C'est une fiction, hein…Les personnages sentent bon et ils n'ont pas mauvaise haleine (malgré les conditions de vie) -

PS : bon je vous rassure entre Calamy et Diane ça ne sera jamais le grand amour (de toutes façon une certaine autre héroïne assez agressive la tuerait pour ça) ) Seulement, mes rapports avec les gars de mon âge n'ont jamais été au beau fixe, et puis ils (C et D) se considèrent mutuellement comme des gamins et imbéciles, alors….

Chapitre quatre : on se jette à l'eau !

Le lendemain, il sembla aux hommes que la chaleur du soleil avait augmenté d'encore quelques centaines de degrés. Le seul point positif, pour la jeune fille, c'était que la plupart des marins, même les aspirants, se promenaient torse nu ou avec de larges chemises déboutonnées, chose qui ne l'avait jamais troublée à ce point auparavant.

De nombreux conflits et querelles éclataient entre les hommes, ce qui commençaient à inquiéter Aubrey. Diane l'entendait se disputer de plus en plus souvent avec le docteur, ce qui était normalement assez rare.

Ce soir-là, le dîner fut court et peu animé. Au moment où tout le monde se levait, le capitaine ordonna à sa fille de rester - cela faisait plusieurs jours que Maturin avait renoncé à subir sa mauvaise humeur lors de leurs séances musicales.

Diane resta debout; observant son père tourner comme un lion en cage. « J'ai parlé à Stephen, cet après-midi. »

L'adolescente se sentit rougir. « J'espère que vous n'avez pas cru tous ces ragots, père », bafouilla-t-elle, oubliant mentalement le « monsieur » qu'elle était censée utiliser. « C'est vrai que j'ai dormi dans la chambre du docteur, mais je- »

« Ne m'interromps pas. »

La jeune fille baissa la tête, penaude.

« Stephen m'a déjà parlé de ça, et je sais à quel point les marins peuvent aimer ce genre de ragots. Ils s'estomperont bien vite, ne t'inquiète pas. »

Diane releva la tête, intérieurement soulagée. « Dans ce cas pourquoi m'avez-vous demandé de rester, monsieur? »

Le capitaine hocha la tête, et lorsqu'il parla, ce fut avec une voix étrangement douce qu'il avait rarement utilisée auparavant. « Ce dont j'ai réellement parlé avec Stephen, c'est ce que tu as eu…tu sais. »

La fille aux cheveux châtain l'avait rarement vu aussi mal à l'aise.

« A présent que tu es officiellement une femme, je dois prendre en compte différentes propositions auxquelles je n'avais pas accordé d'importance auparavant. »

Aubrey se tourna vers la fenêtre, se redressant. La jeune fille remarqua alors que lorsque son père ne se tenait pas face à elle, imposant, elle ne le trouvait pas si grand que ça. Elle commençait même peu à peu à le rattraper…en tout cas, elle ne serait jamais aussi grande que Maturin, c'était certain. Cet homme était un géant.

« Bien entendu, nous ne pourrons régler cela qu'une fois à terre, mais je préfère tout de même te laisser le temps de te préparer. »

Diane sortit de sa rêverie. « Mais de quoi parlez-vous…monsieur? »

« De ton mariage, bien sûr », fit le capitaine d'une voix froide en se retournant vers elle, dans une attitude qui la mettait clairement au défi de s'insurger. A nouveau, la jeune fille se sentit toute petite.

« Vous…vous avez eu des propositions? » demanda-t-elle d'une petite voix, même si ce n'est pas ce qu'elle avait réellement eu l'intention de demander.

« Quelques-unes. D'anciens marins qui seraient heureux d'avoir une femme qui y connaisse quelque chose à leur passion. »

Il y eut un silence.

« D'accord. »

Le capitaine releva la tête, surpris. « Et bien, je…je suis heureux que tu le prennes aussi facilement », dit-il après un moment.

