Vous savez ce qu'il y a de chouette dans les histoires? Non seulement les personnages ne puent pas du bec, mais en plus le sida n'existe pas et aucune femme ne tombe enceinte si elle n'en a pas envie…(sauf si vous lisez - dieu vous garde - du Danielle Steel bien sûr!) Enfin je dis ça mais personne ne couche avec personne dans ce chapitre, c'est juste une petite remarque pour…heu…bon c'était une petite ode à la Fiction! -
Chapitre sept.
Lorsque Lilly et sa protégée apparurent dans la pièce, plusieurs acclamations se firent entendre. Diane se rendit compte qu'elle ne sentait même pas gênée et s'assit le plus tranquillement du monde. Ce n'était vraiment, mais alors vraiment pas son genre d'être aussi sûre d'elle. Certes, sur le bateau, elle savait faire respecter son rang, mais dans le civil c'était autre chose. Ca tenait plutôt de la baudruche maladroite qui ne savait jamais où se mettre - exactement comme son père. Aussi mal à l'aise à terre qu'il pouvait être à l'aise sur un navire.
« Miss Aubrey, vous devriez vous habiller plus souvent comme ça dans le service », fit remarquer Davies.
« Je ne suis pas sûr que notre cher capitaine apprécierait…encore que, si vous n'étiez pas sa fille… » ajouta Doudle en rigolant.
« Je vous en prie, ne parlons pas de lui…on est quand même en congé ce soir, non! » s'énerva la jeune fille. « Hem, monsieur…Richard? Faites-moi donc le plaisir de me servir une autre pinte s'il vous plait! »
Le barman hocha la tête et obéit rapidement.
« Dis donc, toi, n'attrape quand même pas toutes mes mauvaises habitudes non plus », rigola Lilly en lui donnant un coup de coude.
Au fil des heures, certains marins disparaissaient avec leurs « amies » mais revenaient après un certain temps. Diane riait, lançait elle aussi des plaisanteries, ignorant les regards jaloux de la rousse et se demanda comment elle avait toujours pu préférer passer son temps libre avec tous ces aspirants prudes et ennuyeux durant les escales - Blakeney mis à part. Mais après tout, le blondinet n'était jamais qu'un gamin. Quant à Calamy, Monsieur-Parfait-Qui-Moucharde-Sans-Arrêt, n'en parlons même pas…
Brusquement, la porte s'ouvrit, révélant la grande silhouette maigre de Pullings et celle, un peu plus replète, de Mowett. « William! » s'écria Lilly en se levant. Elle se précipita dans les bras de son ami retrouvé, lequel parut légèrement mal à l'aise de voir que toute le monde avait les yeux tournés vers lui, mais semblait néanmoins très heureux.
« Je n'étais pas sûr de vous trouvez ici, ma chère. Vous m'aviez parlé de votre envie de déménager à Boston, et… »
« Allons, allons, je suis là, et j'avoue que j'ignorais totalement que vous étiez à bord de ce bateau. Combien de temps déjà? Deux années au moins!»
« Tom, William, laissez-moi donc vous offrir un verre », fit Diane en se levant elle aussi sous les yeux ébahis des deux lieutenants qui la reconnurent.
« Diane? Heu, miss Aubrey, je veux dire », corrigea Pullings avec son embarras habituel.
Heureusement, la Mexicaine vint à son secours. « Pas question que tu me prives de la compagnie d'un ami que je n'ai pas vu depuis une éternité, Diane. William », elle se tourna vers lui, « allons discuter dans ma chambre, ou sur la jetée. J'ai énormément de choses à vous dire. »
« Avec plaisir », répondit celui-ci avant de le laisser passer. Il fit un signe de tête aux marins qui s'étaient tous tu et les regardaient avec une hostilité polie, et Pullings lui-même préféra sortir plutôt que de rester en un endroit où il n'avait pas sa place.
