Doloris
Par Maria Ferrari
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Base : Harry Potter tomes 1 à 5
Disclaimer : Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété de J.K. Rowling . Je ne tire aucun profit financier de leur utilisation.
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—Chapitre 4—
La vie s'organisa tant bien que mal chez les Weasley ; mise à part la tête blonde platine qui jurait parmi les cheveux roux, tout était identique à l'avant.
Molly faisait la cuisine et houspillait tous les habitants de la maison : « Arthur, ça fait plus d'une heure que nous avons mangé ; tant pis pour toi, tu te débrouilles, tu n'avais qu'à pas être en retard. » « Ginny, il est hors de question qu'on t'achète ce haut, tu as tout ce qu'il te faut dans ton armoire ; et tu as vu son prix ? » « Ron, tu ne vas quand même pas jeter ta tenue de soirée sous prétexte qu'elle est un peu trop petite ? Tu crois qu'on roule sur l'or ? Je vais te la réajuster ! » « Lucius, est-ce qu'il vous viendrait à l'idée de vous rendre un peu utile ou c'est au-dessus de vos forces ? »
Ginny passait une partie de son temps à vadrouiller avec ses copines, se lamentant intérieurement de n'avoir pas d'aussi jolies tenues qu'elles à se mettre et faisant la grimace chaque fois qu'elles allaient prendre un verre dans un café. Pour ne pas la gêner, ses amies se relayaient, trouvant toujours une chose à fêter pour lui payer son verre sans avoir l'air de lui faire la charité « J'ai eu huit modules à mes owl's ! Moi qui n'en espérais que cinq ! Allez, je vous invite toutes ! » (Kattie Parker, Poufsouffe, seize ans), « Accrochez-vous les filles : Mattew m'a invitée à sortir avec lui. Alors, c'est ma tournée ! » (Amy Douglas, Serdaigle, quinze ans), etc... Ginny n'était pas dupe, elle protestait quelquefois mais savait pertinemment que si elle refusait, elle privait ses amies du plaisir d'aller boire une limonade entre copines. Elle acceptait donc cette charité maquillée en se promettant de leur rendre la pareille dès qu'elle en aurait les moyens.
Ron écrivait à Harry et à Hermione des romans entiers dans lesquels il n'y avait aucune mention de l'intrus présent sous son toit, secret gardé oblige. Il s'ennuyait ferme : jumeaux partis, Ginny présente juste pour les repas et les corvées, amis inaccessibles – Hermione visitait le Japon cette année ; quant à Harry, comme chaque été, il était condamné à rester chez les Dursley jusqu'à nouvel ordre. Ron désespérait de le voir venir chez eux avant la fin des vacances, d'autant plus qu'il se demandait si la présence de Lucius Malefoy n'était pas un obstacle de taille à la venue de son meilleur ami, ce qui reviendrait à dire qu'il ne le verrait pas avant la rentrée, tout comme Hermione. Lui qui d'ordinaire aimait tant les vacances comptait les jours qui le séparaient de son retour à Poudlard et de ses retrouvailles avec ses deux amis.
Arthur travaillait un nombre improbable d'heures et, content de lui, ramenait un salaire de misère. Il se laissait tomber à la place du chef et regardait sa femme le servir grassement. Depuis qu'il n'y avait plus que deux enfants à la maison, on ne se privait plus ; du moins en ce qui concernait la nourriture.
Lucius s'asseyait sur le canapé et regardait les autres s'agiter autour de lui.
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Molly se campa devant le canapé, son balai droit comme un "i" emprisonné dans sa poigne de fer. Elle toisa l'oisif sévèrement.
« Lucius, je vous ai déjà fait part de mes griefs concernant votre inactivité chronique.
— Voilà un reproche joliment formulé », apprécia Lucius sans daigner quitter son livre du regard. Drago s'était préoccupé de son sort et lui avait envoyé de la lecture. Le livre s'intitulait "L'assommoir" et l'auteur se nommait Emile Zola, un écrivain dont il n'avait jamais entendu parler jusque-là mais qui avait une bonne plume – sûrement un Sang pur –, il décrivait les mœurs moldues de manière assez cocasse, et Lucius se disait que, si les Weasley avaient été Moldus, leur vie aurait peut-être ressemblé à ça… en moins intéressant. Bien sûr, Molly n'avait pas de penchant pour la boisson comme l'héroïne, cependant, si elle avait été Moldue, à coup sûr cela aurait été le cas.
