Chapitre 5

Elle passa le reste de la semaine enfermée dans la maisonnette, mais elle n'était que rarement seule. Tout le monde voulait voir celle qui avait réussit à passer seule la barrière formée par les baba-mojos. Les kokiris surtout lui posaient des centaines de questions auxquelles elle ne pouvait que rarement répondre à cause de sa mémoire défaillante. La plus curieuse de tous était une fillette blonde qui s'intéressait énormément au monde extérieur.

"Quand même, c'est bête que tu te souviennes plus de rien," déclara un jour la petite fille." Je suis sûre que t'as vécu des tonnes et des tonnes d'aventures super géniales !"

"Sur ce point, je suis assez d'accord avec toi petite. Mais c'est comme ça et on y peut rien."

"Moi je suis sûre que Saria elle aurait pu faire quelque chose pour toi si elle n'avait pas été enfermée dans le temple de la forêt ! Elle est une sage après tout, hein Mido ?"

Le rouquin lui jeta un regard noir qui signifiait clairement qu'elle ferait mieux de se taire, mais la fillette ne sembla pas le remarquer.

"Les sages sont des gens très puissants avec pleins de pouvoirs," expliqua-t-elle à la jeune femme. "Mais ils ont été enfermés dans leurs temples à chacun par le roi ! C'est vraiment un méchant lui… Mido dit qu'il la connu et qu'il a toujours été très très vilain, pas vrai ?"

"Boucles-la un peu Lésa, cette fille n'a pas besoin d'en savoir trop," grogna Mido." Elle LUI ressemble beaucoup, et ça fait d'elle un danger potentiel."

La petite blonde jeta un regard un peu inquiet à la jeune femme, mais elle se remit rapidement à sourire comme si elle n'accordait pas la moindre importance aux déclaration du rouquin. D'ailleurs, personne ne semblait le prendre bien au sérieux, à part lui bien sûr.

Ce soit là, alors qu'elle essayait de s'endormir, la jeune femme reçu une visite.

"Vous dormez ?" demanda une voix étouffée. "J'ai quelque chose d'important à vous montrez, vous devez venir !"

"Lésa ? Tu as une idée de l'heure qu'il est ? J'allais m'endormir !"

"Si vous ne dormiez pas, je vous ai pas réveillé, donc c'est pas grave, non ? Levez-vous vite, il faut que vous veniez avec moi !"

Elle se redressa et regarda la petite blonde droit dans les yeux. Celle-ci souriait largement, comme toujours. Son optimisme débordant était vraiment épuisant à déprimant à force…

"Qu'est ce que tu veux me montrer de si important ? Je suis fatiguée moi…"

"Il faut que tu viennes avec moi au temple de la forêt pour aider Saria ! En échange, elle va sûrement pouvoir te redonner ta mémoire, et tu me raconteras toutes tes aventures !"

Elle la regarda, un peu surprise. Elle ne voyait pas en quoi cette Saria qui semblait vivre cloîtrée dans ce temple stupide pourrait bien l'aider. D'un autre côté, si elle faisait ça cette gamine la laisserait peut être dormir un peu…

"Tu me fatigues, mais bon… je vais tenter le coup, histoire de voir. Attend une seconde que je me lève, et on y va."

Ça, c'était plus difficile. Après une semaine passée sans bouger, sortir de son lit fut tout une aventure pour la jeune femme. Elle manqua même de tomber mais se rattrapa à temps. Ce n'était pas un très bon présage pour le reste de la nuit…

Lésa la conduisit jusqu'à la forêt en marchant sur la pointe des pieds. La petite blondinette semblait trouver cette escapade nocturne follement amusante tandis que la jeune femme la trouvait juste follement stupide et inutile. Elles allaient pénétrer dans les bois lorsqu'un groupe d'hommes et de femmes leur barra le chemin. L'un d'entre eux n'était autre que Yorwan qui ne semblait pas particulièrement étonné de les voir là.

"J'en étais sûr," se moqua-t-il." Tu veux aller voir le sage de la forêt, n'est ce pas ? Autant te prévenir, les sages n'aiment pas plus que ça les femmes-fleurs."

"Saria l'aidera forcément si elle lui demande," intervint Lésa. "Elle est très, très gentille, et elle déteste énormément le roi ! Mido dis qu'il a tué son meilleur ami !"

"S'il n'avait tué que lui !" grogna le sheikah. "Ecoute petite, tu ne devrais pas traîner la nuit avec elle, c'est dangereux. Tu n'as pas idée de ce qu'elle pourrait te faire."