Frustrée de se voir séparée de sa nouvelle amie, Diane se pencha en arrière en soupirant. Elle attrapa son verre et le vida d'une longue gorgée. « Bon, messieurs-dames, je vous laisse un instant », dit Doudle en se levant, une jeune métisse à son bras. Ils montèrent à l'étage.
« Tu n'as pas envie de monter, toi aussi? » susurra Kelly à l'oreille de Nagel, qui se mit à rire. La fille du capitaine, qui écoutait un récit de Killick sur les monstres marins, ne pouvait s'empêcher de les observer du coin de l'œil.
« Tiens, qu'est-ce que tu t'es fait à l'œil? Un souvenir d'une bataille? » demanda la rousse avec admiration.
« On peut dire ça comme ça », répondit-il avec un sourire en coin, levant les yeux vers Diane. « J'ai en quelque sorte rencontré un sextant qui essayait de
s'envoler. »
« Mon dieu! J'espere que vous avez réussi à attraper cet oiseau. »
« Un sextant est une machine permettant de mesurer les distances maritimes », rectifia Doudle. « Et on peut dire que le lieutenant a une sacrée bonne visée », rigola-t-il en désignant la jeune fille de la tête.
« Non…c'est elle qui a fait ça? » s'étonna la rousse comme s'il s'agissait de la chose la plus affreuse au monde. « Oh, mon bébé…je vais te soigner, ne t'inquiète pas. » Elle embrassa le charpentier sur la joue, lequel ne parut pas s'en offusquer, au contraire.
Diane, assise à un mètre, ne pouvait prétendre ne pas avoir entendu la conversation. « Votre bébé l'avait cherché, si vous voulez tout savoir, » rétorqua-t-elle avec mauvaise humeur.
« C'est étrange, mais il me semblait que les seules punitions autorisées sur un bateau étaient le fouet et la prison. Mais je ne suis pas étonnée qu'une gamine n'ayant aucune autorité en vienne à se servir de la violence pour se faire obéir. »
Killick interrompit son récit pour fixer les deux jeunes femmes de son regard perçant. La prostituée regardait sa cadette avec dédain, mais celle-ci la fixait avec une rage à peine contrôlée.
« Je me demande vraiment ce qu'une pute peut connaître à l'autorité. Le seul ordre que tu dois connaître c'est « couche-toi et écarte les jambes » , et je suis certaine que tu y obéis rapidement, alors forcément, tu ne peux pas savoir ce que c'est que le manque d'obéissance. » Diane jouait sur un terrain dangereux, étant donné le nombre de filles de joie et de leurs clients dans la pièce, mais elle se souciait uniquement de rabattre son caquet à l'autre abrutie.
« C'est facile, de te moquer de moi sur ce point, mais pourtant tu traînes quand même avec nous et tu as même osé prendre les habits de Lilly. Si tu veux mon avis, tu n'es qu'une petite vierge en mal de reconnaissance qui ne sait s'exprimer que par la violence en espérant attirer enfin un peu d'attention sur elle. Mais porter une jolie robe ne suffit pas pour plaire aux hommes, ma chère, il n'ont que faire des fillettes dans ton genre. »
« Tu veux que je te dises, ma chère, tu as raison au moins sur un point, » répliqua la fille du capitaine en sentant son sang se mettre à bouillir. Elle se leva, renversant son verre, et frappa de toutes ses forces la rousse en plein dans la figure, poing fermé. Malheureusement, l'uppercut n'eut visiblement pas son effet et la prostituée se redressa, yeux écarquillés par l'affront qu'elle venait de subir.
« Espèce de…salope! » cria-t-elle à Diane. C'en fut trop pour celle-ci qui grimpa sur la table et sauta sur son ennemie. Kelly tomba à la renverse et les deux filles se mirent à se battre dans toutes les règles de l'art. A ceci près qu'ayant été élevé avec des garçons, la fille du capitaine maniait un peu mieux le coup de poing que son aînée, qui lui tirait inutilement les cheveux. Cependant, elle avait le désavantage de ne pas être habituée à porter une robe, dans laquelle elle s'emmêlait les pieds.
