hardest of hearts
Disclaimer : l'univers appartient à Masashi Kishimoto et cette fiction étant une traduction, elle appartient à son auteure (blackkat : /users/blackkat/pseuds/blackkat) que vous pouvez retrouver sur Archive of our Own sous le pseudo blackkat.
Cette fiction n'a pas de bêta pour le moment
Note : Je suis d'ores et déjà désolée pour la pagaille dans laquelle vous vous engagez ^^' J'ai traduit ce chapitre il y a fort longtemps et à l'époque, je voulais absolument suivre la temporalité donnée par l'auteure. Faut-il encore savoir qu'écrire au présent passe bien mieux en anglais qu'en français, surtout quand on est novice dans l'exercice, comme moi. J'ai relu et corrigé ce chapitre un bon millier de fois, mais je ne doute pas qu'il reste des coquilles et des problèmes de concordance de temps. Mais à ce stade, je m'en fiche tout simplement, car je veux juste pouvoir vous partager ce merveilleux threeshot ! J'espère que vous l'apprécierait autant que moi, en dépit des obstacles, haha !
C'est le grand final, l'apothéose, le tomber de rideaux. Orochimaru est étendu sur le sol glacé et humide et tente d'avaler de l'air malgré ses poumons obstrués. Malgré la boule qui est restée coincée dans sa gorge depuis que Tsunade est tombé et que Konoha a été rayé de la carte par un vrai mégalomane. Malgré l'épée logée dans sa poitrine, l'épinglant au sol comme une sorte de rat de laboratoire, un papillon privé de sa liberté.
Un craquement de pas approche de sa tête, mais Orochimaru ne s'en préoccupe pas, n'ouvre pas les yeux. Ce n'est pas un ennemi, de ça, il est certain. Il n'aurait pas de raison de se glisser jusqu'ici si ç'avait été le cas, après tout. Orochimaru est mourant et son heure ne devrait plus tarder, cette fin ultime contre laquelle il s'est tant battu. Le moindre mouvement qu'il ferait désormais ne ferait que le rapprocher plus rapidement de son inévitable repos éternel. Il l'accueillerait à bras ouverts, tout bien réfléchi, même après tant d'années à combattre contre cette destinée, parce qu'en ce moment même, son monde se résume à la souffrance, aux pertes et aux cœurs brisés, alors même qu'il pensait qu'il n'y avait plus rien à briser.
Mais Madara n'a pas cet altruisme, et Orochimaru sait pertinemment que pour cette raison, il souffrira jusqu'à son dernier souffle.
– Hé, dit une voix lasse tandis qu'une silhouette se pose à hauteur de sa tête, son ombre déformée le recouvrant. Toujours vivant, Serpent ?
Orochimaru connaît cette voix, bien que pas intimement. Mais assez pour lui faire rouvrir les yeux et rencontrer le regard rouge et noir le scrutant.
– Uchiha Obito, grince-t-il, et ces mots font mal, mais à ce stade, ce n'est qu'une infime douleur de plus. À quoi dois-je l'honneur de cette rencontre sur mon lit de mort ?
Obito, scarifié, couvert de sang et clairement usé jusqu'à l'os, renifle simplement de mépris et s'accroupit sur ses talons. Il ne lui reste plus qu'un seul œil, l'autre ayant été transféré pour la seconde fois au rejeton Hatake. Son orbite droite est vide sous la paupière translucide. Ils se battent depuis plusieurs jours maintenant et cela se voit dans les yeux de ceux qui restent, mais chez Obito, c'en est presque encore plus frappant.
– Ce n'est pas un honneur, le corrige-t-il, moqueur. Un élan de désespoir, tout au plus.
Orochimaru ne voit pas bien ce que cette rencontre pourrait arranger. Il est si près de sa fin qu'il peut déjà sentir le froid s'infiltrer jusqu'au plus profond de lui. Il a toujours détesté le froid. Il incline tout de même la tête pour montrer qu'il écoute, gardant ses yeux fixés sur le visage d'Obito, l'observant se mouvoir et s'approcher de quelques centimètres.
– Il nous reste une chance, annonce fermement l'Uchiha - probablement le dernier de sa lignée si ce n'est pour Madara, et Orochimaru ressent à nouveau ce pincement au souvenir de la chute de Sasuke, de sa mort, car pour tous ses défauts, il s'était toujours senti proche de lui. J'ai économisé un peu de mon chakra, et il m'en reste à présent juste assez pour un dernier Kamui.
Une crise de toux ravage soudainement son corps, et son agonie est projetée à un tout autre niveau, le traversant à chaque secousse. Il rirait bien s'il le pouvait, s'il ne pensait pas que la douleur qui en découlerait signerait sa fin.
– Une téléportation ? grince-t-il. Uchiha, je pense sincèrement que nous en sommes arrivés à un point où une telle chose ne nous est plus profitable.
Pourtant, Obito secoue déjà la tête, entourant méticuleusement ses doigts autour de la poignée de sa Kusanagi qui dépasse juste au-dessus de son sternum.
– Pas de téléportation et pas de dématérialisation non plus.
Il y a une inclination dans sa voix, un froncement au niveau de ses sourcils qui lui indique sa morbide satisfaction, une fierté obscure qu'Orochimaru ne connaît que trop bien. Au lieu de développer, Obito lui lance un regard froid, pénétrant et imperturbable.
– Tu t'es battu à nos côtés, dit-il. Tu as exprimé du remords pour ce qui est arrivé et pour la mort de Jiraiya. Est-ce toujours ce que tu ressens ?
Cette fois-ci, Orochimaru ne se retient pas de rire, ne tenant pas compte de l'agonie qui s'ensuivit.
– Plus que tu ne pourras jamais l'imaginer, murmure-t-il une fois qu'il ne s'étouffa plus de douleur. J'ai choisi une autre voie, j'ai décidé de suivre mes élèves, et au mépris de cela, voilà tout ce que cet homme a apporté au monde. Je regrette, Uchiha, à un point inimaginable.
La vérité sans fioriture ou artifice, c'est qu'il aurait presque préféré ne pas l'avoir fait. Sasuke avait choisi sa voie, un autre chemin que le sien, et Orochimaru avait choisi ses élèves au lieu de sa neutralité, avait choisi de suivre lorsqu'il aurait pu battre en retraite. Il l'avait fait au nom de l'équipe qu'il avait autrefois abandonnée, sa dernière connexion à son passé de fidèle ninja, et était resté en vie juste assez longtemps pour voir le dernier lien à ce passé lui être arraché devant l'immense puissance de Madara.
L'épée se meut légèrement sous la prise d'Obito, le faisant se tendre et grincer des dents. L'Uchiha ne tressaille pas. Orochimaru l'admirerait presque pour ça, s'il n'était pas trop occupé à jurer le nom de cet impitoyable imbécile.
