Tagazok à tous, je vous souhaite une excellente année 2005 (l'année de mes 20 piges, yahou !)

Comme promis, j'ai mis le temps record d'une semaine (et demie en comptant la bêta-lecture et la mise en ligne) pour vous rédiger ce nouveau chapitre… Ca aurait été plus vite si j'avais eu mon ordi perso sous la main, mais qui dit vacances dit ordi familial à partager…

Quoiqu'il en soit, voici un lonnnnnng chapitre 7. J'espère que vous l'apprécierez, pour ma part je le trouve plus dur que les précédents. J'ai alterné des épisodes assez dramatiques avec quelques passages limite guimauve, je ne suis pas sûre que le résultat fonctionne, alors dites moi ce que vous en pensez !

Ce chapitre s'écarte momentanément de Ginny et traite principalement de Léna ; si vous trouvez ce personnage un peu envahissant par rapport à la trame principale, je tiens à vous rassurer : Léna sera bcp moins mise en avant par la suite, j'avais juste besoin de mettre au point certains détails la concernant… Voilou !

Et un autre truc, je me demande si mes grands monologues de début de chapitre intéressent les gens, ou s'ils ne prennent pas le temps de les lire… Quelqu'un peut-il me renseigner sur leur utilité ? Merci

Réponse aux reviews :

La Folleuh : Comme je te l'ai déjà dit dans mon mail, tu ne m'as absolument pas vexée… J'ai reçu des reviews bien moins sympas que la tienne, une notamment… Donc y a pas de lézard. Merci de continuer à me lire avec assiduité !

Guézanne : Contente que ça te plaise ; le trouble de Ginny est moins présent dans ce chapitre, mais il demeurera un thème récurrent… Pour ce qui est de ta question, très pertinente, au sujet de la phrase « Et eux, sa décision était prise, il n'était plus question qu'elle les fréquente. Elle ne voulait plus souffrir, jamais », je dois bien dire que Ginny tente surtout de se persuader elle-même qu'ignorer les Maraudeurs est sa seule échappatoire… En réalité, bien entendu, elle est déjà trop profondément liée à eux pour leur être indifférente.

Merci d'adhérer à mon humour… J'ai essayer de conserver une note drôle dans ce nouvel épisode même si à nouveaux c'est pas joyeux joyeux… Et je ne suis pas sûre d'avoir réussi non plus certains passages mélo…

Quant à l'impossibilité (apparente) pour Remus de connaître jamais l'amour, cette question sera réglée assez rapidement ; j'ai l'impression d'avoir surtout mis en avant son personnage et celui de Léna, alors que l'« héroïne » est plutôt censée être Ginny… Ca devrait se tasser d'ici une poignée de chapitres.

Lazoule : je suis contente que ça te plaise toujours… Pour ce qui est de ta question sur ce qui va arriver à Ginny après qu'elle ait eu Harry, je crains fort que la réponse n'arrive que dans très longtemps… En effet mon histoire se déroule sur le long terme, six ans exactement, puisqu'elle se terminera le jour où bébé-Harry détruira Voldemort, le 31 octobre 1981. Patience ! Il y a encore beaucoup de rebondissements à venir !

Ptronille : je suis sincèrement désolée mais j'avais déjà la trame de ce chapitre, je savais qu'il allait être très long, et il m'était absolument impossible de le rédiger en deux jours afin que tu le trouves « sous le sapin »… Mais je me suis quand même défoncée : 11 pages Word, en une semaine, c'est assez conséquent, sachant que j'avais plein de trucs à faire à côté… (c'est Noël aussi pour les fictionneux !) Quoiqu'il en soit, merci beaucoup pour ton enthousiasme, voilà le genre de review qui donne vraiment envie de continuer… Voici donc un long chapitre pour la Nouvelle Année !

Edwige : je suis très contente que mon idée te plaise ! Au risque de te gâcher le suspense, je te dirai qu'il n'y a qu'une seule Lily Evans… Ma fic vise surtout à montrer comment la situation a évolué jusqu'au moment où Lily et James se sont mis en ménage et ont eu Harry…

Yoann : Malheureusement, la réponse à ta question est sans aucun doute : dans longtemps ! C'est vrai que la déclaration de James aurait pu lui mettre la puce à l'oreille, mais comme celui-ci apparaît immédiatement comme un dragueur invétéré qui saute sur tout ce qui bouge, elle n'en tire pas la conclusion qu'elle est la mère de Harry … Et puis, comment envisager une idée aussi terrifiante que celle d'être la maman de l'un de ses amis alors qu'on a que 15 ans ?

Un grand merci également à Belval et Smoke ! Et comme toujours, je remercie ma bête-readeuse, Brathanaëlle.


Chapitre 7 : les tristes sorts d'Ignatius Binns et d'Artus Stetson

Le mois de septembre s'écoula doucement mais sûrement. Les professeurs multipliaient les tâches à faire en dehors des heures de cours, mais les Gryffondors trouvèrent néanmoins le temps de fêter dignement l'anniversaire de Léna, quelques jours avant l'équinoxe. Les Maraudeurs avaient organisé une petite escapade en cuisines spécialement pour l'occasion, et leurs rires avaient retenti dans toute la Salle Commune ce soir là ; la seule à demeurer à l'écart était Lily.

Cela peinait Lucy, car elle savait qu'elle-même, Léna et Art avaient su gagner l'amitié et la confiance de la nouvelle. En revanche, elle n'arrivait pas à déterminer pourquoi elle faisait un tel blocage sur les Maraudeurs : le premier samedi soir s'était pourtant si bien déroulé…

Quoiqu'il en fut, la jolie blonde appréciait de plus en plus la compagnie de la jeune Evans.

La saison de Quidditch n'avait pas encore repris, mais James avait déjà élaboré toutes sortes de nouvelles stratégies pour son équipe : deux soirs par semaine, Sirius et Léna revenaient harassés des entraînements qu'il leur infligeait. La petite Française, tout comme Art, appartenait également à la chorale de Poudlard, qui se réunissait les samedis à 16 heures sous la direction de leur professeur de Runes. Ils étaient parvenus à enrôler Lily, et d'après leurs dires, elle s'était révélée plutôt douée.