Les hommes, qui s'étaient amusés de l'affrontement verbal, s'étaient à présent tous mis debout pour séparer les deux furies. Nagel attrapa les poignets de Diane - il allait avoir l'habitude - et l'attira loin de la rousse, essayant de la calmer.
Davies et ses deux mètres prirent la relève, et Kelly se précipita sur le charpentier, voyant qu'il s'intéressait de trop près à la jeune blonde. « Ne me dis pas que cette folle est lieutenant sur ton navire. C'est une malade! Regarde ce qu'elle m'a fait », gémit-elle en tenant son nez en sang.
Nagel, en parfait gentleman (désireux de voir ses petits besoins masculins satisfaits) sortit son mouchoir et lui tendit - même s'il n'eut pas vraiment à étendre le bras, étant donné que la rousse était collée à lui.
« Je pense que vous feriez mieux de partir, lieutenant…», lui souffla gentiment Davies.
« Ouais, de toute façon je serais forcée de tuer quelqu'un si je reste ici », gronda-t-elle en rejetant en arrière ses pauvres cheveux malmenés.
« Tu ne m'effraies pas, gamine. D'ailleurs, c'est tout ce que tu seras toujours, même si tu sais te battre. Et mon Joe n'a rien à faire des gamines, hein? » Elle leva les yeux vers le charpentier, qui adressa un regard presque réprobateur à Diane. Celle-ci prit un air de profond dégoût.
« C'est totalement réciproque. Je n'ai rien à faire de ton « Joe », ma grande. Mais si tu veux un petit conseil, garde les yeux ouverts. » Ignorant l'expression étonnée de la rousse, elle adressa à l'aide charpentier une regard qui en disait long. Celui-ci comprit visiblement l'allusion, mais resta silencieux.
« Bon, on monte? » Voyant qu'il ne détachait toujours pas son regard de celui de la jeune blonde, Kelly lui souffla: « N'oublie qu'il y a une chose qu'elle ne pourra jamais te donner. Allez, viens… »
Nagel secoua la tête avec un sourire puis se tourna vers le bar. « Patron, une tournée générale pour mes amis pendant mon absence. »
Des rires gras et des encouragements firent écho à sa déclaration. Fulminante, Diane ouvrit la porte, qu'elle referma avec tant de dureté que l'enseigne en trembla. Une fois dehors, elle se traita d'idiote. Sa peau exposée frissonnait de toutes parts mais ses habits étaient dans la chambre de Lilly. Et il était hors de question qu'elle y retourne maintenant…Elle se demanda où pouvait bien être la vieille Mexicaine.
Arpentant les rues avec mélancolie, elle se laissa finalement tomber près d'un puits, dans l'herbe. Ses bras tremblaient encore sous l'effet de l'excitation du combat. Non, toute cette violence ne lui ressemblait vraiment pas. Cependant, elle avait des excuses. La mort de Hollom, les révélations sur sa mère, maintenant cette imbécile aux cheveux roux qui l'insultait…
Quelque chose qu'elle ne pourra jamais te donner.
Furieuse, elle attrapa une pierre qu'elle lança de toutes ses forces de l'autre côté de la route. Si Nagel était le genre homme qui ne s'intéressait qu'à ce genre de chose chez une femme, alors elle ne perdait rien. Et puis elle n'était pas une pute, elle.
Mais sa mère l'avait été.
Comprimant sa tête entre ses deux mains, Diane serra la mâchoire de toutes ses forces pour s'empêcher de pleurer. Elle avait besoin de se confier à quelqu'un. Mais qui? La seule personne disponible, le docteur Maturin, devait probablement être avec son père. Et puis que lui aurait-elle dit de toute façon? Ce n'était pas comme si elle avait des problèmes qui pouvaient être résolus. Et à y réfléchir, elle avait plus besoin de deux bras qui la serrent plutôt que d'une oreille qui l'écoute…
« Mademoiselle? »
Elle leva la tête. Un jeune homme avec une fine moustache noire la regardait avec gentillesse.
