Nom de l'auteur : Olessya
Titre : Contrairement aux apparences
Genre : Romance yaoi
Couples : Cf titre
Contrairement aux apparences.
Chapitre 2.Il sentait le sang courir dans ses veines comme un ruisseau fou que des eaux d'orage seraient venues gonfler.
Il ne se rappelait pas avoir déjà ressenti une telle chose : la conscience de tout ce qu'il se passait à l'intérieur de lui, ce liquide pourpre chargé de vie qui parcourait tout son être. Comme s'il n'avait été jusqu'à présent qu'un esprit et qu'il venait de prendre corps.
Il était un homme.
Aussi banale et évidente que fut cette constatation, il lui avait fallu des années pour la faire. Sa trop grande sagesse et son savoir philosophique l'avaient finalement fait passer à côté de l'essentiel. Au lieu de l'élever vers les sphères célestes, ses longues heures de méditation l'avaient égaré tandis qu'il oubliait de vivre. Il avait eu tort de mépriser les choses si simples de l'existence. Elles lui auraient tant appris….
Il aurait volontiers ri de son aveuglement et de sa stupide suffisance d'alors. Mais il n'était pas sûr, même à présent, d'avoir enfin atteint la sagesse.
Il aurait pu rester dans sa bulle dorée si éloignée de la réalité s'il n'y avait eu cette journée qui les avait tous bouleversés.
Il était tellement plein de certitudes, il était persuadé de détenir le savoir absolu, de se rapprocher du divin ! Il en était en fait si éloigné….
Il n'avait fallu que quelques heures pour faire voler en éclat ses convictions.
Lui qui se pensait supérieur à tous, qui ne se permettait pas de se tromper, il avait été certainement le plus stupide, le plus borné en tout cas. Car qui sait ce que pensaient vraiment les autres ? Lui, il était ardemment persuadé de posséder la vérité. Il n'avait jamais douté….
On dit souvent qu'il faut apprendre de ses erreurs et c'était ce qu'il tenait de faire, moins imbu de lui-même que par le passé mais pas totalement guéri encore…
Personne n'avait jugé de sa conduite et les autres chevaliers d'or l'avaient considéré comme l'un des leurs, l'un des 'bons'.
Il s'était ouvert au monde extérieur comme s'il recouvrait la vue après une longue cécité. Il avait tout redécouvert avec l'intention de seulement observer et de ne pas juger.
Ca n'avait pas été aisé… Surtout avec 'lui'. Il ne l'avait guère aidé…
Ce jour là, il était certainement désespéré lorsqu'il entra dans son temple. Ca, il ne le devina qu'après. Malgré ses résolutions, ses anciens démons le reprirent trop vite face à lui et il ne vit que l'image qu'il voulait lui montrer : celle d'un homme sûr de lui et arrogant, semblant partout comme chez lui, ne se souciant aucunement de troubler sa quiétude.
« J'exige le silence quand on pénètre dans mon temple ! Qui ose perturber ma méditation ? »
« Tu m'emmerdes ! »
Seul lui pouvait oser s'adresser ainsi à un être quasi-divin.
Leurs relations avaient toujours été tendues et au fond, Shaka craignait peut-être davantage son ironie que n'importe quelle autre arme.
Même s'il ne le montrait jamais, il l'effrayait.
Son intelligence intuitive, son instinct qu'il semblait suivre parfois au mépris de la logique l'avaient mené à la vérité alors que l'Hindou se fourvoyait.
Il était redoutable et Shaka l'enviait pour cela. Ca et la fascination qu'il exerçait sur lui bien qu'il s'en défende.
Le mélange du bien et du mal en lui, sa force faite d'énergie négative canalisée pour servir la justice…
Un ange aux pulsions diaboliques si peu tourmenté, du moins en apparence, par cette perpétuelle et bouillonnante lutte en lui. Un homme dont la main pouvait sans état d'âme alternativement porter si cruellement le coup de grâce et caresser avec douceur les cheveux de l'orphelin qu'elle venait de secourir.
Il n'était pas le seul parmi les chevaliers d'or à posséder une face sombre mais il était peut-être le plus radicalement partagé entre la lumière et les ténèbres.
