Dans une chambre d'hotel, en ville
La dernière phrase de Sully avait plongé Bosco dans un état de totale incompréhension. Comment se faisait-il que Sully connaisse sa mère ? Intrigué, Bosco regarda fixement dans la direction de Sully, lequel, troublé par ce regard, finit par baisser la tête.
Comment connaissez-vous ma mère ? demanda brutalement Bosco.
C'est une histoire compliquée.
Eh bien je suis là ! Je vous écoute ! dit-il en s'asseyant sur une chaise, faisant ainsi comprendre à Sully qu'il était près à l'écouter.
Monsieur Boscorelli, croyez bien que si je viens vous voir aujourd'hui, c'est pour différentes raisons. La première concerne Faith Mitchell. Voyez-vous, je l'aime comme ma propre fille, et je suis très peiné de voir dans quel état elle se trouve aujourd'hui. Je ne l'avais jamais vu aussi malheureuse et…
Ecoutez, … l'interrompit Bosco
Non, vous écoutez-moi ! Je ne veux pas savoir ce qu'il s'est passé entre vous, parce que cela ne me regarde pas. Toutefois, je suis prêt à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour la voir heureuse, et dans ce cas, cela vous concerne ! La seconde raison, qui m'est encore plus personnelle, concerne une partie de mon passé que j'avais enfoui au plus profond de moi. Une partie de mon passé dans lequel votre mère y a jouée un très grand rôle. Ce que je vais vous dire risque d'être difficile à entendre, aussi aimerais-je que vous ne m'interrompiez point.
Voyant Bosco hocher la tête pour acquiescer, Sully fit quelques pas vers la fenêtre et commença son récit.
Il y a bien longtemps, quand je n'étais encore qu'un jeune homme, je vivais avec ma famille dans la banlieue de New York. J'avais été élevé pour suivre le chemin de mon père et prendre sa place au sein de la banque familiale. Mon avenir semblé tout tracé dans la bonne société New Yorkaise. Seulement, peut-on réellement lutter contre ses sentiments ? Voyez-vous, j'ai rencontré votre mère par hasard lors d'un déjeuner au Parc Municipal. Votre mère était chargée du service auprès des invités, et à priori, rien ne prédestiné à notre rencontre. Sauf qu'un pas maladroit de ma part, et elle a renversé le plateau qu'elle tenait à la main. Je venais d'être foudroyé en plein cœur ! Votre mère était si belle ! Je suis tombé amoureux d'elle à la seconde où je l'ai vue. Et je peux affirmer sans crainte qu'il en a été de même pour elle. Seulement, votre mère était mariée, et l'honneur m'interdisait de faire quoique ce soit de désobligeant envers elle. Mais c'était plus fort que moi. Nous nous aimions d'un si bel amour. Je sais qu'elle n'était pas heureuse dans sa vie. Elle avait été mariée de force à un homme violent. Elle se sentait seule, sans personne pour la comprendre. Notre histoire fut magnifique bien que clandestine. Elle a durée près de 4 mois. 4 mois qui furent les plus beaux de ma vie. Et un jour, tout à basculé. Une fois de plus, son mari est rentré complètement ivre. Elle n'a pas pu suffisamment se défendre ce jour-là. Il l'a violée.
La voix de Sully se brisa dans un sanglot étouffé tandis que ses poings se serrèrent. Tournant le dos à Bosco, il ne vit pas celui-ci se figer complètement à sa dernière phrase.
On dit qu'entre époux, il n'y a pas viol, mais je ne pouvais rester sans réagir. La femme que j'aimais souffrait en silence et personne ne pouvait l'aider. J'ai été tellement aveuglé par ma fureur que j'ai agit sans réfléchir, simplement guidé par ma conception de l'honneur qui malheureusement pour moi, brisa plusieurs vies. Je suis allé trouver son mari, pourquoi, je ne sais pas. Mais jamais, oh grand jamais, je n'avais prévu ce qui allait se produire. Nous nous sommes battus tous les deux, et je l'ai tué. J'ai tué votre père Bosco ! Je ne me le suis jamais pardonné. Parce qu'en tuant Anthony Boscorelli, j'ai mis fin à notre histoire et j'ai gâcher votre vie. Je suis vraiment désolé.
