Chapitre 15 : toute la Vérité

-Pourquoi Hagrid n'a pas fait de compte rendu cette fois-ci , interrogea Eilane, essoufflée.
-Oh, tu sais, il est surtout très occupé par Graup en ce moment ! assura Lupin qui avançait juste derrière elle.
Ils marchaient depuis maintenant plusieurs minutes, se dirigeant vers la salle de Défense contre les Forces du Mal.
Harry, Ron et Hermione étaient restés muets, impatients de connaître les explications que la jeune femme s'apprêtait à leur apporter.
Enfin arrivée devant la porte de la salle de classe, Eilane leur fit silencieusement signe d'y pénétrer.
Elle entra à son tour, prit soin de refermer derrière eux grâce à un sortilège et attendit patiemment les questions qui ne tarderaient certainement pas à fuser.
Voyant que personne n'osait se lancer le premier, Hermione posa brutalement, sur le bureau professoral, le livre de promo et le dossier médical qu'elle et ses camarades avaient dérobés, quelques heures auparavant, durant leurs fouilles à la bibliothèque.
-Tu es très intelligente pour une… sorcière aussi jeune ! fit remarquer Eilane. J'étais loin de me douter que l'un d'entre vous aurait l'idée de chercher des réponses avec tant d'avidité !
-Nous avions des raisons de soupçonner certaines choses ! commenta cyniquement Harry.
-Oui…Je le sais ! admit Miss Snake tout en regardant l'adolescent avec une certaine mélancolie. Tu n'aurais jamais dû voir cela … !
Harry sentit monter une horrible chaleur à son visage et ses joues s'empourprèrent, prenant la couleur d'une tomate bien trop mûre. Le regard d'Eilane s'agrandit tandis qu'elle comprenait mieux de quelle manière il avait assisté à son rêve.
Ses yeux plongèrent dans le vert de ceux du jeune sorcier et lorsqu'elle reprit la parole, sa voix, plus douce et harmonieuse encore que d'habitude, n'était plus qu'un murmure.
-Tu n'as pas à te sentir gêné par ce qui s'est passé, Harry… Ce n'était pas toi, tu n'y étais pour rien…Tu t'es juste trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment ! Mais je comprends que tu en sois troublé, et pour ne rien te cacher, je me dois d'admettre que cette situation me trouble également !
Ron et Hermione échangèrent un regard interrogateur, se demandant s'ils avaient bien assimilé ce que Miss Snake ne faisait que sous-entendre.
Se détournant de l'adolescent, Eilane s'approcha de la table où Hermione avait déposé le livre de promo.
Harry remarqua alors que la main droite de la jeune femme serrait toujours fermement le pendentif magique. Comme pour pallier aux pensées du garçon, Miss Snake prit le bijoux entre ses doigts et le rattacha négligemment autour de son cou. La lumière qui émanait encore de la bille rouge sang brilla un instant, s'estompa ensuite pour finalement s'évader entièrement de l'objet.
Eilane s'empara du livre de promo et en feuilleta les premières pages. Au fur et à mesure que son passé défilait devant ses yeux de bronze, Harry voyait le visage de la jeune femme devenir plus sombre, plus triste.
Le professeur Lupin s'avança vers elle et lui tendit une main avec affection mais elle refusa de s'en saisir.
-Tu n'es pas obligée d'en parler maintenant, chuchota-t-il. Ce que Dumbledore t'a demandé, tout à l'heure, était largement assez épuisant comme ça !
Mais Eilane secoua négativement la tête.
-Non, Remus…Si je ne le fais pas maintenant, jamais je n'en aurai le courage !
Puis elle se tourna vers Harry, Ron et Hermione qui la regardaient impatiemment.
-Très bien ! Je vais tout vous dire !
Elle prit une profonde inspiration comme si elle s'apprêtait à raconter toute son histoire d'un seul et même souffle.