« De toute façon, je suis tout le temps en mer, alors je ne les verrai pas souvent…enfin, mon mari je veux dire. »

Aubrey inspira profondément, contractant sa mâchoire, comme s'il s'était attendu à ça. « Diane, il a toujours été évident que lorsque tu serais véritablement devenue une femme, il te serait impossible de continuer à faire de tels voyages. Ce serait inconvenant. Et puis c'est un métier d'homme- »

« Père, je sais que j'ai bénéficié d'un grade de lieutenant spécial étant donné mon statut, mais j'ai quand même étudié autant que les autres et - »

« Je t'ai déjà dit de ne pas m'interrompre!! » s'exclama le capitaine. Il se ressaisit. « Justement, tes connaissances maritimes, en tant que femme, sont un avantage de poids. L'amiral Rickman n'a jamais cessé de me faire des compliments sur toi, et sa femme est morte depuis des années déjà ».

« Un avantage… », répéta la jeune fille à voix basse. « A la manière d'une pouliche que vous pourriez vendre plus cher parce que vous lui auriez appris à trotter sur place. »

Pourtant, le capitaine ne s'énerva pas, cette fois-ci. Il s'approcha de l'adolescente, et posa ses mains sur ses joues déjà humides, la forçant doucement à relever la tête. Il sembla ému de voir les larmes de sa fille.

« Que tu te maries ou non, Diane, il est hors de question que tu continues à voyager sur la mer. Et je ne veux pas que tu soies obligée de travailler comme une vulgaire servante pour gagner ta vie alors qu'un mari haut placé te permettra de couler des jours heureux. C'est une grande chance dont tu bénéficies, tu sais. Ce n'est pas donné à tout le monde. »

« Et bien Tout le monde a de la chance, lui » murmura-t-elle avec rancœur.

Jack ôta ses mains, reprenant son attitude austère. « J'ai parlé avec Sophie, elle est d'accord avec moi, - »

« Je m'en fous de Sophie!! » explosa la jeune fille. « Ce n'est pas ma mère, et toi tu n'es même pas mon père! Tu es toujours en train de m'humilier… »

« Jeune fille, ne me parle pas sur ce ton… »

« …de me rabaisser et de me regarder comme si tu avais honte de moi. Et j'en ai marre!! Si tu veux faire ça, c'est juste pour te débarrasser de moi je le sais! On ne fait pas des enfants si c'est pour les traiter comme de la MERDE!!

« JE T'INTERDIS DE ME PARLER SUR CE TON!! JE SUIS ENCORE TON PÈRE ET JE DÉCIDE DE CE QU'IL Y A DE MEILLEUR POUR TOI- »

« DANS CE CAS POURQUOI VEUX-TU M'EMPECHER DE FAIRE CE QUE J'AIME? »

« ÉTANT DONNE QUE TU ES TROP JEUNE ET TROP IMMATURE POUR PRENDRE LES BONNES DÉCISIONS- »

« TU FAIS TOUJOURS TOUT POUR ME POURRIR LA VIE ET- »

« C EST PARCE QUE JE NE TE CONSIDÈRE PAS COMME MA FILLE - TU ME FAIS BIEN TROP HONTE POUR CA!!

Diane fut coupé net dans son élan. Elle regarda fixement son père, qui bouillonnait de rage. Sans soucier d'essuyer ses larmes, elle pivota et sortit brusquement de la pièce. Les marins qui avaient entendu les cris s'étaient rapprochés et elle les ignora, grimpant précipitamment l'échelle.

Une fois sur le pont, elle se laissa tomber dans un coin, ses cheveux couvrant son visage, et se mit à pleurer en silence.

Ce que le capitaine avait dit ne l'étonnait pas, dans le fond. Elle se comportait réellement comme une gamine. Crier et s'énerver ainsi, ça ne lui ressemblait pas du tout, elle avait toujours bénéficié d'une bonne éducation…Mais bon dieu, c'était une gamine! Diane n'avait que seize ans, elle avait toujours vu sa vie entière comme un gigantesque traversée en mer. Tout ce qu'elle voyait, dans le futur, c'était un grade de premier lieutenant, voire de capitaine si elle s'y prenait bien. Pas de mariage ni d'époux renommé…Elle avait espéré qu'il en serait toujours ainsi; elle, Stephen et son père sur un navire.

C'aurait été le bonheur total. Mais tout a une fin.

« Diane? »

Elle releva la tête, pour croiser le regard un peu ahuri de Hollom. « Décidément, on ne se parlera jamais que dans des moments de déprime, nous deux » plaisanta-t-elle, mais le cœur n'y était pas.