Cette dernière phrase se perdit dans le fracas d'un verre brisé. Faisant volte-face, Sully aperçut Bosco le regardant avec haine, la main ensanglantée d'avoir brisée un verre qui se trouvait sur la table. Prenant son courage à deux mains, il affronta le regard de Bosco, et choisit de terminer son histoire en lui faisant face.
Lorsque je me suis rendu compte de ce que j'avais fait, il était trop tard. Pris de panique, je me suis enfuit et j'ai choisi de me cacher, comme un vulgaire fugitif. Et ce qui me brisa le cœur, ce fut de savoir que je venais de rendre difficile la vie de votre mère. Je lui ai proposé de s'enfuir avec moi, que l'on commence une nouvelle vie tous les deux, ailleurs, loin de New York et de cette histoire. Mais votre mère était plus censée que moi ! Elle savait très bien que la mort de son mari aurait été toujours entre nous. De plus, elle avait réussi à faire passer sa mort pour une bagarre entre ivrogne, sauvant ainsi ma réputation. Elle disait qu'il fallait que l'on réfléchissent, prendre de la distance pendant quelque temps. Alors elle est partie pour Boston chez une amie, disant ainsi qu'elle souhaitait s'éloigner pour surmonter son chagrin. Ce que j'ignorais, c'est que lorsque votre père la viola, il engendra aussi la vie. Votre vie. Elle l'a découvert au bout de 2 mois. Quand elle me l'a annoncé dans sa lettre, sa dernière lettre, le monde s'est écroulé autour de moi. Comprenez-moi, j'aimais tellement votre mère, j'étais prêt à faire n'importe quoi pour elle. Et je sais qu'elle m'aimait aussi. Mais notre histoire n'était désormais plus possible. Trop de barrières se dressaient entre nous. Alors j'ai voulu mourir. Je me suis engagé sur le front, ruinant ainsi les espoirs de mes parents, espérant que la mort viendrait me prendre rapidement. Mais j'ai survécu, bien malgré moi. Je n'ai jamais pu revenir à New York. J'ai appris un an plus tard, complètement par hasard, qu'elle avait eu un fils, Vous. Ce sont les dernières nouvelles que j'ai eu d'elle.
Un grand silence se fit aussitôt dans la chambre, les deux hommes se dévisageant sans rien dire. Dans les yeux de Bosco, on pouvait lire de la colère, de la peine, de la douleur. Le regard de Sully exprimait lui, des regrets, de la douleur aussi. Tous deux étaient plongés dans leurs pensées, au souvenir d'une femme tant aimée.
Sully finit par s'avancer prudemment vers Bosco, guettant sa réaction. Celle-ci ne se fit pas attendre. Sully ne fit rien pour éviter le coup. Au contraire, cela lui semblait une moindre mesure par rapport à la douleur de l'homme en face de lui.
Et qu'est ce que je suis censé vous dire alors ? demanda furieusement Bosco. Merci ? Merci d'avoir fait de ma vie un enfer ? Vous savez ce que c'est de grandir sans père ? Les regards des autres que j'ai dû supporter toute mon enfance parce que mon père était un alcoolique et qu'il était mort dans une baguarre d'ivrognes ? Savez-vous l'enfer qu'à dûe vivre ma mère à élever seule un enfant sans se soucier des commentaires des gens ?
Bosco ne pouvait taire la rage qui s'était emparée de lui. Toute la colère refoulée dans son enfance refaisait surface aujourd'hui, face à l'homme qui avait brisé sa vie. Mais il était surtout en colère parce que la vérité était encore pire qu'il l'avait imaginé. Un viol. Il était né d'un viol. Et pourtant, jamais sa mère le lui avait reproché. Elle l'avait toujours aimé, sans condition, sans contrainte. De l'amour inconditionnel d'une mère pour son fils.
Dévisageant l'homme qui se frottait le visage en face de lui, Bosco se ressaisit, une certaine pensée s'insinuant dans son esprit.