« Quand et de quelle façon avez-vous prévu de vous rendre utile ? » insista Molly, fermement décidée à faire lever le derrière de l'aristocrate. Elle ne le voyait jamais qu'à cette place, occupé à lire ou à ne rien faire. A ce train, il allait imprimer ses formes dans les coussins avant de quitter le Terrier – départ qui, elle l'espérait, ne tarderait pas trop – ; elle se demandait d'ailleurs s'il n'avait pas été plus assis sur ce canapé depuis le début de son séjour qu'elle en trente ans.
« Je vais vous acheter un elfe. Il y en a de très bien qui se vendent actuellement, très efficaces. Vous préférez une femelle ou… » s'apprêta-t-il à demander, s'arrachant à sa lecture pour poser les yeux sur son hôtesse. Il y avait quelque chose qui l'impressionnait chez cette femme – peut-être sa carrure quand elle se tenait debout devant lui, imposante et inflexible –, toutefois, il n'en montrait rien.
« Je n'ai pas besoin d'un elfe pour s'occuper de ma maison ! » éructa Molly, lui interdisant de terminer sa question. Elle se sentait offensée qu'il ait osé lui faire pareille proposition. Elle tenait parfaitement son ménage et n'était pas paresseuse. Jamais aucune mère dans sa famille n'avait eu besoin de recourir aux services d'un elfe pour tenir propre le domicile conjugal ; Molly en tirait une grande fierté.
« Dans ce cas, pourquoi venez-vous quérir mon aide ?
— J'ai horreur des parasites qui baignent dans leur paresse pendant que les autres s'activent autour d'eux. Faites-le compte : Arthur travaille et ramène un salaire, Ron est en train de faire la vaisselle, Ginny fait la lessive, je suis en train de passer le balai et je ne vais pas tarder à préparer le repas du soir. Vous êtes le seul à vivre dans cette maison et à ne rien faire.
— C'était ce que je faisais avant dans mon manoir… et j'étais mieux logé, persifla Lucius. Sans compter que personne ne se mêlait de me reprocher quoi que ce soit. »
Il replongea les yeux dans son livre, espérant que son indifférence obligerait la matrone à battre en retraite ; c'était mal juger Madame Weasley.
« Quand je pense que vous êtes contre le fait qu'on mélange les Moldus et les sorciers parce que ça risquerait de créer une race décadente ! Non mais, regardez-vous un peu, c'est vous la race décadente ! »
Lucius, piqué au vif, arrêta de faire semblant de lire et planta ses yeux glacés dans ceux de Molly.
« Vous avez d'autres amabilités de ce genre à me dire ? C'est votre mari qui a imposé ma présence ici ; et si j'ai accepté sa proposition, c'est uniquement parce que je ne pouvais pas faire autrement.
— Vous croyez que c'est une raison pour ne pas aider ?
— Je vais vous donner une compensation financière, décida Lucius pour clore le débat.
— Il n'est pas question d'argent !
— Vu de l'extérieur, n'importe qui devinait aisément que vous tiriez le diable par la queue ; vu de l'intérieur, je trouve cela d'autant plus flagrant. Il m'avait semblé qu'un peu d'argent vous permettrait d'envisager les fins de mois plus sereinement… et aussi la rentrée prochaine, à laquelle vous pourriez acheter des livres neufs pour vos enfants, une tenue de soirée de bonne confection pour votre fils, et ce ravissant petit haut que, cruellement, vous avez refusé à votre fille. »
Ginny, qui avait tout entendu, accourut à cette dernière mention et supplia sa mère du regard. Ron, qui de la cuisine n'avait rien perdu non plus de la joute verbale entre sa mère et le père de son pire ennemi, s'abstint d'accourir ; il n'aurait pas voulu passer pour quelqu'un de futile ou vénal et surtout refusait de montrer à l'indésirable qu'il appréciait sa proposition – notamment ce qu'il suggérait concernant sa garde-robe –, cela ne l'empêchait pas de souhaiter de tout cœur que sa mère accepte car, décidément, la perspective de devoir porter sa vieille tenue à chaque bal jusqu'à la fin de sa scolarité lui faisait horreur.
« Tous les problèmes ne se résolvent pas par l'argent, rétorqua Molly l'incorruptible, son balai entre ses bras croisés.
— Non… cependant, avouez que cela aide. Et puis, il est normal que je paye un loyer, vous n'avez pas à me loger gratis.
— Sur ce point, je suis entièrement d'accord avec vous, approuva Molly, accompagnant ses paroles d'un hochement de tête appuyé.
