Salut tout le monde! Me revoilà après une longue et intolérable absence. Mais je ne reviens pas les mains vides! le Père NOËL vous offre un nouveau chapitre tout neuf, tout frais, juste sorti du four!

Bisous à tous mes lecteurs (enfin s' il y en a!) et bonne année!!! Je vous souhaite plein de bonnes choses, et bonne lecture!

PS: Pas d'abus d'alcool!

Chapitre 4: Retrouvailles sur l'île de la Muerta

Jack ouvrit les yeux en baillant. Il s'assit et bailla à nouveau. Il avait passé une nuit particulièrement reposante, ce qui était plutôt rare lorsqu'il restait sur Tortuga. Il essaya de se rappeler quand Fiona l'avait quitté mais il y avait comme un trou noir à partir du moment où elle s'était mise à pleurer. Il fronça les sourcils. Il n'avait pourtant presque pas bu hier soir à part l'excellent vin français qu'avait apporté son invitée. Son regard ensommeillé se posa alors sur un parchemin qui traînait sur son bureau.

- Merci encore pour tout, Jack. Et ne t'inquiète pas pour ton trésor. Celui que je vais chercher ne t'appauvrira en rien, tu ne remarqueras même pas que quelque chose a disparu. Je ne te remercierai jamais assez pour ta générosité mais sache qu'elle m'aura permis de rencontrer mon destin. Adieu, Fiona Hawkins, lut-il à haute voix.

Son sang ne fit qu'un tour et il comprit vite la ruse malgré sa surpise et sa perplexité. Il s'était attendu à tout sauf à ça. Cette femme l'avait dupé et séduit juste pour le voler. Ou du moins elle avait essayé. Car le capitaine Jack Sparrow n'entendait pas se faire dépouiller de son trésor comme ça. Une bouffé de haine se répandit en lui. L'Oiseau de Feu et son équipage ne devaient pas quitter l'île de la Muerta. Il sortit de sa cabine comme une furie et hurla à l'équipage d'appareiller sur-le-champ pour l'île de la Muerta. Gibbs s'étonna du ton soudain mauvais du capitaine mais n'osa pas poser de questions. Jack se positionna fermement à la barre. Il ne savait pas comment elle avait fait pour abuser de lui et obtenir les coordonnées de l'île mais il se promit de se venger coûte que coûte. L'Oiseau de Feu avait beau être le navire le plus rapide de la flotte royale française, il ne battrait jamais le Black Pearl, ça il en était sûr et il pouvait compter sur cet avantage pour le rattraper à temps.

Durant la journée, il se calma un peu et Gibbs en profita pour venir lui parler.

- Hey, Jack, quelle mouche t'as piqué? On a l'impression que t'es pas dans ton état normal.

- En effet, oui. Et c'est pas une impression.

- Qu'est-ce qui se passe?

- Disons que j'ai enfin trouvé quelqu'un à la hauteur de la perfidie de Barbossa.

- Qui donc?

- Mademoiselle Hawkins, répondit Jack d'une voix glaciale qui se voulait ironique.

Gibbs frissonna en entendant son capitaine prononcer ce nom d'un ton si dur qu'il ne lui connaissait pas.

- Mais... euh... Jack... qu'est-ce qu'elle t'a fait pour te mettre autant en rogne?

- Elle va voler mon trésor.

- Quoi?

- Elle m'a fait avouer les coordonnées de la Muerta je ne sais comment, et maintenant elle compte me prendre mon butin. Mais pas d'inquiétude, Gibbs. Je l'en empêcherai et la tuerai moi-même.

- Ah, la sale garce! s'exclama Gibbs en frappant du poing sur le gouvernail. On est tous avec toi, Jack! Elle va payer, crois-moi! Je le savais ça, ne jamais faire confiance aux femmes, elles sont les pires traîtres qu'un homme puisse rencontrer vu qu'elles seules ont le pouvoir de jouer sur notre faiblesse, grogna Gibbs en s'éloignant.

Deux jours plus tard, en fin de nuit, Jack se redressa sur son gouvernail et sourit pour la première fois depuis le départ. L'île de la Muerta se dressait, solitaire, à quelques encablures et on distinguait clairement un navire amarré devant la grotte secrète. Il fit signe à un matelot de jeter l'ancre sans détourner son regard teinté de vengeance de l'île. Puis, enfin, il se tourna vers son équipage.

- Messieurs...

Ana Maria se râcla la gorge.

