Disclaimer : les personnages et l'histoire appartiennent au Maître Patrick O'Brian, je me suis également inspirée de l'adpatation cinéma de Peter Weir.

Petit mot d'introduction : Voilà, une amie m'a prêté ce merveilleux film, et…j'en suis littéralement tombée amoureuse ! - L'intrigue est passionnante et les personnages sont tous extrêmement attachants. Mon préféré est sans conteste Joseph Nagel, l'aide charpentier (mais si…le petit brun qui ressemble à Dominic Monaghan et qui se fait fouetter). Bon bref j'ai rêvé de lui cette nuit et une fois n'est pas coutume, j'avais envie d'écrire une fic pour moi tout seule (pour laisser libre cours à mes fantasmes en fait) mais comme je suis gentille je vais la faire partager aux peu de personnes qui risquent de la lire…

Si vous aussi êtes dingue de son mignon petit gros pif, lisez ce qui suit, il vous suffira juste de vous mettre dans la peau du personnage principal… ;)

Chapitre 1: les regards se croisent

« Ce Jonas…mieux vaudrait pour nous le jeter par dessus-bord » grommela Killick aux hommes autour de lui. La nuit était tombée et les marins de la Surprise se trouvaient tous dans les cales, la tension montant peu à peu. Depuis quelques temps déjà, la malchance semblait s'abattre sur le navire, et tous écoutaient à présent l'explication que leur proposait le vieux cuisinier. Tout semblait plausible : c'était Hollom qui était de garde lorsque l'Achéron les avait attaqués, et plusieurs autres choses troublantes.

Bientôt, des exclamations d'approbation s'élevèrent. « Killick, vous racontez n'importe quoi », déclara soudainement une voix aigue contrastant avec la voix de chèvre du vieux cuistot. La plupart des mâtelots cessèrent de rire aussi tôt, tandis que les plus anciens gardèrent un air amusé.

« Cet homme ne porte pas plus la poisse que n'importe lequel d'entre nous – c'est tout simplement absurde » ajouta la jeune fille en uniforme que personne n'avait vue traverser la cale.

« Et pourtant Miss, se moqua le charpentier, vous devez tout de même reconnaître que les catastrophes se produisent toujours lorsqu'il est de garde ».

« Peut-être », admit l'adolescente, avant de prendre une expression songeuse. « Mais il n'est pas méchan »

« Alors ça, si lui l'est, moi je suis bon pour me marier avec Napoléon ! » s'exclama un gros barbu, ce qui déclencha l'hilarité générale. La jeune fille roula des yeux puis continua son chemin. En temps normal, elle ne se serait pas permise d'aborder les marins ainsi, et eux-même ne se seraient pas montrés aussi familiers, mais le bateau avait survécu la veille à une tempête effroyable et malgré les pertes, l'amiance était plus relâchée que d'habitude. Les hommes la laissèrent passer en la saluant avec le sourire, habitués à sa présence. En raison de son jeune âge, 16 ans, Diane Aubrey avait plus l'apparence d'un jeune mousse en quête d'aventure que d'un lieutenant expérimenté – ce qu'elle n'était de toute façon pas encore, en tant qu'aspirante. En tant qu'unique fille à bord du bateau, elle aurait facilement pu avoir à souffrir du manque de contact humain des marins, mais aucun d'entre eux n'aurait osé toucher la fille de Jack la Chance – par peur du fouet, pour commencer, puis par celles de plusieurs marins particulièrement costauds qui s'étaient pris d'amitié pour elle, notamment Davies, un colosse face auquel personne n'aurait osé s'interposer.

« Qui va là ? » fit une voix d'enfant. Diane aperçut alors la petite forme qui se tenait devant elle. En la reconnaissant, le jeune garçon blond se mit à rire. « Vous m'avez fait peur, j'ai cru qu'il y a avait une rébellion. »

« Si vous voulez mon avis, on n'en est pas loin. Ils sont en train de se chercher un bouc émissaire pour toute cette malchance qui nous est tombé dessus. »

Blackeney eut l'air gêné. "Vous parlez de Monsieur Hollom n'est-ce pas?".

La jeune fille lâcha une exclamation de mépris. « Apparemment il serait maudit et ce serait à cause de lui qu'on aurait perdu l'Achéron et que Warley serait mort dans la tempête. » Dans l'obscurité, Diane ne remarqua pas tout de suite les grands yeux du jeune garçon. Lorsqu'elle se rendit compte, elle se retourna brusquement. Hollom se tenait devant eux, la bouche entrouverte, essayant visiblement de reprendre contenance. Il fit soudainement volte-face.

