Chapitre 3
Quel moyen est plus banal pour dire « le lendemain… » que d'utiliser le terme « le lendemain… » ? Aucun. Seulement, comme c'est l'expression la plus appropriée à la situation, il est tout à fait juste de l'exploiter dans la situation présente.
En effet, les Serpentards avaient particulièrement souffert la veille et Drago avait tenté d'extirper toute la rancœur qu'il avait accumulée jusque là, en vain. Quand il avait croisé les Impures dans le couloir et que l'une d'elle l'avait intercepté, il avait essayé de se tirer, en vain de nouveau.
« Drago, n'oublie pas que le premier duel sera après-demain. Nous avons discuté, toutes les trois, à ce sujet. Nous te laissons une chance. C'est toi qui choisira l'ordre de tes adversaires. On espère seulement que tu sauras en profiter… » Et elles continuèrent leur chemin en bavardant joyeusement.
Le choix de l'ordre ? Un piège, forcément. Laquelle choisir ? Laquelle serait la plus facilement vaincue ? Ou, peut-être fallait-il choisir celle qui serait la plus dure à combattre, puisque, comme ça, le plus difficile du travail serait accompli. Argh, tout ce remue-méninge lui filait un mal de crâne pas possible ! En plus de ce devoir de métamorphose à accomplir, il devait négocier sa survie ! Normalement, les duels dit « scolaires » n'étaient pas très redoutables. Mais, dans les cas des Impures – dont il se souvenait parfaitement du sortilège Endoloris -, il fallait se méfier.
Il commençait même à angoisser… lorsqu'il eut une idée. Il se précipita vers la cheminée de sa salle commune, et saupoudra l'âtre d'une pincée de poudre de cheminette. Il enfouit sa tête dans les flammes tièdes après avoir donné sa propre adresse. De l'autre côté, il aperçut son père. Il lui demanda de lui accorder un peu de temps… ce qu'il fit presque sans déplaisir.
« Quoi ? » rugit-il avec mauvaise humeur. Drago se fit encore plus petit.
« Euh, père… au collège… » Lucius lui lança un terrible regard noir qui le fit frémir.
« Quoi ! Dis-le moi, et plus vite que ça ! »
Comment faire comprendre à son père qu'au collège, il devrait se battre contre trois des plus talentueuses sorcières qu'il n'avait jamais rencontrées et qu'il croyait qu'elles avaient un potentiel certain pour être Mangemort ? Et que, surtout, il craignait pour sa propre vie ! Son père devait assister aux duels, pour prendre conscience que ces Impures étaient douées… et pour s'assurer que tout irait bien pour lui. Mais comment le lui dire ?
Comment avouer à un père qui n'avait voulu de lui que pour assurer sa descendance que, pour une fois, il avait réellement besoin de lui ? Drago frissonna à cette pensée. Besoin de son père ? Lui ? Cela signifiait qu'il lui serait redevable ? Cette idée le dégoûtait à un tel point qu'il eut envie des excuses auprès de son géniteur et de repartir sans demander son reste. Mais, aussi déplaisante que cette idée d'aide puisse être, il en avait besoin. Il grogna, mais heureusement pas assez fort pour que Lucius l'entende.
« Père… » commença-t-il. Il soupira.
« Vous devez venir à Poudlard… après-demain. »
Malefoy senior eut un air légèrement étonné, puis cracha :
« Et pourquoi diable irais-je y perdre mon temps ? »
Il décida de changer de tactique.
« Je me suis engagé, père… je vais me battre en duel… »
« Je n'ai pas besoin d'aller voir ça ! Ça sera sûrement lamentable ! »
Il secoua lentement la tête.
« Non, père… ces duels seront… »
« Ces duels ? Parce qu'il en aura plusieurs, en plus ? »
« Trois » avoua Drago, nerveusement.
« À intervalle de trois jours chacun » continua-t-il dans un essai navrant destiné à avoir l'air sûr de lui-même.
Il repris un peu de contenance et cette expression fière et digne que son père lui avait génétiquement légué.
