Doloris
Par Maria Ferrari
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Base : Harry Potter tomes 1 à 5
Disclaimer : Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété de J.K. Rowling . Je ne tire aucun profit financier de leur utilisation.
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—Chapitre 2—
C'était une grange remplie d'odeurs et de balles de foins, il était étrange, et même déplacé, de voir un Malefoy dans un tel endroit.
« Il n'y a personne à part nous deux pour l'instant ; il est encore temps de partir. »
Surpris, Lucius se tourna brusquement ; Arthur Weasley était arrivé à l'improviste derrière lui.
Il portait la même tenue qu'au Terrier, à savoir une chemise miteuse et un affreux caleçon informe et rayé – les rayures verticales étaient totalement passées de mode ! Tout comme les caleçons d'ailleurs… Outre que cette tenue était une offense à son regard, elle était totalement inadéquate pour sortir. Il n'y avait bien qu'un Weasley pour oser se montrer dans un accoutrement pareil ! Même la tenue de bagnard qu'il était condamné à porter – jusqu'à ce qu'il trouve d'autres vêtements – était plus seyante que ce… pyjama ?
Et ne parlons surtout pas de son embonpoint, car le Weasley a tendance à grossir en vieillissant. Où avait-il réussi à prendre de la brioche avec le peu d'argent qu'il gagnait, c'était un mystère. Peut-être mangeait-il la part de la marmaille qui ne vivait plus chez lui.
Il n'était même pas rasé ! Autant cela donnait un genre à certains, autant sur lui cela faisait juste sale.
Et qu'est-ce qu'il cherchait après lui ? Voulait-il réussir un gros coup en capturant plusieurs Mangemorts en même temps ? C'était pour cela qu'il n'avait rien fait contre lui quand il était dans son taudis ? Pour mieux le surprendre plus tard en compagnie de ses "collègues" ?
Non, c'est Gryffondor et c'est Weasley, c'est bien trop bête pour voir plus loin que le bout de son nez. Quoique, vouloir capturer tout un tas de malfaiteurs à soi tout seul était exactement digne d'un Gryffondor sans cervelle.
« Que faites-vous ici ? » demanda Lucius abruptement. Le ton était mauvais, inamical, destiné à faire sentir à Weasley que sa présence n'était pas désirée et qu'il devait s'en aller. En y repensant, il lui rendait service en l'incitant à rebrousser chemin, quel sort lui feraient les autres Mangemorts quand ils arriveraient ?
« Je vous ai suivi. C'est bien Vous-savez-qui et ses fidèles que vous attendez ? Vous pouvez encore décider de ne pas retourner le servir. »
Lucius écarquilla les yeux ; ce qu'il venait d'entendre signifierait-il qu'il voulait l'aider ? Après tout ce qu'il avait fait contre lui, sa famille ou l'Ordre du Phénix ? Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'était pas rancunier. Il serra les dents ; c'était parce qu'il l'avait vu malade. Voilà, cela ne pouvait être que ça. Merlin ! Avait-il été pitoyable à ce point ? Il se sentit à nouveau petit et ridicule, il n'en laissa rien paraître.
« Réfléchissez : à quoi cela vous avance de le servir ? Vous en souffrez ! Vous pouvez encore changer de camp », ajouta Arthur.
Le Seigneur Ténébreux qui revenait, le prenait en défaut, lui faisait subir des Doloris ; les Aurors qui l'arrêtaient, l'interrogeaient, le mettaient en prison où il avait subi les sévices et humiliations habituelles de ce lieu ; et voilà qu'Arthur Weasley se préoccupait de son bien-être à présent ! Lucius avait l'impression de toujours descendre plus bas, allait-on lui laisser une quelconque dignité ? Si cela continuait ainsi, il finirait par ne pas valoir mieux qu'un elfe de maison, et une Sang-de-Bourbe s'apitoierait sur son sort et créerait une association pour le défendre.
Un mélange de colère, de tristesse et de fatalité envahit Lucius, il avait soudainement envie de se pendre.
« Je suis un détenu en cavale, je suis recherché par les Aurors. Si je ne suis plus en prison et que je ne reviens pas auprès du Seigneur des Ténèbres, que croyez-vous qu'il adviendra ? » Arthur ne répondit pas, Lucius s'en chargea : « Il me traquera lui aussi ! Au stade où j'en suis, je n'ai plus le choix : c'est la prison ou servir le Seigneur des Ténèbres. D'ailleurs, ai-je jamais vraiment eu le choix un jour ? »
La dernière question, prononcée à mi-voix, semblait destinée plus à lui-même qu'à Arthur. Ce dernier se mordilla la lèvre, il se demandait quoi répondre et cherchait les mots qui pourraient convaincre Malefoy de quitter ce lieu et les Mangemorts.