« Je vais y aller », dit Blackeney à son amie. Celle-ci soupira. Elle espéra seulement que les marins s'en tiennent à leurs médisances dans les cales profondes et ne montrent pas trop leur méfiance vis-à-vis de l'aspirant déjà trentenaire.

Plus tard

« Allez, accélérez la cadence ! » encouragea Aubrey de sa voix puissante tandis que ses hommes s'attelaient pour repérer les parties du bateau qui avaient été détériorées. « Stephen, » fit-il en se tournant vers le chirurgien, lequel venait de monter sur la passerelle, « l'état des malades s'arrange-t-il ? »

Le jeune homme à lunette secoua la tête. « Ceux qui le pouvaient se sont déjà levés, et j'en vois certains travailler alors que je leur avais pourtant conseillé de ne pas bouger. Il y en a quelques-uns dont je ne peux prédire exactement s'ils s'en sortiront, mais il y en a un qui…qui ne devrait pas passer la nuit. » Le capitaine hocha la tête, une ride apparaissant sur son front.

« Bonjour docteur ! » fit Diane en arrivant près de lui alors qu'il redescendait de la passerelle. « Je suis contente de vous revoir, vous n'avez pas quitté l'infirmerie depuis hier. » Maturin ne put s'empêcher de sourire face à l'enthousiasme de sa filleule. La jeune fille avait certes déjà 10 ans lorsque Maturin avait fait sa connaissance, mais sa longue amitié avec Jack l'avait poussé à demander à ce dernier d'être le parrain de sa fille, lui-même ayant hérité d'une grande fortune mais n'ayant pas de descendant direct. Il la fixa ensuite d'un air plus sérieux à travers ses fines lunettes dorées. « Diane, seriez-vous assez aimable pour porter ce billet à l'homme du gouvernail ? C'est un mot de votre père. »

« Avec plaisir. Avec toutes ces réparations il y a peu de choses à faire pour les aspirants aujourd'hui », soupira-t-elle en prenant le bout de papiers des mains du médecin. « Dès que nous arriverons à terre, je vous promets de continuer les leçons d'ornithologie que nous avions commencées », fit celui-ci avant de rejoindre sa chère infirmerie.

Obéissant, la jeune blonde traversa le pont jusqu'au gouvernail où elle transmit le message à Bonden. « Je vous remercie, lieutenant », fit celui-ci avec le sourire dont il ne se détachait presque jamais (haaaa Billy Boyd...soupir). Diane voulut répondre de rien, lorsqu'elle entendit deux marins derrière elle, occupés à clouer des planches, qui discutaient de Hollom à voix haute, sans se soucier de la présence de celui-ci à quelques mètres.

La jeune fille jeta un regard à l'officier, visiblement raide et mal à l'aise, mais qui ne faisait cependant rien pour arrêter les insanités que les deux marins lançaient sur son compte. Avec rage, elle se dirigea vers eux, les lèvres pincées.

« Ce qui m'étonne le plus, c'est que ce gars ait la trentaine passée et qu'il soit au même niveau que ces gosses de 12 ans », ricana un jeune homme aux longs cheveux bruns, son ami faisant chorus. Ils se redressèrent brusquement lorsqu'un « hum hum » agressif retentit derrière eux. Automatiquement, le charpentier se leva, faisant le salut, suivi avec quelques secondes de retard par son apprenti.

« Quel est votre nom, matelot? » demanda sèchement Diane à celui-ci.

« Joseph Nagel. »

« Miss», rappela-t-elle en durcissant son regard. Ce jeune homme lui semblait bien trop insolent et elle ne supportait pas que qui que ce soit se permettre de se moquer à ce point de Hollom. Non qu'elle l'aimât particulièrement, mais elle ressentait pour lui de la pitié – voire de l'affection.

« Joseph Nagel, miss », répéta-t-il avec un fin sourire, ce qui ne découragea pas la fille d'Aubrey.

« Nagel, votre comportement est inqualifiable, et j'exige que vous présentiez immédiatement vos excuses à l'officier Hollom. »

« Ce n'est pas la peine, mademoiselle », bafouilla celui-ci, qui s'était rapproché. Son visage était rouge de honte, ce qui énerva encore plus l'adolescente.

« Miss, » fit-elle, les dents serrées. « Aucun manquement à l'autorité ne peut être toléré sur un navire du Roi. »

A présent, plusieurs hommes avaient abandonné leurs tâches et observaient la confrontation entre l'aspirant, la jeune fille et les deux marins.