« Je ne pouvais pas refuser, mon honneur était en jeu ! »
« Mais pourquoi devrais-je aller là-bas ? » demanda Lucius à son fils.
« Je me fiche éperdument de ta réputation dans cette stupide école ».
Vu de l'extérieur, cette scène aurait eu l'air d'un concours d'airs dignes.
« Mon honneur est aussi le vôtre, père » répliqua-t-il.
« Ce que je fais se répercute indirectement sur vous… » Lucius eut l'air de trouver cette répartie plutôt vache et se renfrogna légèrement. Il continua, se trouvant visiblement sur la bonne voie :
« Les filles contre lesquelles je vais me battre… »
« Des filles ! De pire en pire, fils. » Il reprit néanmoins :
« …donc, je disais… ces filles sont à Serpentard… »
« J'espère bien. »
« …et elles sont Sang-de-bourbe. Elles se nomment elles-même les Impures. Les Impures de Serpentard. »
« Des Sang-de-bourbe ! » rugit Lucius, indigné.
Comment son propre fils, sa chair, son sang, bref comment ce petit idiot pouvait-il craindre des être impurs ? Certes, elles étaient à Serpentard, elles avaient donc un potentiel certain. Mais de là à en avoir peur… L'air scandalisé de Lucius Malefoy, troisième du nom, fut remplacé par un air hautain. Si sa progéniture avait jugé ces filles aptes à se battre avec lui, elles devaient bien avoir quelques capacités.
« L'une d'entre elle m'a jeté le Sortilège Doloris » avoua-t-il, humilié.
« Ah, vraiment ? » Il se gratta le menton pensivement, mais ne répondit rien. Cela énerva Drago, qui le pressa de répondre au plus vite. Alors, son père prit enfin la parole :
« Si l'une d'elles a fait ça, nul doute qu'elle a du talent… »
Il hocha la tête.
« Des artistes… Se pourrait-il qu'enfin… ? » murmura-t-il pour lui même.
Après plusieurs instants qui faisaient de plus en plus souffrir le jeune Malefoy, car n'oublions pas qu'il était à genoux, la tête dans un feu, il n'en tint plus.
« Père ! » répéta Drago, impatient. Il lui sembla à cet instant qu'il avait trop prononcé ce mot depuis quelques minutes.
« Quoi ? » dit celui-ci, d'un ton léger – comme s'il avait oublié qu'il s'adressait à sa progéniture – en retrouvant ses esprits.
« Qu'y a-t-il ? » demanda-t-il en reprenant son ton et son air habituel.
Lucius le dévisagea longuement, à peine conscient de la présence de son fils. Drago, mécontent, lui lança un regard noir, obscur, terriblement ténébreux et sexy. Mais cela ne fit pas réagir son père puisque, évidemment, c'était son paternel et non une jeune fille effarouchée… Cela le fit soupirer de plus belle. Lucius prit une grande inspiration et déclara quelque chose.
« Je viendrai », dit-il simplement.
« Mais… »
« Drago » continua-t-il en devenant plus agressif que jamais.
« Tu n'as aucune idée de qui elles peuvent être, n'est-ce pas ? » demanda-t-il, essayant de se calmer.
« Je vous ai déjà dit, père » soupira le fils du plus vieux Malefoy encore en vie.
« Elle se nomment elles-mêmes les Impures et… »
« Je ne parle pas de cela ! » aboya-t-il, sèchement.
« Alors, de quoi parlez-vous ? »
Son père soupira alors comme il n'avait jamais soupiré auparavant. Il semblait tout aussi soulagé qu'angoissé, et ses yeux gris scintillaient d'on ne sait quelle lueur machiavélique. Il passa sa main dans ses longs cheveux platine et hocha de nouveau la tête, décidément ailleurs. Drago répéta sa dernière phrase, déterminé à savoir.
« Je vais mesurer leurs capacités, fils. Surtout, fais-leur tout ce que je t'ai enseigné en terme de magie noire. Je dois vraiment savoir de quoi elles sont capables... » souffla-t-il, accablé.
