Chapitre 6
"Qu'est ce que tu entends exactement par 'salopes' ?" s'enquit Flamme aussi poliment que possible. "Vous avez déjà rencontré certaines des nôtres ?"
"Pas personnellement. Mais tout le monde connaît votre réputation. Les femmes-fleurs sont des séductrices, assoiffées de pouvoirs, sans scrupules, menteuses, voleuses, manipulatrices et fourbes. Il aurait fallu toutes vous tuer !"
Elle ne disait pas toute la vérité, c'était évident. Le plupart des femmes étaient telles qu'elle avait décrit les femmes-fleurs, et on ne les insultait pas en face pour autant ! Peut être un de ses amis avait-il eu des ennuis à cause de leur secte ? Ou bien était-ce tout simplement parce que d'autres avaient comme elle était officiellement aux côtés de Link ?
"Pourquoi tu es aussi méchante Saria ?" demanda Lésa. "Flamme n'est pas une méchante, elle est de notre côté ! Même que le méchant roi lui a volé sa mémoire. Tu crois que tu pourrais faire quelque chose pour elle ? Dis oui, allez, dis-le, s'il te plait !"
"Non. D'abord, parce que je n'ai plus tout mes pouvoirs, et ensuite parce que je n'aiderai quand même pas une femme-fleur. En plus, ses cheveux non pas une couleur normale, c'est vraiment louche…"
La jeune femme se retint de faire remarque à la petite fille que le vert n'était pas non plus considéré comme une couleur normale pour des cheveux. Saria semblait déjà largement assez énervée, et puis, ses cheveux de feu étaient vraiment étrange après tout.
"Pourquoi tu me fixes comme ça ?" demanda froidement la fillette.
"Pourquoi pas ?" répliqua Flamme. "Dis-moi, c'est un impression ou tu as dit que tu n'avais plus tous tes pouvoirs ?"
"En effet, mais ça ne te regarde pas. C'est… une affaire personnelle…"
"Tu as perdu tes pouvoirs ?" s'horrifia Lésa. "Mais c'est… c'est horrible ! On va tous mourir, on va tous mourir, on va tous…"
Flamme l'attrapa et mit sa main contre la bouche de la petite fillette pour lui imposer le silence. Elle n'avait pas besoin en plus d'une morveuse en train de paniquer.
"Saria, tu es le sage de la forêt, n'est ce pas ?" demanda-t-elle. "Qu'est ce qui peut se passer maintenant que tu n'as plus tous tes pouvoirs ?"
"Comme si ça t'intéressait !"
"Il se trouve que ça m'intéresse justement ! Les kokiris m'ont plus ou moins aidé, ils sont sous ta responsabilité puisque tu es la sage de l'endroit où ils vivent, donc en toute logique si je t'aide à retrouver toute ta puissance, j'efface ma dette."
La petite fille la regarda droit dans les yeux, manifestement surprise. Les femmes-fleurs étaient-elles donc si cruelles et insensible pour que même une enfant les haïssent à ce point et ne comprenne pas que l'une d'entres elles voulait l'aider ? Un instant, un court instant, Flamme détesta ce qu'elle avait été autrefois, mais rapidement elle se reprit. Elle était toujours ainsi après tout, son amnésie ne durerait pas indéfiniment, et un jour elle serait à nouveau elle-même.
"Si la forêt n'est pas protégée par un sage ou par le Vénérable Arbre Mojo, les créatures maléfiques et les monstres l'envahissent, mettant en danger la vie des kokiris. L'Arbre Mojo a été tué par le tyran hylien lorsqu'il a volé le pouvoir, alors jusqu'il y a peu de temps, j'étais la dernière protection des kokiris. Mais… j'ai fait mon temps comme sage hélas."
"C'est possible ça ?" s'étonna Yorwan. "Je croyais que les sages gardaient leur titre jusqu'à ce qu'un nouveau sage ne prenne leur place ! Enfin, vous êtes immortels, non ?"
"En effet, vous avez raison sur ce dernier point. Mais moi, je suis une kokiri, alors de toutes façons je ne serait jamais morte autrement que par choix ou tuée par quelqu'un ou quelque chose. Nous sommes des enfants éternels !"
Pour une enfant éternelle, Flamme la trouvait bien sérieuse et désespérée. Les autres kokiris qu'elle avait vu étaient loin d'être comme ça pourtant… être sage devait être une responsabilité écrasante, surtout pour une fillette qui ne voulait probablement rien d'autre que rire et s'amuser avec ses amis.
