Severus n'avait pas eu besoin de raconter quoi que ce soit à qui que ce soit pour que l'affaire déborde de leur cadre privé.

Le lendemain, alors que Gilda venait de terminer sa journée avec deux heures de cours pour les deuxième année Gryffondor – Serdaigle, de coller Dennis Crivey qui s'était levé trois fois sans permission (ce gosse ne tenait pas en place décidément!) et d'aller chercher Sebastian et Moon dans le quartier moldu de Pré-au-Lard, on frappa à la porte de ses appartements.

Intriguée, elle laissa les cubes magiques en mouvement sur le tapis de Moon et s'empressa d'aller ouvrir, un peu inquiète à vrai dire puisqu'elle ne savait pas qui c'était. Les visites à cette heure de la journée n'étaient en effet pas fréquentes.

Cependant, Minerva McGonagall en personne se tenait dans l'encadrement de la porte et Gilda lui sourit avant de la laisser entrer :

- Bonsoir Gilda, lui dit la vieille femme avec un sourire. Comment allez-vous ?

- Très bien, répondit la jeune femme alors qu'elle faisait asseoir son hôte et allait mettre le thé en route. Et vous ?

- Oui, oui… Vous savez Gilda, pour moi la vie dans ce château c'est une routine sans fin…

Mais ce soir Minerva était libre et elles prirent le thé en regardant Moon qui jouait avec ses cubes en éclatant de rire tandis que des oiseaux de papier stylisés volaient autour d'elle :

- C'est vous qui les avez fait ? Demanda Minerva.

- Oui, répondit Gilda. Mais je ne suis pas très douée pour cela. Dans moins d'une heure ils ne voleront plus…

- On ne peut pas être douée pour tout, répondit la vieille enseignante. Vous avez d'autres dons. Mais je m'égare. Êtes-vous sûre que tout va bien ?

- Oui, répondit Gilda un peu étonnée par une telle question et surtout par le ton soudain grave que sa collègue avait employé. Pourquoi donc ?

- Et bien, répondit Minerva. Hier vous n'aviez vraiment pas l'air dans votre assiette dans la soirée. Même Albus s'est inquiété pour vous.

Gilda, a présent gênée, se sentit rougir un peu et bredouilla :

- Oui, c'est vrai… Mais cela va beaucoup mieux. A vrai dire, je m'étais un peu attrapée avec le professeur Rogue, mais nous avons réglé le problème.

Face au regard inquiet et insistant de sa collègue, Gilda finit par raconter ce qui s'était passé entre elle et le Maître des potions.

- Vous avez été trop gentille, lui dit Minerva sur un ton catégorique, immédiatement après qu'elle ait eu fini son récit. Severus s'est très mal comporté avec vous et ce n'était pas à vous de présenter des excuses. Cet homme est un rustre de la pire espèce !

Gilda étouffa un cri indigné même si elle sentait bien que la directrice de Gryffondor avait raison sur le fond, cependant quelque-chose la retenait d'acquiescer. Minerva le vit bien d'ailleurs, puisqu'elle insista :

- Il ne faut pas se laisser dominer par ses sautes d'humeur, autrement il va faire de votre vie ici un véritable enfer Gilda ! Vous n'êtes pas la première à qui il s'en prend sans raisons...

- Il s'est également excusé, répondit Gilda. Nous avons discuté et l'affaire est close.

- Severus est capable de s'excuser, répondit la vieille enseignante sur le ton de l'avertissement. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne reviendra pas à la charge ou même...

Gilda crut un instant qu'elle allait poursuivre sur sa lancée et se lancer dans une diatribe mais, à sa grande surprise, Minerva n'en dit pas plus et changea même de sujet, comme si elle n'avait pas voulu devenir impolie :

- Je m'égare… Excusez-moi. J'étais venue vous demander si les élèves de Gryffondor étaient sérieux dans vos classes.

- Je n'ai pas de problème particulier avec eux, répondit Gilda. Enfin... Je viens de coller Dennis Crivey parce qu'il ne tient pas en place… Mais à part cela je ne vois pas vraiment ce que je pourrais leur reprocher…

- Bien, répondit Minerva avec une satisfaction qui ne pouvait dissimuler son anxiété. Je vous demande cela car je sais qu'en ce moment… L'ambiance est disons… Assez tendue en Salle Commune.

Au delà d'être simplement anxieuse, elle semblait terriblement inquiète et Gilda lui demanda :

- Que se passe t-il ?