Puis il sourit à son fils d'une manière vraiment très étrange,comme s'il essayant d'être gentil, ou aimant envers lui. Peut-être que… non. C'était sans doute une illusion d'optique due à l'éclairage, voilà tout. Il devait se tromper, son père, le grand et froid Lucius Malefoy, ne ferait jamais ça. Il réprima donc l'espoir qui -malgré lui - naissait dans son cœur. « Un Malefoy n'aime pas », se rappela-t-il.
« Oui, père. Je ferai comme vous dites. »
Son père disparut alors de sa vue aussi vite que lui-même était apparu. Il sortit sa tête de la cheminée et épousseta la poussière tombée sur sa robe et sa cape. Il se releva dignement, reprit un air convenable et il cacha tant bien que mal l'émoi qui avait transfiguré ses traits un peu plus tôt. Il repartit dans la Salle Commune des Serpentards mais était trop secoué pour énerver quiconque. Il s'assit alors dans un fauteuil et fixa le vide, les yeux hagards. Demain, il se battrait contre l'une des Impures. Soudain, il sursauta. Il n'avait pas encore choisi l'ordre des combats !
Il lui parut plus facile de commencer par la plus facile à vaincre. Comme ça, il aurait des chances d'être encore en vie pour affronter les deux autres.
Gypsy était donc éliminée d'office, puisqu'elle lui avait déjà lancé un des plus puissants sortilèges que le monde des sorciers ait jamais connu. Restait donc Axelle et Irys. Laquelle ? Il n'avait jamais fait particulièrement attention à leurs forces et leurs faiblesses en classe. Mais, à cet instant, il se dit qu'il aurait dû. Laquelle des deux était la moins douée en sortilèges? Et en défense contre les forces du mal ?
En soupirant, il sortit un Gallion de sa poche. Il regretta alors vivement la bouteille de vodka dans l'armoire chez-lui… Mais il se dit ensuite qu'il se permettrait cette gâterie, s'il survivait… Il avala sa salive de travers et s'étouffa presque. Pile ou face ? Pile, ce serait Irys et face, la sarcastique Axelle. Il fit voler la pièce dans les airs et elle retomba sur sa main moite.
Pile.
Il se cala alors dans son fauteuil, tout à fait angoissé.
« Elles ne me tueront pas, quand même ? » songea-t-il avec espoir.
« On dit que l'espoir fait vivre… » médita-t-il en lui-même.
Il commencerait donc par Irys. S'il ne venait pas juste d'assister à un cours de potions qui avait changé sa vision de cette fille, il aurait carrément sauté de joie devant cette occasion. Mais, il avait vu en elle la colère que seule une Serpentard pouvait dégager. De plus, il avait aperçu dans ses yeux une sorte de lueur qui n'appartenait qu'aux Impures. Il en frissonna. Cette fois, il se sentait impuissant. Et, pour un garçon – surtout un Malefoy – ce mot était très marquant.
Il tenta de relaxer un peu, de se calmer, de méditer, confortable dans son fauteuil capitonné. Se calmer… Il repensa au fait que son père serait présent et il angoissa de nouveau. S'il se faisait planter, ce qui était fort probable, que penserait-il de lui ? Il baisserait probablement encore plus dans son estime… qui était déjà fort basse, à son avis. Toute l'école serait probablement présente, étant donné que l'événement se passait dans la Grande Salle. Les Impures avaient sûrement déjà persuadé Dumbledore de les laisser combattre là… Toute l'école… Argh.
Humiliation totale et réputation à son plus bas niveau, voilà ce qui l'attendait. Pitoyable, pathétique, lamentable, navrant, misérable, minable, piteux, pouilleux, médiocre, piètre, affligeant, désolant, accablant, consternant et déplorable. Voilà ce qu'il serait a la fin de ces trois duels.
Décidément, Drago était loin d'être passé maître de l'art prestigieux de la pensée positive.
Il rit intérieurement malgré les tourments qui le rongeaient de l'intérieur. Il venait de faire une sorte de plaisanterie, ou tout du moins, il avait dénoté une ironie comique. Ça ne lui arrivait pas souvent.