Est ce que… est ce que… vous êtes certain qu'Anthony Boscorelli était mon père ? Vous aviez une liaison avec ma mère au même moment. Se pourrait-il que je sois.., enfin que vous soyez mon père ?
Sully crut percevoir une note d'espoir dans la voix de Bosco qui lui transperça le cœur.
Croyez-bien que cela aurait fait de moi l'homme le plus heureux du monde. Mais malheureusement, à mon grand regret, il m'est impossible d'avoir des enfants. Les conséquences d'une maladie infantile que j'ai contracté très jeune. Je l'ai découvert lorsque j'ai dû me marier pour perenniser le nom famillial. Ma femme, Clémence, n'a jamais eu d'enfants pendant les 10 ans que dura notre mariage. Lorsque nous avons divorcés, elle s'est remariée peu après avec l'homme qu'elle aimait. Aujourd'hui, elle est mère de 2 enfants.
Cette dernière phrase plongea les deux hommes dans une profonde tristesse. Les yeux humides, tous deux se dévisagèrent sans rien dire. L'espace d'un instant, Bosco s'était imaginé que tout cela n'avait été qu'un cauchemar. Qu'il avait enfin trouvé son père. Mais non, tout était bien réel. Et la vérité lui était insupportable.
Lentement, il se détourna de Sully et se dirigea vers la fenêtre. Posant ses mains sur chacun des bord de la fenêtre, il baissa la tête et tenta d'étouffer ses sanglots.
Voyant la détresse de cet homme qui aurait pu être son fils, Sully s'approcha de lui et posa une main sur son épaule, faisant raidir Bosco qui se retourna en se passant une main sur le visage.
Bosco, je veux que vous compreniez bien une chose. Toute ma vie, je regretterais d'avoir fait de vous un orphelin de père, d'avoir tué Anthony Boscorelli. C'est un crime que je trainerai jusqu'à ma mort. Pourtant, ce que je ne regrette pas, c'est d'avoir rencontré votre mère. Elle fut la plus belle chose qui me soit jamais arrivée, même si ce fut très bref. Et je sais qu'elle aussi n'a jamais regrettée notre histoire, et qu'elle m'a pardonné de ce qui s'est passé.
Comment pouvez-vous en être si sûr ? Qu'est ce qui vous dit que ma mère vous avez pardonné ? demanda Bosco, en colère.
Sully fixa Bosco dans les yeux durant plusieurs secondes sans rien dire.
Je le sais parce qu'elle vous a donné le prénom que je souhaitais donner à notre fils.
En dehors de la ville, chez Fred YokasSwersky Mitchell commençait à trépigner d'impatience. Cela faisait déjà plus de 20 minutes qu'il attendait Fred Yokas qui ne se montrait pas. Il avait été conduit dans le salon pour l'attendre, tandis que Davis et Doc avaient été obligés de rester à l'extérieur, n'étant pas les bienvenus dans la demeure.
La colère de Swersky grandissait au fur et à mesure que le temps passait. Il commençait à réaliser maintenant l'erreur qu'il avait failli commettre en voulant fiancer sa fille avec cet homme. Heureusement, la raison lui été revenue à temps. A présent, il était déterminé à mettre les choses au clair avec cet individu, et à l'éloigner le plus rapidement possible de sa fille.
Monsieur Mitchell ! Quel plaisir de vous voir ici ! dit une voix qui fit se retourner Swersky pour faire face à un Fred Yokas arborrant un sourire faux sur le visage.
Monsieur Yokas. Salua poliment Swersky. Croyez-bien que la réciproque n'est pas. Je suis venu vous porter un avertissement. Je vous prierez désormais de ne plus approcher ma fille.
Allons allons, Swersky. Qu'est ce qui se passe ?
Monsieur Yokas. J'ignore ce que vous avez fait à ma fille, mais je sais que vous êtes en partie responsable de son état actuel. Et ne le niez pas. L'un de mes serviteurs vous a vu les approcher près de la rivière. Je ne supporte pas de voir ma fille souffrir, et vous êtes un individu malhonnête et mauvais. Désormais, je vous interdis formellement de vous approchez, de près ou de loin, de ma fille ou de mon domaine. Sans quoi, je serais dans l'obligation de porter plainte contre vous auprès de la justice de notre pays. Maintenant, veuillez m'excuser, mais je vais me retirer.