Et sa désinvolture était déstabilisante !
Il ne pouvait ignorer qui était le chevalier de la Vierge. Ce n'était pas comme si, naïvement, il avait mésestimé sa puissance. Il agissait en toute conscience pour le narguer, misant certainement sur sa divine sagesse pour échapper à la sanction que méritait une telle offense.
« Tu pourrais faire preuve d'un minimum de courtoisie ! » lui reprocha Shaka. « Je te rappelle que tu es… »
« …chez toi. Oui, je sais ! » le coupa-t-il, peu aimable. « T'inquiète pas, je ne fais que passer. »
Il s'adressait toujours à lui comme s'ils étaient de vieux amis, comme s'il était son égal voire son inférieur… Et cela avait le don de l'horripiler et de lui faire perdre patience.
« Alors dépêche-toi de le faire et discrètement ! »
Le ton de commandement eu l'air de déplaire à Milo et le bruit de sa démarche nonchalante qui résonnait sur le sol de marbre, s'interrompit. Il s'immobilisa avant de se retourner lentement vers l'Hindou et de le dévisager de son regard perçant.
« T'as rien d'autre à faire que de m'épier pour me faire des reproches ? » demanda-t-il sèchement.
« Pour qui te prends-tu ! Tu ne m'intéresses nullement ! » répliqua Shaka sur le ton du gamin querelleur qu'il réveillait en lui. « Dans ma grande bonté, je tolère que tu empreintes l'allée centrale de mon temple mais je te fais une faveur, eut égard à ton grade de chevalier d'un des onze signes. Mais tu pourrais très bien utiliser les souterrains comme tout le monde ! »
« Je vais juste chez Aiolia. » se justifia-t-il avant d'arborer un sourire tordu et moqueur et de s'incliner en une rapide révérence « Mais sachez que j'apprécie votre immense générosité ! »
« Assez ! » fit-il agacé. « Et puis comment oses-tu sortir dans une telle tenue ? »
Pour appuyer ses dires, l'Hindou ouvrit les yeux, le détaillant des pieds à la tête, notant la chemise qui dépassait négligemment du pantalon et la barbe de trois jours qu'arborait le chevalier du Scorpion. Il ressemblait davantage à un vagabond qu'à un serviteur d'Athéna.
Milo haussa les épaule et continua à sourire tandis que Shaka luttait intérieurement contre la colère qui tentait de le submerger, le faisant perdre le contrôle de ses émotions.
« Pourquoi as-tu besoin de le voir ? » ne put s'empêcher de demander l'Hindou même s'il savait pertinemment que sa question ouvrait une porte à Milo pour le railler et lui répondre que cela ne le regardait pas.
« Pour parler de choses auxquelles tu ne connais rien ! »
Sa réponse moqueuse éveilla davantage la curiosité de Shaka qu'elle ne le vexa.
Des choses auxquelles il ne connaissait rien ? Cela existait ? Il ne pouvait y croire… Il aurait aimé savoir quoi et il le lui demanda sans ciller.
« Quoi donc ? »
Milo haussa de nouveau les épaules, lui tourna le dos et reprit son chemin.
« A ton avis ? Des choses d'hommes. »
Plus stupéfait que fâché désormais, Shaka le regarda continuer sa route tandis qu'il s'interrogeait sur ce que ces mots pouvaient cacher.
Ne pas pouvoir trouver de solution à cette énigme piqua son orgueil.
« Je ne vois pas de quoi tu pourrais parler avec Aiolia dont je ne puisse parler aussi…. » dit-il en prenant un air méprisant.
« Tu veux parier ? » répondit Milo, sans hésitation.
Shaka soutint son regard et après une lutte de quelques secondes, à sa plus grand surprise, le Grec fit demi-tour et vint s'asseoir à côté de lui.
Il se rendit alors compte que c'était la première fois que Milo se tenait si près de lui et il en conçut une certaine crainte.
« Pff… même Aiolia ne peut pas comprendre…. » dit-il en soupirant.
Son visage se ferma alors ils restèrent plusieurs minutes dans le silence le plus complet, Milo fixant obstinément le sol, le regard triste.
L'Hindou devina qu'il ne fallait pas qu'il parle et leur silence partagé fut leur premier réel moment de complicité.
