Les personnages de cette fiction ne m'appartiennent pas. Ils appartiennent à l'auteur de The Handmaid's Tale.
L'histoire commence au début de la saison 2. Elle concerne principalement la relation entre June et Serena mais d'autres personnages seront présents.
Chapitre 1
Je regarde les murs blancs autour de moi. Blanc, le symbole de la pureté, le symbole de Gilead… J'entends le bruit de ses talons dans le couloir menant à la pièce immaculée dans laquelle je me trouve. Je n'ai aucun doute sur la personne qui vient me rendre visite. Cette façon de marcher, ce cliquetis des talons balancés avec charme et élégance, je le reconnaitrais parmi des millions.
C'est elle.
Je ferme les yeux deux secondes et essaie de contrôler la colère qui envahit mon corps et mon esprit. Elle s'arrête derrière le grand rideau qui nous sépare. J'imagine qu'elle ne veut pas me voir. Qu'elle ne peut pas me voir.
-« Béni sois le jour
-Béni soit-il » je réponds en gardant mon calme.
- Je constate que vous allez bien.
-Oui madame Waterford.
- Excellente nouvelle
Je l'entends s'approcher lentement mais avec détermination. Je prends conscience que la suite de cette conversation ne sera pas une partie de plaisir.
Elle arrive à ma hauteur et la crispation sur son visage me donne une nouvelle fois raison. Serena la garce est de retour !
-Je vais mettre les choses au clair. Toutes vos petites manigances, vos petits secrets, tout cela s'arrête aujourd'hui ! Je ne tolèrerai plus votre petit jeu. Me suis-je bien fait comprendre ?
Son regard est dur comme de la pierre. Elle sait qu'elle ne me fait pas peur, mais elle ne peut pas s'empêcher de vouloir affirmer sa supériorité. De me montrer que c'est elle qui tient les rênes du petit jeu que nous jouons depuis le début. Que c'est elle LA seule et unique maîtresse de maison et que je lui appartiens !
-Ne vous énervez pas Serena… C'est mauvais pour le bébé.
Elle me regarde encore plus furieuse qu'avant et je sens qu'elle pourrait me tuer sur place. Grâce à Dieu, elle est interrompue dans cette pensée lorsque son mari et mon médecin entrent dans la pièce. Ils ne le savent pas, mais ils viennent de me sauver d'une mort certaine.
Je sais que je ne devrais pas jouer avec le feu avec Serena, mais cela fait partie de notre relation. Elle s'y attend. Elle dirige et ordonne et je me rebelle. C'est dans l'ordre des choses.
Alors que l'échographie a commencé, elle continue de me fusiller du regard en espérant me faire plier. Ce qu'elle ignore encore, c'est que je suis comme le roseau, je plie mais ne romps pas. Son mari l'interpelle pour découvrir le miracle que je porte en moi. Elle s'éloigne pour rejoindre le moniteur et je découvre une autre femme.
Comment cette garce qui était prête à me sacrifier quelques secondes plus tôt peut soudainement devenir pleine de tendresse et de douceur. C'est à la limite du trouble de la personnalité à ce niveau-là. Ses yeux deviennent humides de bonheur, et j'ai envie d'hurler tellement ce que je ressens est en pleine contradiction. Je le vois, je le sens, elle aime déjà cet enfant. Mon enfant. Notre enfant à Nick et moi… Et rien que pour cette raison, je n'arrive pas à la détester complètement. J'aurais presque de la compassion pour elle. J'en suis à cette conclusion lorsqu'elle s'approche de moi et dépose un tendre baiser sur mon front, me laissant encore plus confuse.
-Que Dieu vous bénisse… me glisse-t-elle dans un murmure avant de partir.
J'y ai cru… Je l'ai goûté de près, je l'ai sentie. J'ai eu un aperçu de ce que pourrais être ma vie loin de Gilead, loin des Waterford, loin d'elle, Serena. Mais la réalité m'a rapidement rattrapée. Je n'ai pas réussi à fuir, Nick n'a pas pu me sauver, malgré tous ces efforts. J'aurais pu retrouver Luke au Canada, et nous aurions passé le reste de nos jours à essayer de récupérer Hannah, nous aurions réussi tôt ou tard et aurions vécu heureux. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé, non…
Gilead ne m'a pas laissé vivre heureuse. L'avion n'a jamais décollé. J'ai été emmenée au centre auprès de tante Lydia, et maintenant je suis dans la voiture qui me ramène auprès de mes hôtes bienveillants et chaleureux. C'est ainsi que tout le monde parle du Commandant Waterford et de sa ravissante femme Serena. Nul besoin de vous préciser que je ne partage pas cette vision idyllique de mon couple de bourreau. Et vous voulez savoir ce qui est le plus ironique dans cette situation, tante Lydia qui me fait la morale en me précisant que je dois gagner leur confiance, leur montrer que je suis digne de recevoir cette seconde chance d'être accueillie dans leur maison. Bien sûr tante Lydia… Vas te faire foutre tante Lydia !
Je sors de la voiture fébrile, m'avance jusqu'au porche, et contemple devant moi les portes de l'enfer. Je sais déjà ce qui m'attend. J'y suis préparée.