« Il faut excuser mon apprenti, miss, il est jeune et ne se maîtrise pas toujours. Il ne pensait d'ailleurs pas ce qu'il disait » déclara Lamb le charcutier de sa voix rocailleuse, épaules vôutées.

« Il est plus âgé que moi, et je l'excuserais s'il m'obéit. » Elle lança un regard froid à Nagel, lequel soupira presque imperceptiblement puis se tourna vers Hollom.

« Monsieur, j'implore votre pardon pour vous avoir blessé. Je ne le pensais pas et c'était une erreur de ma part. » Il eut probablement envie de sourire en voyant l'homme en face de lui essayant d'adopter une attitude digne sans y parvenir, mais l'expression de Diane l'en dissuada.

« C'est bon, vous pouvez reprendre votre travail », fit celle-ci après un moment. Le charpentier la salua, et son apprenti aux cheveux longs en fit de même après avoir fixé intensément l'adolescente dans les yeux. Diane repartit vers la proue du navire, après avoir fusillé Hollom du regard.

Ce soir-là dans la cale

« Alors Joe, tu lui as tapé dans l'œil, à la fille de notre cher capitaine », fit le gros Matthieu en éclatant d'un rire gras. Le jeune homme ne répondit rien, buvant son verre d'alcool à petites gorgées. Les hommes étaient réunis dans les cales où une bouillie infâme venait de leur être servie en guise dîner.

« Tu aurais pourtant du faire attention », déclara Robinsons. « Si Aubrey – le père je veux dire – t'avais entendu, tu aurais été bon pour le fouet. » Cette fois-ci, Nagel reposa sa chope à côté de son bol, dont il avait à peine touché le contenu peu ragoûtant. « Cela ne m'effraie pas. Quelques malheureux coups de martinet ne sont à rien à côté de crever en mer. Et c'est exactement ce qui va se passer si nous gardons cette parodie d'homme avec nous. »

Plusieurs murmures, ainsi que le mot « Jonas » s'élevèrent, et le vieux cuisinier râleur recommença à prôner sa théorie, apparemment heureux que l'apprenti charpentier se soit rangé de son côté. Et celui-ci n'était probablement le seul.

« Tout cela est bien joli, mais qu'est-ce qu'on peut y faire, de toute façon ? Si la seule solution pour que tous ces malheurs cessent, c'est de pousser ce gars par-dessus bord, alors très bien. Que quelqu'un se dévoue. » D'un seul coup, le silence se fit autour de la table, personne n'osant répondre au marin borgne qui venait de parler.

« Voilà qui clôt la discussion », reprit celui-ci. « S'il faut vraiment que nous parlions de lui, à l'avenir, soyons plus discret. Je suis sûr qu'il adorerait nous voir mis aux fers ou quelque chose du genre. Ne lui faisons pas ce plaisir. » Des hochements de tête.

« Soyons discrets vis-à-vis des autres officiers », précisa Nagel avec une lueur maligne dans le regard. « Il est resté debout sans réagir pendant que nous discutions de lui. N'importe quel homme avec un tant soit peu d'autorité nous aurait déjà interpellé, avec seulement le quart de ce que nous avons dit. Même les aspirants de 12 ans ont plus d'autorité que lui. »

« Ou plutôt n'importe quelle femme », se moqua le gros Mathieu, ce qui lui valut un regard noir de la part de l'aide charpentier.

« Elle ne m'effraie pas non plus », grogna-t-il. « Si son père n'était pas notre supérieur à tous, je suis certain qu'elle serait bien moins sûre d'elle. »

« Ca je ne crois pas », le contredit Mathieu, le colosse à l'impressionnante barbe noire. « Je la connais depuis l'année dernière, nous avons voyagé ensemble sur le Morgan. Son père n'était pas là, et pourtant je peux vous dire qu'elle savait se faire respecter. Cependant, je dois dire qu'elle n'arrive pas à la cheville de ce petit blondinet. Il s'est enervé sur moi un jour, et il m'a tellement fait rire que j'ai finis par faire ce qu'il me demandait. »

Blessé de son amour-propre, Nagel ne répondit rien, maudissant mentalement la gamine qui s'était permise de le ridiculiser devant tout le monde – surtout pour prendre la défense d'une lavette humaine.

Cabine du Capitaine

Le docteur Maturin et Aubrey jouaient de concert depuis déjà une bonne demi-heure, lorsque des coups discrets se firent entendre à la porte. « Entrez », fit le capitaine de sa voix grave. Une tête blonde passa timidement par la porte.