Puis, dans son élan d'humour noir personnel, il pensa à autre chose. Il pourrait triompher, lui aussi… D'une manière peu commune, certes, mais ce serait un triomphe quand même… Et s'il décidait délibérément de perdre de la plus belle façon qui soit ? Une défaite éblouissante de fraîcheur, d'ironie et de créativité ? Certes, ce serait difficile sous les regards calculateurs de Potter et ses acolytes, tous ses alliés Serpentards, ses professeurs, son père… Il garderait la tête bien haute (sauf s'il se la faisait arracher…) et perdrait les duels en gardant sa dignité. À bien y réfléchir, ce plan était brillant. Lumineux, même. Il se félicita intérieurement, exultant presque. Puis, en y repensant vraiment, il se sentit abruti. Ce seraient les Impures qui brilleraient, demain et les autres jours. Ce seraient elles, les vedettes. Lui, il serait le comique fou du roi, l'imbécile presque heureux qui aurait tout perdu en si peu de temps… Drago se maudit lui-même.
Il grogna. Ou plutôt bouda. Ou encore les deux. Manifestement, la bouteille de vodka lui manquait plus que prévu. Il allait perdre, c'était maintenant un fait acquis. Il songea maintenant à son « après défaite ». S'il survivait, ce qui serait sûrement le cas… ou peut-être pas si sûr que ça… Bref, il commencerait par se saouler. Ensuite, il s'enverrait en l'air avec une Poufsouffle blonde et dévergondée. « Typique » se dit-il. « Je ne suis qu'un pauvre adolescent qui ne sort pas de la masse » continua-t-il avec une pointe d'amertume. « Je vais me faire tuer demain, ou du moins être gravement blessé, et je pense au sexe...»
Il ferma les yeux, soudain empli d'une vague de fatigue. Il ne sentit pas le sommeil le prendre vicieusement en pleine Salle Commune et se laissa emporter au pays des rêves.
Mais, dans une grande Salle Commune, il est commun - justement – de ne jamais être seul. Alors, pour dormir, on a déjà vu mieux. Surtout lorsque…
« Regardez, Blondie est dans les bras de Morphée », s'étonna Axelle auprès de ses deux amies.
Elles venaient d'entrer dans cette salle qu'elles partageaient avec les autres Serpentards.
« Ouais » fit simplement Gypsy.
Elle était, elle aussi, très fatiguée et, à vrai dire, elle tenait à peine debout.
« On pourrait le réveiller « doucement » et le ramener « gentiment » à son dortoir » dit Irys avec un sourire malicieux.
Tout à coup, Gypsy sembla être totalement éveillée. Axelle, quant à elle, se contenta de son habituel air narquois.
Gypsy prit l'initiative. Elle s'approcha silencieusement de lui, s'assit à côté de lui et le prit à moitié dans ses bras. Elle adressa un sourire goguenard à ses amies.
« On va voir s'il s'ennuie de sa maman… » chuchota-t-elle en commençant à le bercer comme l'aurait fait n'importe quelle mère avec son petit garçon, l'air railleur mis à part. Axelle attendait la suite avec un brin d'impatience et un sourire vicieux sur le visage. Irys se retenait à grand peine de pouffer de rire tant la scène était déconcertante.
Voyant que le simple fait de le bercer ne lui faisait pas plus d'effet que ça, Gypsy chanta. Une berceuse douce et mélodieuse s'échappa de sa bouche. Bon, les fausses notes fusaient de partout, mais, dans l'ensemble, c'était correct.
Malefoy grogna, comme si quelque chose le dérangeait dans son sommeil, ce qui était effectivement le cas.
Souriant, Axelle et Irys continuèrent de regarder la scène.
Mais, mis à part les quelques grognements et ronflement en tout genre de Drago, rien ne se passait. Axelle ajouta donc sa voix, pour faire chœur à celle de Gypsy. Irys suivit le mouvement. On aurait dit une chorale ! Une chorale qui sonnait affreusement faux, mais tout de même une chorale !