« Ecoutez : soit vous me foutez la paix, soit vous me dénoncez aux Aurors », reprit Lucius avant de lever les yeux et les mains au ciel devant l'absurdité de la situation. « Qu'est-ce que vous avez ce soir à vouloir me sortir du pétrin dans lequel je suis ? C'est mon pétrin ! »
De dérision, Arthur s'autorisa un sourire : il se posait la même question que Lucius et n'avait pas la réponse.
« Vous avez raison, je devrais vous dénoncer. En tant que membre de l'Ordre du Phénix, mon devoir serait même de tout tenter pour vous arrêter en personne.
— Vous ne l'avez pas fait quand j'étais chez vous ; vous en avez eu l'occasion, vous l'avez laissée passer. Je vous avoue que je n'ai pas compris, remarqua Lucius d'une voix morne.
— Moi non plus », répondit sincèrement Arthur. Il scruta la grange autour de lui ; combien de temps encore avant que les Mangemorts ne débarquent ? « Vous n'avez pas changé d'avis ? Vous allez rester là à attendre votre perte ? Vous n'avez même pas ramené Harry comme vous l'aviez prévu avant de venir ici. C'était pour vous faire bien voir que vous le vouliez, non ? Pour vous éviter d'avoir à subir des Doloris ad vitam en démontrant votre utilité. »
Lucius resta silencieux. Ainsi, Weasley avait deviné l'origine de son malaise. Il descendait encore, toujours plus bas. Aucune dignité, ne serait-ce qu'une miette, ne lui serait laissée.
« Je vais vous donner le choix : soit vous me suivez de votre plein gré, soit je vous ramène chez moi en vous tirant par les cheveux. »
Le traîner par les cheveux ? Le rouquin avait perdu l'esprit ?
« Vous n'oserez pas », décida-t-il, catégorique.
~oOo~
« Lâchez-moi ! cria Lucius à mi-chemin entre l'ordre et la supplication pour la dixième fois depuis leur départ.
— Nous sommes presque arrivés, votre calvaire va prendre fin. Vous me remercierez plus tard, répondit Arthur d'un ton neutre en sachant pertinemment que jamais Lucius ne le remercierait de lui avoir infligé pareille humiliation.
— Je n'ai que faire de vos sermons. Gardez-les ! » Lucius avez toujours détesté les "grands seigneurs" qui sous couvert d'un « c'est pour votre bien » se permettaient de vous faire subir les pires humiliations ; lui-même, pourtant d'une hypocrisie rare, ne s'était jamais permis de prononcer une telle phrase.
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La délivrance arriva enfin et se matérialisa par le Terrier. Dès qu'ils furent entrés, Arthur lâcha les cheveux de Lucius qui put se redresser et se masser le cuir chevelu. Des larmes avaient perlé à chacun de ses yeux suite à ce traitement, il les essuya d'un geste rageur.
« Vous n'êtes qu'un salaud, dire que je vous ai pris pendant des années pour quelqu'un de gentil. »
Est-ce que Lucius avait vraiment mis du mépris dans le mot "gentil" alors qu'il mettait du respect dans le mot "salaud" ? Peut-être étaient-ce les idées reçues d'Arthur sur les Malefoy qui lui laissaient penser cela. Il mit de côté cette réflexion incongrue et enferma la baguette de Lucius dans un tiroir en se promettant de retrouver son légitime propriétaire plus tard ; ce n'était guère le moment d'interroger Lucius à ce sujet.
« Je cherche juste à vous aider.
— Que voulez-vous au juste ? Qu'attendez-vous de moi ? Pourquoi voulez-vous m'aider ? Je ne vous ai rien demandé !
— Je sais.
— Pourquoi faites-vous ça ? Je suis une ordure ! Vous entendez ? Une ordure ! Je me fiche de vous et de votre famille, je vous ai cherché des ennuis. Oh ! J'allais oublier : j'ai été à deux doigts de tuer votre fille, vous en souvenez-vous ? »
Il avait posé cette question d'une voix douce, un sourire feignant le bonheur aux lèvres, comme s'il avait évoqué un souvenir plaisant qu'ils partageaient tous les deux, un souvenir qu'on avait plaisir à évoquer un soir d'hiver en feuilletant un album-photos. Un sourire sadique se forma sur ses lèvres en voyant le regard de Weasley se perdre dans le vague.