L'aspirant, qui était accroupi, s'assis à côté d'elle. La jeune fille avait l'impression de revivre la même scène que la veille, les rôles étant échangés. « Que se passe-t-il? » demanda-t-il après un moment.

« Mon père veut me marier », expliqua la jeune fille, même si cela n'était pas le plus grave pour elle. Elle aurait même accepté d'épouser un pingouin édenté si cela lui permettait de continuer ses études dans la marine et de faire d'autres voyages.

« Mais c'est plutôt une bonne nouvelle, » fit le jeune homme avec chaleur. « Le mariage est un synonyme de bonheur. »

« Peut-être. Mais je n'ai pas envie de quitter la marine. J'aime ce navire, et son équipage. Je ne peux pas me résoudre à tout abandonner. » Elle plongea ses yeux humides dans ceux de Hollom, qui parut troublé. Pour une fois, l'adolescente ne ressentait pas ce sentiment de pitié envers lui. Il lui semblait plutôt que c'était à lui d'avoir pitié d'elle.

« Prenez-moi dans vos bras…s'il vous plait » l'implora-t-elle à voix basse. Le jeune homme parut horrifié durant un instant, puis hésita, et tendit à demi un bras maladroit vers la jeune fille. Celle-ci s'y blottit, ayant simplement besoin de se sentir serrée contre quelqu'un, qui que ce fut.

Ils restèrent ainsi de longues minutes, et Diane en profita pour se vider la tête. Elle se sentait si bien qu'elle aurait pu s'endormir. Hollom, lui, était légèrement mal à l'aise; il craignait que Blakeney, qui était de garde, vint de ce côté du pont et ne les surprenne.

La jeune fille finit cependant par s'écarter. « Merci », chuchota-t-elle. L'aspirant sourit avec gêne. « Ce n'était rien », dit-il.

Mue par une pulsion subite, Diane le regarda droit dans les yeux, et lui dit: « Wallace…j'ai envie de vous embrasser. » Elle ne savait pas pourquoi elle avait dit ça. Elle n'était pas amoureuse de lui! Et ce n'était pas de la pitié…Seulement, elle avait toujours été attirée par les lèvres du jeune homme, qui étaient vraiment d'une forme étrange.

Alors qu'elle allait s'excuser, certaine qu'il allait avoir une crise cardiaque dans la seconde, elle eut la surprise de voir son visage s'approcher du sien. La seconde d'après, sa bouche était contre la sienne. Diane n'eut pas le réflexe de fermer les yeux, et lorsque Hollom se recula, il cru qu'elle avait plaisanté.

« Je suis désolé », fit-il d'une voix morte, la terreur s'affichant sur son visage.

« Non…non », le rassura Diane, encore sous le choc. C'était la première fois qu'un homme l'embrassait. Et encore, seules leurs lèvres s'étaient touchées. Bien sûr, il y avait eu Remy, quand elle avait douze ans, mais c'était différent…

L'aspirant se permit un faible sourire. « C'est à moi de vous remercier, alors. »

La jeune fille lui rendit son sourire, incapable de répondre. S'il n' y avait que ça pour le rendre heureux et lui faire oublier cette histoire de Jonas…Elle se sentit fière d'elle. Surtout qu'elle-même se sentait trembler. « Il ne fallait pas vous sentir obligé… »

« Obligé? » Le jeune homme aux cheveux bruns se redressa légèrement pour se mettre à genoux. « Diane », commença-t-il d'un ton sérieux. « Vous êtes la seule à avoir toujours été aimable avec moi. Une véritable bouée de sauvetage dans les moments difficiles… »

« Allons, Blakeney vous apprécie beaucoup lui aussi », le coupa-t-elle, légèrement gênée par un tel compliment.

« C'est vrai…mais il n'est encore qu'un enfant. Et je ne peux ressentir que de l'amitié pour lui… »

Diane ne répondit rien, mais son cœur se mit soudainement à accélérer. Son père, maintenant Hollom…comme si en une journée, elle était passée du stade enfant à celui de femme. Elle réfléchit ensuite à la seconde partie de ce qu'il venait de dire…

Je ne peux ressentir que de l'amitié pour lui…

Mais c'était impossible…Hollom était un homme adulte, près de deux fois plus âgé qu'elle!

« En parlant de Blakeney, c'est son tour de garde, non? » dit-elle après un moment.