-Je suis arrivée à Poudlard en 1938. A l'époque, et comme vous devez sans doute déjà le savoir, Armando Dippet était directeur de l'école et Albus Dumbledore, professeur de métamorphose et directeur adjoint.
Oh, vous vous demandez certainement comment je peux paraître aussi jeune, alors que je devrais avoir autour de soixante dix ans , rajouta-t-elle en souriant malicieusement.
Harry et ses compagnons hochèrent la tête.
-Eh bien…Je suis une Vélane ! Or, il se trouve que, nous autres, Vélanes, possédons certaines particularités magiques : une très grande beauté, le pouvoir d'envoûter les hommes, la maîtrise du feu et, surtout, la jeunesse éternelle !...Ce qui ne veut pas dire que nous soyons immortelles pour autant ! Non…nous gardons simplement le visage de la jeunesse jusqu'à l'heure de notre dernier soupir, bien qu'il soit vrai que la vie d'une Vélane est relativement plus longue que celle d'un humain !
-Mais les Vélanes sont aussi censées être blondes…Et vous êtes brune ! constata Ron.
-Oui, très juste ! admit Eilane. J'ai été blonde…Je l'étais lors de mon entrée à Poudlard, vous l'avez sûrement remarqué sur les photos du livre de promo. Mais certains changements peuvent altérer le physique de mon espèce…comme le fait d'avoir utilisé la magie noire durant de trop longues années.
Lupin soupira mais ne prononça pas les reproches que l'on pouvait lire au fond de son regard.
-Donc…comme je le disais, reprit Eilane, je suis arrivée à l'école en 1938 et lors de la répartition des maisons faite par le choixpeau magique, il a choisi de m'envoyer à Serpentard.
Pendant mes quatre premières années, ma vie a été un véritable enfer : je subissais essentiellement le rejet de mes camarades ; une Vélane inquiétait plus qu'elle n'aspirait confiance. Les garçons me fuyaient de peur que je les ensorcelle et les filles me haïssaient pour ma beauté surnaturelle. Mais tout cela a changé lors de ma cinquième année d'étude.
Harry crut lire dans les yeux de la jeune femme une étincelle d'espoir et de bonheur qui semblait disparue depuis longtemps.
-C'était en août 1941 que j'ai reçu la lettre concernant mon entrée en cinquième année à Poudlard…Mais le hibou ne s'était pas contenté de m'apporter l'habituel parchemin destiné à nous donner le nom des nouveaux ouvrages à acheter…Non ! Avec, il y avait une insigne de préfet ! Oh, bien sûr, sur le moment, je n'en ai pas vu l'utilité…Moi, dont tout le monde se fichait…devenir préfète de Serpentard…Cela me paraissait absurde ! Mais j'ai tout de même accepté d'endosser cette responsabilité…Et c'est grâce à cette nomination que j'ai rencontré le seul véritable ami que j'ai jamais eu durant toutes mes études à Poudlard !
-Lord Voldemort ! dit Harry avec un air de dégoût.
-Oui, sauf qu'à cette époque-là, il se faisait encore appeler Tom Jedusor !…Il était l'autre préfet de ma maison et notre tâche commune nous avait considérablement rapprochés ! Il possédait un petit groupe de camarades, comprenant, entre autres, le père de Lucius Malefoy, mais pas de réel ami intime… Il était seul !… Et il faut croire qu'au fond, il le sera toujours ! remarqua pensivement Eilane, ses yeux pétillants d'affection en se posant sur la photo du jeune homme aux cheveux noirs, dans le livre de promo.
Lupin, agacé, se racla la gorge et Miss Snake sortit de sa rêverie.