Lucy, pour sa part, n'appartenait à aucune association étudiante, mais militait activement pour l'ouverture d'un club de capoeira (1) au sein de l'Ecole.

Le mois d'octobre ne fut ponctué d'aucun drame notoire jusqu'à sa dernière semaine (si l'on exceptait les frasques des Maraudeurs, qui appartenaient depuis longtemps au domaine du quotidien.)

Le mercredi avant Halloween, cependant, tout Poudlard fut secoué par un évènement dont les Gryffondors de 5ème année furent les premiers témoins.

Leur matinée débutait par un double cours d'Histoire de la Magie. Comme la plupart des élèves, Lucy, Léna, Lily et Art étaient arrivés en avance en classe. Ils disposaient encore de quelques minutes avant que le professeur ne fasse son entrée, et deux rangs derrière eux, James et Sirius avaient entrepris une bataille rangée face à un groupe de Serpentards, qui prenait toujours place de l'autre côté de l'allée centrale. Les trois filles les observaient d'un œil distrait en discutant du sujet de la dernière dissertation faite en classe ; Lily faisait de son mieux pour ignorer les deux garçons, Lucy riait volontiers de leurs facéties, et Léna devait sans doute faire mine de les encourager pour mieux loucher du côté de Lupin qui, en bout de travée, demeurait impassible, les yeux rivés sur un bouquin.

A un moment donné, Lucy se tourna vers le tableau pour suivre du regard une boulette de papier égarée, et laissa échapper un hurlement strident qui plongea toute la salle dans un silence absolu.

Le fantôme du professeur Binns venait de traverser le mur qui faisait face aux élèves.

Durant un instant, tous les étudiants, tant Gryffondors que Serpentards, demeurèrent muets.

-Très bien, ânonna la voix toujours faiblarde de Binns, je suis heureux de voir que j'aurai fini par vous inculquer un minimum de discipline…

Des murmures se mirent aussitôt à courir parmi les travées.

-Nom de Dieu, lâcha Art en se laissant choir sur son banc.

-Mais c'est pas vrai, balbutia Léna… Il est… Oh, bordel.

Elle fut incapable d'ajouter quoi que ce fut d'autre.

Les idées se bousculaient entre les couettes de Lucy, qui se remettait à peine de la frayeur causée par l'irruption du spectre. Elle sentit des doigts se resserrer sur sa main tremblante ; elle leva les yeux vers Lily, puisque c'était elle qui avait eu ce geste rassurant. Bizarrement, la nouvelle semblait moins ébranlée que les autres par la mort subite de leur prof d'Histoire.

-Plutôt glauque, hein ? chuchota la rouquine, qui ne manifestait pourtant pas de réelle surprise.

-Bien, bien, continua Binns d'un ton monocorde, comme si de rien n'était. Continuons, voulez-vous ? Je vous rends aujourd'hui les compositions que vous avez produites lors du devoir sur table de mercredi dernier ; je vous rappelle que le sujet était « La soumission des Golems de Judée par les Sorciers-Templiers du XI ème siècle »… Les copies sont classées par ordre de…

Mais ils ne surent jamais dans quel ordre étaient classées les copies : en prononçant ces mots, Binns avait amorcé un geste pour ouvrir le tiroir de son bureau, et s'était aperçu que sa main à présent immatérielle ne pouvait en saisir la poignée. Naïvement, le fantôme répéta son geste deux ou trois fois, avant de se rendre à l'évidence : tous ses efforts étaient vains. Dans la classe, le brouhaha redoubla. Sans se démonter, mais l'air vaguement inquiet, le spectre désigna Artus.

-Euh, vous, là, Stevenson, vous voulez bien…

-Je m'appelle Stetson, coupa Art en se levant vivement, avant de couvrir la distance qui le séparait du bureau.

Il ouvrit le tiroir et en tira une liasse de parchemins. L'ectoplasme de Binns fit mine de se pencher par-dessus son épaule pour vérifier qu'il s'agissait des bonnes copies, et le garçon, qui reculait au même moment, grimaça en traversant son professeur. Il se précipita à bas de l'estrade et distribua fébrilement les dissertations sous les œillades compatissantes des Gryffondors et les huées des Serpentards.

-Comment il va faire, maintenant, pour corriger nos devoirs ? s'inquiéta Lucy à l'oreille de Léna.

-Parce que tu crois qu'il va continuer à enseigner ? Enfin, Lu', c'est complètement démentiel ! Il va forcément se faire remplacer…

Binns, cependant, ne semblait pas du tout disposé à passer le flambeau ; il avait commencé à réciter sa correction sans prêter attention à l'agitation ambiante.

-Ca, c'est trop fort, pesta Léna sans prendre la peine de baisser le ton. Il faut absolument faire quelque chose !

Essayant de garder son calme, elle se leva, enjamba son banc et alla rejoindre Remus. Elle lui posa une question que Lucy n'entendit pas ; le préfet sembla hésiter un instant puis approuva. A son tour, il se leva résolument et tous deux quittèrent la salle de classe, sous les regards curieux de leurs congénères, mais sans susciter la moindre réaction de la part de Binns.


Léna et Remus empruntèrent le chemin du bureau de Dumbledore ; il leur fallait pour cela traverser la moitié de l'école. La jeune fille était complètement retournée par la révélation sans préavis de la mort de Binns. Prévenir son oncle lui semblait la première chose à faire, mais en usant de son titre de préfète plutôt que de mettre en avant sa lointaine parenté avec le Directeur : elle avait donc demandé à son homologue masculin de l'accompagner.

-Ca va ? interrogea Remus dans un murmure, comme s'ils avaient été en présence du cadavre-même de leur défunt professeur.

Léna devina qu'elle devait être plus pâle encore qu'à l'ordinaire.

