Chapitre 11 : L'anneau de pouvoir

Les jours qui suivirent la terrible soirée d'Halloween furent marqués par le deuil et le désarroi. Personne ne comprenait vraiment ce qui s'était passé, pourquoi les habitants du château n'avaient pas entendu Hannah crier, ni comment le serpent de Voldemort avait réussi à s'introduire à Poudlard.
Les plus étranges rumeurs couraient parmi les élèves. Certains racontaient qu'un traître avait permis au Seigneur des Ténèbres de pénétrer dans l'enceinte de l'école, d'autres disaient que Dumbledore se faisait trop vieux et commençait à perdre ses pouvoirs destinés à repousser les assauts de Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom.
La seule chose que l'on savait avec certitude était qu'après le départ de Nagini, Hagrid, le garde chasse de Poudlard, était parti chercher Dumbledore et McGonagall qui dormaient tous deux paisiblement, ignorant totalement le drame qui se jouait à quelques étages seulement de leurs quartiers.
Les deux professeurs, affolés, avaient alors suivi Hagrid dans le méandre des couloirs de l'école et découvert le corps à jamais figé de Hannah Abbot. Tandis que Remus Lupin leur faisait un récit détaillé des évènements, tout Poudlard s'était réveillé et les élèves avaient afflué de toute part, poussant des exclamations d'effroi et des cris déchirés à la vue du cadavre. Le château s'était alors trouvé plongé dans l'incompréhension et la douleur aussi profondément que deux années auparavant, lorsque Harry avait ramené le corps de Cédric Diggory de sa confrontation avec Voldemort.
Les repas se faisaient depuis dans un silence poignant. Les élèves présents lors de l'apparition du Seigneur des Ténèbres avaient reporté les faits à leurs camarades du mieux qu'ils le pouvaient. Eilane séjournait à l'infirmerie où elle n'avait toujours pas repris connaissance. Son état inquiétait Lupin qui passait beaucoup de temps auprès d'elle. Pendant l'absence de la jeune femme, il assurait à nouveau les cours de défense contre les forces du mal, tout en espérant qu'elle se réveillerait avant la prochaine pleine lune.
Si tous les élèves semblaient perturbés par la mort de Hannah et l'intrusion de Voldemort, ce n'était rien en comparaison de ce que ressentait Harry.
Hermione commençait sérieusement à s'inquiéter pour lui. Il ne mangeait plus, dormait peu et son humeur devenait chaque jour un peu plus morose.
Lorsque la jeune sorcière le lui fit remarquer, il se contenta de hausser les épaules sans dire un mot. Cela aussi alarmait Hermione : Harry ne parlait presque plus à ses amis et passait des heures, seul, perdu dans ses pensées.

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-Oh non !
Hermione laissa tomber sa tranche de pain fraîchement beurrée dans son bol de chocolat chaud, répandant ainsi le liquide du récipient sur la table en bois où elle prenait son petit déjeuner.
-Que se passe-t-il ? demanda Ron, les yeux encore endormis.
La jeune fille lui tendit "la gazette du sorcier" qu'un hibou lui avait livrée quelques minutes plus tôt.
Sur la première page s'étalait une immense photo de Percy qui lançait des regards méfiants autour de lui, tandis que le titre de l'article annonçait : "les attaques de Mangemorts font passer inaperçue l'élection de Percy Weasley en tant que ministre de la magie"
Ron avala de travers le morceau de bacon qu'il mâchonnait et manqua de s'étouffer.
-C'est une blague ?
Hermione secoua la tête, ouvrit le journal en grand et commença à lire :

"Les Mangemorts ont enfin commencé à agir au grand jour. Les partisans de Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom auraient, entre autre, attaqué plusieurs familles de Moldus durant les dernières semaines. Malheureusement, les Moldus ne connaissant rien du monde de la magie, nous ignorons s'il s'agit là de rumeurs infondées ou d'informations alarmantes.
En revanche, nous pouvons affirmer avec certitude qu'ils sont bien responsables de la funeste altercation survenue à la banque Gringotts, avant-hier soir, où un sorcier du nom de Travis Grotas , né de parents moldus, a malencontreusement trouvé la mort. La Marque des Ténèbres est en effet apparu dans le ciel, peu de temps après l'incident, juste au dessus de l'édifice.
Percy Weasley, que vous avez récemment élu ministre de la magie, a refusé tout commentaire mais les rumeurs vont bon train à son sujet. Apparemment, certaines personnes de son entourage proche le soupçonneraient de ne pas totalement désapprouver les actes barbares des serviteurs de Vous Savez Qui
."