Le feu crépite dans la cheminée du grand salon, et j'attends résignée l'arrivée du couple diabolique.
C'est lui qui vient m'accueillir le premier en me souhaitant un bon retour à la maison. Comme si cette demeure pouvait refléter la chaleur et la sécurité d'un foyer à mes yeux. Rien ici ne ressemble à l'image que j'ai d'une maison, c'est une prison. Ma prison individuelle jusqu'à l'accouchement.
Je découvre avec stupéfaction l'histoire qu'ils ont choisi de se raconter afin d'éviter tout déshonneur. Non évidemment. Leur servante n'a pas choisi de s'évader, de retrouver sa liberté, elle a tout simplement été kidnappée. Je me demande qui a bien pu trouver cette histoire. Ca ne peut-être qu'elle. Elle seule possède l'intelligence nécessaire pour sauver les apparences coûte que coûte. J'en arrive même à admirer son génie diabolique.
Alors qu'elle entre triomphante et se place au côté de son mari, Serena me défie du regard. Une nouvelle partie commence entre nous. Et mon attitude lui laisse comprendre que je suis prête pour un nouveau round, et toujours prête à briser quelques règles pour gagner. Je n'aurais peut-être pas dû lui faire cet affront. Je m'en rends compte quelques minutes plus tard dans le couloir qui mène à ma cellule, appelée ici chambre, lorsque sa main se pose violemment contre ma gorge et qu'elle me plaque contre le mur derrière moi.
-92 jours !
C'est la durée de mon escapade. Elle a compté les jours, je suis impressionnée. Son regard est un mélange de colère, de soulagement, de tristesse. Je peux voir combien elle a souffert pendant ces 92 jours. Se demandant si son enfant était toujours en vie, si elle allait avoir la chance de le rencontrer un jour, si elle connaîtrait un jour le bonheur de pourvoir le prendre dans ses bras. J'imagine parfaitement cette douleur, je la connais, je n'imaginais simplement pas que cette garce sans cœur puisse la ressentir. C'est complètement brisée qu'elle relâche ma gorge et me tourne le dos, me laissant l'opportunité de lancer, avec délectation, une nouvelle attaque.
-Serena… Souvenez-vous… Tant que mon enfant est en sécurité, le vôtre y est également.
La vie a repris son cours chez les Waterford. Tante Lydia est aux petits soins pour moi et le miracle que je porte en moi. Vu de l'extérieur, tout pourrait presque sembler normal. Mais c'est Gilead, rien n'est normal ici.
Je n'ai pas revu Nick jusqu'à ce matin. Et le voir dans cette cuisine, portant sa caisse de bouteilles vides, me réchauffe le cœur. C'est bon de le savoir là, juste à côté. J'ignore ce que je ressens exactement pour lui, mais je sais que c'est un homme bon, et qu'il fera tout ce qu'il peut pour nous protéger moi et son enfant. C'est le moment que choisi sa majesté Serena pour entrer dans la cuisine, surprenant ainsi mon regard suivant le père de mon enfant lorsqu'il passe près de moi. Je regrette immédiatement qu'elle ait surpris ce regard. Elle a maintenant l'avantage sur moi. Un moyen de pression pour me plier à toutes ses volontés. Je me maudis d'avoir eu cette faiblesse devant elle. Surtout aujourd'hui, le jour de la fête prénatale.
Parlons-en de cette fête prénatale. Qu'elle ridicule parade. Un simulacre. Comment ces femmes peuvent-elles se réjouir et célébrer la venue d'un enfant dans ces conditions ? N'ont-elles aucune retenue ? Célébrer le viol d'une femme sous leurs yeux par leurs propres maris d'autant plus. Qu'est devenu le monde ? Qu'est devenue l'humanité ? Bien que je me pose toutes ces questions, cette fête me fait doucement sourire. Je les trouve tout simplement ridicules, à savoir qui a offert le plus beau cadeau, à rire et s'émerveiller du miraculeux bébé à venir, en dégustant du champagne. Elles sont tout simplement pathétiques dans leurs tentatives de normalité, tellement pathétique que mon amusement laisse place à de la colère. Mes mains se crispent sur les accoudoirs du fauteuil dans lequel je suis confortablement assise, exposée comme un trophée au milieu du salon.
Et pourtant, c'est toujours Elle qui est au centre de l'attention. Elle qui reçoit toutes les marques d'affection, elle que l'on plaint d'avoir raté le premier trimestre de la grossesse, d'être peut-être passée à côté des premiers coups de pieds donnés par le bébé. Elle fait bonne figure comme toujours. Souriant à la ronde pour prouver que tout va bien, essayant de se convaincre elle-même que rien n'est perdu et que tout est à venir.
Je devrais me taire… Je sais que je devrais me taire au risque de le payer plus tard, mais je n'y arrive pas, c'est au-dessus de mes forces. J'ai besoin de lui faire mal. Et ma seule façon de le faire est de lui balancer des vérités qu'elle n'a pas envie d'entendre.