-Ca va aller, répondit-elle avec une détermination qui sonnait faux. J'ai juste été… un peu surprise.

-Eh, Kyrdys !

Au bout du couloir qu'ils venaient de longer, la porte de la salle de classe avait claqué derechef, et les deux préfets de Serpentards s'étaient lancés sur leurs talons. C'était Circé Croupton, une blonde horripilante, qui venait d'interpeller Léna sans ménagement. Snape, son confrère, les toisait avec un mépris non dissimulé.

-'Cavalez donc pas si vite, les Gryffondors (dans la bouche de Circé, le nom de leur maison résonnait comme une insulte, et était assaisonné d'une gerbe de postillons). 'Croyez pas que vous allez encore vous attribuer tout le mérite ?

-De quel mérite tu parles ? rétorqua Lupin avec un froncement de nez. C'est pas la course aux œufs de Pâques ! On part pas en pique-nique ! Nous allons informer le Directeur de… de la mort d'un professeur !

Il avait fait un effort visible pour sortir ces derniers mots.

-Ouais, lâcha Snape. Prêt à tout pour être le premier à annoncer une bonne nouvelle, hein, Lupin ? Pour profiter un peu de la gloire de l'exclusivité ?

-Comment peux-tu être aussi immonde ? fit Remus avec une froideur qui dissimulait de plus en plus difficilement son courroux.

-C'est ça, railla Snape, joue donc ton numéro de brave petit Gryffondor hypocrite, on sait bien que vous n'en pensez pas moins… Comme si on pouvait ne pas se réjouir de la mort d'un tel incapable…

Remus avait à présent des difficultés manifestes pour garder son sang froid.

-Qu'est-ce qui t'arrive, Lupin ? poursuivit le Serpentard en serrant sa baguette à s'en blanchir les phalanges. Tu es plus prompt à dégainer à l'ordinaire… Tu as peur de te ridiculiser devant Kyrdys, ou de ne pas faire le poids si tu n'as pas tes abrutis de copains en renfort ? Remarque, les deux doivent être liés…

-Tu ferais mieux de la fermer, espèce de…

-Mais arrêtez, bordel !

Léna avait hurlé, et des sanglots se mêlaient à l'hystérie de sa voix.

-Merde, Binns est mort, alors arrêtez deux minutes !

Elle agrippa le bras de son ami pour l'entraîner avec elle.

-Ne laisse pas ce… ce Serpentard te provoquer… Tu vaux mieux que ça, Remus !

L'adolescente fulminait. Ses joues la brûlaient, et elle essuya une larme d'un revers rageur, lâchant du même coup le bras de Lupin.

Après avoir parcouru une infinité de corridors et d'escaliers dans un silence tendu, tous quatre parvinrent à la gargouille qui montait la garde devant le bureau de Dumbledore.

-Bon, Kyrdys, mot de passe, fit Circé Croupton en claquant dans ses doigts.

-Qu'est-ce qui te fait croire que je le connais ? questionna Léna avec défi. (malgré toute sa bonne volonté, elle aussi était à un cheveu de perdre son calme face aux allures bravache des Serpentards).

-Ah, joue pas à ça avec moi, dit Circé avec impatience. Tu peux prendre tous les airs modestes que tu voudras, c'est un secret pour personne ici que t'es de la famille du patron. Alors, balance.

-Je n'en sais rien, affirma Léna.

Elle se sentait au bord de la crise de nerfs, et les tressautements de son intonation la trahissaient.

-Fais pas chier !

-Je te dis que j'en sais rien ! répéta-t-elle d'une voix stridente, avant de fondre en larmes.

La petite Française était incapable de réprimer plus longtemps la bouffée d'angoisse qui l'avait submergée au moment où le fantôme de Binns avait fait son apparition.

Elle sentit confusément Remus la saisir par l'épaule et lui prendre la main pour l'aider à s'asseoir sur le socle de pierre de la gargouille. La jeune fille resserra compulsivement les doigts sur ceux de Lupin ; tout son corps était agité de soubresauts incontrôlables.

-Ca va aller, Léna, murmura Remus près de son oreille. Ca va aller…

Plus que tout, en cet instant, elle aurait voulu qu'il la prenne dans ses bras. Il l'avait fait une fois par le passé, une unique fois, juste avant leur entrée en quatrième année. C'était aux obsèques d'un Serdaigle de leur âge dont la famille avait été décimée par des Mangemorts ; elle avait été prise des mêmes pleurs hystériques qu'en ce moment-même, et il l'avait serrée contre lui en lui chuchotant des paroles réconfortantes.

Ils n'avaient plus jamais évoqué cet épisode par la suite.

Cette fois-ci, rien de la sorte ne se produisit. Peut-être Remus l'aurait-il prise dans ses bras si Severus et Circé n'avaient pas été présents...

-Arrête ton cirque, Kyrdys, cracha cette dernière au bout d'un moment. Tu comptes t'évanouir pour finir en beauté ? Peut-être qu'il va te sortir un nouveau dragon… Pourquoi pas sur le…

-Ta gueule, Croupton ! coupa Lupin avec hargne. Tu crois que c'est le moment ? Vous allez l'emmerder encore longtemps avec cette histoire vieille de quatre ans ? Tous autant que vous êtes, vous n'êtes même pas foutus de comprendre qu'elle a plus de courage et de mérite que vous n'en aurez jam…

-Que se passe-t-il, ici ? intervint la voix douce de Dumbledore, qui avait surgi au détour d'un couloir.

Lorsqu'il eut aperçu sa nièce (2), sa curiosité parut se muer en inquiétude.

-Léna ? Léna, que t'arrive-t-il ?

-Oncle Albus… gémit l'adolescente d'une toute petite voix.

En cet instant, elle ne se souciait plus de dissimuler la complicité qu'elle avait avec son lointain parent.

-Jeunes gens, dit Dumbledore aux trois autres avec un calme sans faille, j'attends des explications.

Les préfets de Serpentard se consultèrent d'un coup d'œil, puis Snape déclara avec une ironie à peine dissimulée :

-Demandez-lui donc, à lui.

