Doloris

Par Maria Ferrari

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Base : Harry Potter tomes 1 à 5

Disclaimer : Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété de J.K. Rowling . Je ne tire aucun profit financier de leur utilisation.

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—Chapitre 8—

La lumière lui agressa les yeux quand il les ouvrit. Il les serra, plissant les paupières, puis les rouvrit progressivement pour les laisser s'accommoder ; le visage de Bellatrix lui apparut, juste au-dessus de lui, un sourire de petite fille gâtée aux lèvres. Son rapt n'était pas un inoffensif cauchemar, il avait vraiment eu lieu ; la peur lui étreignit le ventre.

« Lucius, Lucius, Lucius… quelle impardonnable erreur as-tu commise ! sermonna-t-elle doucement, gentiment. Tu ne m'avais pas habituée à être aussi… inconséquent. Quand je pense que je suis censée être celle qui agit sans réfléchir… combien de fois me l'as-tu répété ? »

Une douleur fulgurante comme une brûlure ; elle venait de le gifler, les ongles en avant. Sous l'impact, la tête de Lucius se déporta et il aperçut Rodolphus terré, honteux, dans un coin de la pièce.

Rodolphus… en voilà un qui ne démériterait pas du statut d'homme battu, il craignait son épouse comme la peste.

« Tu es mon cadeau, Lucius », continuait Bellatrix d'un ton sucré, le regard gourmand, comme si elle s'apprêtait à déguster son dessert préféré qu'elle n'avait plus eu l'occasion de savourer depuis longtemps. « Ma récompense pour ma fidélité envers mon Seigneur ; il m'a offert le droit de faire ce que je veux de toi… tant que cela se termine par ta mort. L'amour que je te porte n'a pas échappé à notre merveilleux Seigneur, vois-tu ? Tu vas passer un très doux moment en ma compagnie.

— Suis-je censé goûter l'ironie de ta tirade ? »

Elle le tira par les cheveux, l'amenant en position assise d'une seule main – l'expression "sexe faible" perdait toute signification face à Bellatrix – ; elle cala son visage contre le sien, ses yeux brûlant sa chair.

« Je ne te conseille pas d'être insolent. Tu n'es pas en position pour l'être.

— Tu n'es qu'une pauvre folle ! s'exclama Lucius avant de lui cracher au visage.

Endoloris ! »

Bellatrix prit une longue minute pour jouir pleinement de la grimace de souffrance que son sort imprimait sur le visage de son cher Lucius. Elle aimait se gargariser des gémissements de douleurs, elle avait toujours aimé ça, elle faisait peur à ses sœurs étant petite. Elle était la plus jeune et terrifiait ses deux aînées ; ses parents aussi la craignaient, ils l'avaient envoyé dans un pensionnat ses six ans à peine sonnés pour l'éloigner d'eux.

Après que "l'affreuse" se fut mariée avec son Moldu, Narcissa – cette Bonne Vieille Nana ! – cette petite pimbêche qui avait toujours été la petite favorite de papa maman était subitement devenue enfant unique. Quand on leur demandait comment allaient leurs filles, Monsieur et Madame Black entendaient systématiquement "fille" au singulier et s'étendaient en long et en large sur leur merveilleuse, leur prodigieuse, leur ravissante petite Nana, la plus jolie, la plus intelligente, celle qu'on promettait au fils du sorcier le plus riche d'Angleterre, le jeune et beau Lucius qui du haut de ses quinze ans promettait tellement ; ils étaient si bien assortis ! Ils omettaient volontairement Andromeda, la traîtresse, et elle, Bellatrix, le mouton noir, celle qu'on cloîtrait dans sa chambre quand l'école était terminée, qu'on était obligé de la reprendre pour les vacances et qu'il y avait des invités ; ils la cachaient pour ne pas montrer la tare de la famille.

Car il s'agissait bien d'une tare familiale ! Son père avait été épargné, mais elle savait de source sûre que sa grand-mère était morte à Sainte Mangouste, la bave dégoulinant de ses lèvres retroussées.

Bellatrix fut prise d'un frisson de dégoût. Elle chassa l'image de cette aïeule qu'elle n'avait jamais vue mais qu'elle visualisait si bien ; involontairement, elle la faisait lui ressembler avec les mêmes cheveux noirs, les mêmes yeux, la même beauté sauvage. Elle en faisait des cauchemars.

Stop ! Elle ne doit pas penser à ça. Elle a encore toute sa lucidité, elle n'est pas comme sa grand-mère, elle n'atteindra jamais le point de non-retour comme elle. Elle n'est pas folle ; les autres sont persuadés qu'elle l'est, mais ils se trompent. Elle leur prouvera à tous qu'ils ont tort, que c'est elle qui a raison ! Que ce sont eux les fous !

Le calme se fit en elle ; elle porta à nouveau son attention sur sa victime, sur son jouet. Lucius respirait difficilement ; l'effet du sort avait cessé, néanmoins il ne pouvait ignorer que d'autres suivraient, et suivraient, et suivraient… jusqu'à ce que mort s'ensuive. Un sourire étira ses lèvres ; le visage aliéné de sa grand-mère était oublié, au moins temporairement.

