Cette fiction est en train de virer R, mes enfants…Au fait fini Aubrey le méchant il redevient comme avant ! (hmmm…Russel…)

Chapitre neuf : l'interrogatoire.

Pas un homme n'osa s'adresser au capitaine, ce jour-là. Tous gardaient des visages sombres et hormis les claquements des voiles, aucun bruit ne se faisait entendre sur la Surprise. Pullings se contentait de donner des ordres à intervalles réguliers, étant donné que même si plusieurs bateaux américains s'étaient certainement lancés à leur poursuite, le vent était tel que le navire aurait difficilement plus avancer plus vite.

Aubrey était resté sur le gaillard d'arrière, impassible et silencieux depuis que le bateau avait atteint sa vitesse maximale et qu'il avait fini de brailler ses ordres à tout l'équipage, sous l'effet de la précipitation et de la colère. S'efforçant d'arborer une expression neutre, il demanda à Tom de prendre le commandement avant de descendre dans sa cabine.

Arrivé là, il enleva son uniforme et avala une longue gorgée de porto, avant d'envoyer violemment son verre contre le mur. Il s'assit ensuite, frottant vigoureusement son visage des deux mains. Ses meilleurs matelots étaient restés à terre, voués à la prison jusqu'à la fin de la guerre, autant dire l'éternité, ou pire encore – la peine de mort pure et simple. Courante pour les marins sans qualification. D'après leur conduite de ce matin, elle était plus que probable.

Davies, Doudle, Slade, des marins sans réelle qualification mais auxquels Jack était très attaché. Nagel, qui malgré son récent incident se révélait un aide charpentier assez doué. Bonden, son patron de canot et timonier, qu'il connaissait depuis son tout premier commandement. Et Killick, dont les commentaires râleurs et radoteurs se faisaient cruellement manquer. Mais surtout les deux personnes les plus chères à son cœur sur ce navire : sa fille et son meilleur ami.

Maturin était un homme intelligent, et de plus, en tant qu'agent secret il devait posséder plusieurs contacts à terre – même si par un accord mutuel et silencieux, les deux hommes n'abordaient jamais ce sujet.

Mais sa fille était jeune, et qui plus est aspirant lieutenant. Le capitaine espéra qu'elle aurait la présence d'esprit de ne pas mentionner qu'elle était un officier. Contrairement à tout ce qu'il avait essayé de lui inculquer avec ses grands discours patriotiques, il souhaita de toutes ses forces qu'elle parvienne à se faire passer pour une civile.

Au bout d'un moment, il sentit l'une de ses mains se mettre à trembler et il la posa rapidement sur la table, effrayé par un tel signe de faiblesse.

Il avait toujours su exactement où mener sa barque, ses hommes lui avaient toujours fait confiance pour sortir indemne de toutes situations, mais là, il était réellement perdu. Il ne pouvait fuir, mais avait-il le droit de risquer son bateau et la vie de ses hommes juste pour essayer de sauver celle des quelques personnes qu'il aimait ?

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Bonden lança à nouveau un caillou contre la fenêtre, mais toujours aucune tête n'apparut à celle-ci. « Evidemment, elle m'avait dit qu'elle allait chez sa sœur… » souffla Diane avec irritation. Ils s'étaient tous les deux glissé furtivement dans le jardin derrière l'auberge, cherchant refuge auprès de la seule personne qui aurait accepté de les aider, à savoir Lilly.

« Il va falloir que nous quittions cette ville, lieutenant. En trouvant d'autres habits, on pourrait s'enfuir et vous ne risqueriez plus rien. »

La jeune fille fixait toujours la fenêtre avec une expression de douleur. Ils allaient devoir partir, bien sûr…Mais si jamais son père décidait de revenir…Bon dieu, comment savoir ce qu'il comptait faire ?

« Je crois que vous avez raison », admit-elle à voix basse.

« Vous deux, là, ne bougez plus ! »

Surpris, ils relevèrent la tête et virent un officier américain qui venait d'entrer dans le jardin. Diane, horrifiée, préféra ne pas bouger mais déjà le timonier avait collé un uppercut dans la face du gendarme, bien avant que celui-ci ait pu dégainer son sabre, et il s'empara rapidement de celui-ci avant d'attraper la main de la fille du capitaine. « Dépêchez-vous ! »

Ils voulurent sortir par l'un des côtés de l'auberge, mais à peine furent-ils sur la route qu'ils aperçurent une dizaine d'officiers arrêtés devant l'auberge qui ne mirent que quelques secondes à les encercler.