- Messieurs... et madame, mon trésor réclame de l'aide, je dois le sauver d'une immonde traîtresse. Qui m'aidera dans ma tâche?

Aussitôt, pratiquement toutes les mains se levèrent.

- Merci, mais je n'ai besoin que d'une vingtaine de compagnons pour m'épauler. Nous allons massacrer ces voleurs jusqu'au dernier. Ou plutôt ces voleuses. Il ne s'agit que d'une petite embuscade de routine. Et lorsque ce sera fait, ce magnifique bâtiment que vous voyez là nous appartiendra. Et je pourrai créer ma flotte personnelle. Bien, j'en veux vingt avec moi, les autres, restez et préparez-vous à piller ce navire. Mais... seulement quand je serai revenu, c'est bien compris?

L'équipage acquiesça et se divisa en deux. Jack et son groupe mirent à l'eau quelques chaloupes et glissèrent doucement jusqu'à la grotte. En passant devant l'Oiseau de Feu, Gibbs aurait juré avoir aperçu un mouvement d'ailes noires reflété par la lune mais en voyant son capitaine aussi concentré, il ne le fit pas remarquer et se contenta d'apprécier la constitution de ce navire pour le moins exceptionnel même si les torches allumées ne l'éclairaient que faiblement.

L'équipage de Fiona s'était éparpillé un peu partout, et par petits groupes de deux ou trois fouillaient les moindres recoins, soulevant les tapis brodés, les jarres d'or, les statues, les coffres de pierres précieuses. Fiona était avec Mary au centre de la grotte principale, assise en tailleur sur un coffre particulièrement somptueux, en pierre sculptée et orné de symboles mayas en or massif. Elles l'avaient déjà ouvert et n'y avaient trouvé que des pièces d'or gravées d'une tête de mort. Mary, en en prenant une dans sa main avait ressenti un étrange malaise, et en avait déduit qu'elles portaient une malédiction puissante. Fiona l'avait donc rescellé et maintenant, elle fermait les yeux et vidait son esprit pour essayer de sentir l'énergie de l'objet qu'elle cherchait. Car ce n'était pas le trésor qu'elle convoitait, oh non pas du tout. Mais elle fut interrompue par Mary qui lui pressa le bras énergiquement.

- Mary, j'essaye de me concentrer, là!

- Sarah a entendu quelque chose, des gens arrivent sur des chaloupes, dit-elle d'une voix anxieuse.

Fiona se raidit.

- Tu es sûre?

- Je viens de le lire dans son esprit. Et je crois que c'est Jack Sparrow, notre visiteur.

- Oh mon dieu! Mais comment a-t-il fait? Je... j'ai... c'est impossible! L'Oiseau de Feu est le navire le plus rapide de la flotte de France, non?

- Oui, mais le Black Pearl doit l'être encore plus. Et je crois qu'ils ont eu un vent favorable, contrairement à nous.

- Je n'aurais jamais dû lui laisser ce mot, c'était stupide! J'aurais pu m'en aller et ne rien dire mais il a fallu que j'ai un comportement arrogant et que j'écrive cette phrase plus que révélatrice... Bon, pas de panique, il va falloir faire avec, maintenant! Il va devoir me croire sinon ça va être un beau massacre et j'ai envie de tout sauf ça.

- Si au moins on était sur le bâteau, ils seraient obligés de nous écouter puisqu'ils ne pourraient pas nous attaquer!

- C'est vrai, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Bon, et bien, pour la discrétion sur nos pouvoirs, je crois que ça va être raté.

- Tu ne seras peut-être pas obligée de t'en servir.

- Peut-être bien. J'ai une idée. Bon, ne perdons pas de temps.

Elle se mit debout sur le coffre et poussa un cri bref qui fit tourner toutes les têtes vers elle.

- L'équipage du Black Pearl va arriver d'une seconde à l'autre. En position de défense!!!

Les filles hochèrent la tête et partirent se cacher dans des recoins sombres tout en ayant une bonne vue sur le canal où les chaloupes allaient débarquer. Chacune dégaina son pistolet et l'arma dans cette direction. Les torches qu'elles avaient installé ayant été éteintes, une obscurité plus ou moins dense et un silence quasi religieux règnait lorsque l'on entendit le bruit de plus en plus dictinct des pagaies tapant sur l'eau.

