Chapitre 9

Lorsque Yorwan se réveilla, il avait l'impression que sa tête allait exploser. Les Déesses seules savaient ce que cette barbare de voleuse du désert mettait dans sa liqueur, mais il y avait une chose de sûr : ce truc devait être encore plus explosif que les barils de poudres des gorons du pic des neiges à Termina !
En plus d'avoir un mal de tête affreux, le jeune homme avait horriblement chaud. Même dans le désert de ces satanées gérudos il devait faire meilleur ! Il ouvrit alors les yeux. Perdu, il était précisément dans le désert gérudo, sur une sorte de civière, Lésa assise à côté de lui.
- On est où là ?
-Oh, tu es réveillé ? s'extasia la fillette. Super, je commençais à m'ennuyer. Flamme n'est pas drôle du tout depuis hier, elle n'arrête pas de parler tout le temps avec Lâaruço, elle ne s'occupe même plus de moi !
-Attend, tu ne voudrais pas aller plus vite ? Je crois que j'ai une sacrée gueu… Depuis hier ! Tu veux dire que j'ai dormi une journée entière ?
-Plus ou moins oui ! Mais maintenant, plus le droit de faire la sieste, il faut que tu m'aides à comprendre ce qui se passe, parce que c'est drôlement compliqué pour une simple petite kokiri comme moi tu vois ?
Mal de crâne. Yorwan se prit la tête entre les mains et regarda la petite blondinette. Non, même s'il le lui demandait poliment, elle n'avait pas l'air de vouloir se taire… Tant pis, ça lui apprendrait à boire un truc inconnu avant les autres.
- Vas-y, expliques, je verrais bien si je comprend mieux…
-Je te préviens, c'est très bizarre. Quand tu t'es endormi, Lâaruço a dit à Flamme qu'elle allait l'aider pour son histoire de Triforce, parce que l'ancien sage, Nabooru, lui a parlé de ce qui leur arrive, et elle a trouvé ça drôlement injuste aussi. Et là, elle a dit que pour ça, il fallait aller dans un autre pays que Hyrule, qui est pas Hyrule, mais en fait ça l'est aussi d'après ce que j'ai compris, et c'est ça en premier que je comprend pas. Ensuite, Lâaruço a dit que depuis cet autre pays, elle pourrait aller dans un autre pays encore que cette fois c'est Termina mais ça l'est pas, parce que là-bas il y a là où les femmes-fleurs elles vivent et que elles savent comment on va au Saint royaume que ça partout mais c'est nulle-part. Tu comprends quelque chose toi ?
Non, il ne comprenait rien. D'un autre côté, entre le langage enfantin de Lésa et son cerveau qui tentait de faire sécession, même un zora centenaire n'aurait pas réussi à comprendre.
- Tu n'as pas demandé à Flamme de t'expliquer ?
-Si, mais elle veut plus de moi ! Elle s'entend trop super bien avec sa nouvelle amie, alors moi je compte plus…
-Eyh, je suis encore là moi, pas vrai ? Comme si on avait besoin de cette femme-fleur caractérielle !
-C'est mon amiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiie ! protesta Lésa en commençant à pleurer. Et je veux pas que elle s'occupe plus de moi, c'est pas juste ! Tu vas voir, je suis même parfaitement tout à fait complètement sûre qu'elle va même plus se disputer avec toi !
-Ça ne serait pas vraiment une mauvaise nouvelle. En fait, ça me plairait même…
Il ne le dit pas tout haut, mais la simple idée de Flamme lui hurlant dessus augmentait encore son mal de tête. Bien sûr, elle ne hurlait jamais, mais ce détail n'était pas important.
Et justement, Flamme et Lâaruço arrivaient. Elles semblaient lancées dans une discussion passionnante et lorsqu'elles arrivèrent près de Yorwan et de Lésa, elles… ne s'arrêtèrent pas.