-Monsieur Lupin, enfin, de quoi s'agit-il ?

A travers ses larmes, le regard de Léna rencontra celui de Remus, qui était toujours accroupi auprès d'elle; le Gryffondor se releva pour faire face au vieux sorcier.

-Monsieur le Directeur, annonça-t-il solennellement, nous voulions vous avertir sans délai… le professeur Binns est décédé.


Sur la demande de Dumbledore, Remus conduisit Léna à l'infirmerie, où Mme Pomfrey lui fit avaler une grande cuillérée de Potion Dénouenerfs.

L'adolescente revint en cours l'après-midi même, pour la classe de Divination. Comme elle était encore très ébranlée par son nervous break-down, le Marabout Luther jugea préférable de ne lui demander aucune prédiction ; ce fut Lily qui lui tira les cartes, sans parvenir à faire dire grand chose à son tarot de Marseille. Léna se sentait frustrée, elle savait que l'épisode du matin avait exacerbé ses sensations, y compris la perception de son Troisième Œil, mais un picotement persistant sur sa nuque lui rappela que mieux valait ne pas tenter le diable.

Le soir, au dîner, Dumbledore annonça à l'ensemble des étudiants qu'ils seraient tous exemptés de cours le lendemain, afin de rendre un dernier hommage à leur professeur d'Histoire de la Magie. Malgré cette précision, de nombreux élèves eurent du mal à cacher leur joie : Halloween tombait jeudi, le surlendemain, qui était par conséquent férié, tout comme le vendredi 1er novembre, pour la Toussaint (3). Ainsi, en ce mardi soir, ils étaient d'ores et déjà en week-end.

-Ch'est formidable ! s'extasia James, qui avait la bouche pleine de patates au moment où Dumbledore avait fait sa proclamation.

Après avoir dégluti bruyamment, il poursuivit :

-Ca nous laisse trois jours d'entraînement de Quidditch intensif, juste avant le match de samedi ! Les enfants, on va démarrer la saison en beauté !

-N'y compte pas trop, remarqua Léna d'une voix encore vacillante, mais teintée d'humour.

-Et pourquoi donc, ma chère ?

-Parce que, mon tout petit Jimmy, nous allons passer le plus clair de la journée de demain à « rendre hommage » à Tort… au professeur Binns. Une sortie à Pré-au-Lard est programmée pour le jour d'Halloween… Et vendredi, nous serons tous plongés dans une léthargie bienheureuse, l'estomac plein de sucreries… pour ceux qui ne se coltineront pas une franche indigestion…

-Eh, me regarde pas comme ça, protesta Peter. J'ai juré de ne pas faire d'excès, cette année, et en plus je joue pas au Quidditch.

-Bah, fit James… On s'arrangera bien pour se caser une ou deux séances supplémentaires… Tiens, qu'est-ce que vous faites ce soir ?

-James, Léna n'est pas du tout en état de voler ce soir, intervint Art en passant un bras protecteur autour des épaules de la jeune fille. Direct après manger, je la couche, je la borde, je lui chante une berceuse et bonne nuit les petits.

Un horrible crissement de couverts contre le fond d'une assiette retentit et les fit grimacer.

-Désolé, marmonna Remus d'un air absent.


Ginny se réveilla de bonne heure le lendemain matin, mais comme ses amies dormaient encore, elle en profita pour traîner au lit. Cette journée banalisée tombait très bien, d'autant plus qu'elle ne se sentait pas particulièrement encline à pleurer quelqu'un qu'elle avait beaucoup mieux connu en tant que fantôme que de son vivant.

L'ambiance de l'école n'était pas vraiment rose, cependant. D'après ce qu'elle avait compris la veille, Léna avait failli faire un malaise en allant prévenir Dumbledore…

Lucy avait allusivement laissé échapper que Léna était toujours fragile et ultrasensible à la période d'Halloween. Pourquoi, mystère… Et la jeune Weasley ne pouvait décemment pas demander les détails de l'incident à Lupin. Depuis qu'elle avait pris sa décision, près de deux mois auparavant, elle n'avait plus adressé la parole aux Maraudeurs qu'en cas d'extrême nécessité, et toujours avec une grande froideur. Malgré leur insistance pour gagner son amitié, elle avait tenu bon, si difficile que ce fût. Bien entendu, Sirius était très drôle, et elle aurait aimé mieux connaître son futur professeur de DCFM. Mais celui qui l'attirait le plus, bien entendu, était celui-là même qui lui servait de prétexte pour éviter le quatuor. James n'avait pas renoncé à la séduire après sa première dérobade, mais il avait essuyé refus sur refus. Quant à Peter, il ne comptait pas, ce n'était pas comme si elle avait jamais eu l'intention de lui témoigner une quelconque marque de sympathie.

Ginny ressassa ces pensées douloureuses jusqu'au réveil de Lucy. Celle-ci, comme elle ne s'était pas aperçue que « Lily » avait les yeux grand ouverts, gagna la salle de bain sur la pointe des pieds ; la jeune Weasley la rejoignit.

-Salut, Lily ! fit la blonde à mi-voix. Je t'ai pas réveillée, j'espère…

-Non, pas de problème, mes propres démons s'en sont chargés.

Lucy fronça les sourcils devant l'amertume de son amie, et Ginny eut un sourire pour la rassurer.

-T'inquiète pas, va, je broie juste un peu de noir, mais je suis pas au bord du suicide.

-J'espère bien, la gronda gentiment la Gryffondor. Entre Léna et toi, je ne vais jamais m'en sortir…

-Pauvre Léna… J'espère qu'elle sera rétablie aujourd'hui.

-Ouais, elle avait vraiment mauvaise mine hier soir. Bah, normalement, ça devrait aller mieux après une bonne nuit de sommeil… Elle a été secouée par la mort de Binns, comme nous tous, mais manque de pot, il a fallu que ça tombe à cette époque de l'année.