Arthur ressentait une telle pitié pour Lucius depuis qu'il avait constaté combien misérable pouvait être sa vie qu'il n'eut pas beaucoup de peine à lui pardonner ses propos. Il se mordit la lèvre, effaça le souvenir de toute l'angoisse qu'il avait ressentie à cette époque et traça un trait définitif sur toute cette histoire.
« Ginny va bien. Qui plus est, je pense que cet… incident… l'a renforcée. Pour tout vous dire, j'ai beaucoup réfléchi à ce qui s'est passé, j'en ai conclu que vous n'aviez pas prévu que Vous-savez-qui profiterait de son journal pour revenir et aurait besoin de l'énergie vitale de ma fille pour ce faire.
— Si, je le savais ! » Lucius sentait qu'il réagissait comme un enfant, ce qui était indigne, et ce devant Weasel, ce qui était pire. Etre enfoncé par le Seigneur Ténébreux, les Aurors, les détenus d'Azkaban et Arthur Weasley ne lui suffisait plus, voilà qu'il s'en chargeait lui-même à présent.
« Non, assura Arthur.
— Qu'est-ce qui vous fait croire que je l'ignorais ? rétorqua Lucius en s'efforçant d'adopter un ton neutre et mesuré.
— Une chose toute simple : comment auriez-vous pu le savoir ? expliqua Arthur dans un haussement d'épaules.
— Parce que le Seigneur des Ténèbres me l'avait dit », répondit naturellement Lucius, s'appliquant à avoir l'air amusé par la bêtise du rouquin. Il était sur la bonne voie. Il reprenait le contrôle.
« Je ne pense pas qu'il vous ait donné beaucoup de précisions sur cet objet quand il vous l'a donné. Il a dû s'en tenir au strict minimum. Il n'est pas dupe, il savait que vous étiez avec lui avant tout par peur. Il se doutait que s'il venait à disparaître, vous ne feriez rien pour le ramener. Donc, il n'allait certainement pas vous informer du réel intérêt de ce journal, puisque cela vous aurait empêché de vous en servir ; non qu'avoir la mort de ma fille sur la conscience vous aurait chagriné, mais bien parce que vous n'aviez aucune envie que Vous-savez-qui revienne. Voyez-vous, j'ai compris beaucoup de choses durant notre courte entrevue dans la salle de bains. »
Qu'il était humiliant de constater qu'un Gryffondor minable lise si facilement en lui !
« Vous êtes plus intelligent que vous ne le paraissez. Ceci dit, ce n'est pas si difficile, vous avez tellement l'air idiot, jugea Lucius après un court silence.
— Dans votre bouche, je prends ça pour un compliment. »
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Le mécontentement de Lucius se lisait sur son visage, il détestait cet endroit et sentait qu'Arthur ne le laisserait pas partir avant un bon bout de temps. Il allait être obligé de vivre dans l'infâme taudis qui servait de demeure aux Weasel !
En temps normal, il se serait rebellé contre cette situation. Cependant, il venait de s'évader d'Azkaban et depuis que les gardiens avaient dû être remplacés, le Ministère de la magie avait adopté un nouveau système de sécurité. Ils avaient notamment trouvé le moyen – aidés par les récentes découvertes d'un chercheur belge – de priver les prisonniers d'une partie de leurs pouvoirs, notamment celui de transplaner. Lucius avait subi le traitement au même titre que les autres, sa mobilité s'en trouvait donc considérablement réduite et il ne pouvait plus pratiquer un certain nombre de sorts, dont l'Avada Kedavra.
Arthur ne pouvait ignorer ce détail, c'était pour cela qu'il n'avait pas tremblé quand il le tenait en joue et menaçait de le tuer et qu'il ne s'était pas non plus senti obligé de tenter quoi que ce soit de stupide – ce que ne manquent jamais de faire les Gryffondor en de telles circonstances. C'était aussi pour cela qu'il n'avait pas hésité à le traîner par les cheveux – le bâtard ! – et qu'il se pavanait rempli d'assurance à présent.