« Heu…oui. J'avais prévu d'aller lui tenir compagnie, c'est pour ça que je suis monté. Je ferais peut-être bien de le rejoindre…Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous pouvez comptez sur moi, Diane. »

Celle-ci le regarda avec émotion et lui sourit en hochant la tête. Il disparut, après l'avoir gratifié d'un sourire dévoilant toutes ses dents, et elle s'accouda au bord, expirant longuement. Tout ce qui s'était passé en moins d'une demi-heure l'avait complètement retournée. Elle repensa soudainement à la dispute avec son père, et la joie qu'elle ressentait s'évanouit aussitôt.

Brusquement abattue, elle se leva et descendit l'échelle. Une silhouette familière qui se trouvait au pied de celle-ci la salua, le visage sombre.

« Vous ne dormez pas encore? », fit la jeune fille d'une voix morte.

« Lorsque je vous ai vu pleurer, j'ai pensé que vous auriez peut-être besoin de consolation. Mais apparemment je n'étais pas le seul à penser ça… »

« Vous nous avez espionnés? » dit-elle en fronçant les sourcils

« Moins fort, vous ne voudriez pas que les autres entendent. Sans compter que votre cher docteur risque de vous faire une crise de jalousie. »

Mais Diane ne se sentait plus la force de répliquer ou de jouer à ce petit jeu. « Vous voulez vraiment me consoler? Alors allons parler un peu sur le pont, d'accord? »

« Si c'est un ordre… » murmura Nagel, avant de la suivre.

La jeune fille aperçut Blakeney et Hollom qui discutait à l'avant du navire. Elle marcha discrètement jusqu'à la poupe de celui-ci, s'asseyant derrière le petit rempart d'un mètre derrière le gouvernail. Ici au moins, elle ne serait pas vue.

« Et bien, lieutenant, que s'est-il donc passé avec le capitaine? » dit Nagel en s'asseyant à côté d'elle.

« Ssssh, de grâce, parlez moins fort », l'implora-t-elle. « Et si vous voulez tout savoir nous avons eu un léger différend quant à ma carrière future. »

« Un léger différend plutôt violent, d'après ce qu'on a pu entendre… »

« Ouais, on est plutôt passionné chez les Aubrey. »

Les deux jeunes gens restèrent silencieux plusieurs minutes, observant les étoiles brillant dans le ciel plus que dégagé. « Vous en voulez? » demanda l'aide charpentier en sortant une flasque de sa chemise.

« Du rhum? »

« Exactement. »

« Après tout pourquoi pas…mais vous d'abord; je me méfie. »

Nagel rigola puis avala une gorgée. La jeune fille observa le liquide se refléter sur ses lèvres à la lueur de la lanterne accrochée juste au-dessus d'eux. De drôles de pensées la traversèrent et elle s'en voulut étant donné les circonstances.

Elle renifla le goulot. Elle avait déjà senti du rhum, mais n'avait jamais été autorisée à en consommer. Ce qui n'était pas une mauvaise idée, vu qu'après deux verres de vin elle se sentait déjà toute guillerette. Elle se souvenait très bien du premier dîner qu'elle avait fait au début de ce voyage. Elle avait fini par sortir à Pullings que sa cicatrice lui donnait l'air d'un pirate machiavélique et qu'elle aurait volontiers accepté d'être son otage.

« Wow », s'étrangla-t-elle en lui rendant la bouteille.

« Moins de bruit, lieutenant vous allez nous faire repérer. Vous êtes officiellement mon complice, n'oubliez pas », plaisanta le jeune homme.

« Pff, c'est encore permis de boire, non? Donnez-moi la bouteille, au fait. » Elle avala à nouveau une gorgée, laquelle lui brûla la gorge. « De toute façon, si le capitaine n'est pas content, il n'à qu'à tout jeter par dessus bord. »

« J'aime vous entendre parler comme ça, lieutenant. Cependant, la boisson étant notre seul passe-temps, j'aimerai autant que votre cher père évite de faire ça. »

« Mon cher père…tssss » siffla-t-elle avec rancœur. « Donc si on vous enlève le rhum, vous allez passer tous vos temps libres à errer sur le bateau comme des zombies? » fit-elle avec ironie.

« Non, on se sera déjà tous jetés à la mer avant. » Diane sentit brusquement un frisson la traverser sans qu'elle sache pourquoi.

