Le lendemain, Kurogane fut réveillé par Fye qui sortait de la douche.

"Je t'avais dit que le lit était plus confortable!" s'exclama le magicien.

"Mokona l'a compris, lui!" ajouta la petite boule de fourrure. "Mokona a eu plus de place!"

"Je suis content pour vous." gromella ironiquement Kurogane.

"Shaolan et Sakura sont déjà prêts, ils nous attendent dans le hall d'entrée de l'hôtel." ajouta Fye.

"Tu aurais pu me réveiller!" s'exclama Kurogane. "Je n'avais pas l'intention de faire attendre tout le monde!"

"Mais voyons, tu dormais si bien, Kuro-chan!" s'exclama Fye. "Peut-être que tu seras de meilleure humeur aujourd'hui, si on t'a laissé dormir!" Kurogane, d'un grognement exaspéré, lui démontra la fausseté de cette supposition. "Ou alors de plus mauvaise humeur. Mais bon, c'était à tester."

Kurogane se leva enfin pour faire face à Fye. Le magicien était vêtu simplement d'une serviette, mais il se déplaçait toujours sans aucune gêne, avec son aisance et sa grâce habituelles. Kurogane se sentit d'encore plus mauvaise humeur, et alla s'enfermer dans la salle de bains.

Quand il descendit enfin dans le salon, les trois autres étaient en train de finir le petit déjeuner. Il aurait bien sauté le repas pour faire oublier son retard, mais son ventre était très vide, et il préféra avaler trois croissants d'un coup pour se rattraper, manquant de s'étouffer avec. Puis il rejoignit la discussion sur l'emplacement de la plume.

"Mokona a bien ressenti quelque chose hier." dit Shaolan. Nous nous sommes rapprochés, et normalement, il devrait la ressentir encore plus distinctement, mais non. Plus rien."

"Le morceau de plume était là! Mokona l'a senti! Soit quelqu'un l'a emporté, soit il n'est plus en activité, soit les deux!" s'exclama la petite peluche.

"Ne me dis pas qu'on est rentrés ici pour rien..." s'exclama Kurogane. Puis, réalisant qu'après son retard, il se devait d'apporter quelque chose de constructif à la conversation, il reprit : "Ne trouvez-vous pas ça étrange, d'ailleurs? Cette ville où personne ne nous fait payer, et où on demande..." il sembla souvent gêné "des conditions très particulières pour entrer? Il doit y avoir anguille sous roche, surtout si on y utilise une plume."

Fye acquiesça discrètement, Sakura sembla déçue et Shaolan conclut "Dans tous les cas, il faut commencer à enquêter auprès des habitants de la ville pour savoir s'il est arrivé ici des événements étranges."

"S'ils sont capables de remarquer autre chose que les boutiques de robes." soupira Kurogane.

La salle du petit déjeuner était déjà presque vide, et ils hésitèrent, ne sachant par où commencer. C'est alors qu'une jeune fille, vêtue d'une robe courte ornée dans le dos d'ailes de papillon artificielles et d'un chapeau haut-de-forme, s'adressa à eux.

"Bonjour! Laissez-moi deviner, vous êtes nouveaux, et vous ne connaissez pas les meilleurs endroits!"

Elle perçut leur silence surpris comme une approbation, et ajouta : "Venez au karaoke avec moi, j'en connais un excellent!"

"Etes-vous ici depuis longtemps?" demanda Fye.

"Pourrez-vous nous raconter ce qui se passe et ce qui se dit dans cette ville?" continua Shaolan.

"Mais bien sûr!" s'exclama la jeune fille. "J'adore les rumeurs. Alors, c'est bon pour vous? C'est toujours sympa de rencontrer des nouvelles personnes ici, on sait au moins qu'on ne va tomber ni sur des dragueurs, ni sur des coincés!" Elle leur fit un clin d'oeil. "Je vais chercher ma famille!"