« Vous ne devriez pas rester seule ainsi, ça peut être dangereux. »
« J'ai l'habitude… » répondit-elle avec un pâle sourire. L'homme le lui rendit. « Vous êtes très jolie, en tout cas. Mais je ne suis probablement pas le premier à vous le dire. »
Diane le fixa quelques secondes, ne pouvant s'empêcher de rire. « Et bien pour être franche, si, vous êtes le premier. »
« Et vous êtes charmante, avec ça. Dites-moi votre prix, j'ai l'argent. »
Le sourire de la jeune fille se fana. Alors c'était donc ça, un compliment n'était jamais gratuit?
« Vous me donneriez combien? »
« Ma foi, jeune et ravissante comme vous êtes, je dirais bien 50 shillings », répondit-il en lui faisant un clin d'oeil. (Nda: je n'ai aucune, mais alors là aucune idée de la valeur de l'argent à cette époque)
« C'est un prix honnête », admit-elle, bien que n'ayant aucune idée des tarifs habituels. « Seulement j'ai fini ma journée, je suis désolée. »
« Allons, juste pour moi… » Le jeune homme avait un sourire vraiment charmant et l'adolescente aurait été a deux doigts de dire oui, si elle n'avait pas réalisé ce qu'il lui demandait sous ses airs avenants.
« Désolée. »
« Dommage, j'aurais aimé que nous fassions plus ample connaissance. Passez une bonne soirée. »
Diane le regarda partir, intriguée - et légèrement flattée. Un homme - adulte, pas du tout bourré, estropié ou quoi que ce soit - avait voulu payer pour coucher avec elle! Quand elle était habillé en costume d'aspirant, c'était à peine si on la remarquait. Un drôle de sentiment la traversa, et elle se rendit compte que c'était de la fierté. Ensuite elle pensa à sa mère et fit un rapide calcul mental. Elle n'avait que 17 ans, peut-être 16, lorsqu'elle avait conçu sans le savoir sa fille avec Jack Aubrey.
Finalement, l'adolescente se leva, ôta l'herbe de sa robe, décidée a récupérer ses habits à l'hôtel. Elle reconnut la silhouette de la Surprise au loin, et aperçut l'enseigne de la taverne. Deux hommes discutaient devant celle-ci. « …grande, blonde, assez large, avec un costume marin bleu foncé. Vous ne l'avez pas vue? » Le plus grand des deux secoua la tête et rentra dans l'hôtel.
En s'approchant, Diane reconnut Bonden. Celui-ci se passa la main dans les cheveux en soupirant, puis continua son chemin. La jeune fille le suivit, se retenant de rigoler. Au bout d'un moment, il s'arrêta, hésitant entre deux routes, et elle se glissa derrière lui, lui soufflant dans l'oreille: « Pour un visage aussi charmant que le votre, je donne au moins 50 shillings. »
L'homme sursauta et se retourna. « Je suis désolé, je ne vous avais pas entendue venir. Vous êtes ravissante, mais je ne suis pas intéressé, merci. » Il lui fit un sourire d'excuses et repartit. « Vous cherchez une jeune fille, je crois? » lui lança-t-elle, l'amusement clairement perceptible dans sa voix.
« Oui…vous l'avez vue? »
« Approchez-vous, je vous la montrerai. » Une lueur espiègle dans les yeux, elle l'observa se rapprocher, intrigué.
« Miss Aubrey! » s'étonna-t-il une fois en face d'elle. « Mais comment…pourquoi…? »
« J'avais envie de changer de look, c'est tout. Et puis j'ai besoin d'agent. »
Le timonier semblait abasourdi. « Et vous…vous vous prostituez? Grand dieux, est-ce que votre père le sait? »
Diane ne répondit pas tout de suite, reprenant une expression sérieuse. Beaucoup de choses se bousculaient dans sa tête, en ce moment. Des phrases entendues plus tôt, au cours de cette soirée.
