Chapitre 4 : L'INDULGENCE VOLEE
Les jours passaient et Christine se retirait de plus en plus en elle-même. Elle parlait rarement sauf sous laudanum, et ce qu'elle racontait était décousu et fantastique. La méchanceté qu'elle exprimait durant les premiers jours avait disparu et maintenant, quand elle revenait au monde réel, elle attendait patiemment et calmement que Erik lui donne sa dose. La vie ne lui apportait plus aucun espoir et la magie de se laisser glisser dans un autre monde était son seul plaisir. En rêve, elle pouvait retrouver le bonheur dont on l'avait privée, et elle passait des jours interminables au soleil avec son père et Raoul.
De temps en temps, elle souriait. De temps en temps, elle riait à voix basse. Et Erik était là, regardait, écoutait, et il souriait quand elle souriait ; car dans son esprit, c'était un signe que malgré tout, elle n'était pas tout à fait malheureuse dans sa maison. L'hystérie n'était plus, et elle ne frissonnait plus quand il lui passait le verre, même pas quand leurs mains se touchaient. Le temps passait et beaucoup de choses avaient changé depuis cette nuit fatale. Il avait une femme ! Et elle apprenait à le tolérer. C'était un long chemin à parcourir mais elle le faisait et peut-être qu'un jour, il arrêterait de la droguer, et ils mettraient les regrets, la honte, et les trahisons derrière eux.
Peut-être un jour. Mais pas encore. Au fond de lui, Erik savait qu'il avait une autre raison pour garder Christine sous l'influence du laudanum, bien qu'il ne l'admettait qu'à contrecoeur. Dans ses rêves, elle le regardait souvent avec des yeux brillants d'amour. Elle lui ouvrait les bras, et parfois, il y allait et touchait ses mains ou ses bras sans peur. Il savait qu'en ces moments là, elle imaginait que c'était le visage et les mains de quelqu'un d'autre qui la regardaient et la touchaient. Mais ces attentions volées lui étaient bien trop précieuses pour ne pas continuer. Sa peau, si chaude et douce, devenait insupportablement tentante quand elle était soumise, et il n'abandonnerait pas, et ne le voulait en aucun cas, ce qu'on lui avait refusé toute sa vie. C'était un vol, bien sûr, et des plus odieux, mais était-ce si mal de prendre ce que l'injustice et la cruauté vous refusaient ? Si un mendiant vole du pain pour vivre, doit-on le condamner ?
Par conséquence, Erik rendait Christine dépendante, et encourageait ses rêves éveillés. Il lui permettait de le prendre pour un autre pendant qu'il caressait sa peau chaude et qu'il la faisait soupirer d'exaltation. Ils étaient sur une pente sombre, c'est certain, et Erik refusait d'envisager que cette pente était également glissante. Même pas quand Christine commença à montrer des signes physiques de dépendance, comme des tremblements violents quand il lui donnait son traitement avec quelques heures de retard. Même pas quand ses avances se firent plus osées, et qu'il ne touchait plus seulement ses bras mais aussi de temps en temps son cou et son visage. Et donc, ils descendaient ensemble la spirale vicieuse de la dépendance.
Le temps passa ainsi jusqu'à la veille de leur troisième mois ensemble. Erik était sorti pour acheter quelques cadeaux pour sa femme, quelques toilettes et de jolis vêtements de nuit. Mais les rues avaient été bondées et, bien qu'on était au soir, ses petites courses lui prirent bien plus longtemps que prévu. Quand il arriva chez lui et qu'il déverrouilla la porte de Christine, il la trouva évanouie dans la salle de bain, en sueur et frissonnante. Elle avait été malade, de nombreuses fois, c'était visible, et il maudit sa négligence en la ramenant dans son lit. C'était des symptômes de manque et Erik les trouva extrêmement affligeants. Il prépara rapidement le mélange, en augmentant la dose de laudanum dans l'espoir que la nausée passe plus vite. Les mains de Christine tremblaient si violemment qu'il dut tenir le verre pour elle pendant qu'elle buvait, et qu'elle en renversait maladroitement sur sa chemise de nuit. Mais elle réussit à en boire et en moins de dix minutes, les tremblements avaient disparu. Son corps se relaxa bien que la détresse restât sur son visage.
Quand il fut certain qu'elle n'était plus en danger, il alla préparer les cadeaux qu'il lui avait achetés pour leur anniversaire. Quand il revint, il vit qu'elle avait pleuré, car ses yeux étaient rouges et ses joues étaient humides. Mais au moment où elle le vit, son visage changea du tout au tout. Un immense sourire naquit sur son visage, et ses yeux se mirent à briller d'une lueur complètement incompréhensible pour Erik. Quand elle soupira, son souffle tremblait d'excitation, et elle lui ouvrit les bras bien grand.
"Tu es revenu", dit-elle, et sa voix débordait de désir.
