Doloris
Par Maria Ferrari
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Base : Harry Potter tomes 1 à 5
Disclaimer : Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété de J.K. Rowling . Je ne tire aucun profit financier de leur utilisation.
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—Chapitre 11—
« Drago va bien, ses deux camarades – Crabbe et Goyle – aussi. Votre fils a beaucoup de chance d'avoir des amis solides. » C'est en ces termes que Dumbledore termina le récit des dernières mésaventures de Drago Malefoy.
« Je n'aurais jamais cru qu'ils étaient réellement amis », fit Lucius dans une moue dubitative, les sourcils haussés. Il était assis, bras et jambes croisés, regardant un point indéterminé dans l'espace.
« Sans doute était-ce également l'avis de Drago ; néanmoins, il n'était apparemment pas partagé par Messieurs Crabbe et Goyle. J'ignore si votre fils le mérite, mais ils l'apprécient beaucoup.
— En tout bien tout honneur, j'ose espérer », ajouta Lucius en matière de plaisanterie. Il n'imaginait pas Crabbe ou Goyle avoir ce type de penchants. Bien que… la vie réservait quelquefois des surprises.
Albus fit quelques pas dans le salon, l'une des trois pièces de l'appartement alloué à Lucius. Le locataire des lieux était assis sur le canapé, il s'appliquait à garder l'air impassible, à ne pas montrer son soulagement à l'excellente nouvelle que lui avait apprise le directeur. Quand on lui avait appris que Drago manquait à l'appel un quart d'heure plus tôt, il avait craint le pire, à raison. Heureusement, les trois compères s'étaient bien vite présentés aux portes de Poudlard, essoufflés et terrifiés, mais vivants.
Malgré sa maladie, Lucius ne se laissait pas aller. Il s'appliquait à rester toujours propre et habillé avec la plus grande élégance, quitte à se changer plusieurs fois par jour à chaque fois qu'il se couchait, tentant de prendre du repos, ou qu'il se salissait lors de l'un de ses malaises.
« Votre fils n'est guère obéissant, je lui avais interdit de sortir de Poudlard. Ceci dit, je savais déjà qu'il avait une conception toute personnelle du respect des règlements. J'aurais cependant cru qu'il respecterait celui-ci ; il m'avait toujours fait l'effet d'un garçon très prudent. »
Lucius apprécia l'euphémisme. Par "très prudent", Dumbledore entendait "excessivement prudent", voire "craintif" pour ne pas utiliser des vocables comme "lâche", "peureux", "trouillard" ou encore "pétochard". Lucius s'était vu lui-même souvent qualifié ainsi lors de ses premières années ; Drago lui ressemblait beaucoup.
« Vous plaindriez-vous que mon fils se "Potterise" ? rétorqua-t-il, démontrant ainsi au directeur qu'il préférait avoir un enfant prudent et craintif qu'irréfléchi et téméraire. Je pense que je devrais être le premier offusqué par cela. Pour ce qui est de son comportement, cela fait quelques mois que je suis ici et – pour ce qu'il en sait – les choses sont plutôt calmes : il ne m'est rien arrivé, les journaux ne parlent plus du Seigneur des Ténèbres et, d'une manière générale, personne ne lui dit rien. Pour lui, Il se tient à carreau ; il a sans doute estimé que nous nous inquiétions pour rien et qu'il pouvait sortir sans danger.
— Il aurait peut-être fallu lui signaler que, grâce à vous, nous avons déjoué les plans de Voldemort, et aussi lui faire part de ce qui vous est arrivé. Lui avoir affirmé que vous aviez juste victime d'une crise plus violente que les autres et omettre le fait que Bellatrix vous avait enlevé n'a sans doute pas été la meilleure idée que nous avons eue.
— Vous auriez semé la panique en disant ce qui s'était réellement passé.
— Nous ne l'aurions dit qu'à Drago.
— Narcissa était contre, et moi aussi, pour les raisons que vous devinez. Et il y aurait bien eu panique car mon fils n'a jamais su tenir sa langue, surtout s'il sent qu'il est le seul à être en possession d'une information. Il aime raconter ce qu'il sait autour de lui en faisant en sorte que tout le monde sache qu'il était le premier au courant.
— C'est une façon parmi tant d'autres d'asseoir sa supériorité, conclut Albus avec une moue désabusée.
— C'est surtout humain. J'étais pareil à son âge. »
Au fil des mois, Lucius devenait de plus en plus loquace et convivial. Il s'habituait à Albus et lui faisait des confidences qu'il ne lui aurait jamais faites auparavant.
« Effectivement, je crois me souvenir que vous n'étiez pas très différent de votre fils. Imagine-t-on qu'un simple gamin mal élevé puisse devenir un habile manipulateur sans scrupules ?
— Drago n'est pas mal élevé, et je ne l'étais pas non plus ; nous n'avons juste pas la même notion de l'éducation vous et moi », rétorqua Lucius, froissé dans son orgueil. Il préféra ne pas s'attarder sur le sujet ; le sourire en coin de Dumbledore ne lui disait rien qui vaille. « A présent que Drago s'est fait une belle frayeur, il n'est pas prêt de remettre le pied dehors. Il faudra s'assurer que ses deux compères restent en permanence à Poudlard eux aussi ; maintenant qu'ils ont pris la défense de Drago, ils se trouvent en fâcheuse posture vis-à-vis des Mangemorts.