"Et pour le titre de sage, le sheikah a aussi raison ?" demanda la jeune femme tout en pressentant déjà que la réponse serait négative.
"Non. Les sages gardent leur fonction quelques années, puis ils se fondent dans leur médaillon. C'est d'ailleurs ça qui leurs donne leur puissance, c'est l'essence des sages, des esprit ni morts ni vivants qui ont acceptés de sacrifier leur repos éternel pour le salut d'Hyrule. Mais pour l'instant, je refuse de partir. Un nouveau sage risque d'être choisi, et je ne veux pas qu'il subisse ce que j'ai du vivre !"
"Esprit ni mort ni vivant ?" répéta Yorwan. "C'est ça que vous prétendez être ? C'est totalement impossible, la mort et la vie sont absolues."
"Et toi, tu es absolument matérialiste," se moqua Saria. "Ai-je l'air vivante ? Alors boucles-la et laisse parler ceux qui ont quelque chose d'intelligent à dire pour changer !"
Elle se tourna à nouveaux vers Flamme et la regarda droit dans les yeux encore une fois. La jeune femme sentit à nouveau ce désespoir, cette infinie douleur qui hantait le regard de la petite fille. Comment rester insensible à cela ? Même elle ne pouvait pas… Elle s'agenouilla et sans trop savoir ce qu'elle faisait serra Saria dans ses bras. Celle-ci ne protesta pas, se mettant même à pleurer.
"Les kokiris ne sont pas fait pour une telle charge," sanglota-t-elle. "Mais il n'y aurait qu'un moyen de changer les choses, c'est qu'un possesseur d'une Triforce enfin réunie souhaite qu'on cesse de voler leur existence à des gens pour qu'ils deviennent sages, et c'est impossible !"
Elle s'écarta un peu de Flamme et essuya d'un revers de main ses larmes.
"Link aurait pu le faire," déclara-t-elle, "mais maintenant, son vœux ne serait que pour son plaisir personnel."
"Et si moi j'essayais ?" proposa la femme-fleur. "Ce qu'un simple hylien est capable de faire, je pourrais bien le faire aussi, non ?"
"Peut être…" murmura Saria dans un souffle avant de la regarder attentivement. "En fait, je suis sûre que tu peux le faire, aussi vrai que les gorons ont le cuir épais," affirma-t-elle sans faire attention aux grognements qui se firent entendre. "Mais ça sera dur, plus dur que tout ce que tu as fait de toute ta vie, et tu souffriras beaucoup. Et quand tu te seras lancée vraiment dans la quête de la Triforce, tu devras aller jusqu'au bout ou mourir. Tu es certaine de vouloir prendre un tel risque, au mépris de toutes les lois de ta secte ?"
"Je ne me souviens plus des lois de ma secte," déclara Flamme, "et de toute façon je ne laisse personne décider de ma vie. Je ferais ça, pour plus personne n'ait à supporter cette charge."
Pour que plus personne ne voit ce regard désespéré, cette envie d'en finir dans les yeux d'un enfant qui n'avait rien demandé à personne, ajouta-t-elle en silence. Pour que cette douleur et cette rancœur disparaissent enfin.
"Tu as fait ton choix, alors permet-moi de te donner mon aide dans la mesure des faibles capacités qui me restent. Je t'offre ma bénédiction, à toi, et à tous ceux qui te suivront durant ton périple. Et maintenant, partez tous ! Le jour va se lever, et si Mido apprend que vous êtes venu ici, il va encore hurler !"
Elle éclata d'un petit rire sans joie et ils la quittèrent le cœur lourd, espérant la revoir. Mais tout comme pour Malon, Flamme eut un mauvais pressentiment. Elle ne reverrait jamais Saria dans ce monde…
"Alors, qu'est ce que tu vas faire ?" l'interrogea Yorwan. "Tu vas quitter la forêt à la recherche de ton passé, non ? Pauvre gamine, elle t'a fais confiance pour rien !"
"Non Yorwan. Je vais bien partir à la recherche de ce que je suis, pour t'aider à trouver le remède à l'amnésie de ce traître de Link, mais je ne vais pas la laisser tomber. Je vais chercher la Triforce en même temps, et je ferais ce que Saria a dit."
Il la regarda, un peu étonné de son petit discours, mais assez impressionné.
"Bravo, femme-fleur," déclara-t-il. "Jamais je n'aurai cru qu'une membre de ta secte prendrait de tels risques pour d'autres personnes !"
"Etonnant, n'est ce pas ? Bien, et maintenant, je peux te poser une question ?"
"Oui, laquelle ?"
"Qu'est ce que c'est au juste la Triforce ?"
