Daniel
Daniel était conscient de l'intense observation dont il était l'objet. Ce qui ne faisait rien pour le rassurer ou le mettre à l'aise.
Il avait beau avoir examiné toute la pièce où il se trouvait, aucun des objets ne lui avait paru familier.
Il finit par s'absorber dans l'examen du goulot de la bouteille de bière que lui avait apporté O'Neill, Jack. Jack. C'était bizarre, ce prénom lui semblait étranger et familier à la fois. Il savait, d'après ce qu'il avait pu glaner comme informations ici et là, pendant sa semaine de « détention » à l'infirmerie, que le docteur Daniel Jackson et le colonel Jack O'Neill étaient – avaient été très proches tous les deux. Et franchement Daniel se demandait comment c'était possible.
Daniel Jackson était un intellectuel, un professeur d'Université qui avait passé toute sa vie sur des sites archéologiques ou la tête plongée dans de vieux manuscrits et O'Neill était un militaire de carrière, un ancien tueur professionnel, enfin, c'est ce que racontaient les militaires qu'il avait croisé. Que pouvaient ils avoir en commun ?
Il finit par poser la bière sur la table basse. L'odeur acre qui s'en dégageait lui donnait la nausée. Il posa ses mains sur ses genoux et continua à fixer la bouteille des yeux.
Peut-être aurait-il du rester à la base ?
Mais, il n'en pouvait plus d'être examiné par tous ces gens comme s'il était une bête curieuse. Il osait à peine sortir des quartiers qui lui avaient été assignés : il ne supportait plus leur regard sur lui. Lorsque le docteur Frasier lui avait dit qu'il pouvait, s'il le voulait, quitter la base pour le week-end, il avait accepté immédiatement. Il voulait voir des arbres, du ciel bleu, sentir l'air frais et la piqûre du vent sur son visage.
Mais il ne pensait pas que cela signifierait passer ces deux jours en tête à tête avec le colonel O'Neill. L'idée était vaguement effrayante. Plus que celle de rester enfermé à la base. Mais bien sûr il n'allait pas changer d'avis. Et puis, Jack était son ami, non ? Enfin, celui du Docteur Jackson. Il soupira.
Jack claqua dans ses mains, le faisant sursauter « Et si je nous faisait un petit BBQ ? Hein, qu'en pensez-vous ? Ca nous changerait de la nourriture du mess. » Jack se frottait les mains en signe de gourmandise. « Un bon steak, des french fries, hummmmm, un délice dont vous me direz des nouvelles. (4)»
Daniel trouvait que son ton sonnait faux, comme s'il se forçait. L'idée le rassura un peu. Il n'était pas le seul à se sentir bizarre, mal à l'aise. Il ébaucha un petit sourire. « Je commence à avoir un peu faim, le BBQ me paraît une excellente idée, mais j'aimerais me rafraîchir un peu avant le repas. »
« Bien sûr. Je vous ai préparé la chambre d'ami. J'ai sorti des serviettes de toilette, vous pouvez prendre une douche si vous voulez pendant que je prépare tout.» Daniel opina de la tête et se leva. Jack se rendit dans la cuisine.
Arrivé en bas des marches, Daniel s'arrêta. Il fixait le haut de l'escalier. On pouvait apercevoir trois portes. Il n'avait pas la moindre idée de laquelle était la chambre d'ami. D'après ce que Jack lui avait dit il avait déjà vécu ici, en revenant d'Abydos. Il avait dormi dans cette même chambre, plusieurs semaines avant de s'installer dans un appartement. Alors pourquoi ne s'en souvenait-il pas ? Pourquoi pouvait-il se souvenir qu'il détestait les carottes ou le Hockey, mais pas de ça ? Pas de ce qui comptait vraiment.
« Un problème ? » Jack se tenait derrière lui, les bras chargé de victuailles – chips, guacamole, pain – de quoi rassasier toute une garnison.
« Je, je suis désolé, c'est juste que, que je ne me rap … » Il n'eu pas le temps de finir sa phrase.
« Seconde porte à gauche. » Jack lui sourit. Un sourire qui se voulait confiant.
Daniel hocha la tête et monta les marches quatre à quatre. Il avait besoin d'être seul. Arrivé dans la chambre, il posa son front sur la porte et resta là un moment. Il pouvait entendre Jack siffloter dans le jardin.
Cette fois ce serait différent, il allait se souvenir. Il se retourna, les yeux fermés. Il les ouvrit lentement sur … une pièce étrangère. Il laissa tomber son ballot à ses pieds.
Daniel se laissa tomber sur le lit, pris sa tête entre ses mains et se mit à pleurer.
TBC
Humpf, j'avais oublié les notes de bas de page, les voici :
(1) En anglais « ne faire qu'un à nouveau » ou « entier à nouveau » au choix.
(2) Pas facile à traduire celle-ci, je suppose qu'en français on dirait « dur à cuir » (littéralement ça donnerait « cul dur »).
(3) Heu, à presque 40 ans, peut-on encore dire jeune homme ? Bof, quelle importance …
(4) Parfois rebaptisées par nos amis américains « Freedom fries » (humour, humour !).