— Ils deviennent de plus en plus audacieux. Ils sont venus vous enlever à Poudlard en plein jour ; ils ont tenté de faire de même avec votre fils à Pré-au-Lard.
— Ce n'est pas de l'audace, ils se sentent aux abois et commencent à agir en dépit du bon sens. Les Mangemorts consentants se font de plus en plus rares, le Seigneur Ténébreux ne règne que par la terreur sur bon nombre d'entre eux. Ils sentent que le vent tourne en leur défaveur ; et comme si ça ne suffisait pas, leur maître est de plus en plus violent avec eux. Ses seuls véritables fidèles étaient Croupton et Bellatrix ; ils sont tous les deux morts. Igor, Rodolphus, Severus et moi avons trahis. Il y a bon nombre d'adeptes qui viennent se dénoncer pour échapper à son joug. Et avez-vous pensé aux générations futures ? Car s'il y a bien une chose qui préoccupe le Lord, c'est bien de savoir s'il y aura des jeunes pour le suivre ? Regardez Crabbe et Goyle, ils viennent de choisir leur camp, pourtant leurs parents sont tous Mangemorts, si même les enfants de ses soi-disant fidèles ne le suivent pas, qui le fera ? Il est conscient que la terreur ne fait jamais régner longtemps, qu'elle ne peut qu'engendrer des révoltes ; mais il se rend compte aussi qu'il est incapable de régner différemment, cela le rend fou de rage. Au résultat, il terrorise encore plus ses adeptes… et la boucle est bouclée. »
Albus hocha lentement la tête. Ce que disait Malefoy se tenait.
« Nous le tenons », termina Lucius, le sourire fin, les yeux à la fois glaçants et pétillants. Froide lucidité et soif de vengeance se lisaient dans son regard.
« N'oubliez pas qu'ils ont réussi à s'introduire à Poudlard » tempéra Dumbledore. Il sentait lui aussi que le dénouement était proche et qu'il pourrait être heureux, mais ne tenait pas à tout gâcher par excès d'optimisme. Lucius acquiesça et demanda une véritable protection pour sa femme et son fils.
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Albus regardait les étagères chargées de livres rangés par thème ou par nom d'auteur ; livres de magie noire côtoyaient biographies de sorciers célèbres et littérature raffinée. Lucius avait personnalisé les lieux ; divers objets et tableaux ornaient la pièce, révélant la personnalité de l'occupant. Le regard d'Albus s'attarda sur un tableau représentant la résidence secondaire des Malefoy où vivait Eugenius. Lucius ne voulait plus entendre parler de son père, il affichait cependant une toile le représentant indirectement. Un désir inconscient de l'avoir près de lui sans doute.
Il n'y avait aucune photo de famille, aucun portrait d'aïeul. Pour les portraits, c'était judicieux, certaines peintures pouvaient se montrer très bavardes – pour ne pas dire assommantes –, il en faisait l'expérience tous les jours dans son bureau. Quant aux photos, cela tenait au caractère de Lucius qui ne tenait certainement pas à proclamer ses sentiments en les affichant sur les murs.
En parcourant les meubles des yeux, Albus aperçut un livre posé à plat entre une bougie et un brûle-parfum ; une page semblait marquée par une photo. Il jeta un coup d'œil à Lucius – celui-ci profitait de son inattention pour ouvrir un tiroir et y prélever un morceau de chocolat – et ouvrit le livre pour regarder la photo. Il reconnut Drago, il devait avoir moins de cinq ans et regardait le vif d'or qu'on lui tendait d'un air fasciné. Albus eut un sourire amusé et se dit que d'autres photos du chérubin devaient se cacher dans la bibliothèque. Peut-être aussi des photos du père de Lucius, de sa mère qu'il avait peu connue, ou même de sa femme.
Une pensée l'effleura en songeant à Narcissa.
« Puis-je vous poser une question indiscrète, Lucius ? » demanda-t-il.
Lucius termina son chocolat et prit son temps avant de faire un signe de tête positif.
« Vous ne dormez jamais avec votre épouse ?
— Cela fait des années que nous faisons chambre à part, pourquoi ? répondit Lucius sans paraître gêné le moins du monde de faire cette confidence.
— Simple curiosité. Excusez mon indiscrétion.
— Vous êtes tout pardonné. Notre mariage est un arrangement, ce n'est un secret pour personne.
— Vous n'aimez pas votre femme ?
— Si… comme une amie », répondit Lucius. Tout cela lui semblait naturel, il n'avait aucune honte à en parler, c'était ainsi que les choses se passaient dans sa famille et cela lui convenait.
Albus hocha la tête tristement. Drôle de vie que celle menée par Lucius Malefoy.
Il s'apprêtait à sortir lorsqu'une remarque lui vint à l'esprit : cela faisait plusieurs jours qu'il n'avait plus vu Arthur. Il ne le voyait évidemment pas tous les jours – il venait quasiment exclusivement pour le joli minois de Lucius et ne daignait même pas faire semblant de venir pour autre chose –, mais Albus l'apercevait régulièrement, lui disait bonjour, lui ressassait les mêmes avertissements.
Il n'y avait pas trente six solutions. Ou Arthur avait stoppé ses visites jugées indélicates et dangereuses par Albus, ou il avait trouvé le moyen d'être très discret et, notamment, de l'éviter afin d'échapper à l'habituel sermon. Pour le savoir, il suffisait de demander à Lucius.
Il préféra ne pas le faire et sortit ; inutile d'intriguer Malefoy en lui posant des questions à ce sujet.