« Barret…combien donneriez-vous pour moi? »
« Je vous demande pardon? »
« Vous me donneriez combien si j'acceptais de coucher avec vous? »
« Mais enfin, miss, je…je ne vous ai rien demandé de tel! »
« Non. C' est moi qui vous le demande. Comme une faveur. »
Elle s'avança, plantant ses grands yeux vert-gris dans ceux de l'Ecossais. (Nda: mais si…chuis en manque de surnoms, là…) Celui-ci sembla mal à l'aise, et crut à une blague. Pourtant, l'intensité qu'il lut dans le regard de la fille de son capitaine tendait à prouver que c'était tout sauf une plaisanterie.
« Je ne vous plais pas, » déclara Diane après un moment.
« Ce n'est pas ça du tout, lieutenant, seulement je…je ne comprends vraiment pas pourquoi vous me demandez ça. Vous rendez-vous bien compte des problèmes que cela peut créer? »
Oh, oui elle s'en rendait compte. Cela rendrait probablement son père fou de rage, et cela fermerait son bec une fois pour toutes à la Rousse. Les deux personnes qu'elle détestait le plus au monde en ce moment. Et peut-être un peu Nagel, aussi.
« Lieutenant - »
« Appelez-moi, Diane, je vous en prie. Nous ne sommes plus sur ce fichu bateau. »
Bonden la regarda avec étonnement. C'était la première fois qu'elle parlait ainsi de la Surprise.
« Diane…vous avez déjà fait ce genre de choses avec quelqu'un? »
Un silence.
« Non. C'est à vous que je m'adresse car je vous fais confiance. » Et vous étiez diablement excitant dans votre bain tout à l'heure. « Vous devriez être flatté. » Elle lui adressa son plus beau sourire mais il semblait vraiment bien trop perturbé pour faire de même.
« Il faut que je vous ramène au bateau », dit-il après un moment. « C'est le docteur Maturin qui m'a envoyé vous chercher. Il se faisait du souci pour vous. »
« De quoi se mêle-t-il… » souffla-t-elle, sans réellement le penser. Elle appréciait bien trop le chirurgien pour se permettre d'être en colère envers lui. Pas après tout ce qu'il avait fait pour elle.
« Je vous donne cent shillings, » reprit-elle avec une froide détermination. « Et si vous refusez je vous en donne l'ordre officiel. Alors si vous ne souhaitez pas finir fouetté, je vous conseille de m'obéir. »
Le regard de Bonden redevint celui du marin en présence d'un officier supérieur, et il se rapprocha. Diane se sentit brusquement moins assurée face à un homme plus grand et plus large qu'elle. (Nda: Billy Boyd a pris 20 kilos et 10 centimètres ok)
« Vous êtes sûre de le vouloir?»
« Oui », murmura-t-elle, non sans crainte. Voyant qu'il hésitait encore, elle ajouta avec un sourire malicieux: « Mon plat préféré, ce sont les crêpes aux
champignons. »
Le timonier avança ses mains sur les joues de l'adolescente et vint poser lentement ses lèvres sur les siennes. Diane enroula ses bras autour de ses épaules, se collant à lui. Il avait une haleine très différente de celle de Nagel, chargée en rhum - qui n'était pas désagréable, cependant. Son corps lui-même dégageait l'odeur du savon à l'anis ordinaire qu'il avait probablement du utiliser tout à l'heure.
Leur baiser se fit plus passionné et il se pencha pour l'embrasser dans le cou. Ouvrant les yeux, l'adolescente aperçut un couple qui traversait la rue avec un air indigné. Ce genre de choses ne se faisait pas sur un trottoir, semblaient-ils dire…
Brusquement, le timonier se détacha, bafouillant : « Je…je suis désolé, lieutenant. Je ne peux vraiment pas faire ça au capitaine. »
« Le capitaine, le capitaine - mais en quoi ça le regarde? » s'énerva-t-elle. « Ce qui se passe en dehors du navire ne le regarde pas, sauf si ses hommes font du grabuge. Quant à mon père, il se fout pas mal de moi et de ce que je fais. »
« Je suis sûr que ce n'est pas le cas, miss. Il vous a pris avec lui sur la Surprise, et il a tout de même financé vos études. »
« Vous trouvez que c'est une preuve d'amour, enfermer son gosse dans un école durant des années puis la garder ensuite auprès de vous pour mieux le surveiller? »
L'homme ne répondit rien, mal à l'aise.