En quelques minutes à peine, elle redescendait l'escalier, accompagnée d'un jeune garçon de son âge qui lui ressemblait beaucoup, d'un homme plus âgé, au sourire froid, et d'un jeune homme blond et frêle.

"Je vous présente mon frère Subaru, mon beau-frère Seishirô et mon fiancé Kakyô!" Elle embrassa ce dernier dans le cou. "Au fait, je ne me suis pas présentée proprement : je suis Hokuto! Ravie de vous rencontrer." Elle s'adressa, ensuite, à sa famille. "J'avais prévu d'inviter ces gens au karaoke."

"Ca me semble une excellente idée!" déclara le dénommé Seishirô.

"Enchanté de vous rencontrer." dit Subaru en s'inclinant. "Quels sont vos noms?"

"Ah ah, en fait, je n'ai pas oublié de les présenter, c'est juste que je n'ai pas encore demandé. Alors, quels sont vos noms?"

"Je m'appelle Fye. Voici Kuro-chan, qui est mon fiancé, Sakura-chan et Shaolan-chan." Ce disant, il avait pris affectueusement la main de Kurogane.

Le ninja réussit à se rappeler que cette comédie était nécessaire, malgré son envie d'exterminer le magicien. Cela aurait pu être pire. Fye aurait pu l'embrasser aussi. Il frémit à cette idée.

"Enchantée! Tu vas voir, Sakura-chan, on va bien s'amuser! Bien sûr, c'est agréable d'être en compagnie de beaux jeunes hommes, mais c'est aussi parfois drôle d'être entre filles, je sais que tu le ressens, toi aussi!"

Elle avait pris par le bras une Sakura désorientée, et l'entrainait vers la sortie. Les garçons les suivirent, certains en souriant, les autres en soupirant de résignation amusée.

Shaolan n'oublia pas la raison de leur venue, et demanda, sur le chemin que prenait Hokuto. "Comment marche ce pays? J'ai été très surpris de voir qu'on n'y demandait pas d'argent."

"C'est un riche philanthrope qui se plait bien entouré d'amoureux, qui l'a fait construire et la finance." répondit Subaru. "On voit une image de lui affichée sur la grande tour qui est au centre de la ville. Mais il se dit que ce n'est pas sa vraie apparence ; qu'il se promène chaque jour sous différents visages pour comtempler son oeuvre."

"On pourrait le reconnaître au fait qu'il est seul." précisa Hokuto. "Mais bien sûr, c'est du n'importe quoi. Quand quelqu'un déclare avoir vu quelqu'un se promener seul, il s'agit le plus souvent de quelqu'un qui est allé faire un petit tour. Ce n'est pas parce qu'on s'aime qu'il faut rester tout le temps ensemble!"

"Que sait-on de plus à propos de lui?" demanda Shaolan.

"Ma foi, pas grand chose." répondit Subaru.

Kurogane, lui, avait lancé la conversation sur un autre sujet.

"Mais si on mange gratuitement dans cette ville, et qu'elle y est si "agréable", pourquoi n'est-elle pas surpeuplée? Tout le monde devrait s'y précipiter."

"Nous avons une vie en dehors." répondit Kakyô. "Il s'agit plus de venir ici pour y prendre des vacances. Nous venons ici souvent, mais jamais très longtemps."

"Et pourquoi personne n'y reste-t-il?" continua Kurogane.

"Il y a des gens qui s'y installent." précisa Kakyô. "Mais au bout d'un certain temps, ils ne supportent pas l'inaction, et se mettent à travailler, soit dans les boutiques, soit dans la gestion des arrivées, et ils contribuent à faire fonctionner la ville."

"Connaissez-vous des gens qui travailleraient à la gestion de la ville?" demanda Fye, intéressé.

"Non." répondit Kakyô.

"Il faut dire qu'il y a quelque chose d'étrange à vouloir rester ici en permanence." ajouta Seishirô. "Une sorte de négation de ce qui est à l'extérieur, une envie de vouloir vivre dans un rêve doré pour nier la vérité, plutôt que de la définir par contraste."

