Un court prologue.
Cette histoire est inspirée par ma passion pour la série Médicis : Maîtres de Florence.
J'adore le personnage de Giuliano et dans ma fiction, il ne meurt pas et surtout, je lui colle les joies d'un mariage à priori compliqué. Il y aura bien évidemment une histoire d'amour passionnelle entre Giuliano et Simonetta.
N'hésitez pas à commenter, c'est pas plus grande source de motivation.
Bonne lecture !
Le regard de Dea se posa sur ce jeune homme dont elle devinait aisément l'identité venu à Rome baiser l'anneau papal accompagné de son frère Lorenzo dans le but et demander la clémence du Pape Sixte IV. Beau comme un dieu avec cette confiance que seuls les puissants de ce monde peuvent dégager. Il riait avec plusieurs d'hommes qu'elle n'avait jamais vu à Rome tout en jetant des regards à peine dissimulés aux différentes femmes présentes. De l'autre côté de l'immense salle des banquets du Palais papal, Lorenzo parlait avec Clarisse et Madalena Orsini et nulle doute qu'une union était en vue.
Clarisse et Dea ne se connaissaient guère et pourtant elles ne s'aimaient guère, tradition familiale oblige. L'une était une Orsini et l'autre une Colonna, les uns détestaient toujours systématiquement les autres. Les Medicis n'étaient pas une famille prestigieuse ou noble mais ils avaient un pouvoir et une fortune colossale et il ne fallait pas être doté d'important pouvoirs de divination pour comprendre les avantages que chaque partie pouvait tirer d'un tel mariage. Clarisse était une belle jeune femme et Dea avait de nombreuses fois entendu ses frères et ses cousins vanter la beauté de la jeune Orsini. Comme cette rivale de sang, Dea était belle, certainement moins que Clarisse dont le physique et la piétée étaient louées dans tout Rome, mais elle attirait les regards et les convoitises surtout car elle était née Colonna. Son père, Prospero Colonna, était le condottiere de Rome, son oncle était cardinal et son cousin Gonfalonier des armées papales. Sa famille était une des plus anciennes et des plus nobles de Rome sans parler de leur immense fortune qui, si elle n'égalait pas celle des Medicis, était tout de même conséquente et largement jalousée.
Clarisse Orsini était réputée dévote et pieuse et comme la plupart des jeunes filles de son temps, elle occupait ses journées à la prière et à la charité. Dea, quant à elle, aimait chanter, danser, dessiner, lire, monter à cheval, chasser et surtout discuter, débattre d'art, de politique ou de guerre. La jeune Colonna était une humaniste, un esprit brillant et vif dont l'art de la conversation pouvait rivaliser avec celui de n'importe qu'elle courtisane. Son père l'avait éduquée comme ses fils et elle avait pu bénéficier des leçons des plus célèbres penseurs, savants et philosophes de son temps, faisant d'elle l'une des femmes les plus cultivées de Rome.
Dea scanna l'immense salle de ses grands yeux bleus à la recherche du ténébreux Giuliano de Medici et c'est sans surprise qu'elle le découvrit en pleine conversation avec une courtisane aux charmes plantureux. Cela ne la surprenait guère et pour cause, le jeune homme, beau comme un dieu grec, avait la réputation de multiplier les conquêtes. Mais plus que son physique attrayant ou son nom, c'était son charisme qui attirait la jeune Colonna. Il se dégageait quelque chose de sauvage et d'indomptable chez Giuliano. Il semblait n'obéir à aucune règle et il suffisait de le voir se mouvoir pour comprendre que tout était un jeu pour lui : les femmes, la politique, la guerre et même l'argent.
Sentant quelqu'un l'observer, la jeune femme détourna instinctivement le regard de Giuliano et se retourna pour faire face à son oncle, le Cardinal Giuseppe Colonna.
« Éminence », Dea exagéra sa révérence avant de saisir délicatement la main du vieil homme et de baiser sa chevalière comme le voulait la tradition. Gracieuse, la jeune femme se redressa, un sourire malicieux placardé sur le visage. Elle n'était pas étrangère des critiques maintes fois émises par le Cardinal concernant son éducation et la relative liberté dont elle jouissait mais elle n'en avait cure.
« Ma très chère nièce, je vois que tu portes un intérêt marqué pour nos prestigieux visiteurs », aux yeux de son oncle, Dea n'était qu'un morceau de viande dont les Colonna pouvaient disposer à leur bon vouloir.
« Il est toujours agréable de pouvoir mettre un visage sur un nom », répondit-elle sans rougir.
Si sa beauté n'égalait pas celle de Clarisse Orsini, Dea avait un charme unique et surtout une élégance et une majesté naturelle. Son port de tête altier et son visage légèrement halé était encadré par une épaisse chevelure châtain clair. Son visage fin aux traits aristocratiques mettait idéalement en valeur son regard d'un bleu perçant qui lisait en vous comme dans un livre ouvert. Son nez aquilin tranchait avec la rondeur de ses lèvres pulpeuses et si l'un était traditionnellement l'attribut d'une personne volontaire voir guerrière, l'autre en revanche était un symbole de féminité et de douceur.
« Et lorsque le visage est celui de Narcisse et du péché incarné cela attire indéniablement ton attention », le mépris de son oncle pour les Medicis qu'il considérait comme des parvenus était aisément palpable.