Lucius se rendit à l'évidence : Weasley ne le lâcherait pas. Résolu à cette fatalité, il se prit à examiner sa situation sous un autre angle. Certes, il avait été habitué à vivre dans des cadres autrement plus luxueux et avec des gens autrement instruits, cela étant, son dernier domicile avait été une sombre cellule humide, et son "colocataire" un vieillard ridé et effrayant qui ne lui avait jamais adressé un mot et passait son temps à le regarder fixement de son œil valide ; Lucius ne l'avait jamais vu dormir, il se réveillait parfois la nuit et voyait à la faveur de la lumière lunaire cet homme au visage émacié et barbu, toujours assis sur sa couche, et cet œil torve encore rivé sur lui ; Lucius s'était souvent demandé au cours de ses quelques mois d'emprisonnement jusqu'où il n'aurait pas préféré subir les avances du vieil homme plutôt que sentir ce regard dérangeant continuellement posé sur lui. Bref, le taudis dans lequel il se trouvait valait toujours mieux que sa cellule, et les Weasley se révéleraient forcément de meilleure compagnie que le dénommé "Ben" – c'était ainsi que l'appelaient les gardiens, à qui il ne répondait pas non plus et qu'il ne regardait même pas car son œil, décidément, ne quittait jamais Lucius ; le seul mouvement qu'il faisait consistait à tourner la tête pour le suivre quand Lucius quittait la cellule le temps d'une douche ou d'une promenade, et le Sang pur le retrouvait le regard rivé sur la porte quand les gardiens la rouvraient pour le laisser rentrer.
Lucius oublia Ben, dont il s'était heureusement débarrassé, et se concentra sur l'analyse de sa situation qui n'était décidément pas si mauvaise et dont il aurait tort de ne pas profiter. Weasel ne le dénonçait pas, ne l'arrêtait pas, lui offrait son aide ; pouvait-il rêver meilleures conditions pour tirer son épingle du jeu ? Il allait entrer volontairement dans la partie et bien se conduire ; s'il était capable de tenir ce rôle suffisamment longtemps, Weasley révèlerait sa cachette à Dumbledore et témoignerait en sa faveur. Débonnaire comme le vieux fou l'était et témoignage du Weasel à l'appui, il le croirait et le prendrait sous sa protection. Il pourrait leur faire gagner la guerre et vaincre le Seigneur Ténébreux, ainsi son pire cauchemar serait défait, ses sbires lui ficheraient la paix puisqu'ils se cacheraient, se repentiraient ou iraient en prison (ou ces trois choses dans le désordre), les partisans du vieux fou aussi puisqu'il serait en grande partie responsable de leur victoire, ensuite, il serait acquitté de toutes les charges qui pesaient sur lui, la prison deviendrait un mauvais souvenir et on lui restituerait sa baguette et l'intégralité de ses pouvoirs.
Nonobstant le fait qu'il devait se ranger du côté de Dumbledore, ce n'était pas un mauvais plan. De toute façon, c'était toujours mieux que de revenir au Seigneur Obscur ; le servir et subir les Doloris d'un côté et les Aurors le traquant de l'autre, ce n'était pas une vie.
Et comme il n'était pas question de retourner à la case prison…
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Arthur sentit l'accord tacite qui se nouait entre eux. Il savait que Lucius venait de voir son intérêt ; une fois n'est pas coutume, Arthur y avait aussi vu le sien. Il souhaitait en toute honnêteté aider Lucius. Il avait besoin de l'aider, pourquoi ? Il serait toujours temps de répondre à cette question plus tard. Il allait surveiller Lucius dans un premier temps, il verrait si le Serpentard décidait de jouer la même carte jusqu'au bout, s'il ne risquait pas de retourner sa veste – c'était légitimement à craindre de sa part –, s'il pouvait lui faire confiance, il parlerait à Dumbledore pour le faire entrer dans l'Ordre du Phénix.
Lucius avait été le bras droit de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom pendant de longues années, il le connaissait mieux que personne. Même si celui-ci ne lui faisait plus confiance, Lucius pouvait être d'un secours précieux. Dumbledore avait dit un jour, après une entrevue avec Rogue, que si Lucius Malefoy décidait un jour de trahir, il serait d'une utilité sans équivalence possible pour l'Ordre du Phénix car il était sans doute capable de prévoir les actions de son ancien maître.
Autant dire que s'il passait de l'autre bord, il deviendrait une cible à abattre pour les Mangemorts qui ne penseraient sûrement pas à venir le chercher au Terrier. D'ailleurs, il allait faire de la présence de Lucius chez lui un secret dont il serait le gardien.
Avant cela, il fallait d'abord qu'il en parle à sa femme.
« Où préférez-vous que je vous installe ? La chambre de Percy est libre… »
Lucius fit la grimace ; il devait connaître son fils ! Arthur eut un pincement au cœur à cette pensée, Percy réussissait le tour de main de se faire détester ou mépriser par tout le monde, sans distinction de race, de sexe, d'âge ou de classe sociale. Le pire était qu'il ne s'en rendait même pas compte et que sa fierté l'empêchant de revenir voir ses parents suite à ce qui s'était passé l'année passée, il se privait de l'affection des rares personnes qui savaient qu'il y avait du bon en lui.