« Allez vous saouler, Bonden » souffla Diane avant de se retourner et de partir à grandes enjambées, légèrement honteuse - et essoufflée.
« Ah, Bonden. Avez-vous retrouvé Diane? »
« Non, docteur. Ou plutôt si. »
Maturin se leva et posa sur son bureau ses lunettes de lecture, fronçant les sourcils.
« Elle semblait…assez désespérée, je dirais. Elle…enfin elle était plutôt fâchée quand nous nous sommes quittés et j'ai peur qu'elle fasse une bêtise. »
Le médecin parut songeur. « Je vais venir avec vous. Pour vous dire la vérité, elle m'avait fait part de son désir de fuguer, et j'ai peur qu'elle ne parte sur un coup de tête. »
« Le capitaine le sait-il? »
« Non. Ses relations avec sa fille sont assez tendues, je ne vous le cache pas. »
« Oui, j'avais remarqué. Le lieutenant semblait plutôt fâchée envers lui. Elle lui reprochait de ne pas s'intéresser à elle. » Bonden était conscient de parler avec énormément de franchise, laquelle aurait pu être déplacée face à un supérieur, mais le docteur Maturin se plaçait lui-même du côté des marins, voire des passagers, plutôt que de celui des officiers.
« Oui, et elle n'a pas tout à fait tort », murmura le biologiste en attrapant sa veste. « Venez, dépêchons-nous; j'aimerais autant que l'on ne remarque pas mon absence. »
Diane se hissa sur la pointe des pieds et jeta un coup d'œil par la fenêtre. Elle avait marché longtemps - il n'y avait plus grand monde dans l'auberge. Elle se décida enfin à y entrer, saluant rapidement le barman. Davies et un autre marin maigrelet s'était assoupi dans un coin et elle traversa la pièce en vitesse. Une fois devant la chambre de Lilly, elle toqua mais n'eut aucune réponse.
Ouvrant avec précaution, elle put discerner le lit dans la semi-obscurité et vit qu'il était vide. Il fallait absolument qu'elle change d'habits avant de rentrer sur le navire. Elle aperçut ceux-ci, soigneusement pliés par la prostituée sur une chaise. Elle caressa lentement le tissu rêche et abîmé avant de soupirer avec lassitude.
La jeune fille se dirigea vers la fenêtre et écarta le rideau, permettant à la clarté de la lune de rentrer dans la pièce. Quelle soirée ça avait été! D'ailleurs, en y réfléchissant, la semaine tout entière avait été…éprouvante.
L'adolescente repoussa entièrement le rideau pour y voir un peu plus - elle ne trouvait pas de lampe. Elle s'assit sur le lit, décidant d'attendre Nadège. Elle voulait au moins la remercier pour avoir été si gentille avec elle avant de repartir en mer.
Elle ne vit pas la porte s'ouvrir et une tête rousse s'y profiler, avant de disparaître dans le plus grand silence. En effet, Diane était partie depuis quelques minutes déjà au pays du sommeil.
Jack Aubrey dit au revoir à Pullings en rigolant. Dieu que ce jeune homme pouvait être agréable! Non seulement il était l'un des officiers les plus qualifiés de sa génération, mais sa sympathie naturelle et ses bons mots faisaient également de lui un compagnon plus que plaisant.
De plus, il avait appris à Jack que le docteur était passé il n'y avait pas longtemps, accompagné par le timonier. Il s'était inquiété de l'absence de son ami et était vite redescendu à terre, connaissant le talent du scientifique pour s'empêtrer dans des situations pas possibles.