Il ne l'avait jamais vue comme ça : tellement à l'aise avec ses envies, et le caractère excessivement féminin de ce comportement le frappa de plein fouet. Durant tout leur relation, il ne l'avait vue que comme une gamine, une sorte de femme-enfant. Mais pour la première fois, il la voyait en tant que femme, et il se rendit brusquement compte que tous ses fantasmes n'étaient rien comparé à ce que pouvait être la réalité. Il désirait cette vision, et tout ce qu'elle pouvait offrir, plus qu'il n'avait prévu, et le désir le submergea avec une férocité inouïe. Il devait la prendre dans ses bras ! Peu importe qui elle croyait qu'il était, il devait accepter son invitation.
Erik s'avança vers le lit avec trépidation, nerveux comme un petit garçon, excité par ce qui s'offrait à lui dans ses bras accueillants. Il s'assit et elle rapprocha son corps du sien et le tint, pressant sa tête dorée contre sa poitrine et agrippa son dos avec une passion ardente. Et puis, elle leva la tête et la posa contre son épaule. Il pouvait sentir sa respiration dans son cou, ses lèvres tremblantes effleurer sa peau et un désir naquit en lui, tellement puissant que sa vision s'assombrissait et que sa tête tournait. Il saisit les cheveux de la diva, refermant ses doigts autour des mèches ondulées pour ne pas poser ses mains à des endroits autrement plus tentants. Il était à la limite de son contrôle, près du précipice, et il pouvait sentir le vide du gâchis total s'ouvrir sous ses pieds. Encore quelques secondes et il tomberait, entraînant la pauvre Christine avec lui. Mais il luttait pour se retenir, et il haletait sauvagement.
Peut-être Christine crut-elle qu'il partageait sa passion, car après un moment, elle leva son visage vers lui, le regarda dans les yeux et murmura :
"Embrasse-moi."
Le terrible halètement s'arrêta net. Le tremblement s'arrêta net. Erik fut tout d'un coup paralysé, incapable de respirer.
"Embrasse- moi", répéta-t-elle.
Ses yeux se fermèrent à demi tandis qu'elle lui tendait ses lèvres.
On lui avait volé toutes les belles choses qu'il possédait. Il lui était impossible de se dérober à la vie de voleur, de ne pas prendre l'objet de toutes ses prières les plus ferventes, quand on le lui offrait par erreur. Il enleva son masque et attendit un peu, pour lui donner une dernière chance de comprendre ce qu'elle faisait. Mais elle ne se détourna pas, et il se pencha lentement, nerveusement, et avec un frisson d'anticipation, embrassa ses lèvres entrouvertes et humides. Et en la collant contre lui, il sentit son souffle chaud dans sa propre bouche, les mains de Christine dans ses cheveux et il se rendit compte trop tard que tout ça était trop érotique et excitant. Il était pris dans un éboulement de terrain et dans un dernier instant de désespoir, il se jeta hors de sa portée, et en trébuchant, traversa toute la pièce à reculons.
Mais en la regardant, il comprit finalement son regard étrange quand il était entré dans la pièce. C'était plus que de l'envie, c'était de la vraie joie humaine. Et cela le choquait que ce regard lui soit plus désirable que ces lèvres corail. Pourquoi cela devrait-il le choquer ? Ne voulait-il pas l'amour par dessus tout ? Plus qu'un corps à tenir et à explorer. Mais ce corps était tentant aussi, si tentant dans sa passivité involontaire. Il se dit que son esprit ne saurait pas, qu'elle ne se souviendrait pas de ce baiser ou du prochain, et elle ne le haïrait pas au matin. Tant qu'il ne la violait pas vraiment, tant qu'il ne laissait pas de marques, de traces ou de preuves, elle ne serait jamais certaine que ce ne soit pas un rêve. D'ailleurs, rêvait-elle vraiment ? Peut-être que c'était lui qu'elle voulait. Elle l'avait regardé dans les yeux, elle devait savoir que c'était lui qui l'embrassait ! Il croyait ce dont il avait besoin de croire, et il alla à elle encore une fois. Cette fois, il ne se retint pas et ne s'arrêta pas, mais l'embrassa jusqu'à ce que la pression de ses petits seins contre son torse le rendît presque fou. Et il la touchait, tombant toujours un peu plus loin dans l'abysse du désir, maintenant que ses avances étaient permises. Il repoussait toujours le monde extérieur un peu plus loin, même quand elle lui murmurait : « Je te croyais mort » à l'oreille, et il comptait toujours les minutes avant la fin du délirium.
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RAR :
Satai Nad : Evidemment que c'est pas folichon, c'est moi le traducteur ! J'suis contente que tu te sois régalée.
Miliem : Je te rassure, j'ai traduit jusqu'à la fin. Tu auras ta drogue...
Blue Eyes At Night : The inner turmoil phase ! This one made me laugh ! You're right, we would kill everyone in our way...
Siryanne : J'ferais de la pub. Un jour. Eventuellement. Aujourd'hui peut-être. Ou alors demain. Ce sacré me donne la flemme.