-Nous étions devenus amis…, continua-t-elle. Nous passions la quasi-totalité de notre temps ensemble et le fait que nous soyons tous deux très brillants ne faisait que nous rapprocher encore davantage. Et puis, un jour, il m'a dit la vérité : qu'il était l'Héritier de Salazar Serpentard et qu'il comptait ouvrir la Chambre des Secrets. J'ai d'abord eu peur de toutes ces révélations, mais une autre m'est alors apparue clairement : j'aimais Tom…Je n'avais rien demandé, je n'avais jamais voulu cela, mais cet amour était pourtant bien présent en moi…Et j'ai su à ce moment-là, que je le suivrais sur la voie de sa destinée !
Les choses, ensuite, se sont accélérées… Il a ouvert la Chambre, les agressions ont commencé, Mimi Geignarde est morte, Hagrid a été renvoyé, tandis que Tom et moi devenions amants…
-Mais, je croyais que Voldemort n'avait jamais aimé personne ? Enfin, c'est ce que Dumbledore dit, non ? demanda Hermione d'une voix tremblante et gênée.
-Et il a très certainement raison ! approuva Eilane, ses yeux embués à nouveau emplis de chagrin. Je ne pense pas que Tom m'ait jamais aimée au sens où Dumbledore l'entend !
-Mais vous venez de dire que vous étiez amants…, insista Ron.
-Je crois qu'il y a certaines choses que l'on ne comprend qu'en grandissant… Entre autre que, parfois, les besoins du corps sont différents de ceux du cœur… Je ne sais comment vous l'expliquer mais les rapports que j' entretenais avec Tom étaient sans doute bien plus proches de la passion que de l'amour…Jamais je n'ai connu une relation aussi destructrice, ni aussi intense !
-Destructrice ? interrogea Harry, les sourcils froncés.
Cette fois, Eilane paraissait vraiment embarrassée.
-Disons simplement que certaines personnes ne savent que se faire souffrir l'une l'autre et qu'une telle relation ne peut rien apporter de bon…Tom avait un pouvoir terrible sur moi…Je ne pouvais rien lui refuser ! Pourtant, il ne m'avait pas ensorcelée… du moins, pas avec des formules magiques ! Mais là n'est pas le sujet, n'est ce pas !
-Vous l'aimez toujours ? affirma Hermione plus qu'elle ne le demanda.
Eilane se tourna vers elle, des larmes muettes ruisselant sur ses joues blanches, et tous comprirent sans qu'elle ait eu besoin de dire quoi que ce soit, quelle était la réponse à cette question.
-Au risque de me répéter, Miss Granger, ce n'est pas le sujet ! bredouilla la jeune femme, désemparée.
Harry, Ron et Hermione acquiescèrent, comprenant qu'elle ne voulait plus avoir à décortiquer les sentiments qui l'animaient envers Voldemort.
-Pendant l'été qui a suivi ma sixième année, je suis tombée enceinte. C'est sans doute ce que ce papier sous-entend ? ajouta Eilane en montrant le dossier médical. Nous avons caché magiquement la grossesse aux yeux des professeurs et des élèves afin d'éviter le scandale, mais j'ai fait une fausse couche dans les derniers mois et ça m'a totalement anéantie…Tom était avec moi lorsque ça s'est produit…Il m'a soutenu dans cette épreuve et s'est chargé de cacher l'enfant mort-né. J'ignore ce qu'il en a fait et à l'époque, je souhaitais ne surtout jamais le découvrir !
Puis, une fois nos diplômes en poche, nous sommes partis ensemble de Poudlard. Tom a voulu passer à Little Hangleton où vous savez certainement qu'il a assassiné son père et ses grands parents. J'aurais aimé l'en empêcher, mais je me sentais trop faible psychologiquement pour m'opposer à lui !
Ensuite, nous avons voyagé, visité des contrées reculées, des pays dont je ne connaissais même pas l'existence et appris de nombreuses choses sur l'art de manier la magie noire !
-Alors vous étiez avec lui durant toutes ces années ? murmura Hermione, une main devant la bouche en signe d'étonnement.
-A ses côtés, oui…Et je l'ai vu petit à petit sombrer dans la folie, devenir chaque jour plus cruel, plus inhumain, sans rien pouvoir faire d'autre qu'espérer que tout s'arrête, que souhaiter sa rédemption !