- La rébellion gronde, répondit Minerva McGonagall. Et je crains que les élèves ne tardent pas à commettre de regrettables débordements.

- A ce point ? S'étonna à moitié Gilda.

La directrice de Gryffondor acquiesça avec gravité :

- Oh oui, dit-elle. Les Gryffondor ont toujours été connus pour être des têtes brûlées aux élans rebelles prononcés. Mais cette année c'est pire que tout… Un groupe de défense parallèle totalement clandestin et prohibé s'est créé il y a quelques mois et j'ai peur pour eux.

- L'AD, murmura Gilda. C'est bien cela ? Albus Dumbledore m'en a parlé lorsque je suis arrivée.

- Cet inconscient… Gronda Minerva agacée. Il croit que c'est un jeu mais, à laisser faire, il va provoquer le renvoi des élèves impliqués si jamais ceux-ci se font prendre…

Elle soupira d'un air totalement désabusé avant de poursuivre :

- Nous avons déjà tellement de difficultés à gérer Ombrage… Sans compter que nous savons, sans en avoir la preuve malheureusement, qu'elle inflige des mauvais traitements aux élèves qu'elle punit.

- Elle fait quoi ?!

Gilda avait presque crié sous l'effet de la surprise, même si pour dire vrai, la chose ne l'étonnait pas tant que cela. Ombrage était bien capable d'une telle chose après tout mais restait à savoir ce que Minerva entendait par là :

- Que voulez-vous dire exactement ? Demanda t-elle.

Minerva pâlit un peu et répondit :

- Et bien, dit-elle d'une voix faible. J'ai remarqué sur la main de Potter de curieuses cicatrices peu après la rentrée… J'ai d'abord craint qu'il ne se le soit fait lui-même… Avant d'y discerner les écritures…

- Les écritures ?

Cette fois-ci, c'était la voix de Gilda qui n'était plus qu'un souffle :

- Vous voulez dire… que Dolores Ombrage utilise des plumes de sang ?

Minerva acquiesça, plus horrifiée que jamais, et répondit :

- Mais nous n'avons aucune preuve et la parole de Potter ne sera pas prise en compte quand-bien-même il accepterait de parler… S'il se plaint, cela pourrait tout aussi bien se retourner contre lui. J'ai bien essayé de faire réagir le directeur, mais il est tout aussi impuissant que nous.

- Protégée par le Ministère, Ombrage est totalement intouchable, comprit Gilda avec consternation.

- C'est exactement cela, oui.

- Mais il n'empêche que c'est absolument horrible…

Gilda n'était guère étonnée au fond, vu la personnalité de l'Inquisitrice. Mais entendre une telle chose de la bouche de Minerva était tout de même à vomir. Dolorès Ombrage pouvait-elle donc réellement forcer des élèves de Poudlard à se mutiler sans qu'on ne puisse rien y faire ?

Tout d'un coup elle éprouvait l'envie presque irrésistible d'aller lui arracher les cheveux sans attendre.

Plusieurs heures après cette discussion et alors qu'elle couchait Moon tandis que Sebastian lisait déjà dans son lit, Gilda repensa à l'AD dont Dumbledore lui avait vaguement parlé. Elle s'inquiétait pour les élèves impliqués, notamment Potter et Granger… Et elle n'était pas la seule.

Discuter avec Minerva McGonagall qui n'ignorait pas non plus ce qui se passait à l'école et qui lui avait confié ses propres craintes l'avait rendue électrique.

Aussi c'est d'humeur à la fois excitée et un peu sombre qu'elle se coucha ce soir-là, et c'est ce qui expliqua sans doutes les nombreux cauchemars qu'elle fit durant la nuit.

En effet, ses rêves furent peuplés de cris et d'éclairs de lumière qui n'étaient pas sans lui rappeler de sombres souvenirs datant de l'époque où le Seigneur des Ténèbres avait pour la première fois failli prendre le pouvoir…

Gilda avait personnellement échappé à une attaque en plein Pré-au-Lard durant l'année 1978, lorsque les Trois Balais avaient été pris pour cible et qu'elle n'avait du de garder la vie qu'à son réflexe de rouler sous une table à l'abri des regards et d'y rester immobile durant un très long moment, priant Merlin pour qu'on ne la remarque pas.

Ces cauchemars étaient donc assez fréquents chez elle, pourtant la nuit qui suivit fut particulièrement difficile et elle ne trouva aucun repos dans le sommeil.