– Et si on t'offrait une seconde chance ? Ferais-tu les mêmes choix ?
Avec un bref reniflement dédaigneux, Orochimaru ferme une nouvelle fois les yeux, serrant les dents en essayant de faire refluer la douleur qui continuait d'abuser chacun de ses nerfs.
– Répéter les mêmes erreurs ? raille-t-il dès qu'il put de nouveau respirer. Pour qui me prends-tu, Uchiha ? Jiraiya ? Je ne vois pas très bien l'intérêt à de telles spéculations, morveux. Tu as certainement d'autres choses à faire.
Il y eut une longue, très longue pause avant qu'Obito ne reprenne calmement la parole.
– Le Kamui crée une dimension complètement différente de la nôtre et complètement isolée si ce n'est pour les connexions que j'ai moi-même construites entre elles deux.
La théorie de la chose est tout simplement fascinante - Orochimaru a passé des années à étudier le Sharingan, mais jamais il n'a eu vent d'une pupille telle que celle d'Obito. Il en viendrait presque à se demander si le garçon est un Uchiha de pure souche, particulièrement en connaissant sa dextérité avec le Mokuton. Les Senju s'étaient tous éteints aujourd'hui, c'est vrai, mais il y a une trentaine d'années, il en restait encore quelques-uns. Et cela expliquerait aussi pourquoi Obito avait été complètement ignoré par son clan en grandissant.
Mais, ce n'est sûrement pas le moment pour un cours sur la manière dont fonctionne son don héréditaire, pas vrai ? Orochimaru arque un sourcil, tentant d'ignorer le suintement cramoisi remontant le long de sa gorge, et patiente le temps qu'il en vienne au fait.
Obito lui offre un bref sourire, comme s'il savait ce qui se trame dans ses pensées, et tend sa main libre pour la poser sur son front. Son toucher est tiède contre la peau glacée d'Orochimaru, un léger réconfort, même s'il ne l'avouera jamais, qui lui fait presque manquer les mots qui suivirent.
– Tu sais, le temps n'est en réalité rien d'autre qu'une autre dimension.
Les morceaux se mettent enfin en place comme les pièces d'un puzzle finalement achevé, et Orochimaru se pétrifie de surprise, pantois.
Le temps. Le Kamui crée des connexions entre une autre dimension et ce monde au gré de la volonté d'Obito. Si simple, et en même temps si unique à l'homme scarifié et meurtri qui se tient devant lui.
– Pourquoi moi ? grince Orochimaru, parce que la question est vive dans son esprit, insistante et inflexible à ses tentatives de la faire taire. J'aurai pensé que, étant donné ton revirement, je serai bien la dernière personne à laquelle tu offrirais une telle chose.
Ses paroles lui font gagner un autre sourire, légèrement amusé, mais surtout désabusé.
– C'est vrai, lui accorde l'Uchiha, mais tu oublies quelque chose, Serpent. Malgré mon changement de position, je ne suis toujours rien qu'une belle ordure. Et je peux en reconnaître une autre lorsque j'en vois une - toi dans le cas présent. N'importe qui d'autre serait bien trop tendre pour ce dont j'ai besoin. De tous ceux assez puissants encore en vie, Naruto s'en tiendrait à des détails pour garder les personnes précieuses à son cœur à l'abri, et Kakashi aurait bien trop peur de changer trop de choses. Quant à moi, je dois rester là pour utiliser mon Kamui. Mais toi, tu es assez impitoyable pour ne pas laisser le moindre détail au hasard et tu as la motivation pour ne pas laisser les choses se répéter. Et n'oublions pas que tu es un génie, probablement même le ninja le plus puissant que Konoha ait jamais vu naître. Le calcul à faire est assez simple, tu ne penses pas ?
Dit comme ça, Orochimaru suppose que c'est le cas.
– Et comment peux-tu savoir que…
Il s'interrompt lorsqu'une nouvelle crise de toux le prend aux tripes, peignant ses lèvres en rouge et le laissant faible et haletant.
Obito le toise simplement, implacablement.
– Comment puis-je être certain que tu ne vas pas utiliser tes connaissances du futur pour te mettre toi-même à la conquête du monde ? Honnêtement, Serpent, à l'heure actuelle, je ne pourrais pas m'en ficher davantage. Même toi serais une meilleure alternative à ce que nous avons pour l'instant. L'acceptes-tu ?
– Tu me le demandes comme si j'avais d'autres choix.
En se servant de ses dernières forces, Orochimaru lève le bras et enroule sa main au-dessus de celle d'Obito, resserrant sa prise sur l'épée. Il se prépare pour la douleur qui va en résulter, pour la mort qui va rapidement suivre si Obito se trouve dans l'incapacité de faire ce qu'il a promis, mais en vérité, au point où il en est, qu'a-t-il de plus à perdre ?
Accrochant son regard au sien, Obito incline légèrement la tête dans un signe de reconnaissance forcée.
– Je n'ai jamais utilisé Kamui comme ça auparavant, lui avoue-t-il cependant. Je vais te renvoyer aussi loin que possible, mais je ne sais pas si ce sera suffisant. Et si tu arrives à atterrir à une époque où tu existes déjà, je ne sais pas ce qu'il adviendra. Peut-être rien, ou peut-être que deux âmes jumelles ne peuvent occuper le même espace au même moment. Tout et son contraire pourraient arriver.
– Fais-le, lui dit Orochimaru, complètement dépourvu de patience entre sa mort qu'il voit bientôt arriver, et les hésitations et le débat auxquels ils s'adonnent. Il y a une chance de réussite et c'est déjà bien assez, peu importe qu'elle soit infime.
Obito hésite une dernière fois avant d'opiner fermement et Orochimaru peut sentir le chakra commencer à l'envelopper. Son Sharingan tournoie nonchalamment, brillant de puissance et de détermination.
– N'échoue pas, dit-il. Madara se trouvera dans le Cimetière des Montagnes, à l'époque où je l'ai rencontré, ce n'était qu'un vieil homme dépendant du pouvoir de la Statue pour survivre. Je te fais confiance pour en finir et faire en sorte que ça reste ainsi.
Orochimaru renifle, moqueur.
– Bien évidemment. Souhaites-tu que je rende l'expérience douloureuse ? Mon cadeau à ton intention, gracieusement.
– Ce genre de choses semble toujours mal finir pour ceux qui s'y essaient.
Obito paraît épuisé, triste et las, plus vieux qu'il ne l'est en réalité. Mais cette guerre les a tous usés, même si elle n'a duré qu'une poignée de jours.
– Fais ça rapidement, assure-toi que ce soit permanent cette fois-ci et je considérerais ta dette payée, compris ?