« Maîtriser votre homme, lieutenant », fit l'un des gardes d'un ton ironique. Bien entendu, pour eux une femme dans la marine – même au simple grade d'aspirant lieutenant – était plus que risible.

Diane vit Kelly qui la regardait avec triomphe, lui indiquant par geste qu'elle les avait vus dans le jardin. L'adolescente sut que si on lui donnait dès maintenant un pistolet, elle descendait la rousse dans la seconde.

Au lieu de cela elle dut accepter les menottes qu'on lui attachait autour du poignet et suivre docilement les officiers jusqu'à la prison de la ville, lançant des regards inquiets au timonier.

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« Vos amis sont en sécurité, je les ai laissés dans les anciens appartements de ma mère. Ils devront juste se contenter de dormir sur les sofas. »

« Ca leur ira très bien », assura Maturin. « Ce sont des marins, ils sont habitués à l'inconfort – ils seraient d'ailleurs incapable d'apprécier autre chose » Il se ratatina dans son fauteuil, refusant le verre de brandy que lui tendait son ami. Il pensait avoir récupéré tous les hommes de la Surprise qui traînaient encore dans le port après que celle-ci fut partie, mais il craignait que quelques-uns d'entre eux aient tout de même été pris par la milice.

« Vous n'avez pas à vous inquiétez, je vous aiderai à passer la frontière. Si vous parvenez jusqu'en Nouvelle-écosse, vous serez en sécurité. »

Les deux hommes savaient cela, bien sûr, il s'agissait uniquement de meubler la conversation. « A moins que…Maturin, rassurez-moi, votre Aubrey ne serait pas du genre à tenter une attaque sur le port ? »

Le médecin fixa son regard perçant sur son interlocuteur, agent secret lui aussi, américain de pure souche mais totalement dévoué à Sir Joseph Blaine, chef du département du Renseignement à Londres. « Il en est bien capable, malheureusement. Mais cela ne pourrait fonctionner qu'avec une certaine correspondance à terre, or il ignore si nous sommes emprisonnés ou non. Je pense donc qu'il essayera de finir sa mission. »

Bennington acquiesça silencieusement, parfaitement au courant de la mission en question. Il avala rapidement son verre puis se leva. « Je vais aller aux nouvelles. Essayer de savoir si l'un de vos hommes est en prison en ce moment. »

« Soyez discret, je vous en prie », fit Maturin avec un brin de panique dans la voix.

Son ami lui sourit. « Mon cher docteur, je m'exerçais déjà à cet art au combien délicat alors que vous-même étiez encore en train d'apprendre à manger avec des couverts. »

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Diane grimaça tandis que son ventre laissa s'échapper une plainte qui la plia presque en deux. Elle n'avait rien mangé depuis la pomme de la veille et sa bouche était desséchée par le manque d'eau. On l'avait laissé seule dans une cellule depuis maintenant près de trente-cinq heures, même si cela avait semblé l'éternité pour elle.

L'adolescente ignorait s'il s'agissait d'une technique pour affaiblir les prisonniers avant de les interroger ou si les gardes comptaient tout simplement la laisser moisir ici. Et nulle part de trace de Bonden.

Alors qu'elle somnolait, elle entendit un cliquetis.

« Debout », fit une voix autoritaire et nasillarde.

Sa redressant, elle reconnut l'officier moustachu qui avait sommé son père de se rendre – en vain. Il la conduisit dans une pièce peu éclairée où patientaient deux hommes. On la fit s'asseoir sur une chaise au milieu de la pièce. Un interrogatoire.

L'adolescente sentit son cœur s'accélérer. Elle souvenait bien, peu après le jour de ses treize ans, lorsque son père avait organisé une attaque éclair dans un port ennemi pour libérer Stephen. Bien sûr, elle ignorait tout de son état d'agent secret, et donc de l'importance qu'il avait pour les Français qui l'avait capturé, mais elle se rappelait parfaitement l'état inhumain dans lequel le docteur était revenu.

Elle prit une expression soumise, décidée à être bien gentille et jouer les ignorantes – cela n'allait pas être trop dur pour ce dernier.

« Je dois bien avouer que vous voir dans un tel uniforme m'a beaucoup amusé, miss », se moqua le moustachu. « Mais après vérification, il semble que vous soyez bien ce que vos frusques prétendent, lieutenant. » Il ricana. « J'espère seulement que vous serez plus bavarde que votre subordonné. »

Diane paniqua intérieurement, priant pour que Bonden soit indemne. Après tout, étant une fille, elle avait peut-être droit à un traitement de faveur.