Le Scorpion se leva finalement au bout d'un moment, la tête basse sans dire un mot et Shaka n'osa le retenir.
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Lorsqu'il entra dans la maison du Verseau, Aiolia fut assez surpris de trouver Camus en train de prendre le thé en compagnie d'Aphrodite.
Les deux hommes se retournèrent vers lui, peu ravis d'être dérangés, visiblement, et ne semblant pas apprécier sa présence.
Depuis leur résurrection, deux clans à géométrie variable semblaient s'être formés avec d'un côté les chevaliers 'rebelles' qui avait été pour un temps des spectres au service d'Hadès et les chevaliers qui étaient restés loyaux à Athéna. La période qui avait suivi la bataille du Sanctuaire avait resserré les liens amicaux entre eux et les chevaliers tombés aux combats se sentaient certainement un peu exclus. Seul Saga et parfois Camus dérogeaient à la règle et il n'était pas rare de les voir en compagnie de Mû ou Milo mais ces derniers temps, le Verseau fuyait les contacts.
Aiolia était certain que cela avait un rapport avec le Scorpion dont l'attitude devenait de plus en plus inquiétante. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il s'était décidé à aller parler à Camus même s'il lui en coûtait.
« Tiens ! Le bon et loyal Aiolia. Que nous vaut cet honneur ? » l'accueillit le Français, ironique.
Il sentit son agacement envers le Verseau monter d'un cran en le voyant si insouciant mais il s'efforça de ne rien laisser paraître.
Mais avant qu'il n'ait pu parler, Camus le devança.
« Je parierai que tu viens me parler de Milo… »
« Je m'inquiète pour lui, en effet. »
Aphrodite éclata de rire :
« Et tu veux le ramener dans le droit chemin ? Quel dommage ! Moi j'aime beaucoup le nouveau Milo. Je le trouve beaucoup plus funny. Sauf que toutes ces filles, c'est d'un mauvais goût absolu ! »
Le Grec serra le point, maîtrisant avec difficulté sa colère.
Il était donc de notoriété publique que le chevalier du Scorpion s'était mis à faire n'importe quoi, ne s'entraînait plus et passait son temps à boire, sa seule occupation de la journée consistant à ramener des filles à son temple. Et Aphrodite s'en amusait !
Même s'il gardait un sourire sur les lèvres, Camus semblait plus grave et Aiolia se tourna vers lui.
« Tu devrais aller lui parler… »
« Pour lui dire quoi ? »
« Tu ne t'es pas rendu compte que son changement d'attitude, c'est un appel au secours qu'il te lance ? »
« Il est grand, c'est à lui de savoir ce qu'il veut faire de sa vie. J'ai déjà assez à faire en me souciant de la mienne. »
Tout en prononçant ses mots, Camus ressentit un pincement au cœur.
Ca n'était pas exact. Il ne se moquait pas de ce qui pouvait arriver à Milo même s'il n'avait guère envie de pleurer sur son sort après ce qu'il s'était produit. Il se sentait toujours ému en repensant à l'adolescent aux cheveux bleus ébouriffés qui avait été son premier ami, le seul à lui offrir un peu de chaleur humaine de manière désintéressée, celui qui lui avait fait penser que tous ses efforts pour devenir chevalier en valaient la peine….
Il n'avait pas envie, lui non plus, de voir Milo s'enfoncer encore plus dans sa dépression.
Mais il se doutait de toute façon qu'en homme généreux qu'il était, Aiolia n'allait pas abandonner aussi facilement.
Cependant, même s'il s'attendait à ce que le Lion ne lâche pas prise, il fut surpris lorsqu'il s'agenouilla devant lui, baissant la tête en signe d'humilité.
« Je t'en prie…. Camus… »
Aphrodite réprima un fou-rire tandis que le Français appréciait le spectacle : Aiolia, le héros irréprochable, bon, généreux, aimant, si humain… Celui qui était si souvent cité en exemple et qu'il détestait pour cela. C'était assez jubilatoire de l'avoir à ses pieds.
Camus, gardant les bras croisés eut un grand sourire ironique tout en faisant mine d'étudier la question, se délectant de la situation.