Le chœur lui fit un peu plus d'effet… Dans son sommeil, il fronça les sourcils, puis il émit une légère plainte, comme l'aurait fait un tout jeune enfant dans un sommeil troublé de cauchemars. Il marmonna quelque chose puis se crispa tout à coup. Gypsy, tout en continuant de chantonner doucement, ajouta des paroles à sa mélodie. Mais ces paroles étaient tout le contraire d'une douce chansonnette enfantine racontant un conte de fées…
Des paroles à faire frémir le plus endurci des sorciers et des mages. Le sadisme et la violence tintent définitivement étrangement avec une musique douce et enfantine. Les paroles racontèrent plus ou moins l'histoire d'un jeune garçon courageux (insulte directe envers tout Serpentard, puisque c'est la qualité principale des Gryffondor) et fier. Carrément imbu de lui-même et, malgré tout, bête comme ses pieds. Ce garçonnet se prénommait DraCo. Et, il y avait aussi trois sorcières d'une beauté incomparable et d'une vive intelligence, tout le contraire de Draco, finalement. Et, Gypsy fit un effort pour ne pas oublier son langage de jeune fille bien élevée lorsqu'elle en arriva au bout de la chanson où elles faisaient passer leur fureur sur le pauvre Draco.
Il remua dans son sommeil, puis entrouvrit les yeux. D'abord, il vit les contours flous, indistincts, d'une masse vivante près de lui. Au début, il ne s'en fit pas, persuadé d'être dans son dortoir auprès d'une petite blondasse naïve. Encore ensommeillé, cela lui paraissait particulièrement logique ; il dormait souvent avec des filles, c'était parfaitement normal qu'il soit blotti contre l'une d'elles et qu'elle lui chante quelque mélodie. Puis, il saisit peu à peu les paroles, teintées d'une violence inégalable, et reconnut la voix d'où provenait cette étrange chanson… Drago sentit alors sur sa nuque et son dos ce qu'on appelle couramment « sueurs froides » et pria de toutes ses forces pour que ce qui lui arrivait présentement ne soit qu'un sordide cauchemar…
Mais, comme plusieurs fois ces derniers temps, ses prières ne furent pas exaucées. Il ouvrit complètement les yeux, entièrement réveillé. Et il se rendit compte qu'il était en train de vivre la pire humiliation possible en privé, car, dieu merci, il n'était pas en public, puisqu'il n'y avait personne d'autre que les Impures à ses côtés. Il sursauta violemment tout en faisant un bond magistral du fauteuil sur lequel il était paisiblement installé il y a à peine quelques minutes.
Gypsy, elle, n'avait pas bougé, très détendue, relax, dans l'ex-fauteuil de Drago. Elle lui fit son plus beau sourire en voyant l'air terrifié de celui-ci et lui demanda paisiblement s'il avait bien dormi. Épouvanté par la mention même de ce sommeil désormais abhorré, il remplaça son teint habituellement blême pour un autre, plus rouge qu'une pivoine en plein cœur de l'été et il ne répondit rien.
Malgré sa ressemblance flagrante avec une rose rouge dans un champ de marguerites blanches, Malefoy essaya vainement de balbutier quelques mots mordants et biens placés. Comprenant que rien de sensé ne sortirait de sa bouche à cet instant, il ferma celle-ci afin de ne pas avoir l'air d'une truite mouchetée, en plus du reste!
« Rien ? » Gypsy haussa un sourcil, vaguement étonnée.
« Tu peux faire mieux que ça, Malefoy… »
Puis elle se leva, toisant Drago de haut en bas, se régalant manifestement les yeux. Elle continua :
« Bon, je vais te laisser, Dragounet, je suis crevée moi aussi. Sauf que moi, je ne ferai pas l'erreur de m'assoupir ici… C'était vraiment drôle de te voir dormir, je te remercie. »
Et elle s'en alla sur ces paroles, laissant Drago plus malheureux qu'un orphelin au milieu du désert et, malheureusement pour lui, seul avec Irys et Axelle…
Cette dernière fit un sourire narquois. Gypsy était douée pour humilier les autres mais elle aussi. En fait, elles étaient toutes les trois des championnes dans ce domaine. Mais Gypsy n'était plus là, fatigue accumulée oblige. Axelle avait donc le champ libre.