« Bien sûr, monsieur », souffla-t-elle.

L'officier haussa un sourcil appréciateur puis lança un regard vers ses camarades. Le plus grand de ceux-ci, un blond, s'avança. « L'un de nos bateaux vient de revenir, faute d'avoir pu rattraper votre tête de mule de capitaine. Un navire sacrément rapide et rudement bien mené, a-t-on dit. »

L'adolescente eut un mauvais pressentiment. Si l'homme était peu prudent au point de lui avouer que leurs bateaux étaient bien moins rapides que la Surprise, c'est qu'ils n'avaient probablement pas l'intention de la laisser repartir de si tôt.

« Par conséquent, faute d'avoir su les rattraper, il va falloir essayer d'anticiper sur leur mouvement. Ils vont être obligés de faire escale, étant donné que leur cale était encore à moitié vide lors de leur départ. Vous allez peut-être pouvoir nous aider pour cette destination mystère, lieutenant. Il y a beaucoup de possibilités, mais pas autant de navires pour toutes les vérifier. »

Diane le fixa, bouche ouverte. Comment diable était-elle supposée savoir ça ? Elle ne lisait pas dans les pensées de son père ! Cette fois-ci, son cœur était carrément remonté dans sa gorge, et elle dut déglutir plusieurs fois avant de répondre.

« Sauf votre respect, monsieur, comment pourrais-je le savoir ? J'ignorais même quelle serait notre route après cette escale. »

Le blond se pencha vers elle, lui soufflant une haleine de viande froide au visage. « Je vous en prie, miss. Un simple aspirant serait probablement ignorant de ces choses, mais une femme soi-disant engagée dans la marine ne le serait pas sans dessein. Vos habiles tacticiens prennent-ils à ce point les Américains pour des idiots ? Nous voulons savoir à qui vous étiez supposée transmettre un message, que ce soit dans cette ville ou une autre. »

La jeune fille mit un certain temps à réaliser qu'il la prenait elle-même pour une espionne. Dans le fond, ils n'avaient pas réellement tort…personne ne se méfierait d'une gamine de seize ans. Mais d'un autre côté, si cela avait été le cas, elle aurait embarqué comme civile !

« A personne, je vous jure ! Chez nous, certaines filles ont également le droit de devenir aspirantes - c'est même assez fréquent et - »

« Totalement faux », la contredit le troisième homme, un barbu assez costaud avec un accent irlandais suffisamment fort pour que la jeune fille sache qu'il devait venir du Royaume-Uni, lui aussi.

Il se leva et vint planter son regard perçant dans celui de la jeune fille, la scrutant, pipe enfoncée entre les dents. « Je crains malheureusement que vous ne puissiez rien tirer de cette idiote, colonel ».

Celui-ci, le moustachu, lui lança un regard agacé. « Expliquez-vous, O'Maley, ou alors restez en dehors de ça. »

O'Maley ! Diane le connaissait ! C'était un ami de son père, qu'elle n'avait pas vu depuis des années.

« Si je ne m'abuse, et je suis assez certain de moi, cette jeune personne n'est autre que la fille d'Aubrey, votre capitaine rebelle en personne. »

« Cela ne l'empêche pas d'être une espionne… » souffla le blond.

« Vous ne comprenez pas », grogna l'Irlandais en tirant sur sa pipe. « Elle n'est réellement qu'aspirant lieutenant, et je doute fort que son père l'ait mise au courant des moindres détails de sa mission. C'est un homme qui déteste le favoritisme, du moins à bord de son navire. En dehors de ça, ce n'est plus qu'un pochetron pervers et arrogant. »

Brusquement, une pointe de colère perça à travers la panique que ressentait la jeune fille. De quel droit ce traître se permettait-il de critiquer son père ? Certes, il n'avait pas que des qualités, mais…c'était son père !

Une chance sur mille.

Brusquement, la prison, l'interrogatoire, les deux hommes qui se tenaient tête devant elle, tout ça disparu à des milliers de kilomètres. Son esprit était ailleurs. Ses jambes criant de douleur, mais sa curiosité l'emportant. Son père et Maturin discutant. Aubrey avouant la véritable nature de sa relation avec la mère de la l'adolescente. Ses doutes. Et puis le docteur, certifiant le lien de parenté entre eux deux. Une autre scène, une autre vie.