« J'irais le voir puisque tu y tiens. » annonça-t-il enfin.
Le Grec se releva, époussetant son pantalon blanchi aux genoux.
« Merci. » dit-il assez bas.
Il avait dû ravaler son orgueil. Il l'avait fait pour Milo, par amitié pour lui. Mais en croisant le regard suffisant et légèrement ironique du Verseau au moment de sortir, il se jura de le lui faire payer un jour. D'une manière ou d'une autre, il aurait sa revanche.
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Une fois Aphrodite partit, Camus s'était rendu directement au temple du Scorpion. Timidement, il avait poussé la porte de la pièce principale et le spectacle qui s'offrait à lui l'avait immédiatement éclairé sur l'étrange attitude d'Aiolia, pourtant si fier d'ordinaire.
Il était évident que Milo allait très mal. La rumeur qui circulait sur son compte était donc bien fondée.
Derrière la porte s'amoncelaient des bouteilles vides qui n'avaient certainement pas contenu de l'eau ou des jus de fruits. Les vêtements du Grec traînaient à même le sol, piétinés, mêlés à des emballages vides de nourriture.
Camus, si ordonné de nature, ne put réprimer une grimace de dégoût. Il lui fallut même plusieurs secondes pour localiser l'occupant des lieux qui dormait, seulement à moitié allongé sur son lit, hirsute et mal rasé. Et heureusement, il était seul ! Il n'aurait pas aimé le surprendre en galante compagnie. Il n'aurait pas été sûr de pouvoir contrôler sa jalousie.
Le Français s'approcha du lit en se frayant un passage parmi les divers objets qui jonchaient le sol. Il se sentit attendri en voyant Milo, le visage angélique bordé de boucles bleues. Il le contempla quelques secondes avant de le réveiller par une légère pression de la main sur son épaule.
Milo se releva immédiatement, se frottant les yeux, visiblement surpris.
« Camus ? »
Le sourire qui se dessina instantanément sur ses lèvres, son air heureux touchèrent le Français. Mais il s'était juré de ne pas se laisser embobiner et il garda un visage sévère.
« Qu'est-ce que c'est que ce désordre ? Comment peux-tu vivre dans un endroit pareil ? »
Milo baissa la tête comme un petit enfant pris en faute.
« Tu vas commencer par ranger tout ça. Ca mettra également de l'ordre dans ta tête. »
Le Verseau se dirigea vers la fenêtre et l'ouvrit pour aérer, laissant pénétrer à l'intérieur du temple un léger vent frais.
Milo ressentait une certaine honte à ce que Camus l'ait vu dans cet état mais à ce sentiment, se mêlait la joie de voir que le Verseau était finalement venu comme il l'avait secrètement espéré.
Il déblaya rapidement son lit et Camus s'assit près de lui.
« On peut parler ? » demanda Camus sur un ton calme. « Pourquoi tu te conduis comme ça ? »
Milo sourit. Il retrouvait enfin le Camus doux et sentimental qu'il croyait avoir décelé derrière l'enveloppe glacée. Il était sûr de ne pas se tromper. Même s'il s'en défendait, Camus avait besoin d'aimer et d'être aimé, il viendrait se blottir contre la poitrine du Scorpion et s'endormirait dans ses bras, se laissant dorloter comme une docile petite poupée. Oui, Camus était comme ça !
« Je t'aime ! » annonça Milo pour toute explication, tournant vers le Verseau de grands yeux bleus suppliants.
Camus eut comme un sursaut à cette nouvelle. Ses yeux semblèrent s'agrandir et il se leva instantanément.
Il avait jusqu'alors pensé que Milo le plaisantait. Il n'aurait jamais cru qu'il puisse être sincère mais à présent…. Est-ce que ces grands yeux candides pouvaient mentir ? Il aurait juré que non.
Il s'était trompé.
Il se souvenait des paroles d'Aphrodite lorsqu'il croyait encore à l'existence de son mystérieux admirateur. Il s'était laissé séduire peu à peu par l'idée de rencontrer cette personne et d'avoir peut-être une aventure avec elle. S'il s'agissait d'un homme, cela simplifierait les choses. Les femmes mettaient toujours trop de sentimentalisme dans les relations. C'était ce qu'il avait affirmé au Suédois mais celui-ci l'avait averti :
« Détrompe-toi ! Certains hommes peuvent être pires encore ! »
Milo était-il ainsi ? C'était pourtant un chevalier… Il n'aurait pu le croire….