Ginny saisit l'occasion pour tenter d'en savoir un peu plus.

-Mais, euh… dis-moi, c'est quoi exactement, le problème de Léna avec Halloween ?

-Oh, en fait, ça n'est pas directement lié à la fête d'Halloween, ni même à ce qu'elle connote, pour autant que je sache. C'est juste qu'il est arrivé, hem, un truc à Léna, quand on était en première année, pile à cette période.

-Ah…

-Ouais. Tu devrais lui demander, je suis sûre qu'elle te raconterait sans problème, elle a confiance en toi, et elle préfèrera le faire elle-même que de laisser des versions fantaisistes parvenir à tes oreilles. Je pourrais t'expliquer, bien sûr, mais ça me gêne un peu, de le faire comme ça, pendant qu'elle dort, j'aurais l'impression de comploter dans son dos… Tu comprends ?

Ginny acquiesça.

Les deux filles s'habillèrent rapidement, puis, comme l'estomac de Lucy gargouillait, elles décidèrent d'aller prendre leur petit déjeuner sans attendre.

-On va lui laisser un mot, suggéra la petite blonde.

Elle prit un carré de parchemin vierge sur lequel elle griffonna quelque chose à l'encre violette, et qu'elle déposa bien en évidence sur la table de chevet de Léna avant de disparaître dans l'escalier, Ginny a sa suite.

A onze heures du matin, tous les élèves se réunirent dans la Grande Salle, où les tables habituelles avaient disparu. Les membres de chaque Maison se tenaient en rangs serrés sous leurs bannières ; Ginny avait pris place aux côtés de Lucy. Devant elles, Art serrait doucement la main d'une Léna en meilleure forme, mais encore un peu remuée. Tous avaient sévèrement fermé leurs robes noires par-dessus leurs uniformes, et portaient leurs chapeaux pointus, que l'on ne sortait que pour les cérémonies officielles.

Debout derrière la table des professeurs, Dumbledore, vêtu d'une robe moirée couleur d'encre, s'éclaircit la gorge et prit la parole.

-Mes chers enfants, comme vous le savez déjà, un incident funeste est survenu hier dans notre belle école, puisque l'un de nos compagnons de route nous a quittés. Je parle bien sûr d'Ignatius Archimède Ichabod Binns, professeur, confrère, ami, qui…

Dumbledore s'interrompit brutalement, comme s'il avait avalé l'un de ses mots de travers.

Un murmure parcourut la foule, et un millier de chapeaux pointus se tournèrent vers le point que fixait le Directeur.

Le fantôme du professeur Binns avait traversé la grande porte à doubles battants, et remontait tranquillement l'allée centrale.

McGonnagal, qui se dressait à la droite d'Albus, fut la première à réagir.

-Ignatius, dit-elle, que… que pouvons nous faire pour vous ?

Le fantôme du professeur était aussi long à la détente que son avatar charnel. Il dévisagea la directrice de Gryffondor à travers les doubles-foyers de ses lunettes spectrales, avant de déclarer :

-Ah, Minerva, peut-être pourrez-vous éclairer ma lanterne… Figurez vous que j'attends depuis une demie-heure les élèves de mon premier cours de la journée, les 5ème année Gryffondor/Serpentard, mais ils semblent tous avoir oublié leur horaire… Etrange, me direz-vous, deux mois après la rentrée, enfin toujours est-il que…

-Ignatius, interrompit Dumbledore, les élèves sont là (il eut un ample geste du bras vers la salle pleine d'étudiants), mais…

Ni Ginny ni aucun autre élève ne put saisir le restant de leur conversation : Binns était arrivé devant la table des professeur, et s'entretenait à présent à voix basse avec eux.

Léna porta la main à son front.

-Dumbledore n'aurait jamais dû le laisser assurer les cours d'hier après-midi, dit-elle. Tortue a deux neurones opérationnels, il n'aura pas fait la différence, et maintenant il va vouloir continuer à enseigner, c'est garanti…

-Parle pas de malheur, geignit Sirius qui se trouvait près de leur groupe. Ca veut quand-même pas dire que les cours sont rétablis ?

-J'en sais rien… dit Art. Je sais même pas ce qu'ils avaient prévu pour cet après-midi… « Rendre hommage », c'est bien joli, mais on allait pas prier pour le salut de son âme non plus, on est pas des Moldus… Et maintenant que le défunt ne semble pas disposé à se taire et à nous laisser se le remémorer en silence, on est mal barrés…

Ils eurent la réponse à leurs interrogations presque dans l'immédiat.

-Vous pouvez disposer, dit Dumbledore de sa voix de stentor capable de dominer n'importe quel brouhaha. La journée demeure banalisée, je compte sur vous pour l'employer intelligemment.

Ils virent James partir en trombe pour mettre une option sur le terrain de Quidditch.

-Je plains ton oncle, dit Lucy à Léna comme les Gryffondors de 5ème année quittaient la Grande Salle. Il est pas sorti de l'auberge.


Passer l'après-midi à jouer au Quidditch fit plus de bien à Léna qu'elle ne l'aurait cru : l'air frais de cette fin d'octobre mua les derniers résidus de son malaise en une saine fatigue, et la nuit qui suivit elle sombra dans un sommeil réparateur, vide de tout cauchemar.

Le matin d'Halloween, elle se sentait en pleine forme pour une balade à Pré-au-Lard. Elle était même tout excitée à l'idée de faire découvrir le village à Lily. Lucy et Art partageaient son enthousiasme.

Ils lui firent faire le grand tour : Zonko, où ils croisèrent les Maraudeurs, Honeydukes, Derviche et Bang, le Grenier à Linge (la plus jolie boutique de vêtements de la bourgade, où les filles traînèrent Art de force et passèrent près d'une heure et demie), la librairie Tournefeuille, et la papeterie Beauxramages, qui était en liquidation et où Léna s'acheta une Plume à Papote à moitié prix, c'est-à-dire pour la modique somme de six Gallions.

