Les jours qui suivirent la discussion avec Minerva McGonagall ne furent pas particulièrement éprouvant, pourtant Gilda avait l'inexplicable impression qu'un étau se refermait sur elle.

Comme promis, Sebastian avait recommencé à toquer à la porte de Severus et, comme promis, le Maître des potions sévissait sans que Gilda ne s'y oppose, sachant qu'ils étaient dans les meilleurs termes possibles après l'incident du quartier moldu de Pré-au-Lard.

Bien qu'ils aient échangé des excuses et que leurs rapports se soient parfaitement apaisés depuis l'altercation, ils demeuraient purement professionnels hormis le cas de Sebastian qui représentait à vrai dire leur seule véritable raison d'échanger.

Aucune autre discussion aussi animée et amicale ne les avait réunis depuis ce soir-là. En soi, c'était presque déprimant pour Gilda qui regrettait que ce moment passé ne se soit pas répété.

Lorsque l'on passait au-delà de son caractère rude, Severus Rogue pouvait se révéler particulièrement intéressant à ses yeux. Pour autant elle ne se sentait pas d'engager elle-même la conversation. Elle devinait non sans amertume que son collègue au caractère taciturne pourrait mal le prendre.

Severus aussi regrettait la distance qui s'était à nouveau installée entre eux, même s'il s'efforçait de ne pas le montrer et ne cherchait pas plus que cela à approcher la jeune femme.

Pourtant, Sebastian représentait entre eux un genre de lien assez privilégié et Severus se réjouissait intérieurement de se retrouver face à sa mère une fois par semaine ainsi.

Le jeune garçon suivait donc la moitié des cours des première années Serdaigle/Gryffondor et, comme Severus l'avait espéré, il présentait d'incontestables disposition pour les potions, ce qui n'était pas pour déplaire à l'enseignant qui s'était volontiers fait son mentor.

Rigoureux, soigneur et dur à la tâche, en cinq ou six séances il avait largement rattrapé les autres et se classait même parmi les plus doués de la classe. Il faut dire que cette promotion de premières années était très faible mais la performance restait tout de même digne d'être saluée. De plus, Sebastian semblait s'ouvrir de plus en plus au monde qui l'entourait et il commençait même à tisser des amitiés avec d'autres enfants.

Aussi lorsque Severus prit le garçon à jeter par jeu une bombabouse sur sa porte, c'est sans hésiter qu'il alla annoncer à Gilda que son fils allait également voir ses lundis soirs occupés par un cours de troisième année. Voilà qui ferait ensuite un cornichon de moins à enseigner dans quelques années...

… Et voilà qui permettrait à Severus de garder un œil sur cet étrange garçonnet qui était devenu, en l'espace de quelques jours, la coqueluche des fillettes de treize ans.

Gilda accepta sans problème, de son côté elle faisait suffisamment confiance à Severus pour autoriser une telle chose, d'autant qu'elle avait senti elle aussi l'intérêt croissant de son fils pour les potions. Le fait qu'il s'agisse d'une matière dans laquelle elle avait toujours obtenu des résultats correct mais sans plus, à son grand désespoir, la ravissait car c'était presque comme une petite revanche sur le destin de voir son fils exceller dans ce domaine. Et tandis que lui se passionnait pour les Potions, Moon de son côté apprenait à découvrir le parc, souvent avec elle mais souvent aussi avec Minerva McGonagall qui s'était volontiers improvisée baby-sitter occasionnelle pour la fillette qu'elle adorait.

Gilda cependant évitait de trop la solliciter car elle ne souhaitait pas abuser, d'autant que Minerva était déjà très impliquée dans l'école. Mais comme Moon appréciait plus que tout d'aller visiter les recoins du parc avec la vieille femme, elle avait déjà accepté quelques fois, ce qui lui avait en plus donné un peu de temps pour travailler.

Mais d'un autre côté et malgré cet apparente sérénité, Gilda avait un certain nombre de soucis en tête. En effet, certains élèves de Serpentard se montraient de plus en plus odieux avec elle et ils étaient suffisamment malin pour le faire en dehors des cours.

Que les sixième année sèchent des séances ne lui faisait pas grand-chose. C'était leur ASPIC pas le sien et avec une ou deux heures de retenues le problème s'était rapidement réglé, mais elle appréciait beaucoup moins en revanche d'avoir la sensation d'être sans cesse épiée.

Ce n'était pas grand-chose lorsqu'elle y repensait une fois l'angoisse passée, mais ces ombres furtives qu'elle sentait s'enfuir sur son passage la troublaient et l'inquiétait. D'autant que cela semblait se répéter de plus en plus.