Puis, sans le moindre avertissement, la vague de chakra atteint son point culminant, au même moment où Obito arracha Kusanagi à son corps. Orochimaru ne peut pas même exprimer sa douleur dans cette agonie, chaque muscle de son corps tendu à l'extrême et ses dents tellement serrées qu'il est certain que leur grincement est audible. Avant qu'il ne puisse maudire Obito ou faire tout autre chose, il se sent tomber, se tordre dans un monde de ténèbres, aux bords aiguisés et au silence angoissant. Il dispose d'une demi-seconde pour le contempler et la moitié d'un battement de cœur à peine pour se préparer à l'impact, mais celui-ci ne vint jamais.
Une autre déformation, une torsion, un changement, et il tombe encore plus profondément dans ces ténèbres affamées et bas, toujours plus bas en direction de cette lumière éclatante.
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– Je pense qu'un tel arrangement nous serait pour tous les deux profitable, Orochimaru-kun, dit Danzo, d'un ton impeccablement poli et amical tandis qu'il s'arrête sur le porche de la maison du Sannin.
Son sourire donne l'impression d'un couteau dans la jugulaire, à peine dissimulé derrière son vernis de courtoisie coutumier.
– Prends bien le temps d'y réfléchir. Je peux t'offrir tout ce que ton cœur désire en fournitures et équipement, et tout ce que je te demande en retour est un petit... partage de connaissances. Un échange équitable, ne penses-tu pas ?
Orochimaru ne répond pas, lové dans la chaise qui se trouve dans le coin de la pièce comme un serpent sur la défensive. Des yeux dorés scrutent sans ciller le plus âgé d'un regard froid et dur. Il ne bouge pas.
Danzo patiente encore une minute dans l'attente d'une réponse avant d'incliner la tête et de sortir.
Ce n'est que lorsque le chakra de l'homme se trouve hors de son périmètre de perception qu'Orochimaru permet à ses muscles de se détendre, la tension glissant hors de son corps comme de l'eau boueuse le long d'une rivière. Il fléchit ses doigts d'un air pensif, tentant d'ignorer le frisson d'envie qui lui traverse la colonne, et ce, même s'il a déjà testé ce chemin-ci auparavant. Danzo est doué avec ses petits jeux, presque irréprochables. Mais il a le gros défaut de sous-estimer les autres joueurs.
Ou peut-être, Orochimaru pense avec un léger sourire narquois, les surestime-t-il. Après tout, Danzo attend bien de lui qu'il marche dans son sens et joue au pion obéissant, qu'il soit animé par son désir d'acquérir de nouvelles connaissances jusqu'à l'aveuglement pur et simple. Il attend de lui un homme impitoyable, un monstre de cruauté sans la moindre once de lumière dans son âme et…
Peut-être. Peut-être est-il comme ça. Il l'a été auparavant, et s'il n'avait pas ré-émergé dans son ancien corps quelques minutes avant l'arrivée de Danzo, il y a de fortes chances pour qu'il le soit redevenu…
Mais le Kamui avait marché. Orochimaru a de nouveau trente-six ans et a retrouvé son propre corps qui n'a pour le moment subi que de légères modifications. Et ce, avec tous les souvenirs, les capacités et les connaissances de celui qu'il serait vingt ans dans le futur. Il connaît le dénouement de la guerre qui fait rage et sait également ce qui s'est réellement passé lors de la mission au Pont Kannabi, incident ayant mené à la perte de l'un des élèves de Minato - le Quatrième Hokage.
(Obito, songe-t-il, ses yeux se plissant sous la montée de quelque chose ressemblant à… un sens des responsabilités, de la culpabilité aussi peut-être et d'obligation, à l'intérieur. Obito est celui qui a remis à zéro l'Horloge de l'Apocalypse, et pourtant, à présent c'est lui qui souffre, piégé dans un corps qui n'est qu'en partie le sien, aux mains d'un homme qui va briser le monde. Ce n'est pas… normal, et Orochimaru en sait assez sur les dettes et l'honneur pour comprendre ça. Lorsque tout sera terminé, il irait sauver le garçon. Il s'y rendra et respectera sa promesse. Il ramènerait Obito Uchiha chez lui avant que Madara ne puisse le corrompre plus qu'il ne l'avait déjà fait.)
C'est dans cet état d'esprit là que Danzo l'avait approché, comme il l'avait fait la fois dernière, et une fois de plus a-t-il essayé de le tenter sur une voie qui le ruinerait sans doute aucun.
Orochimaru tourne la tête en direction de la fenêtre, ses lèvres se plissant. Il le sait, il a peu de scrupules, et encore moins après cinquante années en tant que ninja confirmé de haut niveau, mais… les enfants sont son point sensible, point qu'il a jusque-là réussi à ignorer, mais jamais entièrement à chasser. Ils l'ont toujours été et il blâme le temps passé avec deux êtres aux cœurs tendres tels que Tsunade et Jiraiya pour ça. De mauvaises influences, ces deux-là.
Un sentiment pur et auquel il ne peut échapper dirige son regard à travers la pièce là où une photo encadrée se trouve à la place d'honneur de son étagère la plus large. Deux garçons et une fille, jeunes à la limite de l'obscène, avec un homme souriant derrière eux, portant tous les quatre des bandeaux frontaux, l'air… fier. Fier d'eux-mêmes, de leur village, les uns des autres et Orochimaru n'a jamais réussi à complètement se séparer de ça, quel que soit le nombre de fois où il s'y est essayé. Il aurait pu s'y contraindre avec plus de fermeté, en théorie, mais, d'une façon ou d'une autre, il ne l'avait jamais fait.
Il avait regardé Tsunade tomber, l'avait vu être éventré en plusieurs morceaux, sa force herculéenne inapte à la sauver. Il l'avait vu mourir d'une manière dont il n'avait jamais pu être le témoin pour Jiraiya, mais il se rappelait de l'image imprimée dans l'esprit de Naruto, se souvenait de son lieu de repos dans cette solitude, cet endroit peu entretenu et bien trop vil pour un homme qui avait consacré sa vie à faire du mieux qu'il pouvait malgré les obstacles.
Et Orochimaru se connaît, connaît son orgueil, sa façon de ressentir les choses et la place dans son cœur dont il n'avait jamais réussi à se séparer dédiée à Tsunade et Jiraiya. La première fois qu'il était passé par là, lorsqu'il avait accepté l'offre de Danzo, il s'était réfugié dans un endroit où il savait qu'ils ne le suivraient jamais. N'aurait jamais l'envie de le suivre.
Pouvait-il recommencer ? Pouvait-il les abandonner après trente ans à être coéquipiers ? Amis ? Après qu'ils soient morts sans qu'il n'ait pu rien y faire ?