« Pourtant on le dit bien plus amoureux des muses que de son propre reflet ? Dois-je lui interner l'accès à la fontaine du Palais ? », Le regard de Giuseppe Colonna se fit encore plus froid et menaçant. Le vieil homme ne supportait aucunement la répartie de sa nièce et s'ils n'avaient pas été en public, il l'aurait bien volontiers giflé. Heureusement pour elle, son frère, Francesco, s'approchait d'eux en titubant, le bras sur l'épaule d'un garçon d'une vingtaine d'années qu'elle avait vu parler plus tôt avec Giuliano de Medici.
« Chère sœur, j'ai besoin de ton avis, Sandro pense que Lippi est le meilleur peintre jamais connu, qu'en penses-tu ? », le jeune Sandro s'inclina maladroitement devant Dea et son oncle qui leva les yeux au ciel et préféra discuter avec des adultes sobres.
« Je pense que Lippi est un grand Maître mais on peut dire sans hésiter dire que Masaccio le surpasse », affirma Dea sans hésiter.
Du coin de l'œil, la jeune femme vit Giuliano se rapprocher et écouter la conversation. Son regard croisa celui de la jeune femme qui le soutint sans sourciller.
« Masaccio est un peintre de talent, certes, mais je travaille avec Fra Lippi et je peux attester que sa vision est unique et pour cause, il est florentin », le jeune Sandro avait visiblement du mal à articuler.
« Vous les florentins, vous imaginez toujours que votre art est unique c'est à se demander si vous ne placez pas votre République au centre de toutes les cartes », il était rarissime d'entendre une femme si jeune se positionner avec autant d'aplombs que ne le faisait Dea.
« Quand est-il des romains, Signora ? », Giuliano venait de s'incruster dans le petit groupe en gratifiant Sandro d'une tape amicale sur l'épaule. Un sourire se dessina sur le visage du jeune peintre qui s'impatienter de voir son ami imposer son avis de Medicis à cette frêle jeune femme.
« Signora Dea Colonna », répondit sèchement la pétillante aristocrate qui connaissait très bien son rang et n'allait certainement pas se laisser impressionner par un fils de banquier.
Giuliano saisit délicatement la main de Dea et la baisa lentement avant de lever ses yeux verts vers elle et de la gratifier d'un sourire qui l'ébranla un court instant. Nul doute qu'elle avait face à elle un redoutable prédateur.
« Giuliano de Medici, mais vous le savez déjà », l'assurance du jeune florentin avait le don de l'irriter mais elle refusa de montrer la moindre émotion.
« Pour répondre à votre question, Signore Medici, Rome est le cœur de la chrétienté et nous excellons dans l'art picturale comme dans l'art de la guerre ou de la politique bien que notre arrogance ne soit pas à la hauteur de la vôtre », elle avait piqué le jeune Medicis au vif et sans l'intervention maladroite de Francesco, la situation aurait pu rapidement dégénérer.
« Et l'art du vin ! Allons boire amis florentins ! », s'écria le jeune Colonna tout en entrainant Giuliano et Sandro avec lui en direction du buffet richement décoré devant lequel de jeunes courtisanes vêtues en nymphes dansaient.
Dea regarda Giuliano s'éloigner et elle ne pouvait s'empêcher d'avoir un mauvais présentiment. Ce jeune homme causerait sa perte et elle le savait. Comme si il pouvait entendre les pensées de la jeune Colonna, Giuliano se retourna et fusilla du regard Dea qui ne sembla aucunement impressionnée. Il y avait chez elle une fierté qui semblait égaler la sienne et il aurait fallu être aveugle et sourd pour ne pas sentir la tension qu'il y avait entre ces deux êtres que tout opposait. Aveugle, le cardinal Colonna ne l'était pas et l'idée d'une alliance avec la richissime et ambitieuse famille Medicis était alléchante sans compter que le jeune homme était visiblement en mesure de supporter ou de tuer la jeune Dea, le dernier cas de figure était le favori du vieil ecclésiastique.
Les premières lueurs du jours caressaient l'horizon et semblaient réveiller doucement la ville de Rome.
« Sacrée femme », Sandro Boticelli aval goulument une grappe de raison en repensant à Dea.
« Qui ? », Giuliano caressait les seins nus d'une courtisane qu'il avait honoré plus tôt dans un recoin des jardins et tendit le bras pour attraper un pichet de vin.
« Dea Colonna », lâcha Sandro le regard au loin.
« Une salle petit arrogante qui mériterait d'être remise à sa place », cracha le jeune Medicis.
L'agacement soudain à la seule mention du nom de la jeune femme attisa la curiosité de Sandro.
« Elle ne te laisse visiblement pas insensible », Giuliano jeta un regard noir.
« Elle n'est ni belle, ni douce, ni agréable », la jeune courtisane, Bella, sembla sortir doucement de sa torpeur.
« Ni pieuse », elle riait à gorge déployée.
« Oh Bella, peut-on savoir ce qui te fait rire ? », s'enquit Sandro.
« Dea Colonna, la plus insupportable de toutes les princesses de Rome et sûrement la moins convoitée » Sandro et Giuliano échangèrent un regard amusé et le jeune Medicis embrassa la belle catin pour la faire taire et prolonger un peu plus les festivités de la veille avant que le soleil ne jette définitivement un voile sur cette énième nuit de débauche.
