essaye de dissimuler son visage sous sa longue chevelure, qu'il ne s'inquiète pas, même en monstre mutant violet il ne m'a jamais repoussé. Je lui tends un large sourire espérant qu'il comprenne qu'il n'a pas besoin de se cacher devant moi, ma main glisse entre ses cheveux pour dégager son visage et l'observer.

- Relève la tête... »
- Nan ! Je me sens bizarre Cid... Laisse-moi... »
- Allez ! Relève la tête ! Je n'vais pas te tuer ! »

Techniquement, c'est plutôt lui qui pourrait me tuer si il perdait contrôle. Mais j'ai une confiance quasi aveugle en mes compagnons de route, après tout on doit notre survie par notre propre force mais aussi par la présence de ceux qui avancent avec nous. J'ai déjà été sur le terrain avec lui et tant qu'il ne se transforme pas, on peut compter sur lui. Son visage est livide c'est la première fois qu'il prend cette couleur ce n'est même plus blanc ou blafard, c'est quasiment incolore... A voir sa peau on croirait une sorte de méduse, ses veines saillantes ressortent de son teint par leur couleur bleue qui n'est plus masquée par quoi que ce soit. C'est la première fois que je vois ça, et bien que pas monstrueux cette forme me fait frissonner de plus d'étranges bruits sortent de son corps me faisant faire un mouvement de recul.
Vincent est en train de se transformer en quelque chose, qui bizarrement me faisait plus peur que ses furies, quelque chose de plus sombre... Et c'était moi, qui l'avais déclenché...

- J'ai mal... »

Mal ? Fronçant les sourcils, je me suis rapproché de lui, glissant mes doigts dans sa chevelure pour dégager entièrement son visage. Je n'ai rien à craindre de lui, tant qu'il a conscience de moi et quoi qu'il lui arrive, il semble garder les idées claires. Lentement, je l'attire dans mes bras pour le serrer contre moi, ses mains se sont alors crispés contre mon dos. Un sourire glisse sur mes lèvres, tandis je lei mène au lit et sans un mot, on s'est allongé sur le matelas avant que je ne rabatte les draps sur le corps de Vincent. Il s'est retourné pour se caler entre mes bras et attendant qu'il aille mieux j'ai caressé son dos. C'est ce que faisait ma mère lorsque j'étais malade... C'est en pensant à la vieille comme je me plaisais à l'appeler quelques années plus tôt -bien avant qu'elle ne meurt-, que je me suis assoupi.

Je fus sorti de mon sommeil par ses baisers, j'ignore pourquoi, mais je n'ai pas essayé de l'en empêcher. Chose même étrange, je l'ai attiré à moi. Dans un sourire léger j'ai regardé son visage et ses yeux, tout était redevenu normal. Mon regard s'émerveille sous le sourire tendre qu'il me tend.

- Ça va mieux ? »

Vincent fait un mouvement de tête positif, glissant son indexe sur mes lèvres. Ses lèvres sont venues embrasser mon cou puis sa main s'est fait un passage sous mon sweat. Ma peau tressaille sous le contact de ses doigts frais, je ne sais pas trop quoi faire, alors qu'il m'envoie un regard que je qualifierais de langoureux. Devant mon regard peu à l'aise Vincent soupire puis me repousse...

- Cid... Et Shera ? »
- Chut... je ne veux pas entendre ce nom, tu m'entends ! »
- Mais... »
- T'en fais pas pour ça ! »

