Le lendemain matin de bonne heure, le réveil retentit près de Bobby. Il se leva habité par la plénitude. Il se prépara ensuite avec arme et insigne. Quand il franchit la porte de son appartement pour rejoindre sa voiture, Abygael dormait encore. Il n'avait osé la réveiller. Il se rendit au one Police Plaza et comme chaque matin il vit le capitaine James Deakins puis sa collègue Alex Eames attablée devant son ordinateur. Cette dernière le salua :

"Goren".

"Eames".

"J'ai dormi comme un loir cette nuit", ajouta t-elle. "Mais je suppose que tu as planché une bonne partie de la nuit".

"Et bien figure-toi que je me suis reposé".

"Tiens donc", répliqua t-elle, ironique. "Comment s'appelle t-elle ?"

Ils rirent mais Bobby ne dit rien. Il ouvrit le dossier sur ce tueur en série et commença à lire les différentes dépositions sur tous ceux qui l'auraient croisé et sur les familles des victimes mais rien de très concluant.

"Si seulement on avait le moindre indice. Il va bien falloir qu'il fasse une erreur".

Eames acquiesça, les yeux toujours sur l'écran de son ordinateur. Une heure passée, le téléphone retentit près d'elle.

"Eames, j'écoute".

"Allo", répondit une voix fébrile. "Je vous appelle parce que je ne peux plus vivre comme ça".

Inquiète, Alex fit signe à Goren et déclencha le haut parleur.

"Qui êtes-vous mademoiselle ? Que voulez-vous ?"

"Le tueur à la télévision. Je l'ai rencontré. Il y a environ neuf mois mais je n'ai pas osé le dire à la police parce qu'il a menacé de me tuer sinon".

Goren et Eames étaient quelque peu sceptique, toutefois Eames demanda à la rencontrer.

"A 13 h dans l'église St Paul". Et elle raccrocha.

"Tu crois que c'est encore une malade qui se prend pour une ex de notre assassin ?" Demanda Eames.

"Possible mais je pense qu'on devrait aller voir".

Tandis qu'ils se dirigeaient vers le bureau du capitaine Deakins le téléphone sonna une nouvelle fois mais pour Goren. Il décrocha.

"Goren, j'écoute.

"Bonjour inspecteur", dit une voix d'homme nonchalante. On pouvait entendre un sourire narquois à l'autre bout du fil.

"Que puis-je faire pour vous ?" répondit Goren.

"Allons, vous ne me reconnaissais pas inspecteur. On parle de moi dans les journaux pourtant".

Goren fit signe à Eames ainsi qu'au capitaine et mit le haut-parleur.

"Vous savez, on reçoit des tas de coup de fil de gens qui se disent être le tueur. Qu'est-ce qu'il nous prouve que vous êtes bien notre homme ?"

"Bobby, Bobby", dit-il exaspéré. "Vous n'auriez pas tous ces coups de fil si vous m'aviez arrêté au lieu de vous amuser".

Tous autour du téléphone étaient confus.

"Qu'est-ce qui vous dit que nous ne travaillons pas à vous arrêter ?"Ajouta Goren.

"Ne mentez pas s'il vous plaît. Je vous ai vu hier soir avec cette superbe gamine dans une partie de jambe en l'air torride".

Eames et Deakins regardèrent avec inquiétude vers Goren qui ne disait rien, abasourdi. De l'autre côté l'homme riait d'un rire sadique et obscène.

"Vous avez beaucoup de chance, vous savez ?" reprit-il. "Elle est très belle. Ses longs cheveux noirs, ses grands yeux de biche et…" Il marqua un temps. "Et ce tatouage sur la fesse droite. Très sexy".

Goren restait immobile, les yeux dans le vide. Il semblait réfléchir. Comment pouvait-il savoir pour la veille et comment connaissait-il ce détail à propos d'Abygael. Soudain il se ressaisit et courut à toute allure vers la sortie. Eames le suivit. Goren s'apprêtait à démarrer la voiture quand elle le rejoignit.

"Ecoute, c'est sûrement un malade qui veut te faire peur".

"Alors comment explique-tu qu'il sache tout ça sur Aby", répliqua Bobby effrayé.

"Il vous a peut-être observé mais ça ne veut pas dire qu'il soit passé à l'acte".

Consterné, Bobby frappait le volant tandis qu'il passait le pont de Brooklyn à toute allure. Arrivé devant son immeuble il se précipita hors de la voiture jusqu'à l'intérieur. Il monta ensuite les marches quatre à quatre et s'arrêta net devant la porte entrouverte de son appartement. Il franchit le palier avec l'espoir de voir Abygael sur le sofa, un livre à la main comme elle avait l'habitude de passer ses matinées. Mais il ne vit personne que le désordre.

"Aby !" cria-il. Mais seul le silence se fit entendre.

Alors il fouilla partout. Alex regardait Bobby allait et venir criant le nom d'Aby. Soudain elle l'interpella surprise et apeurée. L'empreinte d'une main ensanglantée sur la porte de l'entrer. Certainement celle d'Abygael comme preuve de l'enlèvement. Bobby porta la main à son visage comme pour s'empêcher de hurler. Il sortit en vitesse et dévala les escaliers jusqu'en bas. Alex savait qu'il ne fallait pas le suivre. Elle l'entendit, désemparée, échapper toute sa rage et son incompréhension. Dans la cage d'escalier, à l'abri des regards il était adossé au mur, en pleur. Il frappa son poing contre le béton laissant une marque de son sang. Ses jambes le lâchèrent. Il n'arrivait pas à croire que ce malade ait pu s'en prendre à la femme qu'il aime et encore moins qu'il n'ait pas su la protéger. Il frappa encore et encore le mur derrière lui.

Alex était déconcertée. Elle qui n'avait jamais vu Bobby craqué. Puis soudain elle fut surprise de voir sur les marches une petite fille en robe de chambre, étonnée par ce remue-ménage.

"Bonjour", dit Alex calmement, se forçant à sourire pour ne pas l'effrayer. "Comment t'appelle-tu ?"

"Karen", répondit poliment la petite fille. "Est-ce qu'il y a eu un cambriolage chez monsieur le policier ? Pourquoi il est triste ?"

"Non ma chérie n'ai pas peur, d'accord". Karen acquiesça. "Est-ce que tu as vu quelque chose de bizarre ce matin, dans l'immeuble ?"

Karen ne dit rien mais Eames sentait qu'elle cachait quelque chose.

"D'accord", dit-elle pour la rassurer. "Mais il faut que je parle à tes parents. Tu peux me dire où tu habites". Et Karen la prit par la main pour la conduire jusque chez elle.

Le visage dans ses mains Bobby ne cesser de pleurer les larmes de son corps. Mais il se redressa d'un coup et essayait de contenir son chagrin quand il entendit le capitaine Deakins et les renforts de la police scientifique.

"Est-ce que..."demanda le capitaine le capitaine à Bobby. Celui-ci fit oui de la tête tout en essayant le plus possible de renfermer ses larmes.

Deakins, avec compassion et pitié dans les yeux prit Bobby par la nuque et le serra contre lui. Alors Bobby laissa échapper ses sanglots sur l'épaule de son capitaine.