"Beau-frère, si tu continues à raconter des choses aussi compliquées, je te force à chanter la dernière romance à la mode en duo avec Subaru-kun!" menaça Hokuto.

"Ce ne sera pas une obligation." murmura Seishirô en passant ses mains dans les cheveux de Subaru. Ce dernier rit doucement, l'air un peu gêné, mais heureux.

"Tu vois." murmura Hokuto à l'oreille de Sakura, "le fait d'être entourés de couples lève vraiment les inhibitions ici! Mon frère aime Seishirô depuis toujours, mais autrefois, s'il se comportait comme ça, il rougissait et sautait à cent mètres! Il faut dire que chez nous, les couples entre hommes sont toujours un peu mal vus. Sans compter qu'ils viennent de familles ennemies! C'est une longue et belle histoire, je te la raconterai un jour, Sakura-chan!"

Puis elle rejoignit Kakyô, alors que Shaolan lui demandait. "Avez-vous déjà entendu parler d'autres choses étranges qui se dérouleraient dans la ville?"

"Pas spécialement!" s'exclama Hokuto, s'incrustant dans la conversation.

"Cela dépend de ce qu'on appelle étrange." corrigea Kakyô. "Il y a dans cette ville beaucoup de coutumes que nous avons eu du mal à assimiler, au début."

"C'est parce que cette ville rassemble beaucoup de personnes d'horizons différents, et donc beaucoup d'habitudes différentes." expliqua Hokuto. "Mais le karaoke fait partie de ce qu'on peut aussi pratiquer chez nous. Vous connaissez, vous?"

"Jamais entendu parler." grogna constructivement Kurogane.

"J'ai déjà vu ça une fois." répondit Shaolan. "Ce sont des gens qui chantent, avec un micro, sur une estrade dans une grande salle."

"Sauf qu'ici, chaque groupe a sa petite salle, c'est bien plus pratique!" s'exclama Hokuto. "Enfin, pour une star comme moi, une grande salle serait mieux, mais je n'arriverais jamais à faire chanter Kakyô ou Subaru, alors ça vaut mieux comme ça!" Elle éclata de rire.

"Les différences dans les façons de s'amuser sont vraiment grandes selon les villes." ajouta Fye. "Je n'avais jamais entendu parler de telles choses."

"N'est-ce pas?" continua Hokuto. "Et les façons d'exprimer son amour aussi. Même s'il y en a quelques-unes qui sont universelles. Je ne crois pas qu'il y aie de pays où on ne danse pas, pour cela. Mais ici, il y a des choses incroyables!"

"Par exemple?" demanda Shaolan.

"Eh bien, c'est normal de faire attention à ses vêtements et son apparence, n'est-ce pas? Mais il y a ici des endroits où à la place, pour être plus séduisant, on vous peint entièrement le corps. Les peintures sont souvent superbes, d'ailleurs, mais ça fait vraiment bizarre."

"Il y a aussi des méthodes qui semblent universelles ailleurs, mais ne peuvent pas être appliquées ici." ajouta Seishirô. "Comme le fait d'exhiber beaucoup d'argent pour payer des cadeaux, ou les combats, violents ou pas, pour séduire la même personne."

"Cela n'arrive jamais?" s'étonna Kurogane.

"Non. Par contre, certaines personnes aiment un combat entre deux amoureux, il paraît que ça renforce les liens. Ce n'est pas quelque chose qui se pratique chez nous, mais ça a l'air intéressant." dit Seishirô, toujours avec son air calme qui ne permettait pas de savoir s'il plaisantait.

"Mokona a déjà vu Yuuko et son ancien amoureux faire des duels magiques!" s'exclama la peluche.

Pendant ce temps, Subaru répondait plus en détail à la question de Kurogane. "Ceux qui gèrent la ville font très attention à éviter cela. Il n'y a que des amoureux qui viennent à la base, c'est pour éviter ce genre de choses. Ensuite, comme cette ville renforce les liens, il n'y a pas de raison d'être en compétition."