Dans une grimace, Orochimaru se met sur ses pieds et se rend jusqu'à la porte, s'arrêtant à peine pour enfiler ses sandales avant d'arpenter le chemin jusqu'à la sortie du bosquet, en direction du village redevenu sien une fois de plus. Un membre de la Racine le file de près, mais Orochimaru a gagné sa place dans le Trio Légendaire avant même que cet enfant n'ait été conçu et il avait eu vingt années de plus pour peaufiner ses capacités. Soufflant d'un air indigné, il utilise un déplacement instantané, atterrit derrière le pauvre ninja et l'assomme d'un seul coup avant de disparaître sans plus de bruit qu'un murmure.
Vous nous sous-estimez, Danzo-sama, songe-t-il l'air grave tandis qu'il atterrit dans le couloir menant au bureau du Hokage. Vous me sous-estimez, et vous comprendrez très bientôt la gravité de votre erreur.
Car Orochimaru n'est pas stupide, et il ne prend pas non plus de risques idiots. Pas durant les missions, pas lorsqu'il a la vie de ses coéquipiers entre ses mains, et pas non plus lors de ses expérimentations. Et ce serait bien de la pure idiotie que de donner à Danzo une si flagrante autorité sur lui, un tel moyen de le faire chanter. Danzo serait son allié, en théorie, mais un allié silencieux et tout le sang versé se retrouverait sur ses seules mains. Tous les reproches retomberaient sur ses épaules et lorsque - pas si, parce qu'il vit dans un village ninja où il est impossible d'enterrer un secret pour toujours, même avec ses connaissances du futur - donc, lorsque ce serait découvert, personne ne voudrait l'écouter s'il essayait de pointer du doigt quelqu'un d'autre. Il devrait alors assumer toutes les responsabilités, comme il l'avait fait une fois déjà et il se retrouverait dans une situation bien trop précaire, liberté de pratiquer ses expériences ou non.
(Et il suspectait, depuis des années déjà, que Danzo devait avoir une autre motivation derrière tout ça, au-delà des connaissances apportées par les cellules du Shodaime. Parce que… quelles sont les chances, franchement, que tant de candidats au poste d'Hokage soient tombés et l'aient laissé, seulement lui, l'un des plus puissants au village avec les capacités de le diriger ? Orochimaru avait été percé à jour au travers de ses expérimentations, Hatake Sakumo disgracié, Kato Dan tué au cours d'une mission, et la perte des personnes chères à son cœur avait conduit Tsunade hors du village. Namikaze Minato était mort parce qu'il était seul sur le champ de bataille, la mort de ses précieux élèves et sa propre désertion avait brisé l'Ermite des Crapauds…
Sûrement, y avait-il trop de coïncidences. Sûrement, y avait-il un lien lorsque Danzo en sortait toujours indemne, quel que soit le nombre de procès et de désastres.)
Prenant une rapide inspiration, il hoche la tête en direction de la secrétaire à son bureau et avance, tendant le bras vers l'avant pour cogner ses doigts contre les épaisses portes.
– Entrez, appelle Sarutobi, le ton épuisé et usé par les années. La bouche d'Orochimaru se plisse légèrement. Il est sur le point de donner à son ancien professeur - l'homme qui est mort par sa faute, celui l'ayant pratiquement élevé, du moins, autant qu'Orochimaru l'ait laissé faire, après le trépas de ses parents - une énième raison de s'inquiéter. Malheureusement, ça ne pouvait pas attendre. Pas pour une seule seconde de plus. Si Danzo prenait conscience qu'Orochimaru avait fait son choix, s'il entendait ne serait-ce qu'un murmure à ce propos, il trouverait à nouveau un moyen d'échapper à toutes accusations.
– Sensei, commence-t-il, le ton formel, s'arrêtant dans l'encadrement de la porte pour légèrement s'incliner. Il y a quelque chose d'important dont je souhaiterais discuter avec vous. Auriez-vous un moment à m'accorder ?
Il y eut un silence, lourd et légèrement surpris, et lorsque Orochimaru relève les yeux, il trouve Sarutobi en train de le dévisager d'un regard sombre et perçant, les sourcils haussés.
– Orochimaru-kun, fit-il après un battement. Bien sûr.
Avec un léger sourire qui retourne le cœur d'Orochimaru dans sa poitrine, il ajoute :
– J'ai toujours du temps pour mes élèves. Je dois dire, cependant, que cela fait longtemps depuis la dernière fois que tu es venu à ma rencontre avec une telle expression au visage. La dernière fois, si je me souviens bien, c'était lorsqu'un garçon de ton âge t'a embrassé et que tu as paniqué en te rendant compte que ça t'avait plu.
Orochimaru ne peut s'empêcher de rouler les yeux ; puisque le risque qu'il prenait à répondre à l'homme l'ayant pratiquement élevé était que celui-ci se souvenait de chaque moment embarrassant de sa vie. (moments qu'Orochimaru aurait sérieusement préféré avoir effacés de sa mémoire depuis bien longtemps.)
– Ce dont je souhaite discuter, reprend-il sèchement, est bien plus lourd de conséquences que la crise d'un adolescent en recherche de sa sexualité, sensei.
– Je n'en doute pas, murmure Sarutobi, néanmoins la lueur amusée dans son regard ne disparaît pas.
Il fit signe à Orochimaru de prendre le siège en face de lui.
– Dans ce cas, dis-moi ce qui peut bien t'amener dans mon bureau après tant de temps à chercher à l'éviter ?
– Combattre lors d'une guerre est considéré comme un signe que je me dérobe à votre présence ?
Orochimaru prend le siège, mais garde ses bras contre son torse et enroule ses mains tout contre ses coudes. Le visage de Sarutobi s'assombrit à ses paroles et il se redresse, tout sens de l'humour disparu. Il est encore familier avec sa façon de s'exprimer, comme peu le sont, même après tout ce temps, et pour cela, Orochimaru lui en est reconnaissant.
– Orochimaru-kun, dit-il calmement et Orochimaru rencontre ses yeux attentionnés et sages, ceux qui ont toujours eu l'air de voir à travers lui.
C'est… agréable, d'une certaine manière. Il ne pensait pas que ça le serait.
– Dis-moi ce qui te préoccupe.
Orochimaru reste pétrifié l'espace d'un moment - parce qu'il n'a pas eu le temps de planifier quoi que soit ou de peser le pour et le contre, c'est tout simplement de la précipitation, chose qui conviendrait mieux à Jiraiya qu'à lui-même - puis il expire, lentement et prudemment.
– Vous connaissez la mesure de mes connexions à la Racine, dit-il sans ciller, sous le commandement de Danzo.