Un soir qu'elle revenait avec Moon dans ses appartements après être allée discuter avec Minerva, un bruit sec résonna soudain dans le couloir et une gerbe d'étincelles multicolore plongea sur le tapis qui s'enflamma, juste devant ses pieds.

Gilda n'eut que le temps de bondir en arrière avec sa fille qu'elle s'empressa de cacher dans sa robe pour éviter les flammes. Il y eut un bruit de tornade, un violent souffle d'air chaud et une lumière aveuglante qui la fit se recroqueviller un peu plus.

A présent, elle avait franchement peur et la simple idée que Moon se trouve au milieu du champs de bataille avec elle suffisait à la rendre encore plus terrifiée.

Toutefois celui ou ceux qui avaient lancé cela ne semblait pas en vouloir à sa vie. Lorsque les flammes disparurent, un message gravé en lettres de feu dans la pierre était visible:

« Décampe avec tes deux bâtards traîtresse, ou on te fera subir le même sort que ton porc de mari. »

Gilda se redressa et eut juste le temps d'apercevoir quelqu'un qui s'enfuyait dans le couloir, un adolescent de quinze ou seize ans qu'elle ne reconnut pas à cause de la fumée et de la noirceur du couloir, mais qui portait la robe des Serpentard.

Dans ses bras, Moon s'était mise à hurler. Gilda tira sa baguette et comprit immédiatement son impuissance.

Cinq silhouettes encagoulées venaient de sortir de l'ombre en ricanant et elle ne parvenait à en reconnaître aucune. Elles se tournèrent toutes dans un même mouvement et disparurent dans la nuit, laissant la jeune femme morte de peur.

Gilda resta quelques secondes totalement figée, puis elle s'enfuit en courant avec sa fille et grimpa les étages à toute vitesse, Moon pleurait à chaudes larmes dans ses bras. La jeune femme entra dans son appartement, encore secouée par ce qui venait de se produire et fut soulagée de voir que Sebastian s'y trouvait et lisait tranquillement un livre, allongé sur le canapé.

Il leva les yeux vers elle et fronça immédiatement les sourcils:

- Que se passe t-il maman? Demanda t-il, soudain rendu inquiet par leur mine décomposée.

Gilda se sentait tellement désemparée qu'elle mit un long moment à lui répondre, luttant en effet contre les larmes qu'elle sentait monter à ses yeux.

Enfin, après de longues secondes, elle trouva le courage de poser Moon sur le tapis et répondit d'une voix hachée :

- Quelqu'un nous a agressée dans le couloir… Je dois appeler Dumbledore pour lui dire…

Et sans attendre, elle alla s'agenouiller devant la cheminée, encore tremblante de sa mésaventure et saisit dans le pot prévu à cet effet une petite poignée de poudre de cheminette :

- Professeur Dumbledore ! S'efforça t-elle d'articuler à l'adresse de l'âtre, avant de se relever et de reculer.

Elle n'eut pas à attendre beaucoup, Albus Dumbledore apparut après seulement quelques secondes, sortant de l'âtre avec une souplesse surprenante pour ses plus de cent ans.

- Oui Gilda ? Demanda t-il sur un ton inquiet.

Visiblement il avait perçu sans aucune peine les accents désespérés de sa voix. Gilda lui raconta donc avec beaucoup de confusion ce qui venait de se produire et la chose acheva visiblement de le troubler :

- Amenez-moi sur les lieux, ordonna t-il. Immédiatement.

La jeune femme obéit avec réticence une fois que Dumbledore lui eut assuré que Sebastian et Moon ne risquaient rien seuls dans l'appartement, car en effet personne ne pouvait y entrer sans l'autorisation de ceux qui y vivaient.

Ils sortirent dès qu'elle eut donné des consignes strictes aux deux enfants et Gilda conduisit rapidement le directeur, faisant le chemin inverse jusqu'au couloir assez sombre, meublé seulement par un grand vase et un tableau représentant un cygne voguant sur le lac en pleine nuit, éclairé par la lune. Depuis l'attaque, les torches étaient restées éteintes mais les lieux n'étaient pas totalement obscurs pour autant.

En effet, sur le sol, les mots de feu se voyaient toujours même s'ils s'étaient légèrement estompés à présent.

- C'est là, murmura la jeune femme d'une voix un peu sèche en désignant l'inscription laissée sur le sol. Et les silhouettes sont apparues tout autour. Je n'ai vraiment pas pu savoir qui c'était mais, à l'uniforme, je dirais qu'il s'agissait sûrement de Serpentards.

- Bien, répondit Dumbledore qui observait les alentours. Malheureusement je ne vois rien de plus ici qui pourrait nous renseigner sur leur identité à moins que...

Le vieil homme s'interrompit en voyant sa jeune collègue ôter son écharpe et se baisser pour ramasser quelque-chose par terre, derrière le grand vase. Lorsqu'elle se releva, elle tenait enroulé dans le tissus et le plus loin d'elle possible, un lourd collier de perles noires irisées d'argent.