« Vous y avez déjà songé? Sérieusement je veux dire. »

Nagel la regarda avec un sérieux presque effrayant venant de lui. « Bien sûr. Comme tout le monde ici, je suppose. Dans mon cas…c'était juste après la mort de Will. Je sentais que je devais être puni tôt ou tard. Le fouet n'était même pas le quart de ce que je méritais. »

La jeune fille tourna la tête vers lui et l'observa longuement, tandis qu'il fixait ses mains.

« Et vous lieutenant, qu'est-ce qui pourrait bien vous pousser à faire une chose pareille? »

Elle soupira longuement. « Mon père veut que j'arrête mes études de navigation. Pour me marier. D'ailleurs il a quasi déjà tout arrangé. »

Ce fut au tour du jeune homme de la fixer longuement. « Donc pour ne pas quitter l'océan, vous plongeriez au plus profond ce celui-ci…c'est extrêmement romantique. »

« Parce que vous y connaissez quelque chose au romantisme? » se moqua-t-elle.

« Et bien, je lui préfère la passion, en fait. Un peu comme chez les Aubrey. »

Diane le regarda du coin de l'œil. Elle ne savait pas si c'était du à la bouteille qu'elle tenait toujours en main, mais elle trouvait le charpentier terriblement attirant aujourd'hui. Elle se rappela lorsqu'elle l'avait vu, torse nu, à l'infirmerie - non, ce n'était décidément pas le bon moment de se rappeler ça.

« Je crois que vous en avez assez bu », fit-il en lui prenant la flasque des mains. Ses doigts s'attardèrent sur ceux de l'adolescente, dont le cœur se mit à battre à toute vitesse. Cependant, c'était à cause d'une toute autre raison que la déclaration d'amour de Hollom tout à l'heure. « Rassurez-vous, il m'en faut plus que ça pour être saoule ».

« Dommage. » Sa voix chaude donna des frissons à la jeune fille. Elle fit semblant de s'étirer, pour en fait essayer d'échapper à la proximité du jeune homme.

« Au fait lieutenant, je vous dois des excuses pour la façon dont j'ai parlé de l'officier Hollom, hier. J'ignorais que c'était à ce point sérieux entre vous. »

Diane se sentit brusquement dégrisée. « Donc vous nous avez espionnés. »

« Non, je vous ai juste suivie. Je voulais voir si je pouvais vous aider, c'est tout. Je suis tombé au mauvais moment apparemment. »

La jeune fille enfouit sa tête entre ses genoux, laissant ses cheveux dégringoler en une cascade autour de sa tête. Son père lui ordonnait de les garder attachés, mais il n'était pas là et de toute façon elle se moquait bien de lui en ce moment.

« Diane…Pouvez-vous garder les yeux fermés s'il vous plait? »

La jeune fille releva brusquement la tête, l'apercevant à travers ses cheveux. « Nagel, pas de familiarités entre nous je vous prie. Si quelqu'un l'entend- »

« Mais il n'y a personne, et puis c'est uniquement pour ce soir. J'apprécierai énormément que vous m'appeliez « Jo » ». Le jeune homme se trouvait à présent accroupi face à elle. La jeune fille s'exécuta et ferma les yeux, quoique méfiante. « Avancez-vous. »

Bientôt, l'adolescente sentit deux mains se poser sur ses épaules. « Mais qu'est-ce que vous faites?! »

« Sshhh, ne faites pas, de bruit - et gardez les yeux fermés surtout. Vous êtes tendue, je le sens, et j'ai pensé qu'un massage vous ferait le plus grand bien. »

Diane soupira, mais se laissa finalement aller. Le jeune homme s'était assis derrière elle et elle pouvait sentir ses jambes cerner les siennes. Son corps tout entier était sur le point d'exploser, mais en même temps, les massages lents et circulaires la plongeaient dans un état de douce torpeur.

Bientôt, sans s'en rendre compte, elle s'était allongée sur lui et il avait cessé tout mouvement. Seule sa respiration légèrement saccadée se faisait entendre. Diane s'en rendit compte. Apparemment, lui aussi était passablement troublé par leur proximité.