Jack posa le pied à terre et s'étonna de ne rien entendre et surtout de ne rien voir. Il fit un signe discret à ses co-équipiers qui le rejoignirent en silence. Une torche dans une main et son pistolet armé dans l'autre, il traçait le passage.

- Elles ne doivent pas être bien loin, mumura Gibbs tout en regardant nerveusement autour de lui le peu de contours que la lumière des torches éclairait.

Personne n'était jamais venu de nuit sur l'île de la Muerta et le bruit sourd d'une bourrasque de vent entrant en trombe par le plafond perforé de la grotte en fit sursauter plusieurs. Le décor paraissait assez lugubre et ressemblait à un ancien tombeau royal resté encore inviolé. Les pierres précieuses, l'argent et l'or scintillaient furtivement et Gibbs ne put s'empêcher de penser à des milliers d'yeux qui les épiaient avec méfiance, ce qui le fit frissonner d'angoisse malgré lui. Puis il chassa ces pensées stupides de sa tête et emboîta le pas de son capitaine et ami.

- Chers membres du Black Pearl, je vous demande de lâcher vos armes! dit soudain une voix mystérieuse dans le noir.

Jack reconnut aussitôt la voix de Fiona. Il serra encore plus fort son pistolet.

- Chers membres de l'Oiseau de Feu, c'est plutôt moi qui devrais vous demander de lâcher vos armes. Vous êtes chez moi, ici!

- C'est exact, mais j'ai comme l'impression que vous n'êtes pas de très bonne humeur capitaine Sparrow et qui sait ce qu'un pirate en colère peut faire...

- Mais pourquoi serais-je de mauvaise humeur? Ce n'est pas comme si on essayait de me dérober ce à quoi je tiens le plus après mon bâtiment! s'exclama Jack tout en continuant à avancer tant bien que mal vers la voix.

- Je suis vraiment désolée, mais il y a eu un malentendu. Je ne veux en aucun cas vous voler votre or.

- Ah oui? Eh bien permettez-moi de douter de votre parole, Fiona. Je suis au regret de vous informer que vous êtes en train de violer ma propriété!

- Ecoutez, Jack... je vous dis que c'est un malentendu. Laissez-moi au moins vous expliquer.

- Je n'ai en aucun cas besoin de vos explications douteuses. C'est très clair pour moi. Je vais devoir vous fusiller, vous et vos charmantes amies, à mon grand regret, dit Jack, de plus en plus tendu, mais aussi plus déterminé car il n'aimait pas qu'on se moque de lui.

Ceux qui le suivaient avaient aussi la main crispée sur leur pistolet et bougeaient la tête en tous sens pour essayer de distinguer une quelconque silhouette. Mais leurs ennemies semblaient invisibles et cela les énervait d'autant plus qu'ils étaient en position de faiblesse, n'ayant pas l'avantage du terrain qui leur semblait inconnu dans l'obscurité.

-Vous êtes vraiment borné, capitaine. Tant pis, vous l'aurez voulu.

A ce moment, la clarté de la lune envahit la grotte et projeta sa lumière bleutée sur la silhouette de Fiona. Jack ne put s'empêcher de sursauter en l'apercevant, debout sur le coffre maudit, ses cheveux libérés flottant derrière elle comme un voile. Il pouvait même distinguer la lueur de la lune se refleter dans la prunelle de ses yeux fixés sur lui. Elle leva les mains vers eux et ferma les yeux. Aussitôt, Jack et ses amis sentirent que leurs armes glissaient de leurs mains pourtant serrées. Une force invisible semblait les attirer comme un aimant. Les pirates n'eurent pas le temps de comprendre ce qui leur arrivait que tous leurs pistolets volèrent dans les airs et vinrent se poser au pied du coffre de pierre. Jack cligna des yeux comme il l'avait fait en voyant les bougies voler sur l'Oiseau de Feu le premier soir et alors il comprit comment cela s'était produit tout en refusant d'y croire. Son esprit terre-à-terre refusait d'admettre qu'une magie puissante venait des les désarmer. C'était impossible. Et pourtant, là, il venait de la voir de ses propres yeux... La cervelle bouillonnante de questions, il entendit vaguement Gibbs murmurer "sorcière...".

Fiona rouvrit les yeux. Ses amies sortirent de l'ombre tout en continuant de tenir en joue leurs visiteurs. Elle baissa les mains et sauta souplement sur le sol. Elle marchait droit devant vers Jack qui se tenait immobile à quelques mètres, ses compagnons recroquevillés derrière lui.