« Je t'aime, Camus, depuis toujours. J'ai envie qu'on soit ensemble. Je sais que tu as souffert et je veux te rendre heureux en te donnant mon amour. »
Milo le connaissait-il aussi mal malgré toutes ces années ?
Camus baissa les yeux, se sentant peiné pour Milo. Il ne méritait pas l'amour du Grec. Mais qu'est-ce qu'il y pouvait, il n'avait rien exigé, rien demandé !
« Oublie-moi ! » dit-il simplement avant de se précipiter vers la sortie du temple, fuyant lâchement, n'osant plus faire face à Milo.
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Il tournait en rond chez lui, se sentant perdu. La situation lui semblait inextricable et plus il y songeait, plus ses pensées se mélangeaient dans son esprit.
Il se laissa tomber sur son lit, se prenant la tête entre les mains, se remettant à sangloter.
Il n'en pouvait plus de sa vie dépravée. Tout l'écœurait, il se dégoûtait lui-même, il aurait eu envie de tout détruire autour de lui.
Il ne se sentait pas de vivre sans Camus non plus, il avait besoin de lui, de sa présence, la seule qui lui apportait du réconfort. Il l'aurait voulu pour lui, pour l'écouter, pour faire des tas de choses qui n'auraient pas de goût sans lui à ses côtés.
Camus ne voulait pas de lui et il se sentait soudain minable, le dernier des nuls, comme un déchet. Il ne voulait pas que Camus ait pitié. Enfin, si….il voulait l'avoir même en rampant, même en se mettant plus bas que terre.
Avant, il pouvait se contenter de leur amitié mais depuis sa résurrection, le Verseau avait changé. Ce n'était plus comme avant et Milo aurait voulu rétablir cette relation entre eux, même aller plus loin, l'avoir comme amant. Plus il le fuyait et plus il le voulait.
Il se leva d'un bond, sentant une douleur dans sa poitrine, le manque qui lui faisait si mal.
« Camus ! Reviens ! »
D'un geste ample du bras, il balaya la table, envoyant valser loin dans la pièce les objets qui y étaient posés.
Le bruit de la vaisselle qui se brise lui fit un bien fou et méthodiquement, il entreprit alors de continuer son entreprise de démolition, passant ses nerfs sur tout ce qu'il pouvait trouver.
Cela ne le soulagea que quelques minutes. Lorsqu'il se retrouva haletant assis à même le sol au milieu du vaste gâchis, une immense détresse le saisit à nouveau et il se remit à pleurer.
La voix dans sa tête qui lui rappelait qu'il n'avait plus d'espoir pour Camus, se faisait plus insistante. Il voulut la faire taire.
Au milieu des débris, il trouva une cordelette et la fixa longuement du regard, se laissant peu à peu séduire par l'idée.
Il avait envie de ne plus rien ressentir, de faire taire la douleur dans sa poitrine.
Camus serait responsable, peut-être même que cela l'affecterait.
Il imagina le Verseau le trouvant suspendu à son plafond, le beau visage du français transformé par l'effroi et les larmes venant ternir ses si beaux yeux de chat.
Cette pensée lui procura un réconfort incroyable et prit soudain de courage, il se saisit d'une chaise sur laquelle il monta pour tester la solidité du crochet servant d'ordinaire à suspendre une lampe.
L'ensemble lui sembla suffisamment résistant et il prépara un nœud coulant. Ses doigts se mirent à trembler tandis que son estomac se nouait. Il se sentit pris d'une grande panique.
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Sa méditation avait été troublée par des bruits insolites ainsi que par les ondes négatives qu'il arrivait à percevoir malgré la distance. Ses sens aiguisés n'avaient détecté aucune présence ennemie mais sa concentration était restée tournée vers la huitième maison qui semblait pleine de tourments.
Il ne sortait d'ordinaire que rarement de son temple et il était encore plus rare qu'il daigne se déplacer pour s'enquérir des autres.