— Parfait, alors je vais vous donner un montant par mois qui couvrira tous les frais supplémentaires que j'entraîne plus une bonne marge afin de vous aider à mieux vivre le fait que je ne fasse rien. Cette solution vous convient-elle ? »
Grands signes de tête de Ginny : Oui ! Oui ! Oui !
Molly regarda sa fille, se mordilla la lèvre et décida qu'il était normal que Lucius paye son séjour, que ce n'était pas de la charité, ni de la corruption ; ils ne roulaient déjà pas sur l'or, s'ils devaient en plus loger et nourrir gratuitement un millionnaire, où allaient-ils ? La seule chose qui dérangeait Molly, c'était qu'elle devrait se faire une raison concernant l'oisiveté de Lucius ; tout ce qu'elle avait pu lui dire à ce sujet n'avait été que vains discours, elle s'épargnerait à l'avenir de s'époumoner pour rien, finalement c'était mieux ainsi.
« Avant d'accepter, il faut que j'en parle à Arthur. Minute ! Comment allez-vous nous payer ?
— Désolé d'enfoncer le clou : je vous rappelle que je suis riche.
— Comme si vous aviez fait quoi que ce soit pour que je l'ignore ! Il ne s'agit pas de ça ; vous ne pouvez pas aller à la banque et…
— Narcissa ira et m'enverra l'argent ; il faudra juste que je lui précise de se faire accompagner pour éviter qu'elle se fasse attaquer.
— Bien », fit Molly. Ne trouvant rien à ajouter, elle se dirigea d'un pas ferme vers son repaire, la cuisine, omettant de terminer son balayage.
« Je vais avoir mon haut ? » demanda Ginny d'un air réjoui à Lucius. Jusqu'ici, elle était restée assez distante avec lui, ne s'approchant à moins d'un mètre qu'au cours des repas et uniquement parce que sa place était en face de la sienne. L'aide financière qu'il allait apporter aux Weasley paraissait avoir brisé d'un seul coup toutes les inhibitions de la jeune fille à son égard.
« Cela dépend de votre mère ; néanmoins, il sera certainement plus difficile pour elle de refuser vu la somme que je vais lui octroyer. Cela devrait l'inciter à être généreuse.
— Merci, je vous adore ! » s'exclama Ginny avant de repartir voir où en était la lessive (elle n'aurait peut-être pas dû la laisser sans surveillance, les brosses ensorcelées se conduisaient différemment dès qu'il n'y avait plus personne pour veiller à la bonne route du travail). Lucius la regarda disparaître dans le couloir.
« J'ai failli la tuer trois ans auparavant, et aujourd'hui elle m'adore parce qu'elle va avoir le dernier vêtement à la mode grâce à moi. Et après ça, il y en aura encore pour prétendre que l'affection des gens ne s'achète pas ! » déclara-t-il à la pièce vide dans un murmure.
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« Je suis en vacances ! » tonitrua Arthur en arrivant. Lucius leva le nez de son livre pour regarder l'horloge ; il était à peine six heures et Monsieur Weasley retrouvait déjà ses pénates. Inhabituel.
« C'est donc en ça que consistent les congés, vous travaillez sans répit plus que vous le devriez pour votre santé et plus que vos gages le méritent tous les jours de l'année et, la veille de vos vacances, vous êtes incapable d'effectuer votre horaire normal tellement vous êtes pressé de ne plus rien faire pendant un mois. Pourtant, dans moins d'une semaine, je suis convaincu que vous commencerez déjà à trouver vos congés trop longs.
— Ce qui est incroyable avec vous, c'est que vous êtes mauvaise langue sur tous les sujets possibles et imaginables. Pourquoi dites-vous ça ? Vous ne travaillez jamais et vous ne vous ennuyez pas pour autant.
— Je suis habitué à ne rien faire, là est toute la différence. Arthur, si vous travailliez – je ne sais pas – disons six ou sept heures par jour, vous auriez des soirées plus longues à gérer, et vous pourriez donc envisager sereinement la façon d'occuper votre temps libre. Seulement – en dehors de vos vacances –, du temps libre, vous n'en avez jamais. Prenez l'année dernière, vous avez fait heures supplémentaires sur heures supplémentaires – mes sources sont sûres –, et là-dessus vous en rajoutiez encore avec l'Ordre du Phénix – je me trompe ? – Je suis certain que vous êtes du genre à ne pas savoir quoi faire de votre temps libre, faute d'être habitué à en avoir. C'est le problème commun à tous les esclaves du travail. »
Le fait était que Lucius n'avait pas tout à fait tort. Il était exact qu'Arthur voyait toujours arriver ses congés avec soulagement, car il travaillait trop et ne prenait pas le temps de se reposer, toutefois il voyait arriver la rentrée avec un soulagement identique.