Ils promirent à Lily de lui montrer la Cabane Hurlante, mais Art, dont l'estomac criait famine, convainquit ses amies de s'offrir auparavant un bon repas.

Il était une heure et demie de l'après-midi, et il n'y avait plus tellement de clients aux Trois Balais quand Mme Rosmerta déposa devant Léna une large assiette de bacon, d'œufs et de patates sautées. Art était attablé devant un appétissant pain de viande ; Lucy et Lily s'étaient rabattues sur des pommes de terre farcies dégoulinantes de fromage blanc aux fines herbes.

Comme ils bâfraient joyeusement, au détour de la conversation, Lucy déclara :

-Au fait, Léna… Notre amie Lily ici présente n'ose pas te le demander, mais je lui ai dit que tu pourrais peut-être lui expliquer… ce qui s'est passé il y a quatre ans.

Léna haussa un sourcil.

-Pourquoi ça ? interrogea-t-elle, la bouche pleine de bacon.

Lily s'empourpra.

-Oh, je me posais juste la question, mais si tu ne veux pas en parler, je…

-Non, je veux dire, pourquoi tu n'osais pas demander ? rectifia la Française après avoir dégluti. Je veux dire, on est amies, non ? Et puis, tu sais, c'est pas une affaire d'Etat…

-Léna évite de crier ça sur les toits, d'habitude, intervint Art. Elle a l'impression que les gens pensent qu'elle veut se mettre en avant, ou je ne sais trop quoi…

-C'est toujours mieux que la version des Serpentards, remarqua Lucy.

-C'est certain. Alors, voyons voir, par où commencer ?

Léna prit un temps pour trouver ses mots.

-Tu te rappelles que le jour où on s'est rencontrées, dans le Poudlard Express, je t'ai dit qu'à mon arrivée à l'école en première année, je ne parlais pas un traître mot d'anglais ?

Lily approuva.

-Oui, tu m'avais expliqué que tu avais un père Moldu et une mère Cracmol.

-Exactement. Je suis une Kyrdys par ma mère, qui avait elle-même pour mère Andréa Kyrdys, descendante directe de Merlin. Celle-ci est morte quand maman était très jeune, et mon grand-père, un Moldu tyrannique, a repoussé tout ce qui avait trait à la Magie. Cependant, le frère de ma mère avait hérité des pouvoirs de sa lignée, et lorsqu'il a été en âge d'intégrer une Ecole de Magie, Dumbledore a contraint mon grand-père à envoyer son fils à Poudlard, comme le veut la tradition dans notre famille. Les premiers temps, mon grand-père a eu peur et s'est plié à la volonté de Dumbledore, mais une année, il a refusé que son fils retourne à Poudlard, et mon oncle est mort.

Léna ne donna pas de précision mais Lily frissonna.

-Par la suite, ma mère n'a plus eu aucun contact avec le monde magique, je ne sais même pas si elle y croyait vraiment. Elle a épousé un Moldu, mon père, et ils m'ont eue.

« L'été juste avant mes onze ans, McGonnagal, qui avait fait sa scolarité avec Andréa, est venue en personne trouver mes parents. Elle leur a expliqué que malgré leur absence de pouvoirs à tous les deux, j'étais une sorcière, inscrite depuis ma naissance sur les registres de Poudlard en dépit de ma nationalité française, puisque j'appartenais à l'une des plus anciennes familles de mages britanniques. Quand j'ai débarqué ici, je traînais donc un double handicap : non seulement je ne connaissais rien de la Magie, mais en outre je ne parlais absolument pas l'anglais, comme tu sais déjà.

« Les premières semaines ont été difficiles, j'ai passé des nuits entières à pleurer en me demandant quelle folie m'avait poussée à accepter de venir ici. Malgré l'aide de Art, le seul élève francophone de Poudlard, je n'arrivais pas à suivre les cours, et encore moins à faire mes devoirs ou à réussir un contrôle. Ca a duré deux mois.

-Ca a dû être une expérience très pénible… dit Lily.

-C'est rien de le dire, approuva Art, d'autant plus qu'elle avait un nom célèbre et que les gens s'attendaient à ce qu'elle s'en sorte mieux que quiconque. Pauvre petite chouette...

-Quoiqu'il en soit, poursuivit Léna, tout a changé brusquement. Le 30 octobre, pendant un interclasse, je me suis…

-…évanouie, compléta Lucy.

-Elle nous a foutu une sacré trouille, ajouta Artus.

-Je suis restée sans connaissance pendant à peu près six heures. L'explication, je ne l'ai eue qu'après, c'est Albus, enfin, Dumbledore, qui m'a raconté. En fait, il s'agissait de la date de mort de mon oncle ; ce jour là, quelques vingt ans auparavant, le pouvoir des Kyrdys s'était éteint avec lui. Seulement, ce Don ne peut disparaître complètement. C'est moi qui suis devenue la nouvelle héritière de Merlin… A cause de mon sang, bien sûr, mais comme je n'étais pas une descendante directe du dernier Kyrdys qui avait détenu cette force, le Dragon ne s'était pas développé en moi petit à petit, il s'est emparé de mon corps brusquement, sans préavis… Ce qui n'était pas spécialement agréable.

-Le Dragon ? interrogea Lily.

-C'est le nom ancestral du pouvoir de l'Enchanteur (4).

-Oh… est c'est à ce moment là qu'est apparu…

-Oui, exactement.

Léna massa machinalement sa nuque, où était apposé le tatouage d'un petit dragon vert (5).

-C'est la marque des Kyrdys, ceux qui ont hérité de ce pouvoir, du moins. Il y en a un a chaque génération. Normalement, son hôte le possède dès sa naissance. Pas moi. Le Dragon a éclos en moi d'un seul coup, et en me réveillant, ce soir là, j'avais acquis toutes les facultés de mon ancêtre. Par exemple, je parlais d'un seul coup l'anglais couramment, comme deux ou trois autres langues ; je n'avais plus besoin de lunettes, je disposais même du Troisième Œil…

-C'est ce que ne supportent pas les Serpentards, intervint Lucy. Ils avaient fait de Léna leur souffre-douleur, et du jour au lendemain, elle les a tous supplantés, parce qu'elle était capable de réussir un Sortilège du premier coup et qu'elle ne s'est plus laissée faire… Ces imbéciles sont verts de jalousie, incapables de voir le revers le la médaille…

-C'est à dire ?