« Alors Malefoy. Mieux qu'un réveil matin, tu ne trouves pas ? »
« Bon » admit-elle en elle-même, « j'aurais pu trouver mieux, mais la soirée n'est pas terminée ».
Elle jeta un coup d'œil à Irys et vit qu'elle avait aussi un air qu'on pouvait interpréter comme sadique.
Axelle prit place dans le fauteuil en face d'elle et s'y affala de tout son long, nonchalante. Drago réprima difficilement un frisson. « Arrrrgh, je la hais ! » pensa-t-il.
Puis il y repensa et se dit « Oui, je la hais, elle et les deux autres aussi ! Je les hais, bordel ! Pourquoi font-elles ça, merde ? » Irys s'écrasa à côté de son amie, le regarda fixement et dit, la voix douce :
« Encore en train de te demander pourquoi on te persécute, mon préc… Malefoy? »
« Ouais, Drago, tu as le droit de nous haïr… », reprit Axelle.
Elle lui adressa un clin d'œil plutôt baveux.
« Elles lisent mes pensées ? ! ? » pensa-t-il, un frisson parcourant son dos.
« Non, impossible. Même les meilleurs ne savent que peu sur cet art »
Mais il reste tout de même sur ses gardes et se promis intérieurement de faire gaffe à ses pensées.
Pour en revenir à la « charmante » conversation, Malefoy ne répondit rien. Enfin, pas avec des mots. Il pris simplement son air le plus glacial et espéra te toute ses forces qu'elles le laissent partir maintenant. Mais espérer ce genre de choses, c'est comme souhaiter qu'un jour Lucius Malefoy considère les Moldus comme ses égaux.
Il pensa, après, qu'elles avaient certainement du flair mais pas le don de télépathie. Il dit, sur un ton se voulant conciliant :
« Les filles… euh… Je vais aller me coucher, puisque demain… enfin, vous comprenez… »
Irys plissa les yeux puis sourit.
Elle murmura :
« T'es sûr de vouloir… dormir seul ? » Drago lui lança un regard acéré et la jeune fille se renfrogna sur le coup.
Drago fut estomaqué mais n'en laissa rien paraître. Elle lui proposait vraiment de…? À cette pensée, il fléchit les sourcils d'étonnement. Et, durant un cours instant, il songea que ce ne serait peut-être pas une si mauvaise idée. Irys, c'était quand même…
« STOP ! » hurla la voix de la raison dans se tête. Ils ne pouvait pas la sous-estimer. Il ne pouvait pas la considérer comme une vulgaire blondasse de Poufsouffle.
Il soupira de consternation, la regarda avec le plus de mépris qu'il était capable de concentrer dans un seul regard et s'en alla vers son dortoir, résolument pressé d'aller dormir… ou de simplement se débarrasser de ces deux insupportables filles.
« Tu y est allée un peu fort, Irys » murmura calmement Axelle.
Les yeux clos, la tête appuyée sur la fauteuil de cuir sur lequel elle s'était affalée quelque minutes auparavant.
« Lui proposer de coucher avec toi » continua-t-elle, comme si elle tenait les propos les plus anodins du monde. Mais bon sang, ne se rendait-elle pas compte qu'elle parlait de Drago Malefoy et de la possibilité de coucher avec lui ?
« Axelle, ferme-la , par pitié. Tu vas t'endormir si tu restes là. Et je vais prévenir tout le monde. »
Cette dernière soupira.
« Fâche-toi pas, scarab. Je rigolais, tu sais bien. »
« Pfff ! »
« Au fait, machin nous a pas dit contre qui il se battait… »
« Contre moi » souffla Irys.
« Ça se voyait dans sa manière de me regarder… il était… euh, plus « craintif » que d'habitude, si je peux dire… »
« Oh » ajouta simplement Axelle avant de se lever péniblement et de marcher – en faisant des efforts surhumains – vers le dortoir.
« Tu t'en vas déjà? » demanda celle de la pièce restée assise.