« Comme tu peux le constater, je suis encore capable de faire un Doloris ; ce n'est pas ton cas, je pense ? Dommage que Dumbledore ne récompense pas les trahisons comme notre Seigneur la fidélité. Moi, lorsque je me suis évadée, j'ai immédiatement couru vers mon Maître, et il a rompu le sortilège humiliant qui me privait d'une partie de mes pouvoirs ; Dumbledore n'en a manifestement pas fait autant pour toi, sans ça, tu te serais autrement débattu quand je suis venu te chercher, et tu te défendrais un minimum en ce moment. Tu n'es plus capable de faire un Avada ou un Doloris ; n'est-ce pas, Lucius ? Moi si ! » conclua-t-elle rageusement. « Endoloris ! »

Crispations de douleur, gémissements.

« Quels beaux mariages que ceux de mes sœurs ! L'une mariée à un Moldu, l'autre mariée à un faux-cul ! »

Bellatrix déploya sa belle gorge pour laisser fuser un rire hystérique en l'honneur de sa propre formule. Ses seins lourds effectuèrent des mouvements saccadés.

« La jolie blonde Nana mariée à la jolie blonde Lulu ! » ajouta-elle, de plus en plus hilare.

Son rire stoppa soudainement.

« Vous vous croyez tellement supérieurs à moi, elle et toi ! rugit-elle, montrant ses dents. Endoloris ! »

Lucius se tordit sur le sol. Les Doloris que lui lançait Bellatrix étaient les plus douloureux qu'il avait connus jusqu'ici. Elle était tellement chargée de haine à son égard, elle avait tellement envie de le faire souffrir.

Il allait vivre le calvaire des Londubat. Cet épisode l'avait toujours effrayé, non qu'il ait ressenti de la pitié pour le pauvre couple, mais bien parce que la seule évocation de subir Doloris sur Doloris et de terminer sa vie complètement fou l'avait toujours fait frissonner. Un peu comme lorsqu'un homme en voit un autre se prendre un coup dans les parties fragiles et qu'il ne peut retenir une grimace de douleur, comme si c'était lui qu'on avait frappé.

Lucius n'était pas un adepte des Doloris ; il lui était arrivé de s'en servir, mais cette utilisation était toujours restée très ponctuelle. Les gens qu'il faisait souffrir ne lui importaient pas, souvent il les jugeait inférieurs à lui, indignes de vivre, il les méprisait ou les haïssait ; les tuer ne lui faisait ni chaud ni froid, pourtant, il avait presque aussi mal qu'eux à les regarder se tordre de douleur, quand le Seigneur Ténébreux l'obligeait à passer par le stade de la torture, quand il fallait leur faire avouer quelque chose. Etre un Mangemort sensible n'était pas une situation enviable. Dire que tout le monde le prenait pour un sadique !

Voilà qu'il divaguait ! Il s'appliqua à reprendre conscience de la situation. Est-ce que tout était perdu ? Ne restait-il pas un espoir qui vaudrait le coup de conserver toute sa raison ?

Il ne voulait pas finir comme les Londubat, il s'y refusait. Non, non il ne finirait pas ainsi, elle avait pour obligation de le tuer à la fin ; c'était une maigre consolation, cependant… cela serait toujours une délivrance.

« Tu as toujours joué les petits chefs dès que notre Seigneur était absent, et tu m'as toujours prise pour une débile. Avoue-le !

— Si tu avais un tant soit peu de lucidité, tu le reconnaîtrais toi-même, mais tu n'es pas seulement débile, tu es folle à lier. »

Bellatrix mit sa main en serre et frappa au visage, manquant de peu de lui crever un œil.

« Il faudra que tu m'expliques ton secret pour toujours te croire supérieur aux autres même dans ce genre de situation. Tu es au sol, en sang, tu es totalement en mon pouvoir – d'ailleurs, tu n'as plus qu'une maigre partie des tiens – et tu trouves encore le moyen de te pavaner… c'est très fort ! Si je ne te connaissais pas, j'en serais presque admirative ! Endoloris ! »

Lucius hurla, les larmes jaillirent. A travers le flou de ses larmes et en se tordant sur le sol, il crut apercevoir Rodolphus qui serrait les yeux et se bouchait les oreilles.

La douleur diminua, Lucius avait le visage trempé de larmes ; le sourire de petite fille gâtée avait fait place à un rictus sadique sur le visage de Bellatrix. Rien ne pouvait lui faire plus plaisir que de voir Lucius Malefoy pleurer comme un bébé. Elle le haïssait et le méprisait plus encore que les Moldus ou les Sangs-de-Bourbe.

« Passes-tu un bon moment en ma compagnie ? » demanda-t-elle, les yeux illuminés d'une joie malsaine.

Lucius fut tenté de répondre « Oui, très agréable », mais ne trouva pas la force de le dire à voix haute : il sanglotait comme un enfant devant les yeux de Bellatrix.

« Endoloris ! » répéta Bellatrix. Combien de fois cette femme avait-elle prononcé cette formule au cours de sa vie ? Où puisait-elle une telle envie de faire souffrir ? Que lui avait-on fait ? Qu'avait-elle dans le sang pour aimer ça à ce point ? Elle la répéta encore et encore. Lucius, dans un dernier moment de lucidité, comprit qu'il n'aurait pas la chance de mourir d'un Avada, qu'elle le tuerait à petit feu avec le pire sort qui soit.

Tout à sa douleur, Lucius ne vit pas Rodolphus s'avancer, les yeux haineux. Toute à sa joie sadique, Bellatrix ne vit pas son mari pointer sa baguette vers elle, elle entendit juste les deux mots fatals et se retourna, les sourcils froncés, au moment où le rayon vert s'apprêtait à la frapper.

La seconde suivante, elle était étalée sur le sol aux côtés d'un Lucius sanglotant et tremblant, foudroyée par le sort de son propre époux.