- Eh ! protesta le sheikah. On est là je vous signale !
-Tiens, tu as fini de cuver ? constata Flamme. Ça tombe bien, nous allons devoir grimper, et si tu avais dormi, ça n'aurait pas été particulièrement simple.
-Grimper ? Pour aller où ?
-A Holodrum, répondit la gérudo comme si c'était une évidence. Vous devez y prendre le passage pour Labrynna.
-Holodrum ? Labrynna ? C'est quoi encore ça ?
-Holodrum est un pays se trouvant dans notre monde, de l'autre côté de ces falaises. Les gérudos sont seules à connaître son existence.
-Blasphème ! rugit Yorwan. La sainte histoire des Déesses enseigne que lorsqu'elles descendirent sur ce monde, Din, Nayru et Farore créèrent la noble terre d'Hyrule, laissant le reste à l'état de chaos où…
-…chuteraient ceux qui tenteraient de quitter la terre bénie par leurs mains, compléta la reine des gérudos. Oui, je connais la légende aussi bien que n'importe quel habitant d'Hyrule ! Mais il se trouve qu'elle est fausse, voilà tout. De l'autre côté des falaises, il y a encore un désert, et ensuite il y a Holodrum, un pays largement aussi beau qu'Hyrule, crois-moi ! Nabooru m'a dit un jour qu'elle y était déjà allée, et qu'elle avait regretté que ses responsabilités la forcent à revenir ici.
-Totalement ridicule.
Flamme soupira. Décidément, ce sheikah décoloré était insupportablement borné ! Bien sûr, elle aussi avait eu un choc en apprenant l'existence d'un autre pays, mais elle avait rapidement accepté cet état des choses !
- Ecoute-moi bien attentivement, ordonna-t-elle au jeune homme. Je te laisse le choix : soit tu viens avec moi, soit tu restes ici. Dans un cas, tu me surveilles mais tu blasphèmes, dans l'autre tu ne sais pas ce que je fais mais tu respecte les légendes. Alors, tu fais quoi ?
-Je viens, grogna-t-il. Je n'ai pas le choix si je ne veux pas que tu gardes le secret de l'amnésie pour toi si tu le trouves…
-Ouais, on va bien s'amuser ! s'exclama Lésa.
-Non, toi tu reste, objecta Flamme. Ça pourrait être beaucoup trop dangereux pour un petit bout de blondinette dans ton genre.
-M'en moque, je veux venir. Si tu m'en empêches, j'arrête de manger et je me laisse mourir de faim et je vais mourir et ça serait ta faute !
Elle avait crié ça rapidement et d'un seul coup, ce qui donnait plutôt 'situmenempêchesjarrêtedemangeretjemelaissemourirdefaimetjevaismouriretçaseraittafaute', si bien que bien qu'elle ne comprenne pas ce que la fillette avait dit, Flamme saisit au moins l'idée générale : Lésa voulait venir, quelles qu'en soient les conséquences.
-Ok, ça va, soupira Flamme. Tu viens aussi… Bon, levez-vous les feignants, Lâaruço va nous montrer un passage simple d'accès… Enfin, un peu plus que les autres quoi.

Le passage en question était le lit sec d'un petit ruisseau qui avait du couler là quelques millénaires auparavant. Cependant, comparé à l'ascension directe des hautes falaises, ce minuscule chemin tortueux était une jolie route bien plate.
Du moins, c'est ce dont Flamme tenta de se persuader avant de commencer à monter. Plusieurs fois, ils manquèrent tous les trois de tomber, mais à chaque fois ils parvirent à se raccrocher à une pierre ou une racine desséchée.
Et enfin, ils arrivèrent au sommet, épuisés, morts de soif et de faim, les mains et les genoux en sang à cause des chutes, mais toujours vivants, c'était déjà ça. Devant eux s'étendait un immense désert et loin, très loin à l'horizon, une bande d'un vert éclatant. Holodrum.