Le visage de Ron avait pris une couleur verdâtre repoussante.
-Percy a beau être parfois un crétin, il n'irait tout de même pas jusqu'à suivre les idées stupides des Mangemorts ? s'indigna Hermione. Qu'est-ce que tu en penses, Harry ?
-mmh ? murmura Harry, sans même prendre la peine de relever la tête de sa tasse de thé, encore pleine, d'où s'échappait un mince filet de fumée.
Ginny, qui venait tout juste d'arriver dans la Grande salle, se précipita sur eux.
-Vous avez lu ça? demanda-t-elle, accablée et furieuse.
Cela faisait une semaine à présent que Hannah avait été retrouvée morte dans le couloir du deuxième étage et ses camarades regardèrent Ginny comme si elle venait d'interrompre une veillée funèbre.
Ron et Hermione acquiescèrent tandis que Harry gardait toujours les yeux rivés sur sa boisson brûlante.
-Hey Harry, ça va ? interrogea Ginny avec inquiétude. Tu sais, ce n'est pas si grave si on ne joue pas aujourd'hui…ça sera pour la prochaine fois, et tu verras, on leur en mettra plein la vue !
Ce matin-là aurait dû, en effet, marquer le commencement de la saison de Quidditch, mais en raison des circonstances, les professeurs avaient préféré annuler le match qui devait opposer Gryffondor à Serpentard.
Tandis qu'Harry ne répondait toujours pas, Ron et Seamus s'écartèrent pour laisser une place à Ginny sur leur banc.
-Tu ne devrais pas être avec Dean en ce moment ? la questionna Hermione avec étonnement.
Ginny devint plus rouge que ses cheveux flamboyants.
-Je dois le rejoindre plus tard, il avait du travail en retard ! bredouilla-t-elle, s'empourprant encore davantage. Vous croyez qu'ils ont raison ? demanda-t-elle en montrant le journal qu'Hermione lisait toujours.
-A propos de quoi ?
Neville venait de se joindre à la conversation et Ginny lui fit un bref résumé de l'article.
-Je n'en sais rien, admit Ron. On sait que Percy est devenu complètement cinglé depuis qu'il travaille au ministère… Il ferait n'importe quoi pour de l'avancement, alors…
-Tu ne penses quand même pas que ton frère pourrait passer du côté de Voldemort ? s'indigna Hermione.
-Ben, après tout, vu les dernières lettres qu'il nous a envoyées, ça ne serait pas si étonnant que ça ! fit remarquer Ginny, déprimée. Mais si jamais c'est vrai, alors on est réellement fichu…Vous vous rendez compte, un ministre de la magie, partisan de Vous Savez Qui ? En tout cas, je me demande qui a bien pu voter pour lui !
-Ma mère !
Les Gryffondors, tellement plongés dans leur conversation, ne s'étaient même pas rendu compte que Drago Malefoy les écoutait, à quelques mètres de leur table.
-Quoi ?
-Et oui, Granger, il y a au moins un Weasley de potable dans cette famille d'imbéciles ! répondit la voix traînante du Serpentard.
-Mais dis-moi, Malefoy, c'est étrange que ton père n'ait pas voté également pour Percy, dans ce cas…Oh, mais j'oubliais, lorsqu'on s'échappe d'Azkaban, il vaut mieux se faire discret ! lança Hermione avec hargne.
Drago serra les poings et partit rejoindre Crabbe et Goyle qui l'attendaient un peu plus loin, tout en maugréant après la jeune sorcière.
-Narcissa Malefoy qui vote pour Percy…C'est plutôt mauvais signe, non ? demanda Hermione, inquiète.
-mmh, grogna Harry pour la seconde fois.