- Et ça? Demanda t-elle aussi étonnée que dégoûtée. Je doute que ce soit arrivé ici par hasard, et à mon avis il serait très sage de ne surtout pas le laisser ici.

Retrouver un tel objet de magie noire lui avait paradoxalement rendu ses forces :

- En effet, répondit le directeur. Voilà un artefact pour le moins dangereux.

Gilda tenait en effet le collier comme s'il risquait de l'attaquer, et elle ressentait un grand dégoût.

- Des perles de cendre... Murmura encore Dumbledore. C'est mauvais signe quant-aux intentions de nos agresseurs. Et il y en a assez pour tuer la personne qui enfilera ce collier. Il se pourrait même que cet objet vous ai été jeté dans l'intention de vous blesser ou pire, même si cela n'explique pas ce qu'il ferait derrière ce vase.

- On ne l'aurait tout simplement pas ramassé en fuyant, répondit Gilda. L'opération devait être trop délicate pour qui voulait être rapide et rester incognito.

Les perles de cendre étaient en effet des objets magiques hautement dangereux. Ou plutôt, elles étaient produites par des créatures maléfiques proches des êtres de l'eau : les ondins.

Comme elles étaient capables de rendre aveugle ou très malade quiconque les touchait, elles étaient en conséquence interdites à la vente. Toutefois pour une belle somme, on pouvait parfaitement en acquérir au marché noir. Il fallait juste avoir les moyens de se les payer car elles étaient très chères.

Gilda savait que la plupart provenaient de trafics entre des renégats de ce peuple et des sorciers tout aussi peu respectables.

- Je pense que notre champs de suspects vient d'être considérablement réduit.

Elle acquiesça à l'hypothèse de Dumbledore, parfaitement convaincue elle aussi. Elle savait qu'un tel objet ne pouvait provenir que d'un milieu très aisé et même richissime, ce qui réduisait considérablement le nombre de ses agresseurs potentiels. Même une famille comme la sienne aurait eu du mal à se payer un tel objet alors elle ne voyait plus que quelques membres des milieux sang-purs comme coupables potentiels.

Toutefois une question demeurait: pourquoi avait-on mis ce collier ici précisément? Avait-on voulu qu'elle le trouve et le touche à mains nues? Alors qu'elle était issue de la famille sorcière anglaise la plus connue pour ses délits de magie noire après les Black?

Si c'était pour la piéger, voilà qui était très stupide. Quant-à lui jeter dessus pour provoquer son évanouissement, c'était possible mais cela représentait un stratagème bien léger pour utiliser un objet aussi cher. D'ailleurs il semblait bien que cela avait échoué.

Mais peut-être ce collier avait-il été destiné à être touché par quelqu'un d'autre… Elle inconsciente, Moon aurait parfaitement pu commettre l'imprudence de toucher le collier si elle l'avait vu.

Cela voulait-il dire que les coupables visaient spécifiquement ses deux enfants ?

Gilda frissonna à cette idée et ne s'en sentait que plus mal. Elle en avait à présent la conviction profonde : il fallait qu'elle apprenne d'urgence à se défendre à l'aide de la magie, jouer des poings ne suffirait pas indéfiniment car elle faisait face à des forces bien supérieures à elle en capacités.

Mais où trouver l'aide pour cela puisqu'elle avait toujours brillé par son incompétence en la matière ?

Ses pensées la portèrent d'abord en direction de Severus Rogue mais elle le immédiatement chassa de son esprit.

Le Maître des Potions n'avait clairement pas que cela à faire et elle se sentait ridicule rien qu'à l'idée de lui demander.

Le cœur soudain encore plus lourd, elle prit lentement le chemin du retour avec Dumbledore, après que celui-ci ait fait disparaître l'inscription.

Une autre idée naquit dans sa tête alors qu'elle rentrait chez elle juste après avoir remercié et souhaité bonsoir au directeur, et elle se maudit. La solitude lui faisait sans aucun doute perdre totalement la tête.

Sebastian et Moon étaient soulagés de la voir et elle s'efforça de les rassurer autant qu'elle le pouvait. Elle sortit même un de leurs jeux de société pour leur changer les idées avant d'aller dormir et ils passèrent presque une demi-heure à rire en faisant bouger les pions.

Pourtant, le sentiment de devenir folle mêlé à l'envie presque irrésistible de mettre son idée à exécution ne la quitta pas de toute la soirée.

Vraiment, elle avait un sérieux problème si elle était prête à en venir à de telles extrémités, vu le danger pour elle… Mais après tout, ce groupe la fascinait depuis qu'elle en avait entendu parler.