Fred Yokas n'avait absolument rien dit tout le long du monologue de Swersky, mais la rage grondée en lui. Jamais personne ne lui avait dicté sa conduite, et ce n'était surement pas un grand-père et sa fille qui allaient commencer maintenant !
Avançant d'un pas rapide vers Swersky, il lui barra le passage et lui fit face violemment.
Ecoutez moi bien Mitchell ! Votre fille doit devenir ma femme, selon notre accord.
Il n'y a jamais eu d'accord ! Je n'ai jamais accepté votre demande, ni ma fille d'ailleurs ! Maintenant laissez-moi passer ! rétorqua Swersky
Votre fille deviendra ma femme Mitchell ! Qu'elle le veuille ou non ! C'est vrai quoi, comment pourrait-elle désobéir à la dernière volonté de son père ? dit Yokas d'un air menaçant.
Que voulez-vous dire par là ? demanda soudain effrayé Swersky en se reculant lentement tandis que Yokas avançait vers lui d'un air menaçant.
Tout simplement qu'elle ne pourra rien refuser à l'homme qui aura vu son père mourir dans ses bras.
Swersky n'eut pas le temps de réagir qu'il sentit un étau qui enserrait sa gorge. Il ne comprenait plus rien. Cet homme voulait le tuer parce qu'il refusait de lui donner sa fille ? Mais il été complètement fou ! De toutes ses forces, il tenta de lui résister et de se débattre, mais son âge ne l'aidait pas et Fred Yokas et bien plus fort que lui. L'air commençait à lui manquer tandis que Yokas serrait sa gorge de plus en plus fort. La dernière pensée cohérente qu'il eut fut pour sa fille avant de sombrer dans le noir, tandis que son corps s'affaissait dans les bras de Yokas.
Lorsque celui-ci se redressa, on pouvait voir dans ses yeux que la folie s'était emparée de lui. Il n'y avait aucune trace de remords ou d'inquiétude, juste de la satisfaction. S'écartant du corps inanimé de Swersky, il prit un air paniqué de circonstance et se dirigea rapidement vers l'entrée de la demeure.
Aidez-moi ! Que quelqu'un aille chercher tout de suite un médecin ! Vite !
Les cris alertèrent toutes les personnes au dehors. Davis et Doc se regardèrent d'un air paniqué puis se précipitèrent tous deux vers Yokas.
Que se passe-t-il ? demanda Doc
Votre maitre vient de faire une attaque ! Je crois qu'il est mort ! dit Fred avec un air triste. Il faut que j'aille prévenir sa fille. Toi, selle-moi mon cheval rapidement.
Sans plus attendre, Doc se dirigea vers le salon, suivit par Davis tandis que Fred prenait la direction des écuries.
A la Plantation MitchellFaith avait choisie de s'éloigner de la maison, tant elle ne supportait plus l'attention dont elle faisait preuve de la part de Kim et de Sasha. Même si elle comprenait leur attitude, elle ne supportait plus de devoir toujours faire comme si tout aller bien alors qu'elle n'avait envie que d'une chose : hurler de rage et de désespoir. Depuis longtemps, les larmes avaient cessées de couler parce qu'elle n'en avait tout simplement plus.
Jamais, elle n'avait eu aussi mal. Elle s'était sentie trahie par un homme alors qu'elle ne le connaissait quasiment pas. Et pourtant, elle n'avait aucun droit d'en vouloir à Bosco. Ils ne s'étaient rien promis. Il n'y avait jamais rien eu entre eux. Même ce baiser ne signifiait rien pour lui. Il lui avait dit. C'était elle qui s'était leurrée depuis le début. Comment avait-elle pût être aussi idiote ? Oh ! Elle le savait bien : elle était tout simplement tombée amoureuse d'un homme qui n'en valait pas la peine. Du moins, c'est ce qu'elle s'évertuait à se dire, parce que son cœur, lui, disait de lui faire confiance.
Alors qu'elle était plongée dans ses pensées, elle ne vit pas la silhouette qui s'approchait d'elle.
A suivre...