-Migraines tenaces, cauchemars récurrents, vertiges, malaises, crises de larmes ou d'angoisse, et peu d'affinités avec la période d'Halloween, énuméra Art. Le pouvoir de l'Enchanteur est un fardeau quand on est à peine plus qu'une petite fille.

-Mais t'en fait pas, la rassura Léna, à part ces deux trois petits détails, je suis normale ! Bon, on va la voir, la Cabane Hurlante, ou on attend Noël ?


Le festin d'Halloween était aussi fastueux qu'à l'accoutumée, et Remus se félicitait de ne pas s'être gavé de friandises toute la journée comme Peter. James et Sirius, également rassasiés, avaient entrepris une bataille de Dragées Surprise. James gigotait comme un taré, afin d'être toujours bien en vue de Lily Evans. Comme toujours, la rouquine l'ignorait royalement ; un peu plus loin à la table des Gryffondors, elle discutait avec Léna et Lucy. Bizarrement, Stetson était absent, ce qui n'était pas pour déplaire à Lupin. Il supportait de moins ce grand blond au visage angélique qui avait la manie de prendre négligemment Léna par la main ou par les épaules…

Léna… Elle avait l'air en forme, et c'était pour Remus une raison supplémentaire de se réjouir. Il se remémora les doigts de la jeune fille crispés sur les siens, le mardi précédent. Il s'en voulait un peu d'avoir trouvé agréable un moment aussi critique, tout en se reprochant de ne pas avoir su se montrer d'un plus grand réconfort. S'il s'était écouté, il aurait pris la préfète dans ses bras ce matin-là, et l'aurait serrée de toutes ses forces, mais c'eût été insolite et ridicule, elle n'aurait pas compris… Pourtant, ils avaient déjà connu une telle proximité par le passé. A l'enterrement de Stuart Idle, elle avait pleuré sur son épaule. Remus se doutait que c'était le fruit du hasard si elle s'était retrouvée dans ses bras à lui ; habituellement, elle n'avait ce genre de rapprochement qu'avec Artus Stetson. En l'absence de ce dernier, c'était à lui qu'était revenu le rôle de consolateur.

Il y avait eu une autre fois, plus ancienne encore, alors qu'ils étaient en première année : précisément le jour où Léna, encore petite fille, avait perdu connaissance. Quatre ans auparavant, quasiment jour pour jour. Les Gryffondors étaient en rangs devant la salle de DCFM ; elle avait chancelé un instant et s'était écroulée comme une masse sur les dalles de pierre. Stetson (déjà lui !) était tombé à genoux près d'elle, avait passé une main sous sa nuque et l'autre au niveau de ses genoux. Il avait demandé de l'aide, Remus le premier s'était approché. Face à Stetson, il l'avait aidé à la soulever, et les deux garçons l'avaient portée à Mme Pomfrey.

Lupin était retourné à l'infirmerie ce soir-là ; c'était la pleine lune, sa deuxième à Poudlard. Comme Mme Pomfrey s'attardait à donner des soins à quelqu'un d'autre, il s'était approché du lit de la petite fille. Son cou était ceint d'un bandage, et elle respirait avec peine ; elle ne dormait plus, cependant, et l'avait regardé à travers ses paupières mi-closes.

-T'inquiète pas, Léna, avait-il chuchoté. Tu vas aller mieux bientôt, tu vas voir.

Il s'était trouvé idiot, sur le coup : elle ne parlait même pas sa langue… Mais la bouche de la jeune fille s'était arquée en un sourire à peine perceptible, et elle avait dit dans un souffle :

-Remus… Je te comprends, tu sais…

Il n'avait pas eu le temps de répondre ; Pomfrey avait surgi à cet instant et l'avait mené au Saule Cogneur.

Léna n'avait reparu que le lendemain soir, au moment du festin d'Halloween. Lupin se rappellerait toujours sa minuscule silhouette, si frêle dans l'embrasure de la porte à doubles battants, et le sourire tranquille avec lequel elle avait répondu en anglais aux questions des Gryffondors.

Quatre ans déjà… A présent, Léna était une adolescente joyeuse et épanouie. Il l'observait discrètement –du moins, espérait-il, plus discrètement que James n'épiait Lily. Entre deux bouchées de vacherin au chocolat, la petite Française expliquait à Lucy pourquoi la blague d' Œdipe qui va dans un bar était drôle.

-Hey, Evans ! interpella James par-dessus la tête de Remus. Tu connais l'histoire du gnome unijambiste?

Lily lui accorda à peine un regard, puis se tourna derechef vers ses amies.

-Je vais voir ou est passé Art, dit-elle. Ca serait dommage qu'il rate complètement le festin.

Etrangement, Lupin n'était pas de cet avis.

-Prongs, remarqua Sirius, honnêtement, je ne comprends pas pourquoi tu t'accroches à cette fille avec obstination… Tu ne connais pas le sens du mot « non » ?

-Si, mais je préfère me référer à un vieil adage troll…

-Qui est ?

-« Dans le doute, frappe encore ».


Ginny n'était pas vraiment inquiète ; tel qu'elle connaissait Art, il s'était sans doute endormi en rentrant de Pré-au-Lard, repus après avoir dévalisé la moitié des stocks de Honeydukes. Elle ne le trouva pas dans son dortoir, cependant. La seule chose qui retint son intention était un parchemin où les mots « Lily Evans » avaient été inscrits plusieurs fois, entre des croquis de Vifs d'Or. Son cœur de serra, et elle répéta deux ou trois fois pour elle-même, comme une litanie : « James Potter est un toquard ».