Elle s'arrêta enfin devant lui, prit sa main et lui rendit son pistolet.

- Je suis désolée que vous ayez vu ça, mais... vous pouvez comprendre que nous ne voulions pas mourir.

- Qui... Qui êtes-vous? Qui êtes-vous vraiment? demanda-t-il, un peu plus rassuré maintenant qu'il avait retrouvé son précieux objet.

- Je vais vous raconter. Venez, dit-elle en le prenant par le bras.

- Ce que je vous ai raconté lors du dîner est vrai, tout du moins le début... En réalité, ma mère est partie quand j'avais 13 ans, et non 18. Enfin, partie, c'est une façon de parler. Dans notre région, comme partout ailleurs en France et dans certains pays d'Europe, la chasse aux sorcières battait son plein. Elle arriva dans notre village comme une tempête, tout d'un coup. Toutes les semaines, je voyais les grands-mères ou les mères de mes amies brûler sur le bûcher au milieu de la place, dénoncées par de mauvais villageois apeurés qui pourtant avaient sûrement eu au moins une fois recours à nous. Elles ne répondaient rien sous la torture, pas une seule parole, rien qu'un chant mélodieux vieux de plus de 2000 ans, censé anéantir la douleur. Même sur le bûcher, une fois prises dans les flammes, on pouvait les entendre chanter, jusqu'à leur dernier souffle.

Fiona essuya une larme furtive qui coulait sur sa joue. Jack écoutait, impassible, et pourtant, au fond de lui, son coeur s'étreignit et s'émut de cette histoire terrible. Les yeux brillants, Fiona continua:

-Notre communauté fut prise de panique et nous allâmes nous cacher au plus profond de la forêt, notre forêt, le seul lieu qui pourrait nous protéger d'eux, Brocéliande. Ma mère voulait résister, et non pas fuir comme si nous nous sentions coupables. Avec plusieurs de ses amies, elles restèrent au village, réconfortant les familles et continuant de pratiquer la guérison pour les plus dépourvus comme elles l'avaient toujours fait. Bien sûr, moi, je veux dire, nous, les enfants, devions rester cachés pour notre sécurité. Nos mères revenaient de moins en moins souvent, pour ne pas les attirer vers nous. Nous formions maintenant une sorte de communauté recluse exclusivement féminine. Celles qui restaient avec nous, les plus vieilles, continuaient de nous former, de nous ensiegner la magie. Mais un jour, ce qui devait arriver, arriva. Les dernières résistantes comme on les appelait furent dénoncées. L'inquisiteur organisa aussitôt un procès rapide qui se termina bien sûr par une condamnation à mort pour hérésie totale. Le jour de l'exécution, nous étions là, évidemment. Cachées, invisibles. Je revois encore ma grand-mère avancer la première vers le bûcher, grande, fière. Elle avait détaché ses longs cheveux argentés qui ondulaient doucement à la brise. Mon coeur se tordit quand elle posa son regard bienfaisant sur moi et me fit un petit sourire. Elle avait pu me voir, et elle seule. Une des plus puissantes d'entre nous. Les autres la suivaient et j'attendais avec anxiété de voir ma mère avancer elle aussi impassiblement vers son funeste destin. Je n'avais pas vraiment peur car je savais qu'elle ne mourrait pas véritablement. Mais je ne la vis pas. La dernière grimpa sur les troncs de bois et se laissa attacher les mains, au poteau vertical du centre. Elles étaient là, debout en cercle, les unes à côté des autres, dans un silence total. Puis, tandis que l'inquisiteur lisait le cérémonial habituel sur l'hérésie et la sorcellerie, et leur demandait de se soumettre à Dieu Tout-Puissant pour qu'ils les libère du Malin, ma grand-mère ferma les yeux et entonna le chant. D'abord un murmure. Les autres, comme si elles avaient attendu ce moment, la suivirent et chacune se mit à chanter. On aurait dit une chorale. Une chorale d'espoir. Ce chant, personne ne pouvait le comprendre, à part nous. Je savais que c'était leur chant d'adieu, leur chant d'amour pour nous et pour tout ce qui vit. L'inquisiteur, fou furieux, saisit une torche des mains d'un des villageois et mit le feu au bûcher. En réponse, elle chantèrent encore plus fort. C'était... magnifique et horrible à la fois. La foule, d'habitude enthousiaste, était silencieuse. Seul l'inquisiteur hurlait "Brûlez sales sorcières, et que les flammes de l'Enfer vous fassent souffrir à tout jamais! Brûlez! Brûlez! Vous n'étiez pas dignes de vivre!"