"Accompagnez-nous alors," proposa la fillette en souriant largement. "Flamme pourra pas me faire du mal si vous êtes là, non ?"

"Flamme ?" releva la jeune femme.

"Tes cheveux sont comme du feu, et ton esprit aussi. Donc comme tu te souviens pas de ton nom, maintenant tu t'appelleras Flamme. Ça te plait ?"

Oui… oui, ça lui plaisait. Comme si ce sobriquet trouvé par cette enfant sans cervelle avait été un reflet de son véritable nom, de sa véritable identité. Mais non, c'était impossible. Cette idiote qui ne la connaissait que depuis quelques jours ne pouvait pas avoir vraiment découvert une telle chose. C'était juste son désir de découvrir qui elle était qui lui donnait cette impression de voir partout des signes de son ancien moi.

"Comme tu veux," répondit Flamme d'un ton détaché. "Je n'en ai rien à faire."

"Super ! Bon, on y va ? Le temple n'est pas tout, tout à côté, alors il faut se dépêcher. Si on n'est pas rentré à l'aube, Mido le saura et il va encore râler !"

La fillette les guida à travers les bois perdus, évitant les ronces et autres buissons ainsi que les babas-mojo, comme si elle arrivait à voir dans le noir aussi clairement qu'en plein jour. Un espèce de gros bonhomme court sur pattes qui semblait en pierre lui demanda d'ailleurs si elle était souvent venue au temple, mais Lésa affirma qu'elle n'y était allée qu'une seule fois, un peu après l'apparition des nombreuses babas qui coupaient le village du reste d'Hyrule.

"Comment tu te repères alors ?"

"Je sens les plantes autours de moi. Saria m'a dit un jour que si elle ne l'était pas déjà, je serais sûrement devenue sage de la forêt un jour. Mais je crois qu'elle a dit ça rien que pour me faire plaisir."

"Je n'en suis pas aussi sûr," objecta Yorwan. "Les sages ne disent rien qui ne soit vrai, puisque le mensonge appartient à un niveau de la vie auquel ils n'appartiennent plus. Les dons que tu as sont donc probablement réels."

"Super ! Ça c'est vraiment une très, très, très bonne nouvelle ! Je suis vraiment contente ! Dis Flamme, comme je suis presque un sage, quand tu partiras du village, je pourrais venir avec toi ?"

"Les kokiris ne doivent pas quitter la forêt," grogna l'intéressée. "S'ils partent, ils meurent, et je n'ai pas particulièrement envie que ça t'arrive."

La raison de cette répugnance à l'idée de la mort de Lésa lui semblait des plus évidentes : si la fillette blonde lui mourait entre les mains, elle aurait encore plus d'ennuis, or ceux qu'elle avait déjà lui semblaient plus que suffisants. Mais la petite fille ne du pas le comprendre comme ça, car elle se jeta sur la jeune femme et la serra dans ses bras.

"Moi aussi je t'aime Flamme," s'exclama-t-elle totalement euphorique. "Et j'veux pas que tu meures non plus, jamais !"

"Lésa, qu'est ce que tu fais à hurler devant le temple à une heure pareille ?" demanda brusquement une voix enfantine. "Et c'est qui tout ces gens avec toi ? Les non-kokiris ne doivent jamais venir ici, tu le sais pourtant, non ?"

Une petite fille au cheveux verts venait d'apparaître au milieu du groupe. Elle était très jolie et souriait largement, mais ses yeux dénonçaient une tristesse immense et éternelle, causée pas la trahison d'un être cher. Oui, songea Flamme, seuls ceux qu'on aimait pouvaient être à l'origine d'une telle douleur. Mais malgré cela, la petite fille semblait forte et puissante, bien plus qu'aucun d'entre eux… et terriblement faible aussi. Non, comment pouvait-on être faible et fort à la fois ? C'était impossible. A moins que…

Lésa s'approcha de l'autre enfant, et la jeune femme comprit d'où venait cette impression de faiblesse lorsque la main de la petite blondinette traversa l'épaule de son amie. L'autre kokirie n'avait pas de corps, elle n'était qu'un esprit. Un esprit puissant, certes, mais un simple esprit malgré tout, incapable de la moindre sensation physique, du moindre plaisir, de la moindre douleur.

"Flamme, je te présente Saria, le sage de la forêt," annonça Lésa." Saria, je te présente Flamme. C'est une femme-fleur tu sais !"

"Ça se voit," murmura la fillette. "Cette beauté, cette perfection, cette arrogance, cette insensibilité… Il n'y a que chez ces salopes de femmes-fleurs qu'on peut les trouver."