« Bonjour Monsieur. Etant donné les événements des derniers jours, j'aurais voulu savoir si je pouvais exceptionnellement vous écouter jouer? Je vous jure que je ne ferai pas de bruit. »

« Sans problèmes », répondit le chirurgien en adressant un grand sourire à Diane, tandis que le capitaine disait en même temps : « Hors de question. » Déconcertée, la jeune fille les regarda alternativement.

« Il est plus que l'heure de dormir, pour vous», fit Jack d'un air sévère.

« Je ne suis plus une enfant, père, certains marins sont à peine plus âgés que moi et ils ne dorment pas encore, eux. »

« Je ne me répéterai pas. »

« Jack », intervint le médecin, « je pense qu'elle pourrait nous écouter, si elle en a envie. Il n'est jamais que 22 heures trente. »

« Je ne reviendrai pas sur ma décision, Stephen. »

Baissant les yeux, la jeune fille acquiesça lentement. « Dans ce cas…bonne nuit. » Elle disparut. Maturin regarda le capitaine d'un air indigné et ouvrit la bouche, mais l'autre le coupa.

« Stephen, j'ai énormément d'estime pour vous, vous êtes un musicien hors-pair et un scientifique qui a amplement mérité ses titres, mais de grâce ne remettez plus mon autorité en cause vis-à-vis de ma fille. »

« Jack, elle...elle voulait juste nous écouter un peu, il n'y a rien de mal. » Il s'interrompit. "Je pense qu'elle souhaiterait passer du temps avec vous".

Aubrey évita son regard, prétendant rajuster son violon et répondit : « En tant qu'aspirant, elle n'a pas à se trouver dans ma cabine privée à cette heure-ci. »

L'homme aux lunettes dorées le regarda comme s'il n'en croyait pas ses oreilles. « Mais c'est votre fille ! »

« Oui, et je suis son père. Cependant, sur ce bateau, je suis avant tout son capitaine, » conclut-il d'un ton sans réplique. Le médecin préféra abandonner la partie et bientôt le son des deux instruments se fit à nouveau entendre.

Quelques jours plus tard

« Nagel ! » La voix du capitaine retentit sur toute la passerelle. Il ordonna quelque chose à l'homme qui se tenait à côté de lui, mais Diane ne put l'entendre. Tout le monde s'était arrêté. Ceux qui avaient vu la scène la racontaient à voix basse à leurs confrères : l'aide charpentier, non content de ne pas avoir salué l'officier Hollom, était même allé jusqu'à lui donner un coup d'épaule, ce qui n'avait pas échappé à l'oeil d'Aubrey. Sur les ordres de celui-ci, un homme vint passer des menottes au jeune homme et l'emmena dans la cale, où il allait être mis aux fers.

« Suivez-moi », fit le capitaine à Hollom, lequel parut terrorisé. La jeune femme croisa les yeux gris de son père durant un instant. Son intervention n'allait pas aider l'officier peureux à acquérir plus d'autorité et de crédibilité auprès de l'équipage. Pourtant, en cette seconde, elle n'aurait su dire qui l'insupportait le plus: son père, Hollom, ou encore l'homme insolent qui avait manqué de respect à ce dernier.

Elle opta pour la dernière option. Descendant à toute vitesse dans les cales, elle vit deux hommes qui en réprimandaient un autre, accroché aux murs par des menottes. Un troisième, aux cheveux roux, les observait avec un regard mauvais.

« Merde, Joe, tu joues à quoi ? Tu avais vraiment envie de te retrouver ici pour tout le restant du voyage ! » fit le premier, un blond qui n'était guère plus âgé que son ami enchaîné. Le second, ayant effectué sa besogne, se leva et sortit d'un air dégoûté. Le blond secoua la tête face à l'indifférence de Joseph.

« Ecoute », murmura-t-il. « La mort de Will nous a tous affectés, seulement -»

« Affectés ! » cracha l'aide-charpentier, dont l'expression insolente du visage avait été remplacé par de la colère. « Ce n'est pas toi qui as du couper les cordes, je te rappelle ! Ce n'est pas toi qui as tué Will ! »

« Descends d'un ton où tu vas les rameuter », grogna le roux qui était en fait le responsable de la prison ». « Quant à toi, retourne travailler », ordonna-t-il au blond, qui obéit. Lorsqu'il passa devant Diane, il lui fit un salut tellement exagéré dans le geste que la jeune femme jura que c'était à cause de l'incident qui venait juste d'arriver à son camarade moins respectueux.

« Vous êtes décidément incorrigible », déclara-t-elle d'une voix froide qui fit relever la tête à Nagel. Le roux patibulaire la salua lui aussi, mais elle ne fit même pas attention à lui, fixant du regard le jeune homme emprisonné. Celui-ci secoua la tête, puis dit : « Vous m'excuserez de ne pas pouvoir vous saluer, Miss… » Il remua inutilement ses poignets entravés par les menottes.