Notre groupe resta jusqu'à ce que la dernière braise fut éteinte. La nuit était tombée. Nous récitâmes quelques prières, puis nous remplîmes chacune une boîte de cendres. Une fois revenues dans la forêt, nous fîmes les riutels d'adieu comme il se doit. Quand tout fut terminé, Mary vint me voir. Elle m'apprit que ma grand-mère lui avait parlé par télépathie. Ma mère avait été sortie de la prison peu avant l'aube de ce jour. Apparemment, c'était mon père, je veux dire le duc, qui avait donné cet ordre. Je compris qu'il n'avait pas voulu qu'elle meure comme ça. Je savais qu'il l'aimait toujours. J'appris plus tard, grâce à mes enquêtes, qu'il l'avait mise dans un navire en partance pour les Caraïbes, un endroit où on ne la retrouverait jamais. Un grand soulagement s'empara de moi. Ma mère était vivante, quelque part. Mais avant toute chose, j'avais quelque chose à accomplir. Pour notre liberté. Je n'avais que 13 ans. Et c'est à cet âge-là que pour la première fois, j'ai tué un homme et la seule fois où j'avais vraiment envie de la faire.

-L'inquisiteur?

-Oui. Par le poison. Un gâteau. Mary et moi l'avions préparé en nous servant du grimoire de ma grand-mère. Il séjournait dans une chambre de l'auberge. Les religieux sont censés être humbles mais lui, il avait exigé le meilleur pour son confort. "A cause de mon grand âge", il disait. Mary faisait le guet pendant que moi je lui apportais le plat, déguisée en domestique. Personne ne nous avait vu entrer dans l'auberge. J'ai posé le gâteau sur la table. Il m'a remercié d'un ton mielleux en disant que faire tuer toutes ces femmes du Diable lui faisaient plaisir mais que cela était très fatiguant et il a commencé à s'empiffrer. Je me dirigeais lentement vers la porte, profitant du spectacle. Puis, avant de la fermer, je le vis mettre sa main à sa gorge et baver un liquide verdâtre. Ses yeux sortaient de ses orbites et il tomba de sa chaise en se contorsionnant de douleur. Je le regardais calmement mourir, aucune honte, aucun remord, aucune peur, rien. Je croisai son regard agonisant pour la dernière fois, et il sut alors immédiatement qui j'étais. Puis, il ferma les yeux et son coeur s'arrêta. Ses jambes tremblèrent encore quelques secondes, puis plus rien. Je fermai la porte, descendis silecieusement les escaliers et retrouvai Mary qui m'attendais dans un recoin. Personne ne trouva jamais de coupable pour ce crime, mais je me doutais que tout le monde chez nous savait, bien qu'aucune d'entre elles n'aient jamais abordé le sujet.

Ensuite je m'attachai à mon objectif ultime: retrouver ma mère. Pour cela, il fallait absolument que je revois mon père d'une façon ou d'une autre pour lui demander où elle se trouvait car lui seul le savait. Je n'étais jamais entrée en contact avec lui, ma mère me l'avait interdit. Je n'étais jamais entrée dans l'enceinte du château. J'y allai, invisible, et réussis à mettre ma lettre sur son bureau et à m'enfuir au coeur des fourrés avant que la potion ne fasse plus effet.

Le lendemain, je me rendis au lieu de rendez-vous, extrêmement anxieuse et impatiente à la fois. J'espérais de tout mon coeur qu'il viendrait. Et il est venu. Notre rencontre fut plutôt formelle mais beaucoup moins froide que je l'aurais pensé. Il était seul. Quand il me vit, il sourit et soupira. "Tu es aussi belle que ta mère" me dit-il. Au fond de moi j'aurais voulu qu'il me prenne dans ses bras mais je savais très bien qu'il n'aurait jamais osé. Il se contenta de serrer ma main avec chaleur. Ses yeux brillaient, je ne savais si c'était d'émotion, de fierté ou simplement de bonheur. Mais il y avait autre chose. Tristesse, mélancolie. C'était un bel homme dans la force de l'âge, grand, fort et à l'allure noble. Mais il me parla très simplement. Il me dit qu'il savait ce que j'allais lui demander. Je le laissai parler et ce qu'il m'avoua me fit fondre en larmes. Ma mère avait bien embarqué sur ce navire. Mais presque arrivé à destination, une tempête s'était levée. Le navire avait sombré. La plupart de l'équipage s'en sortit et ils cherchèrent ma mère. Ils aperçurent alors une île qui n'était pas sur leur carte. Ils s'y arrêtèrent et trouvèrent ma mère, vivante. Les marins étaient de braves gars et ils voulaient la ramener avec eux car ils avaient appris au cours du voyage à l'apprécier, mais elle les menaça de se tuer s'ils l'emmenaient de force. Ils n'insistèrent pas et obéirent tout en ayant l'idée de revenir la chercher plus tard avec un autre navire et des gens plus convaincants. Mais évidemment, ils ne retrouvèrent jamais cette île. C'est ainsi qu'on la surnomma l'île de la Muerta, car on supposa que ma mère fut le seul être humain à vivre et mourir sur cette île.