Il vit deux de ses hommes sortir d'une taverne et se rapprocha d'eux, leur demandant s'ils avaient vu le docteur. Davies répondit que non, avec cet air rêveur que seul l'alcool pouvait causer. Le capitaine serra la mâchoire, priant pour que les marins soient frais et dispos pour reprendre la mer et que surtout ils ne causent pas de problèmes durant cette nuit.
Il rentra néanmoins dans l'auberge, préférant vérifier par lui-même plutôt que de prêter foi aux affirmations hésitantes de deux poivrots travaillant sous ses ordres.
Kelly vit un grand homme se diriger vers le comptoir et discuter avec le barman. La description correspondait assez bien à celle que lui avait faite Nagel - lequel était reparti avec Doudle. Un rictus sardonique s'afficha sur ses lèvres rouges.
« Excusez-moi », l'aborda-t-elle avec son plus beau sourire. « Seriez-vous le capitaine Aubrey? »
Il se retourna, surpris. « En effet. A qui ai-je l'honneur? »
« Oh, les femmes comme moi n'ont pas de noms pour les officiers aussi haut placés que vous, capitaine. Mais si vous y tenez vraiment, mon nom est Kelly
Roberts. »
« Enchanté », répondit le blond en réprimant difficilement un sourire. « Que puis-je pour vous? » En réalité, Jack était quasi certain de ce que la prostituée allait lui demander, mais il ne souhaitait pas être impoli ou vulgaire en refusant « l'invitation » qu'une femme, même de petite vertu, ne lui aurait même pas encore faite.
Avant Sophie, il y a des années de cela, il était lui-même un grand amateur de ces lieux agréables et animés où les filles étaient facilement chaleureuses, même compte tenu du maigre salaire d'un capitaine attendant toujours son premier commandement.
« C'est assez délicat », fit Roberts en prenant une expression sérieuse. « Nous pourrions peut-être nous asseoir pour en discuter? Je vous offre un verre. »
« Non, c'est gentil mais je préfère ne pas boire », répondit le capitaine, légèrement craintif à l'idée d'être surpris par quelqu'un en compagnie d'une femme de ce genre. Dieu sait ce que ces mouchards pourraient imaginer…
La rousse vit son embarras. « Oh, je comprends. Suivez-moi dans le petit salon, je vous prie, je vous assure que nous ne serons pas dérangés. »
Intrigué, Jack la suivit, s'assurant que personne ne venait d'entrer dans la taverne à ce moment-là.
« Je vous écoute », dit-il en s'asseyant sur un fauteuil. Une petite voix lui souffla dans la tête qu'il s'agissait peut-être juste d'un prétexte ou d'une phrase mal interprétée et que la jeune femme allait bel et bien se déshabiller.
« Voilà. Je sais que vous êtes un homme sur qui l'on peut compter, quelqu'un d'estimable - ce sont vos hommes qui m'ont dit ça. Et j'ai…enfin j'aurais un service à vous demander. Seulement…c'est extrêmement gênant…mais j'y attache beaucoup d'importance. »
Elle baissa la tête avec une expression de douleur et Aubrey lui tapota doucement le genou. Il n'avait jamais pu résister aux femmes tristes, surtout si elles étaient aussi jolies que celle-ci.
« Voilà », dit-elle en relevant la tête. « Voilà, il y a ici une jeune fille dont les parents sont morts récemment, et elle est venue me voir car elle ne savait plus à qui s'adresser. Elle n'a pas de famille voyez-vous, ni aucune qualification que ce soit, et vous savez aussi bien que moi qu'une femme sans mari n'a pas le choix si elle veut survivre. »
Jack hocha la tête, voyant où elle voulait en venir. « Je comprends qu'elle ait besoin de clients, mais je suis sincèrement désolé; je suis marié. »
« Non, vous ne comprenez pas ce que je veux dire, capitaine. Elle n'a encore eu personne, justement. Je ne veux pas qu'un matelot brusque et ivre lui fasse du mal. Elle est encore vierge, et je ne voudrais pas qu'elle en souffre. Aussi bien physiquement que mentalement… »
« Mademoiselle Roberts…qu'attendez-vous de moi exactement? » demanda-t-il en fronçant les sourcils.