« Celle des jumeaux aussi, ajouta Arthur.
— Je prends celle-ci.
— Je vais vous y conduire. Par ici », fit-il en désignant l'escalier.
Lucius grimpa, obéissant. Il s'arrêta avant d'atteindre le palier.
« Le Seigneur Ténébreux va apprendre mon évasion, il s'étonnera de ne pas me voir venir à lui, il se doutera que j'ai trahi. S'il ne peut pas me trouver en personne…
— Il s'attaquera à votre femme et à votre fils », termina Arthur. Cette évidence venait de lui sauter aux yeux après les quelques mots de Lucius. Le sorcier au nom tu ne faisait pas de détail ; les Malefoy étaient tous en danger, pas seulement Lucius.
« Il faut que j'y aille, ils doivent encore être à l'endroit où la réunion avait lieu ce soir. »
Arthur fut touché de voir que, sous ses dehors froids et indifférents, Lucius tenait à son fils… ou à sa femme… à moins que ce soit aux deux.
« Je vais faire en sorte qu'ils soient protégés, le rassura Arthur en le retenant.
— Qu'allez-vous faire ?
— Contacter Dumbledore, lui dire de les faire mettre immédiatement en lieu sûr. De toute façon, Vous-savez-qui ne se rendra pas tout de suite compte de votre défection. Vous venez tout juste de vous évader. Il ne peut décemment pas vous demander d'être immédiatement opérationnel.
— Vous ne le connaissez pas.
— Je contacte Dumbledore. Avant que je le fasse, dites-moi : comment saviez-vous à l'avance le lieu de la réunion ? Je croyais qu'elles avaient lieu sur… "convocation" de Vous-savez-qui, qu'il touchait le bras de l'un d'entre vous et que vous n'aviez plus qu'à rallier l'endroit où il se trouvait.
— Nous avons un système de calendrier en fonction des lunes et des jours de la semaine. C'est un système dont l'ennemi ne peut se douter, mais qui est très simple d'utilisation pour ceux qui le connaissent. Ne prenez pas cet air étonné : il est logique que Severus ne vous en ait pas parlé, il n'était pas au courant. Le système est récent, et il a justement été inventé pour que Severus ne soit pas présent à certaines réunions.
— Vous saviez que Rogue était…
— Un espion ? Oui. Je ne lui ai jamais dit que je le savais. Je n'ai jamais confié au Seigneur Ténébreux mes soupçons. Severus me protégeait, je me trompe ? Je lui devais bien d'en faire autant de mon côté. Par contre, le Seigneur Obscur s'est rendu compte de lui-même à son retour de la vraie nature de Severus. J'ai continué à le protéger.
— Vous-savez-qui ne lui a fait aucun mal grâce à vous ?
— Oui, je lui ai dit que Severus pourrait nous être utile si nous lui laissions à penser qu'il avait toutes les informations en main, que nous avions pleine confiance en lui. Il m'a cru, il m'a d'autant plus cru que cela nous a effectivement été utile pour vous écarter de notre chemin. Et cela a maintenu Severus – un de mes rares vrais amis – en vie. Coup double pour moi, triple même. Je garde un ami en vie, je sauvegarde mes intérêts et ceux de mon Maître, et je lui montre par la même occasion ma froide lucidité fort pratique. Vous n'applaudissez pas ? » termina Lucius avec un sourire ironique. Cette fois, il avait vraiment repris le contrôle, sa descente venait de s'achever, il commençait enfin à remonter.
« Vous tournez toujours tout à votre avantage ? demanda Arthur, oubliant temporairement que Lucius était victime de Doloris à répétition, ce qu'il se gardait bien de mentionner.
— J'essaye. J'y parviens quelquefois, répondit Lucius, faussement modeste. Appelez Dumbledore, ordonna-t-il sèchement. Je n'ai aucune envie qu'on fasse du mal à mon fils. Je ne me suis pas embêté à l'élever pour voir mon travail de seize années réduit à néant en une nuit. »
Arthur hocha la tête. Il fut tenté de rire tant l'air qu'avait pris Lucius pour sa dernière phrase était sérieux. A dire vrai, il n'aurait pas su discerner le vrai du faux dans ce qu'il avait dit : voulait-il, par pudeur, cacher combien il tenait à son fils… ou pensait-il réellement ce qu'il venait de dire et le voyait-il comme un investissement ?