"Moi je trouve ça louche." dit Kurogane. "Ca devrait quand même arriver, qu'un couple sur le point de craquer vienne ici, et que toute cette musique de manèges et tout les exaspère au lieu de renforcer quoi que ce soit, et que ça casse bruyamment."

"Je n'en ai jamais entendu parler." dt Kakyô.

"Tu n'aimes pas les manèges, Kuro-chan?" demanda Hokuto. "Moi, je trouve ça excellent, surtout les trains fantômes! Ou les histoires de fantômes, d'ailleurs. Ca fait peur, ça donne vraiment envie de se faire protéger, c'est bien agréable! dans les choses classiques mais efficaces, il y a aussi les poèmes! Kakyô-chan m'en écrit des incroyables! Il y a des images que je n'aurais même pas pu concevoir seule, je crois qu'il les voit dans ses rêves."

"Certains préfèrent aller voir des histoires d'amour, du moins chez nous." ajouta timidement Sakura.

"J'ai vu beaucoup de choses de ce genre." approuva Shaolan, "et je pense que toutes ont leurs charmes. Mais il y en a une qui m'avait beaucoup troublé, je ne sais pas pourquoi. Dans une ville du désert, un amoureux, pour faire sa déclaration, doit aller dans le désert chercher la plus belle rose des sables qu'il puisse trouver. Et pour accepter, on lui répond en offrant cette fois la plus belle fleur du jardin."

"Une sorte de lien symbolique entre l'aventure et la paix du foyer." intervint Seishirô.

"Peut-être.", répondit Shaolan, qui semblait déçu d'une explication si prosaïque.

"Voilà la salle de karaoke!" s'exclama alors Hokuto au milieu de la conversation en désignant un grand bâtiment. Avec une rapidité qui dénotait une grande habitude, elle prit une salle, y poussa ses compagnons, brancha les micros, et établit une sélection de musiques diverses.

"Choisissez quelque chose de votre pays!" demanda Hokuto.

"Je ne connais rien à ces musiques!" pesta Kurogane.

"Il dit vrai. Ce n'est pas seulement parce que tu ne sais pas t'en servir, mon chéri." rajouta Fye avec un grand sourire, après avoir examiné la machine. "Je ne vois rien de mon pays non plus."

Kurogane ne réussissait vraiment pas à s'y habituer, et à chasser son embarrassement, qu'il ne pouvait même pas exorciser en se mettant en colère et en criant sur la magicien. Pas en public. Quand il se retrouverait seul avec Fye...

"Vous devez venir vraiment de loin, alors!" s'exclama Hokuto, "parce qu'il y a ici des musiques de tous les pays avoisinants, et d'une bonne partie de ceux qui sont plus loin. Mais ce n'est pas grave! On va vous faire écouter une sélection de musiques, et puis vous choisirez! C'est l'avantage d'avoir une machine pour nous tout seuls. Et puis, je vais passer en premier, vous aurez bien un coup de coeur!"

Hokuto commença par chanter une chanson qui devait être la mode chez elle, puis elle fit monter Kakyô sur l'estrade pour chanter avec elle un duo sentimental. Elle s'amusait beaucoup. Ensuite, elle dénicha une chanson douce pour Sakura, qui réussit à la reprendre après l'avoir entendue seulement une fois, avec quelques erreurs dans les paroles (Hokuto lui soufflait quand elle se trompait), mais avec une voix superbe.

"Si vous chantez tous aussi bien, je vais être jalouse et regretter de vous avoir invités!" dit Hokuto en plaisantant. "A toi, Kuro-chan. Tu sais que vu ton look, je t'imagine bien chanter un générique de Naruto, ou de Kenshin, enfin un de ceux qui sont bien bourrins, ça t'irait très bien! Voyons..." Elle se mit à fouiller dans les listes de la machine.