Il n'attend pas le hochement de tête de Sarutobi et entreprend d'aller directement à l'essentiel.
– Il y a neuf mois, nous nous sommes dissous comme vous l'aviez fait ordonner, néanmoins… aujourd'hui Danzo est venu me voir, m'offrant de me fournir des recrues du nouveau programme de la Racine - des nouveau-nés, des orphelins, des enfants qui ne manqueraient à personne - pour… des expériences impliquant les cellules du Shodaime dans le but de transmettre le Mokuton. J'ai calculé les chances que cela aboutisse, Sarutobi-sensei. Elles sont… très minces. En retour, Danzo souhaite obtenir toutes mes recherches ce concernant ainsi celles que j'ai effectuées sur le Sharingan.
Le silence qui suit fut long, très long. Il s'allonge pendant plusieurs minutes le laissant à bout de souffle et pétrifié, puis, enfin, Sarutobi soupire, pressant une main sur son visage dans un geste indiquant la fatigue accumulée.
– Je vois, dit-il, la voix profonde. C'est… Je suis heureux que tu sois venu me voir, Orochimaru-kun. C'est en effet un sujet très sérieux. Je savais que Danzo était obsédé par la vision qu'il avait de protéger le village, mais ça, c'est… au-delà de tout ce que j'avais pu imaginer.
Orochimaru ne dit rien. À la place, il se lève et s'incline une nouvelle fois avant de battre en retraite. Autant avait-il pu haïr Sarutobi à une époque, il… a tout de même confiance en lui. Sarutobi est honnête, sage et puissant, et Orochimaru est certain qu'avec de telles indéniables preuves des méfaits de Danzo - et aussi méfiant qu'il avait toujours été de lui, il reste toujours son élève et a pour lui au moins une confiance relative - ces révélations pourraient servir de catalyseur. Il n'y aurait plus de détournement du regard envers les actions du belliciste.
Et même si cela échoue, il y a d'autres chemins que Orochimaru pouvait toujours essayer. Celui-ci est simplement… le plus expéditif.
Il s'arrête dans le couloir menant au bureau du Hokage et s'autorise enfin à sourire et à prendre une profonde inspiration n'étant pas obstruée par le sang ou par le métal empalé en travers de sa poitrine. En un seul coup, il a - ou bientôt, il aura - démantelé chaque complot de Danzo, et ce, jusqu'au dernier. C'est une sensation... grisante, d'avoir déjoué le maître du jeu d'une seule et franche manœuvre. Danzo n'aurait jamais, au grand jamais imaginé qu'Orochiramu se rendrait directement auprès de Sarutobi, parce qu'il aime à penser qu'ils sont faits du même bois.
Mais c'est une fausse présomption. Ils ne le sont pas, ne le seront jamais et Orochimaru pense que cette simple initiative le prouve plus qu'assez.
.
Orochimaru se réveille en sursaut, son instinct hurlant son avertissement de manière distincte au plus profond de lui, et il se jette en dehors du lit au moment même où un kunai se plante là où se trouvait sa tête une demi-seconde plus tôt. L'assassin est doué, rapide, bien préparé et prêt à lui faire face, mais Orochimaru est plus rapide et l'a toujours été. Il brise son cou avant même que celui-ci ne puisse se retourner. Un autre plonge sur lui. Orochimaru fait appel à ses serpents et les laisse en finir avec celle-ci tandis qu'il s'occupe d'un troisième et d'un quatrième avant même qu'ils ne puissent émerger des ténèbres les dissimulant.
Apparemment, Danzo est pour le moins insatisfait de sa décision.
Orochimaru déloge Kusanagi de son support, jette son sac de kunai au-dessus de son épaule et se fait un chemin vers la sortie, pieds nus et vêtu du simple yukata dans lequel il s'est endormi. Sarutobi ne lui a rien dit de plus sur leur problème, mais il prendra ça comme un signe que son professeur s'est décidé à agir. Cela ressemble parfaitement à Danzo de vouloir prioriser sa vengeance envers celui l'ayant trahi au plein milieu d'une crise. L'homme est rancunier après tout.
Soudainement, un écho de pas s'approchant retentit un peu plus loin, ne cherchant apparemment même pas à se faire discret. Orochimaru plisse les yeux et se met en garde. La lame chante alors qu'il la glisse en dehors de son fourreau et pendant un instant, la seule chose à laquelle il peut penser, c'est à la vue du métal planté dans sa chair. Il serre les dents et repousse l'image. Ça n'arrivera pas, plus jamais, pas s'il a quelque chose à y redire.
Il rassemble son chakra, préparant un jutsu pour le moins vicieux - parce qu'Orochimaru n'est jamais dans la meilleure des humeurs au réveil ; Jiraiya et Tsunade avaient pour habitude de tirer à la courte paille pour savoir qui aurait à le réveiller en mission, et le perdant finissait inévitablement couvert de sang, trempé ou encore, légèrement brûlé - lorsqu'une silhouette apparaît, trébuchante, en travers de la route, sautant depuis les arbres du bosquet dissimulant son foyer. Orochimaru hausse un sourcil, amusé et baisse son épée.
– Namikaze, le salue-t-il, faisant prudemment son chemin entre les pièges recouvrant la propriété de ses parents jusqu'aux bordures sécurisées avant que Minato ne puisse trop s'approcher.
Il s'arrête ensuite aux côtés du prochain Hokage.
– À quoi dois-je ce plaisir ?
Minato prend un instant pour reprendre son souffle avant de se redresser, envoyant au Sannin un rapide sourire pince-sans-rire.
– Orochimaru-san, répondit-il. Probablement à la même raison pour laquelle vous vous trouvez ici dans vos habits de chambre.
Avant, dans sa vie précédente, il ressentait sans cesse une jalousie brûlante et bouillonnante dès qu'il posait son regard sur Minato. Une colère grondante que Sarutobi ait choisi cet enfant comme Yondaime plutôt que lui. Mais à présent, avec le temps des années passées, l'expérience et son changement de point de vue, Orochimaru n'a plus aucun mal à jeter un léger sourire en direction de l'homme et apprécier le choc s'affichant sur le visage de Minato, sans avoir d'arrière-pensées ou de ressentiment à son égard.
– Fort possible, accepta-t-il. Sensei t'envoie, je présume ?
Minato acquiesce, passant une main embarrassée dans ses cheveux.
– Exact. Il est descendu dans l'un des repères de la Racine. Danzo s'y trouvait, ça a tourné au vinaigre. Quatre de ses agents ont disparu après que Danzo leur ait donné ses instructions et Hokage-sama m'a envoyé pour s'assurer qu'ils n'en avaient pas après vous. Ils sont… ?
– Morts.