Et brusquement, une voix nasillarde la ramenant à la réalité.

« Aubrey y est attaché ? Vous croyez qu'on pourrait se servir d'elle pour l'attirer dans un piège ? »

« Hm… » L'Irlandais parut songeur. « C'est un homme qui a beaucoup de fierté. S'il est facile à abuser à terre, il est impitoyable en mer. De plus, il faudrait encore que la nouvelle lui parvienne. A vous de voir si c'est dans vos possibilités.

« En attendant, qu'allez-vous faire d'elle ? » demanda le blond.

« La ramener en cellule », répondit le moustachu. « L'autre sera probablement pendu demain matin, il ne nous servira à rien de toute façon. »

« Vous...vous allez pendre Bonden…enfin, le timonier qui était avec moi ? » bafouilla la jeune fille, consciente qu'elle n'aurait pas du parler sans y être invitée en voyant les regards hostiles des trois hommes se tourner vers elle.

« Le lieutenant aurait-il du cœur, ou a-t-il seulement succombé au charme de l'un de ses subordonnés ? »

Diane serra les dents. Certes, elle appréciait Bonden, mais de toute façon elle n'aurait jamais accepté que l'on tue un seul des hommes du navire. Même si elle devait bien reconnaître qu'elle ressentait quelque chose d'assez fort pour l'Ecossais, qui était de loin le plus sympathique et le plus serviable de tous les matelots. C'était lui qui l'avait consolée lors de sa première bataille. Elle n'avait que huit ans.

« Je ne souhaite pas voir mourir un homme innocent », se contenta-t-elle de répondre, le plus sérieusement du monde.

« Innocent ? En période de guerre, personne ne l'est, mon cher enfant », rétorqua le blond.

« Mais hier encore nous étions alliés ! » s'exclama-t-elle.

« Pas alliés, en trêve », rectifia le colonel moustachu. Il se leva et appela l'un des officiers postés à côté de la porte. « Reconduisez-la dans sa cellule. Et nourrissez-la. »

« Attendez ! » fit-elle avec désespoir tandis que l'officier la forçait à se lever. « Vous ne pouvez pas pendre mon timonier comme ça ! Il...il pourrait vous être utile...et imaginez si jamais toute cette histoire de rupture de trêve n'était qu'une supercherie, vous risquez gros ! »

« Personne ne se soucie d'un matelot de second rang, lieutenant, » se moqua le colonel.

« Non...non ! » Bien malgré elle, Diane fut ramenée à sa cellule, gigotant dans tous les sens pour essayer d'apercevoir Bonden dans un des cachots sur le chemin.

A nouveau, la grille se referma et elle se mit à pleurer sans être capable de se contrôler. C'était tellement...injuste ! Tuer un homme dans une bataille, c'était inhumain, mais ça l'était moins que d'ordonner froidement d'en assassiner un comme l'un commande une nouvelle robe.

Elle avala la nourriture qu'on lui donnait, avalant son eau avec difficulté à cause de ses larmes. Elle eut du mal à digérer, mais finalement ses sanglots s'atténuèrent. Elle vérifia que personne ne pouvait la voir et urina rapidement dans la gouttière prévue à cet effet dans le fond de la cellule.

Un heure ou plus passa. La jeune fille somnolait quand à nouveau elle fut réveillée par des bruits de cliquetis. Avec des pleurs, cette fois-ci. Elle vit le blond de tout à l'heure, accompagné de l'un des geôliers qui enfermait un homme sanglotant dans la cellule en face. Diane lui lança rapidement un coup d'œil et elle vit qu'il avait l'air mal en point et qu'il était presque nu, sa peau couvert de sang presque partout. Mon dieu faites que ce ne soit pas Bonden…

Lorsque le blond se retourna, il haussa les cils avec surprise en apercevant la jeune fille. Il fit un signe de tête vers le côté. « Tous les prisonniers n'ont pas eu votre chance, lieutenant. Nous avons été plus qu'indulgents avec vous. »

La jeune fille préféra ne rien répondre. Une expression de dégoût s'afficha sur son visage mais elle s'en rendit compte trop tard. Déjà elle reprenait son attitude soumise mais elle sentit le regard perçant de l'homme sur elle.