Mais il n'aurait su dire lui-même pourquoi, une force irrésistible semblait l'attirer vers la demeure du Scorpion.
Il monta les escaliers sacrés pour pénétrer enfin dans ce temple où il se sentait d'habitude si mal à l'aise.
Les bruits avaient cessé et il projeta son cosmos à l'intérieur, se heurtant rapidement à celui de l'occupant des lieux.
« Milo ? Il se passe quelque chose ? »
Le Scorpion, un peu embarrassé d'être surpris debout sur une chaise une corde autour du cou, ressentit une grande vague de chaleur le traverser, comme s'il allait soudain être sauvé. Les tremblements qui secouaient son corps s'amplifièrent de plus belle.
Mais ce n'était pas Camus, il ne s'agissait que de Shaka, malheureusement. Il était sûr que le chevalier de la Vierge ne pourrait pas comprendre.
« Tout va bien. » articula-t-il, réalisant en même temps qu'il prononçait ces mots, leur stupidité dans un tel contexte.
« Tant mieux alors. » lui répondit Shaka, le plus naturellement du monde, tournant les talons et s'apprêtant à partir.
Milo sentit une vague de colère le submerger. L'Hindou le trouvait prêt à se pendre et il allait le laisser continuer comme si sa vie lui importait peu ? Il comptait donc si peu pour les autres ? Shaka était-il à ce point inhumain ?
« Attends ! » l'arrêta-t-il. « Tu ne dis rien d'autre ? »
Shaka se tourna lentement vers lui, gardant toujours les yeux clos.
« Tu m'as rassuré et le reste ne me concerne pas. C'est ton choix et je le respecte. »
« Tu ne me demandes même pas pourquoi ? » insista Milo, vexé.
« Cela te regarde. Pas moi . »
Le jeune Grec serra les dents, blessé par ces mots. Personne ne le regretterait, il ne semblait être important pour personne en ce monde. Les paroles de Shaka et la colère qu'elles provoquaient en lui, lui redonnèrent du courage et il oublia sa peur.
Shaka s'éloigna lentement, attentif au moindre bruit. Il connaissait suffisamment Milo pour savoir qu'il aimait trop la vie pour faire un geste aussi insensé. Cela ne lui ressemblait pas. C'était peut-être bien la première crise existentielle que connaissait le jeune Grec qui doutait si peu de lui d'ordinaire et devait se poser si peu de questions. Mais il ne pouvait s'empêcher de se sentir légèrement inquiet malgré ses certitudes.
Milo ne souhaitait pas réellement mourir. Son geste n'était qu'un énième appel au secours désespéré en direction de Camus. Mais aussi stupide que soit l'attitude de Milo, Shaka ne pouvait s'empêcher d'admirer le côté chevaleresque du geste du Scorpion.
Camus, ce froid personnage, qu'avait-il donc fait pour déclencher tant de passion en Milo ?
Il hochait la tête en souriant pour lui-même, se décidant à quitter les lieux lorsqu'il entendit soudain un grand bruit.
Milo l'avait donc fait ?
Il se précipita à l'intérieur du temple pour trouver le chevalier se balançant effectivement dans les airs, le visage cramoisi, les mains essayant dans une tentative désespérée de desserrer le lien autour de son cou.
« Sha… ka …. Aide…. Moi ! » articula péniblement le Grec, asphyxié.
Le chevalier de la Vierge leva la main et un jet de lumière vint trancher la corde. L'homme tomba lourdement au sol et porta aussitôt les mains à son cou pour se débarrasser de la corde. Il inspira un grand coup et l'air lui sembla brûler ses poumons comme s'il respirait pour la première fois. Il se mit à trembler de tous ses membres.
Il n'avait pas pu. Il ne pourrait sans doute jamais. Et de son acte, il concevait une grande peur rétrospective.
L'Hindou, le visage impassible, l'air pincé, le toisait de toute sa hauteur, semblant sur le point de lui faire une leçon de morale.
Milo se remit à sangloter, se disant qu'il était au comble de la déchéance.
Shaka ne bougea pas, soudain ému de découvrir le Scorpion si fragile, recroquevillé sur lui-même au sol, le corps agité de tremblements. Un œil perçant apparut soudain sous l'épaisse tignasse bleue, le dévisageant d'un air mauvais.