Soupirant, la jeune fille se rapprocha de lui.

« Avec respect, mademoiselle -"

« Je vous remercie, je vous demanderai lorsque j'aurai besoin de vous. Vous pouvez disposer » dit-elle au roux d'un ton autoritaire. Ce dernier ouvrirt la bouche, puis se ravisa et partit en grognant.

Diane fixait Nagel avec mauvaise humeur. « Pour commencer, vous allez me faire plaisir et ôter de votre visage ce sourire moqueur », ordonna-t-elle.

« Pardonnez-moi...miss. »

« Contrairement à ce que vous semblez penser, je ne suis pas venue ici pour faire la causette avec vous, Nagel. » Elle le fixa avec intensité, et le jeune homme parut légèrement étonné. « Vous devez faire attention à vous, et je suis extrêmement sérieuse. Quoi que mon père décide, votre comportement sera retranscrit par le secrétaire et il est fort possible que vous ne puissiez plus jamais être embauché sur un navire. Ou pire, la prochain il est possible que la Cour décide de votre pendaison. Mon père est juste, mais il est tout comme nous soumis à la loi. Il ne fera aucun favoritisme pour son équipage."

Un silence s'installa, les longs cheveux caramel du jeune homme glissant de ses épaules tandis qu'il regardait le sol entre ses jambes.

« Etre insolent ne vous mènera nulle part, pas plus que de rejeter la faute sur un officier qui n'y peut rien », continua Diane.

« Miss, j'apprécie réellement vos mises en garde, mais j'estime être suffisamment grand pour m'occuper de moi tout seul. » La jeune femme fronça les sourcils, puis lâcha un soupir de dédain.

« Permettez-moi d'en douter, étant donné que vous êtes bien parti pour rester au moins trois semaines dans cette geôle. »

« Si je puis me permettre, ça ne durera pas 3 semaines », dit une voix.

« Que voulez-vous dire" demanda Diane en se tournant vers le responsable de la prison qui s'était silencieusement glissé derrière elle.

« Nagel ne restera pas longtemps ici, le capitaine a ordonné qu'il soit libéré au prochain tour de garde. » Cette fois-ci, les sourcils de l'adolescente montèrent en flèche. « Vous voulez dire qu'il ne va rester que deux heures ici ? »

« Faut croire » acquiesça-t-t'il avec un sourire mauvais.

« Je vais aller voir le capitaine, vous n'allez pas vous en tirer si bien que ça" prévint-elle Nagel en le fusillant du regard, avant de tourner les talons et de disparaître – même si elle n'en avait nullement l'intention. Elle avait vu la douleur du jeune homme lorsqu'il avait du couper les cordages qui reliaient le mât au bateau, entraînant par là la mort de son ami. L'apprenti charpentier baissa à nouveau la tête, ignorant le regard avide que lui jetait son geôlier avant de sortir.

Au bout d'un certain temps, un homme de petite taille vint parler à celui-ci, et le roux s'approcha de son prisonnier à la manière d'une grand-mère voûtée. « Apparemment, notre jeune amie a vu ses souhaits exaucés. »

« Je m'en moque, » répondit l'autre. « Rester ici deux heures ou deux ans, c'est le cadet de mes soucis. »

« Haha...mais justement, tu es libre. »

Nagel leva les yeux vers lui, incrédule. « Déjà ? »

« Hé oui. Mais dis-moi, gamin, le fouet, c'est aussi le cadet de tes soucis ? »

Nagel le fixa avec des yeux ronds. Il n'avait jamais entendu parler d'un homme qui ait fait quelque chose de grave au point de mériter le fouet. Les gars parlaient souvent des autres bateaux, ceux qui n'étaient pas chanceux en part de prise, ceux où l'ambiance était mauvaise. Mais pas sur la Surprise. « Tu mens », dit-il.

Le roux laissa échapper un ricanement. « Certainement pas. Prochain tour de garde, une petite dizaine de coups de fouets pour le gamin rebelle. » Nagel le fixa un moment, bouche ouverte, bien décidé à ne pas montrer à l'autre qu'il avait peur. Alors comme ça, cette fille avait obtenu ce qu'elle voulait...alors qu'elle l'avait averti de se tenir à carreau pour son propre bien, qu'elle avait presque été sympathique avec lui…

« Ne t'inquiete pas, ça passera vite. Respire bien, et surtout évite de crier » , lui conseilla Bonden en le détachant, presque plus traumatisé que son ami condamné.