« Geôlier ! » lança-t-il à celui qui s'éloignait. « Ouvrez-moi cette grille. »

L'autre s'exécuta. « Il ne faudra pas oublier de demander à Wallen de refermer la porte, monsieur, c'est lui qui va venir me remplacer maintenant. »

« Ne vous inquiétez pas, » lui répondit le blond avant d'entrer dans la cellule. Diane se recroquevilla dans un coin, essayant d'avoir l'air la plus repoussante possible. Elle ramena ses genoux contre sa poitrine, se demandant pourquoi elle avait eu cette stupide idée d'aller chez Lilly au lieu de filer directement. Ou encore pourquoi elle n'avait pas tué cette pouf de Kelly tant qu'elle le pouvait encore.

Et surtout ce qu'elle faisait ici alors qu'elle aurait pu être tranquillement installée dans une gentille maison de Glasgow avec un vieil amiral à la retraite.

Non. Cette question, elle en connaissait la réponse, et ne regrettait rien.

« Nous devrions commencer par faire les présentations, lieutenant. Je me nomme Whalin, mais vous pouvez m'appeler Alec. Je vous avoue être impressionné de rencontrer pour la première fois une femme dans la marine. »

« Une fille… » murmura-t-elle sans qu'il puisse l'entendre.

« Les interrogatoires sont terminés, miss, vous pouvez parler librement. »

Mais Diane ne savait que répondre, et de toute façon elle n'en avait pas envie.

« Bien, je vais donc faire semblant de ne pas avoir terminé de me présenter. Je suis américain, et je travaille dans cet établissement à titre officieux. Mon métier est d'arracher des aveux aux personnes disons…timides. J'ai presque tous les droits sur les prisonniers de ce genre – dont vous, miss – ce qui signifie que quoi que j'ai envie de vous faire, je le ferai. Alors autant rendre la chose plus agréable, voulez-vous ? Dites-moi au moins votre nom. » Il avait dit tout cela sur le ton de la conversation, avec une certaine désinvolture.

La jeune fille le regarda avec de grands yeux affolés. Qu'est-ce qu'il voulait lui faire exactement ?

« Diane…Aub-aubrey », bégaya-t-elle. L'homme sembla trouver cela attendrissant.

« La déesse de la chasse, n'est-ce pas ? Un très joli nom, plutôt rare dans nos contrées. »

Il se mit à avancer avec une certaine nonchalance. « J'estime en avoir fait assez pour les formules d'usage, ne croyez-vous pas ? »

Puis, arrivé près d'elle : « Vous êtes la première de votre sexe à être enfermée dans cette partie de la prison. Le fantasme de beaucoup d'hommes – avoir une jeune fille à son entière disposition. »

Il s'accroupit, lui prit le menton et l'observa comme s'il jaugeait de la qualité d'une tête de bétail. « Diane, ma chère, j'ose espérer que vous êtes encore vierge ? »

« Je ne sais pas ! » dit-elle d'un ton alarmé avant d'échapper à son emprise et de ramper rapidement vers la droite. Elle vit alors la grille, qui bien que refermée, n'était pas verrouillée. Si elle parvenait à le distraire…

« N'y comptez même pas », fit-il d'une voix étonnamment dure qui la surprit presque plus que sa main autour de son poignet. « Si vous n'êtes pas consentante, cela m'est égal, cela n'en rendra le jeu que plus passionnant. Je n'aime pas la facilité. »

Il attrapa son autre poignet et parvint à faire tenir les deux dans sa propre main- gauche, qui plus est. Et c'est à peine si Diane pouvait remuer les doigts. Comment pouvait-elle être aussi faible !

« Ce n'est pas permis ! » tenta-t-elle de le raisonner.

« Je vous l'ai dis, ma chère, vous êtes prisonnier de guerre en tant qu'espion, nous avons tous les droits sur vous - j'ai tous les droits sur vous. »

Il n'essaya même pas de la déshabiller, préférant la regarder se débattre et essayer d'échapper à son emprise sans que lui-même ne dût faire beaucoup d'effort. Il se plaça au-dessus d'elle, glissant son bassin entre ses jambes.

« Hm…il faudra quand même que je – révise mon jugement sur le sexe « faible », dit-il non sans difficulté, puis il parvint finalement à reprendre le contrôle sur la jeune fille, et celle-ci comprit qu'il l'avait laissée se débattre juste pour son plaisir. Il pouvait l'immobiliser quand il le voulait. Comme en ce moment.