Orochimaru replace son épée dans son fourreau, puis prend quelques secondes pour ceinturer son sac d'armes autour de son torse avant de suivre Minato d'un bon pas.
Un autre hochement de tête, et une détermination à toute épreuve brillent dans les yeux du blond, rappelant celle flamboyant dans ceux de son fils dans un futur apocalyptique.
– Bien, fut sa seule réplique, et ce fut à Orochimaru de se demander comment Danzo arrivait à penser que cet homme puisse être faible - parce qu'il ne l'est pas, bien qu'il le cache efficacement. On m'a ordonné de vous emmener en sécurité. Sarutobi-sama veut mettre toutes les chances de notre côté, et comme vous êtes la cible principale…
Orochimaru en est presque outré, parce qu'ils ne le peuvent pas le penser si minable que ça, n'est-ce pas ? Mais son regard croise celui obstiné de Minato, qui ressemble tellement à l'air que prenait Naruto, et il se résigne finalement à simplement rouler les yeux, abandonnant le plus dignement possible.
– Très bien, dans ce cas. Où m'emmènes-tu ? Un refuge ?
Quel déshonneur ce serait…
Minato secoue rapidement la tête, hésitant l'espace d'un instant avant de tendre sa main et d'agripper le bras d'Orochimaru.
– En fait… pas vraiment, dit-il d'une voix faible en se rapprochant et dissimulant une grimace lorsque Orochimaru hausse un sourcil impérieux dans sa direction. Hokage-sama ne pouvait penser qu'à un seul endroit auquel Danzo ne vous imaginerez jamais vous réfugier, c'est là-bas que je vous emmène.
Orochimaru est loin d'être stupide. Et tandis que le chakra jaune s'embrase, aussi étincelant qu'éblouissant, son esprit rassemble les faits les plus pertinents et formule la réponse dont il a besoin.
Peut-être qu'à une époque, il aurait protesté contre le fait de courir se réfugier chez Jiraiya comme un pauvre petit mioche terrorisé, mais…
Mais Jiraiya est vivant. Il est ici, à Konoha, et Orochimaru va devoir lui faire face lorsque le dernier souvenir qu'il a de lui est celui de son tombeau.
– Je te déteste, dit-il, purement pour le principe alors qu'ils réapparaissent. Ses pieds nus sont fermement plantés sur le tapis miteux qu'il se souvient avoir tenté de brûler à trois reprises au moins - les légères marques de brûlures de sa dernière tentative y sont encore. L'appartement est négligé, sent le renfermer et n'a certainement pas approché un état de nettoyage en profondeur depuis au moins plusieurs années.
Il avait oublié à quel point Jiraiya pouvait être répugnant quand il le voulait.
– Hm… assoyez… vous ? suggère Minato maladroitement et Sage, il sait que le plus jeune n'a jamais été à l'aise autour de lui - peu de personnes le sont, excepté les membres de son équipe, et c'est une chose à laquelle il s'est faite avec le temps - mais il ne se souvenait pas que c'était à ce point-là.
Orochimaru jette un regard dubitatif en direction du sofa, repense à la perversité qui caractérise Jiraiya - doublement prouvé lors de leur enfance commune - et prend aisément sa décision.
– Je pense que je vais rester debout, je te remercie.
Minato semble attristé, mais opine néanmoins et s'éloigne rapidement dans les confins de l'appartement en direction du chakra émanant du bureau de Jiraiya. Orochimaru sait très bien que la chose qu'il serait poli de faire serait de prétendre qu'il a les sens d'un humain normal et de ne pas écouter, mais honnêtement, il n'a jamais rien appris d'intéressant en suivant ce chemin de pensée, alors il dresse une oreille fictive et cherche la voix de Jiraiya.
(Il n'admettrait jamais, ô grand jamais, avoir été déçu de constater que l'Ermite des Crapauds n'ait pas fait partie des revenants se joignant à leurs ennemis pour engager la Quatrième Grande Guerre Ninja. Il ne laisserait pas non plus l'explication de Kabuto - selon laquelle le corps de Jiraiya s'était enfoncé trop profondément dans l'océan pour tenter de le repêcher sans être écrasé par la pression - envoyer un frisson d'horreur et un pincement de soulagement le traverser. Parce que Jiraiya est mort en restant le même, mort de la même façon qu'il a vécu, mort fidèle à lui-même, et, de cette façon, Orochimaru peut garder en mémoire le même bravache et bruyant garçon avec lequel il a grandi, contre lequel il s'est mesuré, avec lequel il s'est entraîné. Parce que Jiraiya, entre tous, méritait de grandes funérailles, avec des femmes en pleurs en masse et des ninjas saluant son courage, mais à la place de ça, sa fin a été… modeste. Et Jiraiya n'est jamais censé avoir été modeste.)
– Sensei ? appelle le blond en frappant ses doigts contre la porte. Vous avez une minute ?
Il y eut un froissement, un bruissement puis Jiraiya répondit à son appel.
– Oui, sans problème Minato, que se passe-t-il ?
Minato se glisse dans la pièce et referme la porte derrière lui - pas que cela fasse une grande différence face à ses sens aiguisés - et baisse la voix jusqu'à ce qu'il ne reste qu'un sifflement dans un murmure.
– Sensei, je crois qu'Orochimaru complote pour en finir avec moi !
Orochimaru roule les yeux tellement fort que c'en devient presque douloureux.
Un long, très long moment de silence suivit sa déclaration avant que Jiraiya ne reprenne calmement la parole.
– Minato, qu'est-ce que je t'ai dit à propos des jeux à boire avec Kushina-chan ?
– Que ça m'aiderait à me glisser entre ses draps ?
Minato semble confus.
– Ce n'est pas ce que... Non ! Je ne suis pas saoul ! Mais j'ai été cherché Orochimaru-san et il n'a pas été une seule fois méprisant avec moi ! Il a été tout ce qu'il y a de plus poli ! Il m'a même souri ! Il n'y a pas de doute à avoir, il va en finir avec moi à tout moment !
Étais-je vraiment aussi mauvais que ça ? songea Orochimaru, légèrement amusé, en croisant ses bras sur son torse et en tapotant Kusanagi contre sa cuisse, l'air pensif. J'ai dû l'être, c'est vrai. Ah, les détails qu'on peut oublier avec le temps qui passe. Mais c'est plutôt amusant, je suppose.
– Hm, commença Jiraiya légitimement, est-ce qu'il y avait du sang dans l'histoire ? Ça fait des merveilles sur son tempérament, d'habitude.
Minato paraît toujours aussi confus.
– Hm, peut-être ? Il s'est débarrassé de quatre assassins…
– Quoi ?!