Elle redescendit dans la Salle Commune, mais son ami ne s'était assoupi dans aucun fauteuil, pas même l'un de ceux enfouis dans l'ombre d'un recoin.

Ginny quitta la Tour de Gryffondor, direction la bibliothèque. Comme elle traversait un corridor du troisième étage, un son étrange attira son attention : le sifflement d'une respiration saccadée, laborieuse. Soudain inquiète, la rouquine se laissa guider jusqu'à une statue de Barbak le Galeux. Elle découvrit nul autre qu'Artus Stetson, recroquevillé dans l'angle formé par le piédestal contre le mur de pierre, mais un Artus méconnaissable, la figure tuméfiée, un œil poché, l'arcade sourcilière ouverte, le nez ensanglanté. A en juger par sa position prostrée, il n'avait pas reçu de coups seulement au visage.

Ginny tomba à genoux près de son ami, des larmes plein les yeux. Elle voulut lui toucher l'épaule mais le garçon eut un sursaut, et elle recula vivement sa main.

-Art, lâcha-t-elle dans un sanglot, mon dieu, Art, qu'est ce qui s'est passé ?

Le grand blond eut un sourire grimaçant.

-Oh, rien, juste une petite… conversation amicale…

Sa voix était éraillée, mais étonnamment calme.

-Au nom de Merlin, Art, qui t'a fait ça ?

-Oh, je n'ai pas eu le temps de voir les détails… Ils me sont tombé dessus à l'improviste, tout une clique de braves petits Serpentards… Je crois qu'il y avait Dolohov dans le lot… Peut-être Rosier, aussi, j'ai reconnu son rire. Enfin, ils n'ont pas l'habitude de faire les présentations, ils cognent direct.

-Mais… mais…

La voix de Ginny était agitée de trémolos.

-Mais pourquoi ? Qu'est ce que tu leur as fait ?

-Oh, rien de précis…(Art fut agité d'une quinte de toux, puis repris) Ils agissent plutôt pour l'amour de l'art, j'imagine(6). D'après eux, pas besoin d'une raison particulière pour en foutre plein la gueule d'une petite pédale de Gryffondor…

-C'est répugnant ! s'insurgea Ginny. Comment peut-on inventer des mensonges aussi mesquins et gratuits !

-Lily…

Artus toussa à nouveau.

-Le fait est qu'il n'ont pas tort… Je suis effectivement une petite pédale de Gryffondor…

-Tu es… quoi ?

-Eh bien… gay. Un homosexuel, quoi, un inverti, pour le dire poliment. Tu… tu ne t'en doutais pas ?

-Euh, non je… (La fin de sa phrase mourut dans sa gorge).

-Je suis désolé, dit Art très doucement, entre deux inspirations chuintantes. Je… je ne voulais pas te choquer…

-Non, non, je ne suis pas… choquée… Ca ne me pose aucun problème, mais je ne pensais pas qu'on abordait le sujet aussi librement en…

Ne dis pas en1975, idiote !

-…en Grande Bretagne ? acheva Stetson.

-Voilà.

-Pas vraiment, en fait. Ces types en sont la preuve. Mais Lucy et Léna sont au courant et elles le prennent très bien. Je leur dois beaucoup, à toutes les deux… On ne doit pas non plus se vanter de ce genre de choses en Afrique du Sud, j'imagine ?

-Euh… non, en fait, mais je te l'ai dit, c'est OK pour moi, et… par Merlin, Art, je ne peux pas croire que je suis en train d'avoir cette conversation avec toi dans un moment pareil ! Non mais regarde dans quel état ils t'ont mis ! Viens, je t'emmène à l'infirmerie !

-Non, pas question… Je vais remonter dans mon dortoir ; d'ici deux jours, il n'y paraîtra plus…

-Artus David Wolfgang Stetson, tu es totalement inconscient ! Je t'emmène voir Pomfrey, c'est non-négociable.

Ginny soutint le garçon pour l'aider à se relever et à gagner l'infirmerie ; il était salement amoché.

Lorsqu'elle l'eut confié aux bons soins de Pomfrey, et que l'infirmière l'eut mise à la porte, la jeune Weasley rejoignit précipitamment la Grande Salle où le festin s'achevait. Elle prit Léna et Lucy à part pour les mettre au courant de la situation.

-Ils ne s'en tireront pas comme ça ! s'exclama une Lucy fulminante lorsque la rouquine leur eut expliqué de quoi il retournait.

-Mesdemoiselles, déclara Léna d'un air sombre, partantes pour une petite expédition punitive ?


(1)Art martial brésilien.

(2)Plus précisément son arrière arrière arrière petite-nièce, mais ça plombait un peu le récit, vous ne trouvez pas ?

(3)Je ne sais pas si le 1er novembre est effectivement férié en Angleterre, et pour le 31 octobre je suis quasi sûre que non, mais c'est toujours plus logique que de faire tomber Halloween un samedi tous les ans, comme JKR…

(4)Quant à cela, ce n'est pas moi qui l'invente… Dans les vieux récits du cycle Arthurien, Merlin avait effectivement le pouvoir d'invoquer le Dragon, c'est-à-dire l'esprit de la terre (plus ou moins l'équivalent de la Gaïa gréco-romaine, me semble-t-il…) Mais ici, le Dragon peut aussi bien désigner quelque chose qui se rapprocherait de la Force dans Star Wars, du laran dans les Chroniques de Ténébreuse de Marion Zimmer-Bradley, du pouvoir de Kwizatz Haderach dans Dune de Frank Herbert…

(5)Là par contre, c'est de l'auto-plagiat total.

(6)J'ai même pas fait exprès pour le jeu de mots ! C'est en me relisant que je me rends compte du rapprochement Art/art… En plus en anglais les deux se prononcent de la même manière… Mes personnages sont plus spirituels que moi, ça devient inquiétant.

Voilà pour aujourd'hui… J'espère que je n'ai traumatisé personne… La suite au prochain épisode !

Léna Léonyde, pour vous servir (dans la limite des stocks disponibles).