« En fait je n'aime pas du tout la facilité… » répéta-t-il. Puis, se penchant à son oreille, il murmura : « Et puis nous avons pas mal de temps à passer ensemble…cependant, j'aimerais autant que cette première fois soit mémorable…j'ai envie de t'entendre crier, de te voir pleurer...me supplier de te laisser tranquille… »

Diane ferma les yeux, dégoûtée. Dégoûtée par ce qu'elle-même pourrait faire dans ce cas – et elle serait bien capable de se comporter comme il l'avait énoncé. Elle les ouvrit lorsqu'elle entendit du bruit – autres choses que les soupirs de satisfaction perverse de son agresseur. Elle vit deux geôliers arriver la grille, probablement la relève.

Whalin se retourna, pas gêné du tout. « Je vous appellerai pour verrouiller la porte, une fois que j'aurais fini. » Puis il revint à la jeune fille, une lueur mauvaise dans le regard.

« Lâche-là espèce de salaud ! »

Le blond fut violemment poussé au sol par un des gardes qui le martelait de coups de poings. Finalement, Whalin réussi à lui en rendre un et essaya de se lever mais le deuxième garde sortit un gourdin de sa veste et le frappa de toutes ses forces.

« Bon dieu, tu aurais pu nous faire repérer ! » s'exclama-t-il au premier. Mais celui-ci ne l'écouta pas. Il s'était avancé près de la jeune fille.

« Joseph ! » souffla celle-ci avec reconnaissance. Elle aurait certainement du lui en vouloir pour ces jours précédent, mais le fait est qu'elle avait été à deux doigts de subir ce dont elle n'était pas trop sûre, peut-être même se faire torturer – voire tuer.

Elle agrippa le charpentier de toutes ses forces, laissant ses larmes couler sur son uniforme de garde.

« Content de vous revoir, lieutenant », fit Doudle, le deuxième garde. « Mais nous devons vraiment y aller, le docteur nous attend. »

Diane se détacha de Nagel, fixant ses yeux clairs même dans l'obscurité du cachot. Elle sentait que quelque chose devait être dit, même un simple « Excusez-moi pour tout », mais il ne lui en laissa pas le temps, se relevant précipitamment et l'aidant à en faire autant. Lorsque les trois jeunes gens arrivèrent au croisement, ils entendirent des pas et cette fois-ci Nagel sortit un poignard de sa poche, une lueur meurtrière sur son visage fin.

Mais ce fut Maturin qui apparut, bientôt suivi par l'immense Davies, qui transportait une personne inanimée sur son large dos. Bonden.

« L'un d'eux a pu donner l'alarme » grogna le médecin. « Il faut se dépêcher ! »

Ils le suivirent tous et arrivèrent dans la cour, où une diligence les attendait. Slade était assis à la place du cocher, Killick à ses côtés, et se mit à rire avec un soulagement évident en les voyant arriver. « Shhh ! » Arrivé au pied de la voiture, Maturin leur fit signe de monter précipitamment.

« Je ne sais comment vous remercier », fit-il à Bennington. Celui-ci lui serra chaleureusement la main. « Coulez quelques frégates américaines pour moi. Allez aussi loin que vous le pourrez vers le Nord, et surtout ne vous inquiétez pas pour la diligence. Je bénéficie d'une bonne assurance. Et j'avais l'intention de déménager vers la Nouvelle-écosse, de toute

façon. »

L'agent secret serra fermement l'épaule de Maturin, qui le remercia encore avant de monter dans la voiture, puis celle-ci partit rapidement, sous les cris d'encouragement de Slade aux chevaux, quatre bêtes déjà nerveuses.

Bennington s'allongea rapidement au sol, et comme convenu son valet fit semblant de le relever tandis que les gardes assommés qui s'étaient réveillés entre-temps arrivaient dans la cour à toute vitesse.

« Ha, bon dieu ! » grogna l'espion. « Police, je vous somme d'arrêter ces hommes ! Ils viennent de s'emparer de ma diligence, une voiture de plusieurs milliers de livres ! Ah… » Il se plia en deux, faisant semblant de souffrir des côtes.

« Comment étaient-ils, monsieur ? » le pressa l'un des gardes.

« Qu'en sais-je ? Ils m'ont lancé au sol et il fait nuit ! Aie, bon dieu…Adrew, amenez-moi un fiacre tout de suite », ordonna-t-il à son valet.

Les gardes n'avaient pas de chevaux et ils ne pouvaient quitter leur poste. Aussi, le temps qu'ils préviennent les officiers, la diligence avait pu sortir de la ville dans une direction qu'ils n'auraient plus eu qu'à essayer de deviner.

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Comment ça « obsédée » ? C'est pas moi ce sont les vilains messieurs de mon histoire qui font des choses pas très catholiques !