Le jeune homme ne pleurerait pas. Peu importe la douleur qu'il ressentirait, il ne pleurerait pas. Si Will avait pu rester des heures en mer avant de mourir noyé, alors lui-même pouvait bien recevoir quelques coups dans le dos sans en faire toute une histoire.

Au même moment sur le pont

« Je suis sûre que c'était un dauphin ! » s'exclama le jeune William Blackeney.

« Ca ressemblait beaucoup plus à un simple poisson – la nageoire caudale était trop développée pour - »

« Docteur, vous n'avez aucune poésie », le critiqua Diane en secouant la tête. Ils étaient tous les trois assis à la proue du navire, profitant de l'immobilité temporaire du navire à cause des réparations pour observer les animaux marins. « Venant de vous, je prends cela comme un compliment – vous avez trop de poésie, » plaisanta le chirurgien en remontant ses lunettes et en chiffonnant le dessin qu'il venait de faire.

« Que voulez-vous dire par là ? »

« Rien d'anormal, je vous rassure. En tant qu'adolescente, le romantisme, la poésie et les rêves ne sont-ils pas vos rêves ultimes?»

Blackeney et Diane se regardèrent d'un air interloqué, avant d'éclater de rire en poussant des exclamations de dégoût. Au-dessus d'eux, le capitaine apparut sur la plage arrière.

« Mr Pullings, je veux tous les hommes sur le pont central, et vite. »

« Pourquoi ? » demanda le chirurgien à son ami en plissant les yeux à cause du soleil.

« L'homme qui a bousculé Hollom tout à l'heure va être puni, et je tiens à ce qu'ils assistent tous à son châtiment, afin que cela les dissuade de l'imiter. »

Avec une expression signifiant qu'il désapprouvait grandement, le médecin se leva, aidant son collègue blondinet à en faire autant. La jeune fille fixait son père qui s'éloignait, bouche entrouverte et sourcils froncés. « Qu'est-ce qu'ils vont lui faire ? » demanda-t-elle d'une voix faible au médecin tout en attrapant la main qu'il lui tendait. « Le fouet, je suppose », répondit celui-ci en secouant la tête.

Diane prit un moment à digérer l'information, puis se mit à courir jusqu'au pont principal, où le capitaine, les lieutenants et les autres officiers se tenaient sur une corniche surélevée. Avec horreur, elle vit que l'on attachait Nagel à une grande planche de bois. « C'est pas vrai …» murmura-t-elle, les yeux exorbités. « Père ? Père ! » cria-t-elle en arrivant près de lui. Celui-ci lui envoya un regard menaçant. « Quelle est cette folie, miss! Veuillez m'appeler Capitaine », lui dit-il avec rage une fois qu'elle fut près de lui.

Plusieurs officiers s'étonnèrent du comportement de leur supérieur ; celui-ci n'avait jamais autant affiché une expression de mépris face à quelqu'un comme il le faisait en ce moment à sa fille. Celle-ci l'ignora. « Vous n'allez quand même pas faire fouetter cet homme ? » fit-elle, à bout de souffle. « C'est...c'est inhumain ! »

« Miss, vous n'avez pas à discuter les ordres. » Puis, voyant l'expression de sa fille, il s'approcha d'elle et souffla d'un ton plus bas mais tout aussi ferme: « La discipline et la hiérarchie sont essentielles dans une communauté et vous le savez. Cet homme a mérité cela, il n'a pas respecté les règles. »

Désespérée, Diane ravala sa rancoeur, se retournant ver le pont plus bas qui allait bientôt devenir un véritable lieu de torture. Elle n'avait été fouettée mais ne pouvait qu'imaginer la douleur ressentie.

Il fallait une bonne vingtaines de minutes avant que tous ne soient réunis et que la planche soit montée.

« Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense? »

« Non, monsieur », répondit le jeune homme en secouant la tête.

« UN ! »

Le claquement du fouet cingla, et le cri de douleur que poussa le jeune marin retentit sur tout le pont, arrachant des regards dégoûtés à plusieurs hommes. Certains officiers – les plus jeunes – se reculèrent ou fermèrent les yeux. Diane referma la bouche, la mâchoire tremblotante et ses yeux commençant à picoter. D'un seul coup, son cœur s'arrêta. La dernière phrase qu'elle avait dite au jeune homme…qu'elle irait demander une sanction plus importante….il allait croire que c'était à cause d'elle !