-J'ai senti le bébé me donner un coup de pied pour la première fois hier soir
Le silence provoqué par cette déclaration et le regard confus et triste de Serena suffisent à me faire me sentir bien. On se contente de peu de choses lorsque l'on est dans ma position et que l'on s'apprête à subir ce qui va suivre.
Personne n'est préparé à l'humiliation qui va être la mienne dans quelques minutes. L'humiliation ultime. La privation totale de ma dignité devant témoins. La privation même de mon droit d'exister en tant que femme s'il en est que ce droit existait toujours à Gilead. Mais aujourd'hui est une étape supplémentaire dans cette folie qu'est devenue notre nouvelle normalité. Aujourd'hui je dois transférer spirituellement l'enfant que je porte à Serena. L'ultime humiliation.
Pendant que tante Lydia m'emmène au sein de cette mascarade, je regrette d'avoir conscience de toutes ces choses qui m'entourent. J'aimerais ne pas savoir. Ne pas connaître l'issue de cette cérémonie grotesque. Mais il n'en est rien. J'entre à nouveau dans ce salon en toute connaissance de cause et remplie de rage.
Elles sont toutes là, les femmes en bleues, celles qui forment l'élite de notre nouveau pays, les épouses, elles sont toutes là, formant un cercle et attendant ma venue.
Mes amies, les autres servantes sont derrière, formant elles aussi un cercle, essayant de me soutenir mentalement dans cette épreuve qui m'attend.
Je pose mes genoux sur le coussin posé à mon intention et tends la main vers ma Némésis. Elle gagne aujourd'hui. Je me soumets. Elle est en position de force, elle debout et moi à ses genoux, lui donnant toute autorité sur moi et l'enfant que je porte.
Serena porte son regard sur moi et commence la cérémonie. Je n'ai pas le courage de la regarder, de l'affronter du regard, je sais que cette bataille est perdue d'avance. Pas maintenant, pas ici, pour l'heure je dois ronger mon frein et surtout rester silencieuse, je ne dois pas lui donner satisfaction, surtout pas.
Elle est là, implorant Dieu de laisser venir à elle cet enfant qui est mien, son désespoir n'est pas feint, il est réel, je peux le ressentir, mais rien ne peut pardonner ce qu'elle est en train de me faire subir. Rien au monde ne pourra jamais me faire oublier ce moment.
C'est complétement hébétée que j'assiste au rangement du salon après les festivités. Je ne réalise pas complétement ce qu'il vient de se passer, ou au contraire, je n'en ai que trop conscience. Je m'approche d'un landau et prend une minuscule chaussette blanche probablement tricotée à la main par une de ces femmes que je méprise tant. Les souvenirs de ma fête prénatale pour Hannah m'envahissent et avant que je ne réalise, je les formule à haute voix. C'est au moment où je vois Rita recevoir une gifle monumentale de la part de Serena que je m'en rends compte.
Si seulement elle avait pu me gifler moi se dit-elle. Je sais que cette gifle m'était destinée, il ne peut pas en être autrement. La violence avec laquelle elle a été administrée en est la preuve. Et je perds une fois de plus tout espoir de trouver un semblant d'humanité dans cette garce de Waterford.
Et alors que je suis anéantie, ayant complétement perdu foi en l'humanité, tante Lydia choisi de m'emmener faire une balade sur les quais. Devant le mur précisément. Ce mur qui représente la honte de Gilead et de cette nouvelle normalité. C'est ce moment qu'elle choisit pour me briser entièrement. En me montrant les conséquences de mes actes lors de ma tentative d'évasion, ce corps suspendu le long du mur, le corps de l'homme que j'ai forcé à m'aider et qui l'a payé au prix de sa vie. S'en est fini de ma dernière once de résistance. Je craque littéralement. Je m'effondre devant tante Lydia et l'écoute me dire à quel point il est important que je fasse amende honorable auprès des Waterford. Que je dois essayer de comprendre Serena, que c'est difficile pour elle, qu'il faut que je comprenne et que j'arrête de m'entêter. Il faut que j'arrête d'être June. Car June est responsable de la mort de cet homme, June a essayé de s'enfuir, June est responsable de toutes les mauvaises choses qui m'arrivent. Je ne dois plus être June. Je dois être Defred. Résignée et sans plus aucune force, j'abdique et renonce à être June. Je dois rentrer dans le rang. Je dois être sage et discrète. Je dois ne plus être, ne plus exister. Je m'effondre dans les bras de celle qui n'a cessé de me briser depuis notre rencontre. Tante Lydia. Ma tortionnaire devient mon réconfort. Et c'est la nouvelle réalité. La réalité de Gilead.
Pour aujourd'hui… Gilead a gagné.
C'est sous les yeux de Nick et Rita et la bienveillance de tante Lydia, que j'implore à genoux la permission de rester auprès des Waterford. Consciente que je ne le mérite pas encore, mais pleine de promesse d'être la meilleure servante qu'ils n'aient jamais eu. Les remerciant de toutes ces choses qu'ils ont faites pour moi. Je vois Serena sortir de la pièce contrariée, et quelque chose en moi se brise encore plus.