-Ca veut dire... qu'elle est morte ici...

-Oui. Elle est forcément là, quelque part. Quand je suis arrivée sur l'île, j'ai aussitôt su qu'elle avait trouvé la grotte et ses trésors. Alors, depuis que nous sommes là, nous cherchons. Je suis désolée de vous avoir mêlé à cette histoire mais vous étiez le seul à pouvoir m'aider, et je pensais que vous ne l'auriez pas fait volontairement.

-Non, vous auriez dû me le dire, j'aurais...

-Non, vous n'auriez pas. Vous n'auriez pas révélé l'emplacement de cette île à un pirate concurrent, même si elle vous avait raconté une histoire abracadabrante pour vous convaincre. Vous auriez plutôt cru à un piège.

-Vous avez raison. C'est exactement ce que j'aurais pensé.

Fiona sourit. Jack lui rendit son sourire.

-Ecoutez Fiona, je trouve votre histoire fascinante, même si j'ai du mal à croire à tous ces trucs de magie et de sorcellerie. Pourtant, il est évident que vous m'avez ensorcellé l'autre soir, sinon je ne vous aurais jamais donné ce que vous cherchiez. Je dois l'admettre, vous avez des moyens très persuasifs d'obtenir ce que vous voulez. Et je ne vous en veux pas. On se débrouille avec les avantages que la vie nous donne.

-C'est vrai. Vous comprenez, je dois retrouver son corps. Ca fait 15 ans que je dois faire mon deuil.

-Je comprends parfaitement. Et je vais vous dire une chose. Je vais vous aider à retrouver votre mère.

-Vraiment? demanda-t-elle, étonnée.

-Oui, et vous pouvez officiellement rester ici autant de temps que vous le désirez, acheva-t-il en souriant.

-Oh merci, merci infiniment, Jack! s'écria-t-elle en le serrant dans ses bras.

Jack, pris au dépourvu, se laissa faire et referma à son tour ses bras autour du corps élancé de Fiona. Il se prit même à fourrer sa tête dans ses cheveux soyeux qui sentaient le noix de coco. Brusquement, tout lui revint en tête. La soirée, sa somptueuse robe pourpre, son air séducteur, sa beauté sauvage et son regard captivant. Et avant cela, le tango, son envie de l'embrasser, la manière dont elle avait dansé avec lui, si irrésisitible, si désirable... Il ferma les yeux et essaya de ne pas penser au fait qu'il tenait en ce moment cette femme exceptionnelle dans ses bras, qu'il respirait son parfum enivrant et qu'elle pressait inconsciemment son corps contre le sien. Des images folles lui traversaient l'esprit, tellement tentantes... NON! se dit-il.

Il se déserra à regret de son étreinte.

-Au fait, je peux vous demander un truc?

-Oui, bien sûr. Je vous dois bien toutes les questions que vous vous posez.

-Le soir du tango...

Fiona rougit malgré elle et essaya de penser à autre chose.

-Oui...

-Avant que vous ne partiez en coup de vent, vous m'avez fait quelque chose...

-Oh ça... je... j'étais.... enfin... j'ai juste refermé la coupure... je ne savais plus trop ce que je faisais... j'en tenais une bonne, pas vous?

-Oui, moi aussi, j'admets... Mais en tous cas, je n'avais pas eu le temps de vous remercier de m'avoir aussi bien soigné. Alors, merci, belle demoiselle.

Il prit sa main fine, se pencha et lui fit un baise-main. Puis, il se releva et lui fit un clin d'oeil.

-Bien, allons à la recherche de Madame Hawkins!