Une larme coula le long de sa joue tandis qu'un autre cri étranglé suivait de près un « CINQ ! » bruyant. « C'est la première fois que vous voyez ce genre de spectacle, Miss Aubrey ? » murmura Pullings d'un air compatissant en se penchant vers elle. « Non…mais ça me fait toujours cet effet-là », mentit-elle en essuyant discrètement une larme.

« HUIT ! »

Les yeux lagon du charpentier observaient les hommes surélevés à travers l'espace découpé dans la planche de bois. Ils brillaient avec rage, et la jeune fille eut l'impression de l'avoir trahi. C'est du moins ce qu'il devait penser…Ses hurlements s'intensifiaient, mais il ne pleurait pas. Incapable d'en faire de même, Diane fit brusquement volte-face et descendit rapidement de la passerelle pour aller se réfugier dans la petite chambre des officiers, où elle laissa librement couler ses larmes dans le premier hamac qu'elle trouva.

« Vous ne vous sentez pas bien ? » fit une voix derrière elle. Elle n'osa se redresser, certaine d'être dans un état lamentable. « Miss? » Une main maladroite se posa sur son épaule, et elle se leva finalement. Hollom la regardait avec une expression de désolation. « Je suis désolé », bafouilla-t-il. « Tout cela est de ma faute… »

« De votre faute ? »

« Et bien, oui…c'est vrai que tous les accidents proviennent toujours lorsque je suis de garde, alors je comprends que les hommes ressentent un sentiment de...de mépris à mon égard… »

« De mépris ? », répéta Diane, stupéfaite. « Vous vous moquez de moi…? Ces hommes n'ont pas à vous manquer de respect, Hollom ! Ils n'ont pas à se conduire comme cela avec vous et encore moi à réussir à vous faire croire toutes ces idioties de malédictions et autres sottises ! Alors maintenant, ressaisissez-vous et ne les laissez plus vous insulter, montrez-leur que vous êtes un leader. » L'aspirant la regardait avec des yeux ronds, visiblement perplexe face au comportement de l'adolescente qui l'engueulait presque tout en l'encourageant.

« Bien, Miss», dit-il avec une voix légèrement plus assurée. L'autre secoua la tête comme pour conclure la discussion puis attendit que le brun soit sorti pour attraper son miroir dans son sac et vérifier qu'elle n'avait pas les yeux trop rouges. Au bout d'un moment, elle entendit du bruit dans la cale.

« Amenez-le par ici », ordonna une voix familière. Diane descendit l'échelle après quelques minutes, se dirigeant vers l'infirmerie. En la voyant, le médecin se tourna vers les deux hommes qui se tenaient debout et dit « Vous pouvez retourner à votre travail, je vais m'occuper de lui ». Les deux marins sortirent en saluant la jeune femme à l'entrée de la pièce. Celle-ci n'osa parler, se sentant intimidée par le regard pénétrant que lui lança le chirurgien tout en sortant un tas de compresses de son armoire. Elle baissa les yeux vers l'homme semi-inconscient qui était allongé sur le ventre sur la table, le dos en sang. Elle ne put s'empêcher de fermer les yeux.

« Diane...puisque vous êtes là, pouvez-vous m'aider ? » demanda Maturin en lui faisant signe de venir. L'adolescente obéit, puis murmura, alors qu'il lui tendait un rouleau de bandelettes à dérouler : « Je trouve ça inhumain. »

Il y eut un bref silence, puis le docteur répliqua : « Moi aussi. Mais je me plie aux ordres de votre père. Je n'approuve pas ce genre de sanction, mais je ne peux rien dire. »

« Vous avez beaucoup d'influence sur de mon père; il vous estime énormément. Vous pouvez intervenir auprès de lui pour que ce genre de choses n'arrive plus… » le supplia la jeune fille du bout des lèvres.

« Je lui parlerai tout à l'heure », dit-il après un moment. « Venez. Vous allez m'aider à appliquer ces compresses sur ces blessures. Tamponnez doucement et surtout ne frottez pas. »

La fille du capitaine fit ce qui lui était demandé, frissonnant en touchant les immenses balafres ensanglantées. Sous le coup de la douleur, le jeune homme se remit à gémir. « Ne vous inquiétez pas, ça va brûler au début mais vous ne sentirez plus rien au bout de quelques secondes », le rassura le médecin. Nagel gardait les yeux fermés, la mâchoire contractée, et Diane crut qu'il l'avait reconnue.

« Bien », fit Maturin en jetant certaines compresses dans un sachet. « Il va falloir attendre que le produit sèche, ce qui devrait prendre 10 minutes, puis je vous mettrai des bandages. »

« Merci », fit le marin d'une voix étouffée.