Il y eut un bruit sourd, un cliquetis et une avalanche de pas jusque dans le couloir. Une demie seconde plus tard, Jiraiya s'élance dans la pièce principale, clairement prêt à détaler vers la porte et titube jusqu'à l'arrêt net à la vue de son coéquipier se tenant sur son tapis usé jusqu'à la corde.
– Orochimaru, réussit-il à dire après que son souffle lui soit revenu. Des assassins ?
Il est… grand. Grand et large, avec une présence singulière, de longs cheveux blancs indisciplinés et des yeux noirs perçants et sa manière de se tenir, droit, sans même prendre conscience de sa taille… Cela suffit à ce que Orochimaru... s'adoucisse, si ce n'est qu'un peu, à sa vue, parce que cela fait au moins un an depuis la dernière fois. Un an, une mort et une guerre qui a détruit le monde comme il le connaissait, et même si Jiraiya est mort inchangé, ce n'est pas le cas d'Orochimaru.
– Jiraiya, répondit-il calmement, satisfait de pouvoir contempler au lieu de s'enfuir, comme il l'aurait fait à une époque, lorsque Jiraiya s'approche, un air inquiet peint sur son visage. Je vais bien, mais j'ai… mécontenté quelqu'un de haut placé et Sarutobi-sensei pense qu'il vaut mieux que je disparaisse pendant un moment.
– Ce qui me rappelle, dit Minato, semblant plus enjoué qu'auparavant, qu'il est tant pour moi de retourner auprès de l'Hokage. À bientôt sensei, Orochimaru-san.
Un éclat de lumière jaune plus tard et il a une nouvelle fois disparu, une fuite presque élégante vis-à-vis des questions qui ne manqueront pas de tomber. Orochimaru en serait presque impressionné s'il n'était pas aussi agacé.
Une large main se referme délibérément sur le haut de son bras et Orochimaru tourne la tête à temps pour recevoir l'un des rares airs sérieux de Jiraiya.
– Ne crois pas que tu vas pouvoir m'avoir avec ce genre de fausses réponses, l'avertit l'Ermite des Crapauds. Orochimaru, dis-moi ce qui se passe vraiment.
Orochimaru débat intérieurement l'espace d'un moment sur la réponse à donner, néanmoins, étant accoutumé à la persistance de Jiraiya et sachant qu'il va être enfermé ici pour la nuit avec peu de possibilités d'échapper à la discussion, il laisse un soupir sourd lui échapper.
– Danzo, dit-il et les yeux de Jiraiya se plisse à ce nom. Il a toujours eu un bon instinct en ce qui concerne les êtres humains et le vieux soldat l'a toujours brossé dans le mauvais sens du poil. Un signe, éventuellement : un de ceux qu'Orochimaru a éhontément ignorés la première fois.
Un dernier regard en direction de son expression s'assombrissant rapidement l'encouragea à continuer. Choisissant ses mots prudemment, car il sait que Jiraiya est capable de lire entre les lignes quand il le veut, il reprit :
– Il a… tenté de me persuader de travailler avec lui sur plusieurs expérimentations dont la légalité est… plus que douteuse. Ça, et leur sens moral. J'en ai informé Sarutobi-sensei qui a saisi l'occasion pour prouver mes revendications. De toute évidence, Danzo n'a pas apprécié ma décision d'aller... le dénoncer.
La poigne sur son bras est vive, mais pas assez ferme pour laisser de marques, et le visage de Jiraiya est pâle.
– Persuader, répéta-t-il d'une voix monocorde. Tu veux plutôt dire contraindre.
Orochimaru roule légèrement les yeux.
– Comme je viens de le dire, persuader…
– Où ça Orochimaru ? Où est-ce que ça s'est passé ? Est-ce qu'il est venu vers toi à la bibliothèque, ou, est-ce qu'il t'a approché au terrain d'entraînement ? Dans une ruelle sombre quelque part ? Où ça ?
Pour la première fois, Orochimaru fléchit. Il ne comprend pas, n'arrive pas à suivre le chemin de pensées de Jiraiya. Il n'en a jamais été capable et il avait… oublié ça, après seulement une année sans l'Ermite des Crapauds suivant le moindre de ses mouvements.
– C… c'était chez moi.
Les yeux de Jiraiyia s'embrasent, sa bouche forme une ligne étroite et il le fait rapidement se tourner pour qu'ils soient face à face, agrippant fermement ses biceps et s'approchant dangereusement.
– Chez toi ? demande-t-il. Chez toi ? Orochimaru ! C'est ton sanctuaire ! Tu ne laisses même pas Tsunade s'en approcher, pas depuis…
Il hésite et s'arrête là, mais Orochimaru sait très bien ce qu'il allait dire.
.
(Orochimaru a quinze ans lorsqu'ils le capturent, quinze ans et tout juste promu au rang de Jônin, en mission solo à la bordure du Pays du Vent. Il est doué, l'un des meilleurs, terrifiant dans son contrôle du chakra et sa maîtrise des jutsu. Déjà en possession de son contrat avec les serpents et d'une épée qui peut couper au travers de presque n'importe quoi, mais les aptitudes ont leurs limites. Dépassé en nombre et loin de tout, seul et sans la moindre promesse de soutien de qui que ce soit.
Ils le jettent dans une cellule, les ninjas de Suna, d'un autre ennemi de Konoha ou bien de nulle part. Ils l'enferment, le battent et le blessent et lorsqu'il est complètement épuisé, ils l'enchaînent au mur et le laisse pourrir là.
Si seulement, songe Orochimaru, parce qu'il n'a que quinze ans et que quelques mois à peine le séparent de l'époque où il était encore un Chûnin et avait une équipe, et aussi parce que, parfois, il ne peut pas s'en empêcher. Si seulement ils pouvaient venir le chercher.
C'est une pensée amère, un moment d'humanité pathétique qui naît dans le cœur d'Orochimaru dont il ne sait pas quoi faire. Las et défait, si ce n'est que pour un instant, il ne tente pas de la repousser.
Un ninja l'emmène ailleurs, tente de faire sortir les secrets de Konoha hors d'un corps qui lui résiste, puis continue pour le principe lorsqu'il refuse de parler.
Bien sûr, Tsunade et Jiraiya viennent à sa rescousse, mais ils arrivent trop, bien trop tard, pour faire quoi que ce soit si ce n'est ramasser les morceaux.
Il a seize ans lorsque le cauchemar commence, mais à ce moment-là, il s'est déjà éloigné de manière significative des trois personnes qui comptent le plus au monde, les seuls qui pourraient lui apporter un peu de réconfort et pour tout le génie qu'il a lorsqu'il s'agit d'apporter la mort, il n'a pas la moindre idée de comment les faire revenir (à lui).)
.