Oui, Shera et moi, ça n'a jamais existé, on peut même dire que ça n'existera jamais. Je lui lance un long sourire l'attirant de nouveau contre moi. Le rouge de ses yeux est remplis de crainte, je dois dire que j'en éprouve aussi quelque part. Pourquoi ai-je envie d'être aussi proche de lui ? On s'est déshabillé en silence sans trop se poser de question sur ce qu'on allait faire de cette nuit. Je me suis contenté de le regarder dans les yeux, l'écoutant me parler de son ancienne vie, de Lucrécia et de Sephiroth. Et tandis qu'il se découvre sans aucune pudeur sous mes yeux émerveillés, mes doigts glissent dans sa chevelure noire de temps en temps ils longent son épaule et se perdant sur sa peau veloutée.
Il est vrai qu'on est un peu tout les deux en retrait, enfin plus lui que moi, c'est vrai que j'ai plus de facilité à parler, même si en faite c'est juste pour gueuler... C'est sûrement pourquoi j'apprends à le connaître de cette façon, à la fois fort et fragile, à la fois fébrile et décidé. Je ne supposais pas qu'il se cachait derrière cet être taciturne et froid, une si grande douceur. Sous mes doigts Vincent parait aussi fragile qu'un éclat de mako. Il m'a regardé dans les yeux tout à coup emprunt d'une légère gêne, après plusieurs hésitations ses lèvres se sont glissées contre mon oreille me chuchotant quelque chose qui me choque sur le moment. Son regard m'a fui comprenant que... je ne m'étais pas attendu à une telle requête, bien sûr, je suis dans son lit, mais quand même, j'ai trouvé cette demande un peu direct de sa part !
Je me suis mis à douter sérieusement de ce que j'allais faire, es-ce que vraiment je pouvais me le permettre ? Et bien que je l'ai déjà fait avec des femmes, es-ce que je saurais faire ça à un homme ? Mais bon dieu, qu'es-ce que je suis sur le point de faire avec un homme !
J'ai secoué la tête énergiquement, Vincent m'a tendu un sourire triste, j'ai compris qu'il ne m'obligerait pas à aller là où je n'étais pas prêt à aller et c'est en m'embrassant dans le cou qu'il se retourne pour finir la nuit entre mes bras. Je me suis retrouvé seul avec mes idées, un flot d'informations que mon cerveau en surchauffe n'arrivait pas gérer.

Moi Cid, l'éternel célibataire, avait réussi à trouver une amie, une subordonnée et ensuite une femme, mais depuis combien de temps ne l'avais-je pas touchée, non encore mieux, es-ce que j'ai déjà fait ça avec elle ? Je n'arrivais même pas à m'en souvenir ! Et puis, femme n'es-ce pas un grand mot pour la qualifier ? On vit ensemble ouai, mais je n'ai jamais vu ça comme... un couple, une relation sérieuse... Si je me souviens bien la dernière fois remonte à dix ans avec cette fille comment s'appelait-elle ? Je ne me souviens quasiment plus d'elle ! Je ne me souviens que de ses nombreuses tentatives de dragues, la pauvre, j'avais autre chose à penser... Et puis c'est arrivé, à près tout je ne suis qu'un homme, j'ai fléchi, je l'ai fait... ça a été une très mauvaise expérience... Comme ma toute première fois... A vrai dire... ça me dépasse... Mais combien oui, depuis combien de temps je n'ai pas pensé à autre chose, qu'à ces fichues machines ? Cela remonte à trop longtemps... Et c'est pas ces coups vite fait qu'il m'arrive d'avoir à la sortie d'une beuverie avec mes hommes que je peux qualifier de réelle relation.
Sans un mot je l'ai retourné vers moi, j'ai finalement cédé, oui, ça faisait bien longtemps que je n'avais pas ressenti ça, et finalement, il n'y aucune différence. Femme, homme, c'est quasiment pareil, à part que Vincent ne portera jamais d'enfant, un truc qu'est déjà bien ! Je serais incapable d'en élever un ! Et merde, je n'arrête pas de penser à des tonnes de choses, il vient de le remarquer ; je vais essayer de faire un peu plus attention.

- Cid, je ne veux pas que tu te forces, tu sais. »
- C'est pas ça, c'est habituel chez moi de penser à des centaines de trucs lorsque je fais autre chose que des machines... »

Je décide d'arrêter de penser à tout ça, pour de bon, de toute façon il est trop tard. Là où j'en suis, autant aller jusqu'à la fin. Ses yeux se plissent sous le plaisir que je lui donne, il me gratifie d'un nouveau sourire, notre étreinte s'est arrêtée net, quand Barret est entré en disant qu'on s'en allait. Et merde !