Automail, chapitre 2
Le réveil est difficile. Il l'est toujours. Déjà en temps normal, ce n'est pas toujours une partie de plaisir. Mais depuis trois jours… il l'est encore plus.
Greed est toujours réveillé le premier. Facile, étant donné qu'il ne dort pas.
Dès qu'il sent que Kimblee redevient conscient, il le serre fort contre lui.
Kimblee n'a jamais été du genre à hurler. Mais des fois, lorsque la douleur est trop forte, il se mord les lèvres fort, très fort. Jusqu'à en saigner.
En vérité, Greed préfèrerait qu'il hurle.
"Petit-déjeuner au lit encore ! s'exclame l'homonculus. Vous le gâtez dîtes donc !
-Vous aimeriez être à sa place ? demande sèchement mamie Pinako."
Greed ne répond pas. Son expression n'a pas changé, à part peut-être cette petite lueur dans le regard. Mais ce n'est peut-être qu'un reflet de la lumière.
Scieszka est descendue. Winry a fini par la convaincre que l'opération est terminée depuis longtemps, qu'il n'y a plus aucune trace de sang et que ce Kimblee va s'en sortir.
Elle a également descendu un livre.
"Je ne sais pas ce que vous lisez, explique-t-elle timidement, mais c'est un de mes livres préférés et…
-Pas la peine, décline Kimblee. Je n'aime pas vraiment lire."
Son regard est tourné vers la fenêtre. Scieszka abandonne, mais juste à moitié. Elle pose le livre sur la table de chevet.
Kimblee ne dit presque rien à propos du bras. Greed non plus. C'est un tabou.
Winry fait quelques fois des comparaisons avec Ed. Elle ne devrait pas, mais c'est comme ça dès que quelqu'un perd un bras ou une jambe. Elle est restée très attachée à ses amis d'enfance, et ne perd pas une occasion de se souvenir d'eux.
Elle a appris également que l'homme aux longs cheveux est un alchimiste. Et qu'il a été alchimiste d'Etat. Greed le lui a dit rapidement au cours d'une conversation. Mais elle n'en sait pas plus.
Greed discute beaucoup, que Kimblee soit éveillé ou endormi. La seule différence entre les deux cas est la main qu'il pose sur la sienne ou dans ses longs cheveux. Un geste à la fois mignon et… étrangement possessif.
L'autre, au contraire, ne prononce que quelques mots, quand c'est vraiment nécessaire. Quelques éclats de rire parfois, soudainement, sans qu'on sache pourquoi.
Winry en a rapidement conclu qu'il est fou. Et que Greed aussi, en plus de ne pas être humain. Elle ne sait d'ailleurs toujours pas ce qu'il est.
Finalement, ils repartent pour Dublith. Greed laisse leur adresse après que Winry ait insisté. Et elle lui ordonne de revenir s'il a le moindre problème avec l'automail. Greed éclate de rire devant tant d'autorité.
Kimblee, lui, ne dit rien et regarde par la fenêtre de la voiture.
Et ils s'en vont ainsi.
Pour le voyage dans le train, Greed allonge Kimblee sur les sièges, et dépose doucement sa tête sur ses genoux. Il tente d'engager la conversation, mais c'est un échec.
La seule chose que Kim consent à dire, au bout d'une heure ou deux, est une phrase presque inaudible.
"C'est à cause de toi."
Il le lui a déjà dit auparavant. Il le lui a déjà crié auparavant. Ils ont eu tout le temps de crier avant d'aller chez les Rockbell pour qu'on installe l'automail de Kim. Le temps que Dorchet se renseigne, trouve l'adresse, que Kim soit en état de voyager… oui, ils ont eu deux bonnes semaines pour se disputer à propos de ça.
Et maintenant, c'est le mutisme.
Une nuit, Greed s'est dit que Kim a tort de se taire, qu'il devrait être heureux d'avoir un automail… avant de se rendre compte de sa bêtise.
Après tout ce qu'il s'est passé, non, Kim ne peut pas être heureux.
Ce n'est pas sa faute.
Greed y repense alors qu'ils marchent jusqu'au bar où ils ont élu domicile.
Non, ce n'est pas à cause de lui, Kimblee peut dire ce qu'il veut, c'est faux, et ils le savent tous les deux. C'était un accident qui n'aurait jamais du arriver, c'est tout, mais ils ne peuvent pas se blâmer l'un l'autre.
L'homonculus sait qu'il faut un bouc émissaire, et il sait qu'il faut que ce soit lui, mais il sait aussi que ce n'est PAS sa faute.
Le bar est plus silencieux que jamais. Les regards pèsent au moins aussi lourd que l'automail, et Kimblee a soudainement une pensée stupide. Et s'il s'effondrait là, croulant sous le poids de tous ces regards ?
Greed le rattraperait.
De toute manière, il ne s'effondre pas. Non, il les ignore sublimement et s'affale dans le canapé, bientôt rejoint de Greed qui a commandé deux verres. Comme au bon vieux temps.
Sauf que ce n'est plus comme avant.
Kimblee observe cette monstruosité de métal qui remplacera désormais son bras. Pourra-t-il au moins faire de l'alchimie avec ? Il en doute sincèrement. Le gosse Ric y arrive, mais ce n'est pas la même chose.
Non, pas la même chose.
Il sent que Greed passe un bras autour de ses épaules. Oui, apparemment, il a décidé de faire comme si rien n'avait changé.
Kimblee ferme les yeux.
Greed se trompe.
Tout a changé. Tout.