Les mots s'entremêlent entre eux, lourds de sens et tacites. Orochimaru n'hésite pas avant de détourner le regard. Jiraiya a… raison. Sa maison - qui était celle de ses parents auparavant et l'endroit où sont basés les seuls souvenirs de famille qu'il a - a toujours été sacrée. Et peut-être, peut-être que si Danzo l'avait approché dans un autre endroit la première fois, peut-être alors aurait-il considéré les choses avec plus de précautions, aurait-il exploré d'autres options que celle qu'il avait choisie cette fois-là. Mais ce qui est fait est fait, et pour lui, c'était il y a très longtemps déjà.
– C'est fini, dit-il et il sait qu'il a raison.
Sarutobi n'est pas un homme supportant la traîtrise, même lorsqu'elle est bien intentionnée - et preuve est faite que, dans son cas, Danzo a une entière confiance dans sa proclamation selon laquelle les dires et la position qu'il tient ainsi que sa puissance sont tous dédiés à l'amélioration de Konoha et à sa protection. Mais Sarutobi va l'emporter, quelle que soit la guerre tacite qui fait rage entre eux, parce que Sarutobi a toujours gagné sans même ne jamais essayer, même lorsqu'il ne savait pas qu'il y avait un affrontement. Danzo représente l'obscurité, et Sarutobi est la flamme, et au final, il n'y a pas à chercher longtemps pour savoir laquelle des deux est la plus vive.
– Sauf pour les assassins, fait remarquer Jiraiya, exaspéré.
Il y a peu de personnes qui peuvent se vanter de pouvoir le distraire ainsi et Orochimaru tente sincèrement de ne pas être trop satisfait d'être l'une d'entre elles. Mais l'Ermite des Crapauds ne le regarde pas, secoue la tête et détourne le regard. Il laisse un soupir lourd lui échapper et recule, libérant les bras d'Orochimaru pour passer ses mains sur son visage.
– Bon, dit-il d'un ton bourru, allez, viens. Ma chambre est l'endroit le plus facile à défendre.
Le but en venant ici est que Danzo ne considérerait même pas la possibilité qu'Orochimaru ait pu venir se réfugier chez le coéquipier avec lequel il est toujours en désaccord - après tout, Danzo sous-estime autant les liens que les sentiments et l'a toujours fait - donc lorsqu'il insiste, il ne résiste pas. Il suit Jiraiya le long du couloir jusqu'à une pièce légèrement plus propre, même si toujours autant en désordre, et s'assoit sur le sol dans un soupir, déposant Kusanagi à côté de lui. Se penchant en arrière, tout contre le mur, il étire ses jambes devant lui et se prépare pour une longue nuit, et probablement, pour une journée encore plus longue dès le lendemain.
Silencieux, mais observateur, Jiraiya s'assoit à côté de lui, leurs cuisses ne se touchant pas vraiment, mais assez près pour que ça compte. C'est terriblement… nostalgique, parce qu'ils ont pris cette position à de nombreuses reprises, lors de missions. Trop pour qu'ils se souviennent de chacune d'entre elles en fait, et Orochimaru avait logiquement pensé après l'année passée que cela ne se reproduirait plus jamais.
Et dire qu'il y a quelques heures à peine, il mourrait sur le champ de bataille sans la moindre once d'espoir en vue.
Orochimaru penche la tête vers l'arrière, la laissant reposer contre le mur et ferme les yeux, ne tentant même pas de résister contre le sourire de douce amertume qui lui monte aux lèvres. Ah, la différence qu'un moment dans le temps peut engendrer, pense-t-il. Des plans s'étalent devant lui : des voies à prendre et d'autres à éviter, des personnes à sauver et d'autres avec lesquelles il doit en finir. Et pendant tout ce temps, Jiraiya est une chaleur constante à ses côtés, grande et large, et aussi familière qu'Orochimaru connaît ses propres battements de cœur.
Le temps, songe-t-il en riant intérieurement.
Quelles sont les paroles qu'il a jetées à la figure d'Obito déjà, sur ce terrain vide et couvert de sang ? Répéter les mêmes erreurs ? Pour qui me prends-tu, Uchiha ?
Plus jamais. Plus jamais. Il est plus que temps de faire pencher la balance.
Et qui de mieux placé pour faire bouger les choses qu'un serpent au beau milieu d'une foule ?
.
(Ce n'est que quelques minutes après minuit que Jiraiya sent un poids tomber contre son épaule et il y jette un regard surpris. Une peau pâle, des traits pointus et une profusion d'épais cheveux noirs, le tout mélangé dans une étrange innocence que Jiraiya n'a jamais vu Orochimaru revêtir que dans les profondeurs du sommeil ou lorsqu'il se tient devant la tombe de ses parents.
Ils se sont… éloignés, ces derniers temps. Comme s'ils dérivaient. Et peut-être qu'il fallait s'y attendre après la disparition de leur troisième pilier - Tsunade - à cause de l'exil qu'elle s'est elle-même imposé, son voyage, mais ça ne voulait pas dire que Jiraiya en était satisfait ; il ne l'a jamais été. Pendant des années, le regard d'Orochimaru s'est posé au-delà de sa silhouette, au-delà de tout le monde, alors même qu'il fendait l'air pour continuer d'avancer, visant un but invisible aux yeux de Jiraiya.
Cette nuit est la première en l'espace de presque trois ans durant laquelle Orochimaru l'a regardé, lui, et non pas à travers lui.
Après une faible et régulière expiration, Jiraiya lève son bras, lentement, prudemment, et la glisse dans le dos d'Orochimaru, l'enroule autour de ses épaules et le tire un peu plus près. Peut-être que lorsqu'il se réveillera, ce détachement sera de nouveau présent dans ses yeux, mais…
Il plonge son visage dans les cheveux de jais, si noirs qu'ils semblent absorber la lumière au lieu de la réfléchir, et respire la forte odeur de citron et la faible nuance de vanille flambée. Familière et sucrée, peu importe le nombre de fois où il s'était moqué d'Orochimaru pour ses choix en matière de savons et de senteurs.
Orochimaru a choisi un chemin cette nuit-là, et pas seulement celui qui l'a conduit à la porte de son appartement, bien que c'en soit une part incontestable. Non, le fait est qu'il ait été voir leur sensei au lieu de marcher avec les plans, quels qu'ils soient, de Danzo et ait défié le reste du village qui chuchotait encore monstre lorsqu'il le traversait, et Jiraiya est terriblement conscient que ce choix est le premier pas en dehors de ce dans quoi Orochimaru s'est empêtré.
Un pas en arrière, mais c'est tout ce dont Jiraiya a besoin pour de nouveau pénétrer sa bulle.
Un pas de plus et Jiraiya pourra le ramener à eux en toute sécurité.