-Vous auriez pu partir ! fit remarquer Ron.
-Je l'aimais trop pour ça…Oh, je savais très bien que ses idées étaient plus que contestables, même si je les ai moi-même prônées pendant longtemps, et sa puissance extrêmement dangereuse, mais je ne pouvais me résoudre à trouver la force de le quitter !
De nombreuses années plus tard, nous sommes revenus en Angleterre. Tom, sous le pseudo de Voldemort, a rassemblé des partisans, les a baptisés ses mangemorts et a commencé à étendre son pouvoir.
-Mais vous êtes une mangemort, vous aussi, non ? demanda Harry, se souvenant que le tatouage qui apparaissait sur le bras d'Eilane ne ressemblait pas totalement à la marque des ténèbres.
-Pas exactement…Enfin…Ce n'est pas aussi simple, bien qu'on puisse dire que j'ai été la première ! Mais j'ai toujours bénéficié d'un respect qu'il n'offre pas à ses autres serviteurs ! En réalité, je suis bien plus qu'une simple mangemort pour lui !
Harry, les yeux perdus dans le vide, réfléchissait à ce que signifiait les paroles d'Eilane mais celle-ci reprenait déjà son récit.
-Durant l'apogée du pouvoir de Voldemort, j'ai continué à le servir, jusqu'à ce que je tombe un jour, par le plus heureux des hasards, sur quatre jeunes hommes hors du commun, dans un pub de Londres.
Eilane croisa le regard de Lupin et lui sourit tendrement.
-Contre toute attente, Remus, Sirius, James, Peter et moi sommes devenus amis !
-Alors vous avez connu mon père ? s'étonna Harry.
-Et ta mère aussi ! Lily était d'ailleurs enceinte de toi lorsque nous nous sommes rencontrées pour la première fois !
Et on peut dire que c'est l'amitié qui est née entre Remus et moi qui m'a donné le pouvoir de me défaire de l'emprise que Tom avait depuis trop longtemps sur mon âme…Même si je ne m'y suis malheureusement pas prise assez tôt…
Harry remarqua que des larmes brillaient dans les yeux de Lupin mais ne comprit pas pour quelle terrible raison il semblait si bouleversé jusqu'à ce que des images s'imposent à son esprit : Voldemort se rendant dans la maison de ses parents, lançant d'abord le sortilège mortel sur James, puis s'en prenant à Lily alors qu'elle essayait de sauver son fils…de le sauver, lui, Harry.
-Vous avez une part de responsabilité là-dedans ? interrogea l'adolescent, la voix éteinte.
Eilane baissa les yeux, incapable de répondre, avant de reprendre ses esprits.
-J'en ai bien peur Harry…Même si je ne suis pas certaine de savoir moi-même quel rôle j'ai réellement joué dans cette sombre histoire. Ce que je sais, en revanche, c'est que ta victoire face à Voldemort a été considérée comme une bénédiction…une réponse à l'appel de milliers de sorciers et de sorcières en détresse… et une réponse à mes appels ! C'est toi qui m'as délivrée, Harry !
Mais Harry ne réagissait plus, il ignorait s'il devait croire ou non cette femme qui lui semblait en même temps si méprisable et si attirante. A présent, Voldemort était de retour, et elle avait passé un marché avec lui, durant le rêve, mais ne semblait pas prête à en parler… Avait-elle donc à nouveau choisi les rangs du Seigneur des Ténèbres plutôt que ceux de l'Ordre du Phénix ? S'apprêtait-elle à tous les trahir au profit de Voldemort et à lui jurer encore une fois fidélité en tant que Mangemort ? Dans quel camp choisirait-elle de se battre ? Harry, qui espérait tant des réponses qu'Eilane venait de lui apporter, se sentait à présent démuni par toutes les questions que ces révélations soulevaient.