Chapitre 10

Un nouveau problème se posa rapidement tandis qu'ils admiraient le paysage. Maintenant qu'ils étaient en haut, comment allaient-ils redescendre, et du bon côté de préférence ? Il n'y avait rien, aucun chemin plus facile de ce côté. En fait, il n'y avait qu'une seule chose sur cette falaise (si on pouvait appeler cette barrière de roche une falaise) et cette unique chose était une petite pousse toute desséchée.
- Ce n'est même pas comestible, grommela Flamme.
-De quoi tu parles encore ? demanda le sheikah.
-De cette… plante, en supposant qu'un truc pareil mérite vraiment son nom. On dirait une sorte de liane… Dommage qu'elle ne soit pas plus grande !
-Fais-la pousser, répondit-il simplement.
Elle le regarda comme s'il était le dernier des idiots, et il lui rendit ce regard. Ce type était-il vraiment idiot ou le faisait-il exprès ? Flamme penchait pour la première solution.
- Tes parents ne t'ont jamais dis qu'il fallait pas mal de choses pour faire pousser une plante à commencer par de l'eau ?
-Et toi, t'as vraiment tout oublier, constata Yorwan. C'est un de tes pouvoirs de femme-fleur, tu peux faire pousser démesurément les plantes juste avec ta volonté ! Tu as pas mal frimé avec ça au village avant de t'enfuir…
-Vraiment ? Mais… je faisais ça comment ?
-Ben… tu te concentrais, tu disais 'pousse' et ça poussait… Je ne me souviens pas d'autre chose.
Super. Avec ça, Flamme se sentait prête à tout… Non mais quel crétin ! Si ça se trouvait, il manquait un détail capital, une poudre, une potion à verser sur la plante qu'il n'avait pas pu voir ! Décidément, les non-femmes-fleurs ne valaient absolument rien ! Et une fois de plus, elle devrait s'en sortir seule.

Elle s'assit en tailleur devant la petite pousse et fixa celle-ci. Se concentrer, se concentrer… Au bout de quelques minutes, Flamme eut la sensation de sentir comme une énergie autour d'elle et en elle. Sans trop savoir comment, elle fit se déplacer l'énergie vers la liane qui sembla devenir lumineuse. A cet instant présent, il n'y avait plus rien que cette liane pour la jeune femme, elle était le centre de son univers, le centre de sa vie. La jeune femme voulait la voir grandir, la voir vivre et s'épanouir, afin que chacun puisse admirer sa beauté et sa perfection.
- Pousse, murmura-t-elle pour ne pas la déranger.
La petite plante se mit alors à grandir, à prendre de la largeur, de la longueur, à devenir plus solide. Dès qu'elle fut assez longue, Yorwan l'attrapa et la dirigea vers la plaine où ils voulaient aller. Flamme du se retenir de lui sauter dessus pour l'étrangler. Quoi ? Il osait toucher SA merveille, pire, lui imposer sa volonté ? Mais elle se souvint à temps qui elle était, qui il était, ce qui se passait. La liane était largement assez longue maintenant, et Flamme coupa son lien avec elle.
Aussitôt, elle se sentit épuisée, comme si la plante lui avait volé ses forces pour croître. Mais loin de s'apitoyer sur son sort, elle se releva, un peu tremblante certes, mais c'était sans importance. Ils allaient pouvoir descendre.
- Bien… Qui passe le premier ? demanda Flamme.
Elle fut étonnée de constater qu'elle ne pouvait que murmurer tant elle était faible. Cela n'échappa pas à Yorwan qui pourtant ne se moqua pas d'elle.
- Je vais y aller, décida-t-il. Je suis le plus lourd de nous trois, donc si elle tient pour moi, cette liane devrait vous supporter sans problèmes.
-Tu es drôlement courageux dis donc ! commenta Lésa. Moi, j'aurai super peur de tomber, parce que c'est méga super trop haut ici !
-Il n'est pas courageux, il est frimeur… Les hommes sont tous comme ça, incapables de ne pas se jeter dans la gueule du loup dès qu'ils en ont l'occasion parce qu'ils pensent que ça plait aux femmes. C'est pitoyable. Enfin, si ça l'amuse après tout !
Le jeune homme grimaça, et elle comprit qu'elle avait visé juste. Malheureusement, elle était beaucoup trop fatiguée pour arriver à s'en réjouir.