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-Professeur Lupin, je peux vous parler ? s'enquit Hermione.
Le cours de Défense Contre Les Forces Du Mal venait tout juste de se terminer et les autres élèves désertaient déjà la classe.
-Oui bien sûr !
Hermione posa son sac chargé de livres, attendit que le dernier adolescent soit sorti et reprit la parole.
-Je crois que Harry va mal !
-Je sais ! admit Lupin. Mais ça lui passera !
-Vous en êtes certain ?
-Savoir que Poudlard n'est pas aussi sûr que nous le pensions nous a tous perturbés, et Harry, dont le destin se trouve intimement lié à celui de Voldemort, s'est sans doute senti plus atteint encore par cette nouvelle que nous autres ! expliqua Lupin.
Hermione le regarda un moment tout en réfléchissant.
-Il est bizarre depuis ! Il a…changé !
-Ce que je me demande, c'est comment il serait maintenant si Voldemort n'avait pas été repoussé ! Nous avons eu de la chance qu'Eilane ait été là ! fit remarquer Remus.
-Comment va-t-elle ?
-Pas de changement ! répondit le professeur avec tristesse. Elle est toujours inconsciente. Madame Pomfresh dit qu'il s'agit d'un coma incurable par la magie…Il faudrait un miracle ! Mais, je ne perds pas espoir ! S'il y a bien une personne qui peut se sortir d'une telle situation, c'est Eilane !
Hermione reprit son sac et s'apprêtait à partir lorsqu'elle se retourna vers Lupin.
-Comment se fait-il que personne n'ait remarqué l'intrusion de Voldemort à Poudlard ?
Remus regarda la jeune sorcière.
-Très honnêtement, je l'ignore…Je suppose que Voldemort a lancé un sort pour que les habitants du château ne remarquent rien…Mais comme nous nous trouvions à l'extérieur, nous n'avons pas dû être affectés ! Ce que je me demande, c'est ce que faisait Hannah dans le couloir du deuxième étage !

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Harry pénétra dans le dortoir des Gryffondors, encore désert. Tous ses camarades discutaient de choses et d'autres dans la salle commune. Il s'assit sur son lit, tira les rideaux du baldaquin et sortit de sa poche l'anneau qu'il avait ramassé une semaine plus tôt dans le couloir du deuxième étage, vers les toilettes de Mimi Geignarde.
L'objet brilla au contact de la lumière et Harry perçut distinctement les murmures qui envahissaient d'habitude son esprit à l'approche du puits aux âmes.
Il se sentait anormalement fatigué et ne supportait plus la compagnie de ses camarades qui commençaient à l'exaspérer.
Il était facile pour eux de continuer à vivre comme si de rien n'était, mais pour lui, rien ne tournait plus rond ! Si l'esprit de Voldemort, porté par le corps de son serpent, Nagini, avait réussi à s'introduire à Poudlard, il pouvait sans nul doute recommencer… Harry risquait gros dans cette histoire. Après tout, ne devait-il pas tuer le Seigneur des Ténèbres ou être tué par celui-ci ? Et personne ne semblait vraiment s'en soucier !
Même Dumbledore ne lui avait adressé aucune parole de réconfort !
Tout en réfléchissant, il faisait machinalement tourner l'anneau entre ses doigts sans se rendre compte que le métal de celui-ci chauffait de plus en plus.
Ils étaient tous à côté de la plaque ! Tous, sans exception ! Ils se fichaient bien de savoir qu'un pauvre garçon de seize ans souffrait de sa destinée funèbre…Personne ne s'inquiétait vraiment pour lui !
-Si ! Moi ! murmura une voix inhumaine dans sa tête, répondant à ses pensées.
-Qui a parlé ? demanda Harry tout en scrutant les alentours.
Personne ne répondit, mais bientôt la voix reprit la parole, baissant encore le ton jusqu'à devenir à peine audible.
-Personne ne parle…Personne ne se soucie de toi…à part moi !
-Qui êtes vous ? interrogea Harry, effrayé.
-L'important n'est pas qui je suis…Mais qui tu es ! Ne me réponds pas à voix haute…Il te suffira de penser… et j'entendrai…
-Très bien, alors qui suis-je ? pensa Harry, agacé.
-Personne ! répondit la voix avec sadisme. Tu n'es que l'objet de leurs desseins !
Harry sentit ses yeux s'embuer.
-Non, c'est faux ! hurla-t-il mentalement.
-C'est vrai !… Et tu ne le sais que trop bien !
Des larmes dévalèrent les joues de l'adolescent.
-Veux-tu devenir quelqu'un ? demanda la voix d'un ton mauvais.
-Comment ça ?
-Je pourrais accomplir tes désirs ! continua le murmure. Je pourrais faire de toi…quelqu'un !
Harry releva la tête et s'essuya les yeux.
-Oui !...Oui, je le veux ! assura-t-il par la pensée.
-Dans ce cas…Mets l'anneau ! lui ordonna la voix.
Harry obéit sans réfléchir et enfila le bijou à son majeur. A l'instant même, l'anneau devint brûlant et la cicatrice du Gryffondor fut traversée d'un spasme insoutenable qui lui arracha un cri de douleur. Puis l'anneau s'effaça de son doigt comme s'il n'avait jamais existé.
-Qu'il en soit ainsi ! murmura la voix cruellement amusée.