La jeune femme leva vers lui ses grands yeux implorants. « J'aimeriez que vous soyez son premier amant - oh, attendez, je vous en prie », le supplia-t-elle en le voyant se redresser. « Je sais que cela peut sembler incongru, mais mettez-vous un instant à ma place - et à la sienne. Vous êtes un homme important, mature, et vous aurez sans nul doute plus de respect pour elle que n'importe lequel des pochetrons qui vivent dans ce port. Vous ne paierez pas, bien entendu. »
Jack ferma les yeux et inspira profondément. Deux petites choses l'ennuyaient dans cette affaire. De un, il était marié. De deux, il avait un côté légèrement sadique qu'il avait bien du mal à maîtriser lorsqu'une femme nue était collée à lui. Quoiqu'il avait toujours réussi à se retenir avec la pauvre Sophie…
Il opta pour la première option. « Je suis marié. Et j'aime ma femme. »
« C'est une pensée qui vous honore, monsieur. Mais vous ne la tromperez pas si vous rendez simplement service à une adolescente; de plus il ne s'agit nullement de sentiments. »
Jack resta pensif durant un long moment, puis se redressa en soupirant à nouveau. Plusieurs mois en mer avaient considérablement affaiblit sa volonté de rester fidèle à sa femme. De plus, comme la rousse le disait, il ne s'agissait ni de sentiment ni d'argent.
« D'accord », fit-il après un moment. « Je vous promets d'être doux avec elle. »
« Je vous remercie infiniment, monsieur. Elle se trouve dans la chambre de droite, tout au fond du couloir, au premier étage. Il se peut qu'elle se soit endormie en attendant que je lui trouve quelqu'un de convenable, mais n'hésitez pas à la réveiller. »
Devant le sourire et l'expression reconnaissante de la jeune fille, Jack sentit ses dernières réticences fondre. Il sortit de la pièce et grimpa les escaliers
A peine fut-il disparut que Kelly lâcha ricanement de triomphe, regrettant néanmoins de ne pas pouvoir assister à la scène. Et si ce que Nagel avait raconté était vrai, cela promettait d'être du spectacle…
La rousse perfide rejoignit le bar où elle commanda une autre bière, savourant sa revanche.
Jack ouvrit la porte avec précaution. Il aperçut le lit dans la semi clarté de la pièce, éclairée par les rayons de la lune traversant la fenêtre. Il s'approcha de l'ombre étendue, s'accroupissant au pied du lit.
Sa main s'égara sur la masse de cheveux sombres reposant sur l'oreille et couvrant à demi la tête de la jeune fille. Elle descendit ensuite sur son corsage bien rempli, ce qui fit sourire le capitaine. Il remonta ensuite doucement l'étoffe épaisse de la robe, dévoilant deux jambes croisées. Il caressa doucement la peau douce qui frissonna à ce contact.
Jack fit une moue approbative. Exactement comme il aimait les femmes : tout ce qu'il fallait où il fallait. N'en déplaise çà Stephen, qui considérait comme anormale toute personne dépassant les cent livres.
Néanmoins, il ne pouvait faire les présentations dans le noir. Aubrey se mit à chercher une lampe du regard, mais n'en trouva point. Jetant un coup d'œil à la jeune fille endormie, il ouvrit discrètement quelques tiroirs et trouva finalement une vieille lanterne qu'il posa sur la table. Il l'enflamma assez rapidement, jugeant son niveau d'huile suffisant pour tenir un quart d'heure, pas plus.
Un bruissement d'étoffe lui apprit que l'adolescente s'était réveillée. Il se retourna. Et se figea sur place.
La jeune fille le regardait avec des yeux ronds.
Aubrey sentit sa mâchoire se contracter et une rage incontrôlée déferler en lui.
« Diane…! »
Et toc!
Tata vous ne devriez même pas avoir à vérifier ça bande d'incultes…une livre c'est un demi-kilos ;)