« Je vais voir votre père », dit le médecin à Diane, bien qu'hésitant. « Seulement j'ai peur de le mettre en colère. Je sais qu'il est très pointilleux en ce qui concerne la hiérarchie et généralement, il ne supporte pas que je critique sa façon de diriger ce vaisseau. » Les coins de sa bouche avaient frémi à la fin de sa phrase, comme s'il réprimait un sourire.

« Oui, il ne supporte pas qu'on le contredise », ajouta la jeune fille en regardant le sol.

« C'est ce qui fait son charme », plaisanta le médecin, en souriant à la jeune fille. Celle-ci lui rendit son sourire malgré elle. « Vous surveillez notre blessé quelques minutes ? Je ne serai pas long. »

Horrifiée durant une demi-seconde, Diane hocha quand même la tête, et le chirurgien sortit. Elle attrapa l'unique chaise du cabinet et s'assit dessus à l'envers, posant sa tête sur ses bras et observant le visage du jeune homme qui semblait à nouveau dormir. Pourtant, ses paupières se levèrent et il la fixa durant un bon moment, ce qui fit battre le cœur de l'adolescente à une allure folle. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais il fut plus rapide.

« Je vous dois des excuses, Miss », fit-il d'une voix faible. Il n'y avait plus aucune trace d'insolence ou d'arrogance dans son expression, et cela atteignit la jeune fille plus que tout.

« C'est à l'officier Hollom que vous en deviez...pas à moi », fit-elle en secouant la tête. Un silence s'installa.

« Nagel… » fit-elle après un moment. « Je n'étais pas au courant pour le fouet. Et si je l'avais su - »

« Vous auriez tout fait pour que je ne "m'en tire pas si bien que ça" » , la coupa-t-il. Il l'avait interrompue, ce qui signifiait qu'il redevenait comme avant. La jeune femme fut incapable de décider si cela l'agaçait ou la rassurait. Elle se contenta de secouer la tête en souriant avec autodérision.

« A l'avenir vous saurez à quoi vous en tenir. Vous saignez encore », remarqua-t-elle, sourcils froncés. Elle se leva et attrapa une nouvelle compresse, avec laquelle elle se mit à tamponner doucement sur une plaie dont le sang s'échappait. Le jeune homme croisa ses bras sous sa tête, mais de là où elle était Diane ne voyait que son épaisse crinière brune. « Je n'ai jamais été fouettée. Je ne sais pas ce que vous ressentez. »

Le charpentier tourna sa tête sur le côté, de sorte qu'elle put voir une partie de son visage. « J'ai mérité largement pire".

Elle s'accroupit pour être à hauteur de ses yeux. Il était clair qu'il ne venait pas de faire référence à Hollom. Elle ouvrit la bouche mais son regard bleu perçant la pris de cours. Les deux jeunes gens restèrent plusieurs secondes fixés ainsi, les yeux dans les yeux, jusqu'à ce qu'un bruit de pas se fasse entendre.

La fille d'Aubrey se releva brusquement, puis se retourna pour se retrouver face au médecin qui venait d'entrer. « Je...une blessure saignait encore… » expliqua-t-elle en montrant inutilement la compresse qu'elle tenait encore dans sa main. « Mais je n'ai pas rajouté de produit… »

« Bien, dans ce cas je vais pouvoir mettre les bandages, » acquiesça le chirurgien. « Je vous remercie, Diane. »

Il s'approcha de Nagel et lui demanda s'il pouvait s'asseoir, ce que celui-ci fit avec douleur. Puis, voyant que la blonde restait là, il lui dit : « Votre père est une vraie tête de mule. Mais évitez de lui répéter ça. »

« Non, ne vous inquiétez pas », le rassura-t-elle, ses yeux fixés sur la fine poitrine du jeune marin. C'était la première fois que Diane ressentait une telle sensation en voyant un homme nu. Pourtant, la plupart des marins se promenaient sur le navire avec pour tout vêtement un pantalon, mais jamais elle n'avait trouvé cela….beau. Le corps de Nagel lui-même semblait à peine sorti de l'adolescence : il était fin, sans muscles et très pâle, et ses tétons rosés donnaient l'impression de deux îles flottant sur un désert de sable. Diane avait du le voir plus d'une centaine de fois torse nu au cours de ce voyage. Mais pour la première fois, elle le voyait...différemment.

La jeune fille croisa le regard du marin, qui avait récupéré son petit sourire moqueur, et elle se sentit rougir. « Que cela vous serve de leçons, Nagel », dit-elle d'une voix faussement convaincue avant de sortir de l'infirmerie, le cœur battant.