« Donc il n'y a rien entre Hollom et vous? »

« Moins fort », lui rappela-t-elle. « Et si vous voulez vraiment savoir, non il n' y a rien entre lui et moi. Il me fait pitié, c'est tout. » C'était faux, bien sûr. Elle l'appréciait déjà avant, et depuis ce soir elle devait bien avouer se sentir troublée. Certes, l'officier n'était ni très beau ni charismatique, mais il avait quelque chose qui réveillait les instincts maternels de la jeune fille.

A ce moment-là, des bruits de pas se firent entendre. « Baissez-vous », siffla Nagel avant de la forcer à se coucher.

« Bon dieu, on ne fait rien de mal, il suffisait de s'écarter », râla-t-elle à voix basse, gênée par le corps du jeune homme couvrant quasi le sien, tandis que les pas s'éloignaient.

« Vous êtes sûre? Vous et moi, seuls, ici…les gens se seraient quand même posé des questions…Vous qui êtes déjà du genre à dormir nue dans la chambre du docteur. »

« Joseph… » le mit-elle en garde.

« J'adore quand vous dites-mon nom… » dit-il de sa voix rauque, se penchant encore un peu plus sur elle.

« Même quand il est suivi par « lâchez-moi tout de suite ou je vous mets aux fers »? ajouta-t-elle, consciente que sa capacité à être autoritaire était grandement réduite par le fait qu'elle était allongée au sol.

« Faites de moi ce que vous voulez » murmura le jeune homme en posant ses lèvres sur les siennes. La jeune fille se sentit aussitôt au bord de la syncope. Elle essaya de lutter, mais elle n'en avait ni la possibilité ni même l'envie. Le charpentier pesait de tout son poids sur elle, et bientôt elle sentit sa langue entrer dans sa bouche.

Surprise, Diane ouvrit les yeux, puis découvrit que tout compte fait ce n'était pas si désagréable que ça. Les mains de Nagel s'étaient glissées sous sa large chemise et l'adolescente sentait des vagues de frissons lui traverser tout le corps par intermittence. Peut-être était-ce l'alcool, la fatigue, ou même le fait de sentir des mains étrangères sur sa poitrine - toujours est-il qu'elle sentait sa tête tournait à toute vitesse.

A ce moment, un immense bruit de vague retentit, comme si quelque chose tombait dans l'eau. « Ce n'est rien », fit précipitamment Nagel.

« C'est peut-être William qui est tombé, il faut que j'aille voir! » s'exclama-t-elle en se dégageant. A son grand soulagement, elle aperçut le blondinet sur le pont, penché au-dessus du bord. « Qu'est-ce qui s'est passé? Vous avez enfin réussi à noyer Howard? » lui lança-t-elle en rigolant, soulagée.

« Non, je…c'est Hollom… »

Le sourire de Diane se fana aussi vite qu'il était apparu. « Mais…pourquoi ne faites-vous rien? Il faut aller le chercher; sonner la cloche! »

Elle redevint muette en voyant le visage traumatisé du jeune aspirant. « Il m'a dit que j'étais le seul à l'avoir toujours traité en ami…puis il m'a dit au revoir…il a pris un boulet et il a sauté…Je vais aller prévenir le docteur. » Il partit aussitôt.

La jeune fille l'observa, tétanisée, puis se tourna vers la mer. « Comment est-ce possible…? Il…il avait l'air…enfin, il était bien tout à l'heure…pourquoi…!!? »

« Donc il n'y a rien entre Hollom et vous? »

Diane se retourna brusquement. Nagel se tenait à quelques mètres derrière. « Hollom nous a vus n'est-ce pas? »

« C'est à cause de lui que Will est mort » grogna le charpentier. La jeune fille le fixa, bouche entrouverte, incrédule. L'officier l'avait entendu dire qu'elle avait juste pitié de lui, ce qui était faux!

Et par la faute de ce…de cet… « Je vais vous tuer », souffla-t-elle, mais elle n'eut pas le temps de mettre sa menace à exécution. Nagel salua le docteur qui venait d'arriver sur le pont et descendit l'échelle.

« Diane, vous êtes là aussi… vous avez vu quelque chose? » fit Maturin en rajustant ses lunettes en tremblant.

« Non. Mais de toute façon je pense qu'il est trop tard, » répondit-elle d'une voix froide avant de repartir elle aussi vers la cale. Elle traversa celle-ci sans un regard pour les marins allongés et se coucha dans son hamac sans même se changer.