« Ne me regarde pas. Je te hais ! » lui cria-t-il.
Shaka sourit pour lui-même. Les mots de Milo sonnaient comme une déclaration d'amour à son oreille. Jamais auparavant, il ne lui avait fait l'honneur de le haïr. Il n'existait tout bonnement pas.
Il s'agenouilla sur le sol de marbre auprès de lui.
« Tu veux parler ? » proposa-t-il avec douceur, sentant une grande sérénité en lui.
Il connaissait les faiblesses de Milo, désormais. Le Grec l'intimidait beaucoup moins. Il ne s'en sentait que plus puissant.
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Pourquoi avait-il fallu que Milo fasse tout ce simulacre pseudo-romantique ?
Ca lui ressemblait si peu…
S'il lui avait simplement demandé de coucher avec lui, certainement se serait-il laissé tenter.
Il sourit pour lui-même à cette pensée, imaginant brièvement le corps du jeune grec alangui au milieu des draps froissés, dévoilant la nudité de son corps d'Apollon.
Cette pensée lui plut et il passa sa langue sur ses lèvres.
Milo devait être expérimenté vu le nombre de ses conquêtes féminines. Il y aurait eu de quoi s'amuser.
Mais si les sentiments s'en mêlaient, cela compliquerait tout. Il y aurait des scènes, des pleurs, tout ce qu'il l'exécrait puisqu'il ne pourrait donner à Milo ce qu'il attendait. Mieux valait éviter les ennuis. En disant non tout de suite, il s'épargnait des problèmes futurs.
Sans compter qu'il n'arrivait encore à croire que Milo puisse réellement avoir ce genre de désir….
Lui qui s'était mortifié durant des années d'avoir ces préférences particulières, s'interdisant d'y songer, il avait envié Milo ou encore Aiolia qui multipliaient les aventures féminines. Il aurait voulu ne pas se poser de question et être comme eux, « normal »
Et soudain, Milo changeait de bord…. C'était à ne plus rien y comprendre. Il ne devait pas savoir ce qu'il voulait et ce qu'impliquait une telle relation entre deux hommes. Il se trompait sûrement ce qui expliquait pourquoi il parlait de sentiments….
Il réfléchissait toujours à tout cela quand Aiolia fit irruption dans son temple. Oubliant les politesses d'usage, le Lion entra directement dans le vif du sujet :
« Si je t'avais demandé d'aller voir Milo, ce n'était pas pour que tu l'enfonces encore plus ! »
Camus sourit ironiquement. Il ne répondit pas, se contentant de baisser les yeux.
Le Grec inspira profondément, ravalant sa colère, essayant d'ignorer la désagréable impression que Camus se moquait de lui. Il prit place à côté de lui sur le lit.
« Tu m'écoutes Camus ? » demanda-t-il de la voix la plus calme qu'il pouvait avoir.
Le visage de Camus disparaissait sous les mèches marines et les grandes ombres qu'elles laissaient sur ses joues. Mais le petit sourire du Verseau n'échappa pas au Lion.
Il saisit son compagnon par le menton, le forçant à relever la tête pour le regarder dans les yeux. Camus ne se déroba pas, il ouvrit les paupières pour le dévisager. Les mèches de cheveux retombèrent vers l'arrière, dégageant son front et ses yeux d'une beauté incroyable.
Derrière la barrière de longs cils noirs qui laissait de longues et fines ombres jusque sur ses joues, protégeant leur trésor, les yeux du Lion rencontrèrent les iris d'un bleu sombre, d'une couleur profonde, enveloppante comme le ciel d'une chaude nuit d'été dans lequel auraient brillées mille étoiles. Deux joyaux qui venaient orner ce regard de félin, ses grands yeux à la forme allongée, étirés vers les tempes.
« Comme chez la plus belle des femmes… » ne put s'empêcher de penser Aiolia, se répétant les mots de Milo.