Axelle se retourna aussi vite que lui permettaient les constituants épuisés de son corps.
« Oui. Mais comme tu me l'as fait si aimablement remarquer, si je m'endors ici, je vais être humiliée. Ça va être la pire honte de mon existence si je reste. Alors, aussi bien aller dans un endroit sécuritaire pour dormir. J'suis crevée. »
Irys se contenta d'acquiescer, bailla et la suivit.
Elles s'effondrèrent chacune sur leur lit respectif et s'endormirent sans même se changer ou s'abrier. Gypsy, qui avait jusque là gardé les yeux fermés, les ouvrit soudainement.
Quelque chose l'avait réveillée. Un sentiment, une émotion trop forte pour être supportée par un esprit endormi.
Le genre de sentiment fort troublant, presque paradoxal. On rêve et on se réveille avec une drôle d'impression… Elle se retourna de l'autre côté, poussant un soupir. Elle n'arrivait pas à saisir le sens de cette émotion ; son origine. Surtout, ce qu'elle faisait là, aux recoins obscurs et tortueux de son esprit… Il n'y avait probablement pas de signification ; c'était trop net et trop flou à la fois. Sa respiration soudain se fit plus régulière et elle se rendormit en soufflant un nom.
« Severus »
Dans les méandres profonds du demi-sommeil, Gypsy se demanda vaguement qui était Severus. Un de ses ex ? Non, à son souvenir aucun ne se nommait ainsi. Mais bon, sa mémoire était pour le moment légèrement hors d'usage. Un ami d'enfance ? Non plus. À part Axelle avec qui elle avait toujours eu des affinités particulières – notamment la magie – elle n'avait pas eu d'amis d'enfance. Des souffre-douleur, oui, mais pas d'amis. Alors qui ? Severus… Severus… décidément, ce nom lui disait quelque chose sans qu'elle puisse l'identifier. Sever…
ROGUE ?
Elle s'éveilla en sursaut, cette fois. Puis elle éclata de rire, d'un fou rire qu'elle ne put réfréner à temps. Elle réveilla tout le dortoir avec son excès d'hilarité. La plus fâchée était certainement Irys qui, d'après son expression, rêvait probablement de Drago… Elle en rit de plus belle, et tellement même qu'elle eut de la difficulté à reprendre son souffle. Il était trois heures du matin. Pas une heure pour rire toute seule dans son, lit, visiblement…
« QUOI? » grommela Axelle en se réveillant en sursaut par des éclats de rire incongrus à la situation. Ou plutôt, à l'heure de la situation.
Elle vit alors Gypsy rire comme une démente et Irys lui lancer un regard meurtrier.
« Ah, si les regards pouvaient tuer », se dit-elle.
Axelle fronça les sourcils. Elle venait de se faire à elle même un mauvais jeu de mot.
« Les regards ne tuent pas, c'est débile de dire ça.» pensa-t-elle vigoureusement.
Elle accusa l'heure tardive pour cette folie passagère et s'intéressa de nouveau à la situation.
« Y'a quoi encore, nainasse du Pakistan? » gronda-t-elle, presque furieuse.
Gypsy ne répondit pas tout de suite, ayant les larmes aux yeux… Elle ne fit que marmonner, entre deux éclats de rire :
« C'est trop absurde… »
Irys soupira bruyamment et se recoucha en grognant, visiblement très frustrée. Axelle, comme à son habitude, leva un sourcil. « C'est sûrement dans ses mœurs, cette petite séance de rire nocturne », pensa-t-elle en se disant en même temps à elle même qu'elle n'était décidément pas à son meilleur pour les blagues, la nuit. Elle rit à son tour. Elle s'étouffa presque puis parvint enfin à dire quelque chose.
« Dors, naine. J'suis fatiguée et… et rien, en fait, mais j'veux dormir, moi… »
Gypsy approuva d'un vague signe de tête. Elle continuait pourtant à pouffer de rire occasionnellement, ce qui ne manquait pas d'énerver Irys au plus haut point. Elles finirent par s'endormir une fois pour toute quelques instants plus tard et finirent leur nuit.
À SUIVRE...