Le sheikah pris tous leurs bagages sur son dos puis agrippa la tige et tira un peu dessus. Apparemment satisfait par ce petit test, il se laissa descendre, et environ une heure plus tard, il touchait enfin le sol. Ce fut alors le tour de Lésa qui, encouragée par le succès de Yorwan, se laissa glisser bien plus rapidement sous le regard horrifié de Flamme qui craignait qu'elle ne finisse par tomber. Ce fut alors à elle de descendre de la barrière rocheuse.
Le début se passa plutôt bien. Bien accrochée à la liane, elle descendait prudemment, presque centimètre par centimètre. Mais avec le temps, elle sentit ses forces diminuer puis disparaître alors qu'elle était encore à une vingtaine de mètres de la terre ferme. Au même moment, la tige commença à mincir et à jaunir, devenant sèche et cassante, si bien que ce qui devait arriver arriva : la plante se cassa brusquement tandis que Flamme tombait.
Elle ferma les yeux. Mourir maintenant ? Alors que sa quête commençait à peine ? Non, ce n'était pas juste ! Elle avait juré à Saria de libérer les sages ! Hors de question qu'elle trahisse sa promesse !
La jeune femme sentit alors qu'elle venait d'atterrir… sur quelque chose de moelleux ? Non, totalement impossible. Ici, c'était le désert, il n'y avait rien… que de la pierre et du sable. Elle ouvrit les yeux, s'attendant à se retrouver au paradis. Mais non, Flamme se trouvait sur une sorte de bulle rose qui elle-même se trouvait sur le sol de pierre.
- Descend Flamme, ordonna Lésa. Yorwan risque de ne plus tenir très longtemps !
Loin de descendre –de toutes façons, elle était trop faible pour bouger –la femme-fleur se tourna vers le sheikah. Celui-ci avait les bras tendus dans sa direction et transpirait largement comme s'il faisait un énorme effort. Brusquement, il se relâcha totalement, la bulle disparut et Flamme se retrouva sur le sol.
- C'est toi qui a fait ça Yorwan ?
-Non, c'est Link ! Bien sûr que c'est moi, qui d'autre ?
-Depuis quand tu fais de la magie ? Je croyais que les sheikah n'étaient que des guerriers !
-QUI a osé te dire une chose pareille ? s'étonna-t-il. Nous sommes des guerriers, d'accord, mais les plupart d'entre nous maîtrisent aussi un minimum de magie ! Bien sûr, certain, comme moi, sont loin d'être de grands sorciers, mais je me débrouille.
-Pourquoi t'as jamais utilisé la magie avant ? demanda Lésa. Pour faire la cuisine par exemple, ça aurait été bien !
Il se détourna d'elles et alla chercher leurs affaires qu'il avait posées sur un rocher.
- On devrait se dépêcher, j'aimerai autant ne pas trop m'attarder dans ce désert. Nous n'avons quand même pas beaucoup d'eau, et je ne pense pas qu'il y ait d'oasis. En tout cas, je n'en ai pas vu.
-Tu n'as pas répondu à ma question, protesta la kokiri. Pourquoi t'as pas fait de la magie avant ?
-J'ai… j'ai mes raisons, voilà tout. Occupes-toi un peu de tes affaires pour changer, d'accord ? Et arrête de parler, dans ce four tu vas te déshydrater.
Il se mit alors en route sous le regard étonné de ses deux compagnes de voyages. C'était bien la première fois qu'il se permettait d'être désagréable avec Lésa.
-Pourquoi il est méchant ? chuchota celle-ci.
-Peut être un mauvais souvenir… Vient, on va le rejoindre. Et plus de questions sur ça, d'accord ?
La petite fille acquiesça. Elle avait beau être légèrement écervelée par moment, elle comprenait qu'on puisse avoir des souvenirs désagréables.