« Vous êtes perspicace », accorda-t-il en homme honnête qu'il était.
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Les jours s'écoulaient ainsi, paisiblement. Molly, Ginny et Ron feignaient d'ignorer qui était Lucius Malefoy, ce qu'il représentait, que c'était un Mangemort, qu'il avait manqué – indirectement certes – de tuer Ginny, qu'il les méprisait eux et leur pauvreté ; Arthur avait décidé qu'il avait sa place sous leur toit, alors ils faisaient tous contre mauvaise fortune bon cœur, même si on ne pouvait que reconnaître à quel point Lucius détonnait dans le décor. D'une certaine manière, ils n'avaient pas vraiment à se plaindre de lui : il se comportait de manière beaucoup plus gentille que ce à quoi ils auraient pu s'attendre.
Ils feignaient aussi d'ignorer les bruits qui venaient de la salle de bains certaines nuits, ces bruits peu ragoûtants que l'on produit tous en vomissant ; parfois ils entendaient aussi des gémissements, voire des sanglots. Quelquefois, cela durait et durait ; ces fois-là, Molly voyait son mari se lever et sortir de la chambre, elle l'entendait ensuite juste en dessous qui allait se quérir de la santé de son protégé, qui le soutenait. Ces moments gênaient Molly, elle en ignorait la raison, c'était comme si… comme si elle était jalouse, comme si Lucius lui volait son mari pendant ces quelques minutes.
C'était parfaitement stupide !
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Si Molly avait su le reste, elle n'aurait pas trouvé cette jalousie si stupide.
Il était arrivé à Arthur d'entrer dans l'ancienne chambre des jumeaux un petit matin de cet été-là, de contempler Lucius endormi, nu sous le drap, éclairé par la lumière du petit jour filtrant à travers les persiennes, allongé sur le ventre, le visage niché dans l'oreiller.
Il avait été tenté de soulever le drap pour admirer la peau ; il ne l'avait pas fait, il s'était retenu. Mais il était revenu le matin suivant, sans bruit, pour ne pas le réveiller, tant l'émotion qui lui était montée à la gorge avait été grande. Il voulait la ressentir à nouveau.
Tous les matins suivants, alors que le jour commençait à poindre, juste avant d'aller prendre son petit déjeuner, il venait, comme en pèlerinage, admirer celui qu'il cachait.
Un matin, il avait cédé à la tentation de toucher la peau nue, juste du bout des doigts et à travers le drap. Lucius avait bougé, Arthur avait sursauté comme un enfant pris en faute. Il avait été vite rassuré : Lucius n'était pas réveillé, il changeait juste de position dans son sommeil. Arthur était sorti de la chambre en se demandant ce qu'il aurait pu lui dire s'il s'était réveillé, s'il l'avait trouvé au beau milieu de sa chambre en pleine nuit.
Après cela, il n'était plus revenu admirer Lucius dans son sommeil… jusqu'à ce que la tentation soit trop forte et qu'il reprenne son pèlerinage, s'interdisant, toutefois, de le toucher à nouveau.
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Dumbledore vint leur rendre visite trois fois au cours de l'été. Il eut à chaque fois une longue conversation en privé avec Lucius. Il tenait à être son unique interlocuteur en matière de défense contre Voldemort, d'abord, pour éventuellement décrypter le vrai du faux dans ce que Malefoy disait, ensuite, pour retransmettre les informations aux seuls concernés afin que le moins de personnes possible soit au courant de ce qu'ils chuchotaient.
Dumbledore évitait soigneusement d'informer Arthur ou Molly de la teneur de ses entretiens avec Lucius, il avait peur qu'une information leur échappe et qu'une personne malintentionnée conclut que Lucius était peut-être hébergé chez eux. Il tenait donc à les impliquer le moins possible pour garantir leur sécurité et celle de leur protégé. Lui-même venait très discrètement et à intervalles espacés chez les Weasley afin de ne pas attirer l'attention sur eux.
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Arthur le sentait bien : quelque chose préoccupait Dumbledore et cela le concernait directement. Le directeur le regardait de manière anxieuse, et lorsqu'il croisait son regard, le vieil homme s'empressait de prendre l'air enjoué.