Le Lion se laissa hypnotiser quelques secondes par l'intensité de ce regard, surpris, ne se rappelant pas avoir finalement déjà vu le regard de Camus ou du moins, pas ce regard là. Il s'en serrait souvenu. Il frissonna, se demandant ce qui lui arrivait, sentant sa volonté faiblir et sa colère se modérer devant l'étonnement de se sentir comme en présence d'un étranger et non pas face au Camus qu'il connaissait depuis des années.
Le Français sentit le chevalier déstabilisé. Il sourit légèrement, ayant l'impression d'avoir pris l'avantage dans leur combat psychologique.
Comme leurs visages étaient tout proche, il n'eut que quelques centimètres à franchir pour poser ses lèvres sur celles du Lion. Il le saisit par sa chemise, l'attira à lui. Il s'attendait à plus de résistance mais le Grec ne réagit pas immédiatement, laissant les lèvres de Camus prendre plus amplement possession des siennes.
Il avait fermé les yeux, ne pensant à rien d'autre qu'au souvenir de la magnificence de ces yeux couleur nuit, se laissant aller à ce baiser plutôt agréable, aux lèvres douces et fraîches, qui caressaient doucement les siennes. Plus doux que ce qu'on aurait pu espérer d'un homme….
Il ressentit soudain comme une impulsion électrique en réalisant qu'il embrassait pour la première fois un homme. Il repoussa Camus qui le lâcha, ne tentant pas de le retenir. Le Français retrouva immédiatement son étrange sourire ironique tandis qu'Aiolia, dont les idées étaient confuses, reprenait difficilement son souffle.
Camus croisa les bras sur sa poitrine, toisant le Lion avec un air satisfait.
« Combien ? » demanda-t-il avec calme.
« Hein ? »
« Combien penses-tu que ça vaille, alors ? Ce que tu me reproches, c'est bien de ne pas m'être donné à ce bon et loyal chevalier qu'est Milo ! J'aurais pu au moins faire cet effort. C'est déjà trop d'honneur qu'il veuille de moi. Mais peut-être que tu peux me payer pour que je change d'avis ? »
Le ton moqueur tira définitivement Aiolia de sa torpeur. Il adressa un regard noir au chevalier du Verseau. Il ne trouva néanmoins rien à répliquer.
Camus retrouva un visage sérieux et expliqua avec calme.
« Même s'il n'en a pas conscience, Milo a un besoin vital de sexe, de chercher à se reproduire, c'est sa façon de lutter contre la mort qui le terrifie. Mais il ne s'en rend pas compte et c'est pour cela que ce n'est pas de moi dont il a besoin. »
« Tu te trompes sur un point. Il cherche depuis toujours ta reconnaissance. Il t'aime oui, mais comme un frère. Si tu lui avais dit qu'il comptait pour toi, il ne serait pas allé plus loin. »
« Ah oui ? » fit Camus, moqueur, en se levant. « Tu as essayé toi-même ? Il t'a déjà fait ce genre de proposition ? »
« Ne plaisante pas avec ça ! »
Camus étouffa un petit rire et d'un pas nonchalant, prit la direction de la sortie de son temple, laissant derrière lui un Aiolia toujours sous le choc des évènements.
Le Lion porta la main à sa poitrine. Son cœur battait toujours la chamade. Etrangement, alors qu'il croyait presque haïr Camus et qu'il n'avait aucune attirance pour la gente masculine, il avait ressenti durant leur baiser plus d'émotions qu'il n'en avait connu.
Etait-ce Milo qui par ses paroles lui avait fait une sorte de lavage de cerveau et l'avait contaminé à Camus ?
Il avait toujours sur les lèvres le goût sucré de celles du Français et il se maudit d'en frissonner encore, de s'être montré si faible et pire que tout, d'avoir trahi Milo. Son meilleur ami. Il l'avait trahi.
Abattu, il se prit la tête entre les mains.
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(A suivre….)
Merci beaucoup à toutes celles (ceux ?) qui m'ont laissé des reviews Vos remarques m'ont fait très plaisir.
Isuzu : Promis, je le referai plus ;-)
Ming Shu, Zephyra, Gariguette, Mu, Hagen, Moogly, Miss Angel Love Merci beaucoup : - )
Seii: Oups, je crois que tu as mal deviné cette fois-ci ;-)
Clo 812 : Bien vu ;-)
